Dessin : Pixel vengeur. Scénario : Fabcaro. Opération ? Ramener à la vie le personnage de Gotlib, chien cynique (c’est l’origine...*) et flegmatique. Pari audacieux, pour les Nouvelles aventures de Gai-Luron.
Gai-Luron, il s’en tamponne le coquillard à en fêler des brise-glace : quand il « sent que tout lui échappe », il sait agir. Ou pas. Pas du tout même. Mais il a le bras long.
Chien rêveur et poète, Gai-Luron, toujours secondé de Jujube et toujours amoureux de Belle-Lurette, s’élance dans une série de gags accessibles à tous et ancrés dans le monde moderne, faisant exploser les cases et les formats traditionnels.
Après une réédition dans les règles de l’art menée entre juin et septembre 2016, Fluide glacial passe le relais, et Gotlib avec l’éditeur, à une nouvelle génération.
Créé en 1964 dans le magazine Vaillant, époque encore bénie pour la BD, le personnage tragi-comique fera ses bonnes œuvres jusqu’en 1982. Certes, en 86, Gotlib proposera une sorte d’adieu, mais depuis, à quelques rééditions près, notamment chez La Vache qui m’édite, maison belge, Gai-Luron comptait fleurette à sa douce, loin des projecteurs et de phylactères...
Les deux zigues ont-ils bien fait de ressusciter la créature la plus incompétente en matière de relation amoureuse ? L’handicapé émotionnel qui laisse à croire qu’en réalité, chacun serait capable de déclarer sa flamme avec plus de vigueur – voire d’efficacité ?
La question ne se pose pas. Gai-Luron outragé (pas tant...), Gai-Luron brisé (il a jamais été trop vaillant), Gai-Luron martyrisé (on attend la béatification), mais Gai-Luron libéré ! Oui, libéré, parce que le silence des rééditions devenait pesant. Et qu’à relire ses gags anciens, on se demandait si, vraiment, tout cela allait finir.
Bien, en fait, plutôt bien. Plutôt très bien. Et quand Pixel vengeur appelle Fabcaro, on comprend que les deux bonshommes ont mesuré la dose d’autodérision nécessaire. Défi relevé, et pari réussi...
Gai-Luron revient, Gai-Luron est toujours aussi con, exaspérant, modernisé sans trahison. On l’aime bien, tel qu’il a été repris. C’est sans douleur, cette transition – pas forcément pour les deux types, d’ailleurs – et ce vent qui souffle... Ah, Gai-Luron, sérieusement, les claques qu’on te balancerait. Chance : le titre est d'ailleurs déjà en librairie.
* oui, cynique et chien sont un seul et même mot, mais en deux langues différentes. Le premier découle du grec ancien, kunos, et l’autre du latin, canem.