Le Totem du loup, publié en mai 2004, a longtemps connu un succès non démenti en quatre ans, et son auteur, auparavant caché derrière un pseudo, Jiang Rong, s'est décidé à sortir de sa tanière. Lu Jiamin, prof d'économie retraité de 62 ans, et amateur de Kack London, a raconté l'existence des descendants de Gengis Khan, et leur vénération pour les loups, qu'ils affrontent et ont élevés au statut de divinités.
Durant onze années, il parcourra la Mongolie intérieure, mais « contrairement à Jack London, j'ai vécu avec les loups », avoue-t-il. Avec 20 millions de ventes en Chine, dont 17,6 millions de copies pirates estimées, les droits ont été vendus à 26 pays et Peter Jackson les aurait acquis pour une adaptation au cinéma. Des pays qu'il n'est pas prêt de visiter : « Je ne peux pas sortir à l'étranger, je ne peux pas apparaître, c'est une question compliquée. » Depuis 1989, Lu n'a en effet plus de passeport.
«
Je ne peux pas sortir à l'étranger, je ne peux pas apparaître,
c'est une question compliquée. »
Lu Jiamin
Pour Lu Jiamin, « on peut le résumer en cinq points : liberté, indépendance, compétition, ténacité, esprit de groupe ». Une liberté qu'on lui retira en 1989, pour des positions démocrates trop prononcées. « J'ai passé un an et demi en prison, on m'a accusé d'être un contre-révolutionnaire actif, un crime très grave, donc en sortant de prison je ne pouvais pas trouver de travail ». De là le pseudonyme obligatoire. Puis le livre...
Pas de censure au pays de la censure
Étrangement, « sur l'internet, la gauche s'est demandé pourquoi le Parti communiste ne le censurait pas, car il était capitaliste, avait un objectif inavouable. [...] Mais il n'a pas été interdit. Pourquoi ? L'une des raisons, c'est que dans la Chine actuelle il existe une certaine liberté, le Parti vante l'économie de marché, les droits de l'Homme, mais il continue à contrôler un peu, il relâche la pression peu à peu, il ne peut pas le faire d'un seul coup ».
Livre aux multiples interprétations
Accusé de fascisme, prônant la force ou les dirigeants d'entreprises, ce livre traite avant tout des modifications qui survinrent en Chine au cours de ces 30 dernières années. « Je souligne les côtés positifs du loup : l'esprit de corps, l'attachement à la liberté et la force. Ce sont ces traits qui imposeront la démocratie en Chine. C'est parce que nous sommes des moutons que la dictature se maintient. » Et le succès lui rapporte aujourd'hui notoriété et royalties - notamment avec l'achat des droits par Penguin, pour environ 68.000€.
Prix Man de littérature asiatique en 2007, le « meilleur best-seller depuis la mort de Mao » pourrait bien mordre au postérieur un petit sorcier anglais, et accaparer sa place de meilleure vente au monde... Vous pouvez également lire l'interview de l'auteur sur le site officiel du Totem du loup.