Vous n’étiez pas encore nés en 1968 ? Ou vous avez peut-être oublié ce qu’était la vie de chacun en mai 68 ? Hervé Hamon vous propose de suivre les heurs et malheurs d’une famille aux prises avec le quotidien de l’Histoire comme de l’histoire avec un tout petit « h », comme la mienne, comme la vôtre (ou peut-être pas d’ailleurs…).
Le fil rouge choisi, et la couleur correspond parfaitement aux tendances de l’époque, c’est la mère, personnage carrefour, repère pour tous mais qui va profondément changer de statut au cours de la traversée d’une époque pas comme les autres.
Au début du roman, Mélina Duvergnon (la mère) se retrouve dans une séance de libre échange, entourée d’autres anciens, comme elle. Temps présent certainement, ou proche tout du moins de 2008. Mais ce qu’elle rapporte, c’est 1968. Son existence juste avant les événements de mai.
Dans la famille Duvergnon, je demande la mère : Mélina
Femme d’un cheminot qui, de simple ouvrier, est devenu cadre, habitant un petit pavillon en banlieue parisienne, elle est la mère de trois enfants à qui tout semble sourire. La pièce de la maison qui lui est réservée ? La cuisine. Mais attention…plus pour longtemps car la grande révolution des mœurs s’est mise en marche.
Un point de vue de l’intérieur nous est donné, c’est celui de cette mère. Tout au long du récit, on retrouvera des passages en italique : ce sont des bribes de ses monologues intérieurs qui nous permettront de suivre ses changements. Quand ce n’est pas le cas, un narrateur omniscient prend en charge le suivi de chacun des personnages, tour à tour, comme un feuilleton télé à héros multiples. Trois pages sur l’un, trois pages sur l’autre jusqu’aux retrouvailles.
Trois enfants dans la tempête :
Bernard et Mélina ont trois beaux enfants dont le parcours illustre le travail de fond de parents qui voient en l’école le meilleur ascenseur social qui soit. Serge, l’aîné, prépare le concours de l’internat de médecine. C’est certainement celui qui sera le moins touché par les événements de 68, même si le rapport aux autres, et aux patients en particulier, s’en trouvera changé.
Le deuxième, Antoine, s’en tire aussi bien puisqu’il prépare le concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure. Mais il se situe dans un domaine intellectuel qui sera fortement chamboulé par les manifestations. Il est au cœur des événements et son action, tout au long du roman, sera la plus intense. Nadine, la petite dernière, encore au lycée, ne sera pas non plus en reste. Symbole d’une féminité qui s’assume, elle désarçonnera son père et peut-être encore davantage sa mère.
Petite réunion de famille :
Tout commence par une classique réunion de famille. Censée être festive, cette rencontre met aux prises les trois frères Duvergnon (avec femmes et enfants), dignes héritiers d’une lignée d’Auvergnats venus s’installer en région parisienne. L’aîné, Gérard, a repris le bistrot familial. Bernard, le cadet et mari de Mélina, a embrassé la carrière de cheminot tandis que le benjamin, à la surprise générale, s’est fait prêtre…
Avant que ne se déroule la réunion de famille, toute la smala se retrouve à l’église pour assister à la messe dite par le petit dernier. Mais, comble de surprise, Pierrot décide de rendre parfaitement publique la relation qu’il entretient depuis déjà longtemps avec une certaine Marie-Jo à la fin de la messe, ce qui ne manque pas de déclencher un tôlé général…premier d’une longue liste…
Vivre Mai 68 aux côtés de la famille de M. Tout le monde :
Comme le revendique Hervé Hamon, dans la présentation qu’il fait de son ouvrage, on se retrouve ici bien loin de l’essai, plongé dans le roman. Mais un roman qui ouvre une page de l’Histoire de notre pays. L’auteur propose un détour par la petite histoire pour mieux saisir la grande. La lecture de l’ouvrage en est d’autant plus aisée et divertissante.
Hervé Hamon a notamment publié Génération (un ouvrage qui porte aussi sur les années 60 et l’engagement politique), en collaboration avec Patrick Rotman. Né en 1946, l’écrivain s’est souvent retourné vers cette époque. L’idée du roman feuilleton permet de redonner des couleurs à une époque que l’on revoit souvent en noir et blanc.
Donner la parole à Mélina, la mère, c’est permettre au lecteur de rétablir le contact avec une époque, des personnes. Pari réussi dirais-je…même si, personnellement, je n’ai pas vécu Mai 68. J’ai lu le livre comme on regarderait le Péril jeune. J’en appelle maintenant au jugement des Anciens…