« Ce qui m'a immédiatement plu, c'est cette mise en scène, cette parodie de justice, et surtout l'idée d'avoir à défendre un livre », nous explique Me Antonin Lévy, avocat aux Barreaux de Paris. Sic. Si l'on a déjà vu des pantomimes de justice par le passé, des procès pour de faux ou de faux procès, il faut assister une fois dans sa vie aux débats et aux plaidoiries qui entourent le prix SNCF du polar.
Dans une salle de théâtre, reconvertie en salle d'audience, Le procureur Éric Naulleau et le président Karl Zéro vont tour à tour écouter les défenses de véritables avocats, venus pour convaincre un jury, pourri d'office, de voter pour deux des six livres, établis dans deux catégories : français ou européen.
Les vainqueurs nous vous les avions révélés hier soir, peu après la fin de cette farce. Mais voilà bien un prix dont on se moquerait presque de savoir qui va l'emporter, tant le but est surtout de faire rire, d'amuser, de divertir, le tout en parlant littérature.
On s'en moquerait ? Non, pas réellement. Selon la SNCF, dont le président Guillaume Pépy était présent, les ventes des ouvrages prennent entre 35 et 40 % d'augmentation suite à la remise. Et les auteurs bénéficient d'une année entière de gratuité de train, pour... profiter des voyages qui forment l'esprit et la jeunesse.
Bref : six auteurs, six véritables avocats, et malgré l'ambiance, pas de guacamole, six véritables plaidoyers qui défendront avec ardeur les livres dont il faut faire entendre la cause, tout cela sous les railleries potaches d'un Karl bien Zéro épaulé par un Éric qui vérifie le dicton : Karl + Zéro, se paye la tête à Naulleau.
Les vannes fusent, entrecoupées de fausses pubs, d'interventions, enivrantes de facilité et de sous-entendus graveleux, mais le tout dans une ambiance bonne enfant. Quand Charlotte Plantin défend Tonton Clarinette, et explique avec force que « ces six cent six pages de pur suspens » vont nous emporter, on y croit, surtout vu les difficultés qu'elle a eues à prononcer la phrase...
Sarcasmes & Co
Les sarcasmes qui s'égrènent tout au long de ces défenses sont bêtes et méchants, et pourtant la salle rit. Elle en oublierait presque que c'est de livres qu'il s'agit, et malgré des tentatives humoristiques parfois grinçantes, on est plongé dans une atmosphère détendue et rigolarde. Alors certes, n'est pas Stéphane Guillon qui veut pour manier le cynisme et la répartie acerbe ; chacun y met pourtant du sien et jamais de mémoire d'auteur on n'aura vu un éditeur défendre avec autant d'acharnement un livre.
Les auteurs, placés d'ailleurs derrière leurs avocats n'interviennent pas assez. Dans cette représentation, même les jurés restent trop statiques, c'est ce que le spectateur attentif relèvera, entre deux attaques ad hominem lancées par les avocats contre Karl Zéro et Éric Naulleau, qui le leur rendront bien. Surtout quand ce dernier reproche que la plaidoirie a excédé le temps... de lecture du roman.
Un prix rock'n roll, sérieusement rendu, et qui ne se prend pas au sérieux. Voilà probablement l'une des nouvelles manières de vous faire aimer le livre, selon la SNCF...