Ce n’est pas un minable, non. Mais ce n’est pas non plus un dieu des rédactions de la presse magazine : il est plutôt envieux des succès de toutes natures (…) qui peuvent accompagner les reporters, les vrais de vrai. Dont il est assez loin de faire partie.
Aussi, quand son amie s’éloigne de lui dans ce petit coin de Thaïlande où il leur avait prévu de magnifiques vacances, il n’a finalement pas les moyens de faire autrement que d’abdiquer et de la laisser partir.
Mais il y a un petit quelque chose en lui qui va le titiller au point de le jeter dans la gueule du … tigre … et d’aller tenter un reportage impossible en Birmanie si proche. Pour arriver à en mettre plein la vue à celui qu’il exècre en l’enviant.
La junte militaire. Un pays complètement fermé. « The Lady » de fait emprisonnée. La drogue et ses ramifications aux franges visibles du pouvoir et des ses corruptions. Et puis des ONG avec leurs lots d’expatriés à la recherche d’une nouvelle patrie dans un pays qui les a émus et dont ils ont appris à apprendre et à aimer le peuple brimé. Peuple qu’ils ont adopté en s’incrustant. En prenant, pour lui, fait et cause, pas trop ostensiblement tout de même du fait de l’ambiance générale.
Une directrice d’implantation locale d’ONG, médecin, lui fait découvrir le pays et oublier définitivement son amie laissée en Thaïlande.
Et courir le pays jusqu’à en percevoir les mystères et la beauté en tentant de la retrouver une fois qu’elle l’aura eu abandonné…..
Le livre de Christophe ONO-dit-BIOT est sorti presque de manière prémonitoire : avant quelques manifestations bien vite et bien rudement réprimées par la junte militaire birmane.
Et quand j’ai eu fini de lire son livre, je m’étais étonné de ne pas l’avoir entendu clamer plus fort (ailleurs que dans une émission estivale de France Inter où j’avais eu vent de son bouquin) son vécu de ce pays oublié, traumatisé, oserai-je dire persécuté (je sais, comme tant d’autres, direz-vous, mais celui là aussi malgré tout).
La Birmanie, le Myanmar comme elle a été rebaptisée maintenant, moi, j’avais même de la peine à de positionner de manière correcte sur une carte muette. Après, je suis allé y voir de plus près pour essayer d’en savoir plus (et malheureusement les journaux m’en ont dit plus que je n’en attendais peu de temps après).
Car son livre, à mi chemin entre roman et reportage, m’a totalement pris aux tripes : son éclairage y donne à voir tout autre chose qu’une petite historiette d’amour à la noix, et c’est vrai qu’il me les casse un peu avec cela alors que la toile de fond est tellement plus merveilleuse et préoccupante. Mais, bon, cela fait partie du paysage de son roman. Et cela ne gâche finalement rien.
J’ai horreur des dictatures de quelques couleurs et intensités qu’elles soient. Et même si je ne suis pas encore prêt à admettre les excès de tous bords (alors que je suis à deux doigts de comprendre ce qui les justifient aux yeux de ceux qui donnent chair à ces excès), je crois qu’il y a lieu de conserver intact le désir farouche de respecter toutes les survivances de cultures. Sans restrictions. Fermement. Avec opiniâtreté et tolérance.
J’ai vu, dans ce livre, l’Homme aux abois. Il m’a esquissé un monde à venir déplaisant de violence gratuite, de négation de l’autre, de bassesses et de soumissions, d’asservissements par la drogue, l’argent et l’abus de pouvoir aveugle.
Elle m’emmerde cette perspective qui me dit que demain il pourrait même ne plus y avoir de forêt assez profonde pour y retrouver en son sein un peu de sérénité.
Heureusement, il reste encore un peu d’espoir puisque les militaires ont finalement raté ce « fucking tiger ». Mais on a intérêt à rester vigilants. Pour nous et pour les autres.