auteure belge, récompensée plusieurs fois pour ses romans policiers, certains même adaptés à la télévision va peut-être, cette fois encore, remporter l’adhésion du public et de la critique.
Original, dans sa structure comme dans sa progression, ce roman surprend, dérange mais retient jusqu’à son terme, se dévore d’une traite ou presque, captive, angoisse et amuse tout à la fois. Divertissant assurément, il laisse tout de même le lecteur dans un état particulier d’anxiété, perturbé et éprouvé par une histoire à laquelle il n’avait pas été préparé et finalement beaucoup plus proche de la réalité ordinaire et du quotidien.
"La peur a pénétré ses pensées, ses émotions et son corps".
Les ressemblances avec les personnages, même fortuites, laissent au lecteur un sentiment de peur, l’indisposent après coup. Aussi, prenez garde, ce livre peut avoir un effet prolongé mais ténu (heureusement !) de désagrément. Il n’est pas toujours aisé de savoir comment réagir face à un moment de panique. Cette histoire le prouve.
En début d’après-midi, un jour de semaine, quelques clients font leurs courses dans la petite supérette d’un quartier parisien. Il n’y a qu’un jeune caissier, Guillaume, et six personnes dans le magasin au moment où surgit un junkie armé et cagoulé, en proie au manque, prêt à tout pour obtenir de quoi financer sa dose d’héroïne. Brusquement, Léa, venue acheter des couches, se retrouve otage, alors qu’elle vient de laisser son fils de trois ans seul à la maison. La panique, l’effroi et la culpabilité l’envahissent avec violence et percutent également Thomas, retenu dans l’épicerie en compagnie d’une jeune collègue de travail avec laquelle il vient de tromper sa femme. Une vieille femme, Germaine, en fauteuil roulant, robuste et cynique semble moins céder à la panique que l’aide familiale qui l’accompagne. Enfin, une femme seule, Aline, qui se dit médecin, espère secrètement que son fils Théo, ado de quinze ans et resté dans la voiture, va réagir rapidement et leur apporter de l’aide, prévenir la police. Mais rien ne se passe comme prévu et le braquage sombre dans l’horreur. Inattendue mais non moins terrible.
Habile dans ses descriptions, précise dans le sens du détail, Barbara Abel construit ses personnages en profondeur, leur offre une envergure convaincante capable de fortifier l’intrigue et de lui donner belle allure, au fil de sa progression. Tour à tour, chapitre après chapitre, elle donne à chacun le premier rôle, apporte ainsi plusieurs points de vue face au drame, dessine des modes opératoires différents, permet au lecteur de pénétrer intimement dans les pensées, dans le passé des personnages et garantit ainsi une lecture rythmée, toute en rebondissements et tension, jamais ennuyeuse.
Un huis-clos presque théâtral d’ailleurs qui, même lorsqu’il éclate et change de décor en deuxième partie de roman, conserve une intensité dramatique très vivante. Si l’histoire appartient bien au genre du thriller, fait frémir ou suffoquer, Barbara Abel va plus loin et explore les personnalités humaines souvent complexes, toutes marquées par un vif sentiment de culpabilité initié dès l’enfance, dévoile des existences fragiles et traumatisées, éclaire avec intérêt et réalisme, les agissements des uns et des autres, atténue subtilement la frontière qui sépare le bourreau de la victime, sème le trouble chez le lecteur.
La menace n’est pas toujours là où on l’attend et peu rassuré alors, le lecteur ne sait plus très bien quel personnage pourra lui apporter un réconfort et de l’apaisement. Heureusement, ça et là, l’humour jaillit au détour d’une phrase ou d’un acte, relâche la tension, minimise ce sentiment de vulnérabilité.
Haletant dans son ensemble, le livre souffre parfois d’effets un peu appuyés, manque de conviction notamment lorsqu’il s’agit de décrire la prise en charge de l’affaire par la police mais ces réserves ne lui ôtent pas son intérêt. Ni le succès à venir.
A retrouver très prochainement sur Actualitté, l'interview de Barbara Abel.