Expressio propose de faire découvrir sur ActuaLitté une expression de la langue française, pour explorer les petites perles de notre langage, et en comprendre les évolutions. Aujourd'hui, voyons comment Lâcher la proie pour l'ombre....
Signification
Abandonner quelque chose de palpable, de réel pour quelque chose d'hypothétique, une espérance
vaine
Origine
Voilà un proverbe (« Il ne faut pas lâcher la proie pour l'ombre ») qui nous vient de loin, puisque c'est Ésope qui en a formulé le principe dans « le chien qui porte de la viande », idée reprise ensuite par Phèdre et, bien entendu, par notre fabuliste Jean de la Fontaine dans une courte fable « le chien qui lâche sa proie pour l'ombre » dont la deuxième et dernière strophe est la suivante :
« Ce chien [celui dont parle Ésope], voyant sa proie en l'eau représentée,
La quitta pour l'image, et pensa se noyer.
La rivière devint tout d'un coup agitée;
A toute peine il regagna les bords,
Et n'eut ni l'ombre ni le corps. »
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Le pauvre chien, croyant faire un festin de l'image du reflet de sa proie, se retrouve finalement sans la proie ni, bien entendu, le reflet. Il en est ainsi de tous ceux qui, ne se contentant pas de ce qu'ils ont en main, l'abandonnent pour convoiter sans succès ce qu'ils croient être mieux.
Jean Chapelain, poète du XVIIe siècle, écrira également : « Jamais personne qui fut sage n'a abandonné le corps, bien que petit, pour suivre son ombre, bien que grande».
Cette expression n'est jamais qu'une autre formulation du fameux et très proche « un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ».
Exemple
« En tout état de cause, même si un jour on sera dans l'après-pétrole, il reste que c'est un moyen énergétique d'actualité et qu'en plus, on vient de découvrir plusieurs dizaines de gisements nouveaux dans le golfe du Mexique, en Sierra Leone et en Amérique du Sud. Dans l'immédiat, il ne faut pas lâcher la proie pour l'ombre, même s'il faut travailler au moteur de l'avenir. J'ai dans mon programme une proposition de réaliser et produire dans le Nord-Pas-de-Calais, en s'appuyant sur les chercheurs des universités et l'industrie automobile, le moteur à hydrogène. »
Le Monde - Interview d'Alain Bocquet, le 2 mars 2010