Japon en passant par la Corée du Sud, l'actualité liée à la popularité mondiale du Journal Anne Frank surprend toujours. Et d'autant plus quand elle est utilisée à des fins pacifiques entre deux pays que rien ne semble parfois pouvoir plus réconcilier. C'est tout du moins le projet du réalisateur croate Jakov Sedlar, qui a passé une semaine à Gaza afin de tourner un film portant sur des Palestiniennes passant des auditions afin de jouer le rôle d'Anne Frank au cinéma.
Intitulé What Does Anne Frank Mean Today ? le film suit l'histoire de huit Palestiniennes passant une audition au milieu des bombardements dans le but de jouer le rôle d'Anne Frank. À la fois « drame et documentaire », le film sera tourné en arabe et sous-titré en anglais, et cherche à sensibiliser les Palestiniens sur le sort des juifs durant la Seconde Guerre mondiale. « Ce qui signifie faire connaître l'histoire [d'Anne Frank] au monde arabe, dans lequel beaucoup pensent encore que l'Holocauste n'a jamais eu lieu », rapporte Deadline. En effet, le réalisateur croate Jakov Sedlar dit avoir été surpris de découvrir combien pouvait être ignoré le génocide.
« Notre ingénieur du son m'a demandé : “est-ce vrai que 6 millions de juifs sont morts pendant l'Holocauste ?” Il m'a dit que dans son école, l'Holocauste était enseigné, mais que personne ne croyait au nombre. » Et d'insister : « La plupart des personnes que j'ai rencontrées à Gaza et Ramallah voient les juifs comme des ennemis, rien de plus. Seul un petit pourcentage était prêt à écouter les faits. Après leur en avoir expliqué quelques éléments, leur commentaire le plus récurrent était ”Peut-être que ce n'est que de la propagande.” »
"A Gaza, nous avons aussi des enfants qui ont souffert comme Anne Frank"
Or, le journal de la jeune fille morte en 1945 aux environs de Bergen-Belsen semblerait faire la différence dans les esprits. « Quand je leur demandais s'ils pensaient que le Journal d'Anne Franck était aussi de la propagande, ils répondaient ”Non. Cela semble vrai. Nous voulons bien croire que quelque chose de la sorte est arrivé. Ici à Gaza, nous avons aussi des enfants qui ont souffert comme Anne Frank.” »
C'est pourquoi le réalisateur tient à contrebalancer l'idée que « les juifs constituent le pire peuple du monde », ainsi qu'il dit avoir entendu être enseigné dans les écoles palestiniennes. « Je pense que notre film n'est pas seulement un film, mais aussi une mission éducative. » Le réalisateur entend ains jouer sur la popularité mondiale du livre : « Seule une poignée de Palestiniens n'avaient jamais entendu parler du Journal d'Anne Franck », ajoutant que sur toute l'équipe palestinienne de tournage, seulement la productrice exécutive ne connaissait pas l'ouvrage.
« Selon elle, ”notre film pourra aider à apporter plus de compréhension entre les deux pays” », rapporte le réalisateur, qui une fois le tournage à Gaza terminé, est rentré à Zagreb continuer le film. Ce dernier n'en est pas à son premier film sur le rapport entre la Shoah et le conflit israélo-palestinien. En 2004 il avait déjà réalisé Jerusalemski sindrom. Un film sur « Un acteur croate, dont le grand-père est mort à Auschwitz et dont la fiancée est décédée dans un attentat en Israël, [qui] s'interroge sur la place de l'art dans un monde à feu et à sang », explique Allociné.