Mon cher Hervé, j’ai relu trois pièces de Jean Racine (1639-1699): Britannicus (1669), Bérénice (1670) et Phèdre (1677). Chaque pièce ne dure qu’une cinquantaine de pages : c’est bref. Les personnages sont des rois, des reines, des princes, des princesses, et il s’agit à chaque fois de mettre en scène le pouvoir et l’amour. Voilà deux thèmes toujours d’actualité, toujours passionnants, et il en allait, il y a 350 ans, comme il en va aujourd’hui : le maître veut forcer l’amour. Dans les pièces de Racine, la situation des personnages est présentée à la fois avec brutalité et avec élégance. Celui qui a le pouvoir met à sa proie le marché en main : ou tu cèdes, ou tu le paieras cher. Il y a toujours des dialogues avant le recours à la violence : on parle aux autres et à soi-même avant de passer à l’acte. Ces dialogues constituent le texte de la tragédie. Racine résumait ainsi son esthétique théâtrale : « une action simple, soutenue de la violence des passions, de la beauté des sentiments et de l’élégance de l’expression ». Cette esthétique fonctionne encore parfaitement.