Christian Panis, Hélène Ourtiès

Dans un sordide bunker délabré de Vladivostok, est en train de se faire méthodiquement abîmer le portrait par un chinois au drôle de surnom, Zuo Luo, potentiellement traduisible par Zorro, qui tient absolument à ce qu'il soit Thomas Krawczyk à qui il semble vouer de peu amènes sentiments.

Heureusement, l'arrivée de Wanglin, le comparse de Zuo Luo, contribue à éclaircir la situation et faire éclater la méprise. Ainsi, pour amener Thomas à pardonner la grosse bosse que Zuo Luo lui a faite quand il l'a assommé, Walglin les conduit dans un bar où ils commencent à échanger explications et justifications autour de tournées de bière puis de vodka.

De drôles d'histoires pour Thomas qui aurait dû se trouver, non pas à Vladivostok mais avec Marie, à Moscou. C'est un enchaînement d'impossibles évènements qui l'a envoyé à l'autre bout de la Russie, en train depuis Belogorsk où il avait rencontré un éditeur à qui il proposait des droits sur les livres de la maison d'édition qui l'emploie en France.

Wanglin et Zuo Luo, eux, ont toutes les bonnes raisons du monde pour avoir traversé la frontière entre Chine et Russie : leur quête du mafieux, dealer, voleur d'enfants et hautement détestable Krawczyk les ayant conduits en ces lieux.

Eux et tant d'autres individus dont ils n'ont même pas conscience de l'existence.

Ce livre est une déclinaison extrêmement efficace de l'« effet papillon » bien connu : comment un événement anodin peut il entraîner une cascade d'autres évènements qui vont, eux mêmes, déclencher un fait sans aucun lien avec le premier mais dont il est finalement évident qu'il est inéluctable.

Christian GARCIN réussit là une superbe mise en scène qui, comme les matriochkas, emboîte ses morceaux les uns dans les autres pour en sortir une sorte de polar cohérent, multiculturel, international, mafieux, historique, marginal, géopolitique, romantique, parapsychologique et alcoolique ! A mon goût très réussi.

Des bords du Baïkal à la vie souterraine de New York, du fleuve Amour à la forteresse de Vladivostok, de l'antagonisme russo-chinois à l'invasion économique de la Russie par l'argent chinois, c'est une grande fresque qui se déroule autour de Thomas, Marie, Zuo Luo et Wanglin et dont ils sont les pions.

Agités, actifs et déterminés mais pions quand même dans une histoire dont ils ne possèdent pas la hauteur suffisante pour en voir toute les ramifications. Pour en imaginer toute l'étendue de la toile.

Pour décrypter, comme Christian GARCIN le fait pour nous, tous les mystères de cet effet papillon.

Paris, quelle ville pleine de légendes et de mystères! Paris, qui a inspiré tant de poètes et d'écrivains! Paris, qu'on ne peut résumer ni condenser!

Dans , chaque double page présente des petits morceaux de la capitale : collages, dessins et calligrammes composent un fond que vient décorer une citation pleine de poésie. À lire dans tous les sens, Paris propose un parcours original et atypique à travers des lieux connus et méconnus de la belle ville.

Orith Kolodny a joué avec les formes et les couleurs pour rappeler la richesse et l'histoire de la ville. En fin d'ouvrage, deux doubles pages viennent compléter l'album: l'une présente les auteurs dont sont issues les citations et l'autre évoque les lieux rencontrés au fil des pages. Voici un album à lire, relire, feuilleter... Voici un album pour voir Paris autrement.

Roberta«Bobby» est en panique! Rien n'aurait pu la préparer à ce qui allait suivre lors de sa classe de neige en Ecosse. Les légendes parlaient de fantômes, de hurleuses mais pas de terribles morts vivants! Tapie en sécurité dans le bus scolaire en compagnie de Smitty, un séduisant mais insupportable rebelle, Bobby assiste horrifiée à la transformation du chauffeur du bus, un des derniers adultes en place. Donnant par la suite asile à Pete, le Geek albinos et à Alice, la blonde peste, le duo apprend le trépas de tous leurs camarades et de l'ensemble des clients de la station service à laquelle ils se sont arrêtés. Quelle bonne idée! Le temps de découvrir la nature de cette mortelle épidémie, le groupe devra fuir pour trouver une cachette sûre et affronter le froid mordant afin de ne pas subir une morsure plus expéditive. Mais prudence, le danger est peut-être dans l'air. Oui, vraiment, c'est la panique! Le roman de est une aventure pour adolescents plutôt sympathique. Evitant les écueils de l'humour facile et potache, est un moment de festif frisson qui fera glousser les jeunes amateurs d'horreur. Surfant sur une veine nouvellement ouverte par la bande-dessinée, le cinéma et les séries télévisée du moment, Zombie Panic permet à tous les jeunes lecteurs de se faire plaisir sans promesse de nuits blanches. Les personnages sont des archétypes dans lesquels les lecteurs se retrouveront facilement, Kristy Mc Kay n'oublie aucun petits travers ados: bouderies, critiques et chamailleries garanties. Les différents décors imposant le huis-clos sont bien vus, certains comme le château offrant un terrain de jeu idéal pour se faire peur. A lire sous la couverture avant de se coucher, une lampe de poche dans une main et l'autre sur la bouche qui ne demande qu'à exploser de rire.

Loin de l'agitation et de l'effervescence des grandes villes, perdu dans une petite commune d'Auvergne, se dévoile un homme vieillissant, Joseph, ouvrier agricole. raconte son quotidien, son ordinaire sans fantaisie, le dépeint avec une précision et une minutie brutes, un sens de l'observation aigu et une absence de digressions.

Sans échappatoire, d'une manière directe et simple, immédiate et sans analyse, elle parvient à s'effacer derrière Joseph et  livre, témoigne de son existence, des difficultés et souffrances, du travail qui donne sens à la vie, est SA vie. A nu, avec une sincérité absolue et remarquable, elle remet au lecteur son intimité la plus secrète, la plus fragile, le bouleverse et l'indispose.

La force de ce livre est bien là, dans la maîtrise d'une écriture parfaitement adaptée au récit, capable de fusionner avec exactitude en Joseph et de créer alors une harmonie rarement atteinte en littérature. Une tonalité juste qui fait corps avec la réalité, s'efforce à ne dire rien de plus que la vérité et emmène pourtant le lecteur loin, très loin au fond de lui-même et des autres.

Un texte  âpre au toucher, rugueux et à la fois extrêmement sensible. Par sa puissance d'évocation, il pénètre le lecteur en profondeur, éveille tous ses sens. Une lecture abrupte et époustouflante, propre à vivre longtemps encore dans la mémoire des lecteurs.

Chaque phrase EST Joseph. Longue, presque essoufflée ou bien sèche et économe, elle détaille les jours qui passent à la ferme, de manière impulsive, au fur et à mesure des pensées qui viennent à l'esprit de Joseph, sans tri ni ordre. L'odeur de l'étable, "bonne à respirer", les trois sucres dans le bol de café aux lettres effacées du patron, les soirées devant la télévision, "on ne la regardait pas forcément, on l'entendait, on était les trois dans son bruit", les veillées, les géraniums de la patronne, le lit sans traversin, le fils du patron et de la patronne, Michel, son frère jumeau…

Une vie immuable, ancrée dans une routine, où chaque geste est d'abord utile, "se fait tout seul ou presque" où même les distractions rares et répétitives n'échappent pas à l'uniformité du quotidien, souvent mornes et peu amusantes.

Mais pas de plainte ni de désespoir ; le travail s'effectue et la vie passe, solitaire. Il y a bien la famille mais lorsque le père disparaît ("tombé dans la cour, juste devant la maison, en se relevant de la sieste"), la mère n'a plus peur "du verre de trop et de ce qui allait avec", quitte le village et s'installe en Normandie chez son autre fils, cafetier. Elle ne reviendra qu'au moment de prendre sa place au cimetière, à Saint-Saturnin, en face du bois de Combes. Il y a aussi Sylvie, que Joseph fréquente un moment, puis la boisson qui le prend lorsqu'elle s'enfuit avec un autre. Il a le vin triste, Joseph, "d'une tristesse suante et comme contagieuse". Ca le rend muet et malheureux, réveille des souvenirs douloureux.  "Un trou dans sa vie […] Un fossé plein de boue froide avec des bords glissants où il serait tombé en sortant du café, et rien pour s'appuyer, rien à quoi se tenir."

Ensuite il y a les cures successives, l'hôpital où il se sent bien ("ce temps doux qui passe"), puis la psychologue, madame Marcadet et le travail chez les patrons qui recommence, comme avant.  "Pour la retraite, il irait à Riom où étaient les vieux comme lui."

L'écriture donne de l'éclat à cette vie banale et simple, commotionne le lecteur, aux prises avec une réalité qui le pénètre d'emblée, crée une émotion directe, si vive qu'elle en devient presque sublime.

http://www.buchetchastel.fr/joseph-marie-helene-lafon-9782283026441

Un village triste et sans animation où les adolescents s'ennuient. Ce village va devenir, en un été, le théâtre d'un jeu dangereux grandeur nature où les lycéens participent afin de gagner une grosse somme d'argent et entrevoir la possibilité de fuir leur vie misérable et sans aucun avenir.

Personne ne sait qui a créé le jeu ni qui en fixe les règles. Les épreuves s'enchaînent et les perdants sont éliminés tour à tour. Cette année, Heather y participe afin de sortir sa mère du mobil-home où elles vivent et fuir un contexte familial compliqué. Dodge, y participe pour venger sa sœur qui est handicapée suite à sa participation à l'an passé.

Ce sera pour eux l'été de tous les dangers !

Il y a un petit côté Hunger Games, mais sans tomber dans la copie outrageuse. On a aimé le rythme, il n'y a aucun temps mort on est pris dès les premières pages dans l'action.  On apprécie surtout l'alternance des points de vue. D'un côté, on vit l'aventure à travers les yeux de Heather, de l'autre côté, le point de vue est donné par Dodge, l'adolescent triste et calculateur. Les personnages qu'ils soient secondaires ou non sont attachants et ont tous leurs histoires propres avec comme point commun une vie morne et vide que ce soit affectivement ou financièrement.

Lauren Oliver a réussi à faire ressentir la tension  au moment des épreuves, si bien que l'on y retient souvent son souffle. Une histoire sacrément bien ficelée sur fond de trahisons, d'amour, de manipulations, et révélations qui devrait ravir les lecteurs. Le style est agréable, l'histoire réaliste et reprend les thèmes chers aux ados, très différents de sa trilogie Délirium.

C'est le roman à lire cet été. Une lecture divertissante Panic, un thriller qui nous garde en haleine jusqu'à la fin !

Christophe a 16 ans et est amoureux d'Anne, 25 ans, une amie de la famille. Entre eux, c'est impossible. Christophe aime Anne depuis le premier jour où il l'a rencontrée, chez des amis de ses parents, à l'âge de 11 ans.

L'action se déroule dans les années 60 avec pour cadre historique la guerre d'Algérie. Les mœurs de la société française de 1962 empêchent tout espoir.

Son père est régisseur à la Comédie Française et sa mère est une ancienne comédienne. Très souvent, ils obtiennent gratuitement des places pour le théâtre. Cet environnement littéraire et artistique a encouragé Christophe à écrire très tôt.

C'est ainsi que le jeune homme de 16 ans relit ses écrits et revient sur ses souvenirs; sa rencontre avec Anne, leur attrait pour les livres, son amour grandissant, sa déclaration… Christophe a une excellente mémoire et ses mots sont une fenêtre ouverte sur le passé. Il comprend le pouvoir des mots face aux sentiments et fait son introspection.

se raconte par l'intermédiaire du roman. Ce n'est ni tout à fait sa vie, ni tout à fait celle d'un autre. Son père était effectivement régisseur à la Comédie Française et sa mère une ancienne comédienne. Cet environnement littéraire et artistique a encouragé Christophe / Christian à écrire très tôt.

Depuis plusieurs années, et parallèlement aux histoires et nouvelles qui l'inspirent, il tient son propre journal. Christian Grenier pour écrire celui-ci l'a rouvert pour nous et s'en inspire…

L'amour pirate est l'histoire d'une passion interdite.

L'amour pirate est un roman sur l'amour impossible, le carcan des valeurs morales de l'époque et les sentiments bridés.

Avec Les Complémentaires,  chef de file de la littérature danoise contemporaine, entendait pousser les murs de sa prose un peu confinée, un peu centrée sur les histoires d'intimité brisée (Quatre jours en mars, Sous un autre jour). Un poil trop appliqué mais sensible.

C'est l'histoire d'une famille danoise qui voit apparaître des fissures dans sa belle et élégante unité. C'est aussi l'histoire d'un couple qui n'a pas perdu de sa superbe mais se frotte avec douleur à la cinquantaine. Enfin, c'est une histoire d'unions mixtes, de mondialisation et d'identités fracturées.

Les Fisher vivent dans la banlieue cossue de Copenhague. Lui, David, est un avocat juif brillant, issue d'une famille poly-traumatisée. Elle, Emma, est une peintre anglaise, qui a peut-être laissé filer sa chance de devenir une peintre reconnue en venant s'installer jeune dans un Danemark qu'elle ne comprend guère. Ensemble, ils ont su bâtir un quotidien rassurant mais sans surprise, plein de regrets, de tendresse, et de non-dits. Ils ont eu une fille, Zoë, vidéaste, éprise de son petit-ami pakistanais qu'elle a filmé dans un court métrage qui se veut controversé :  «Les Complémentaires».

Un mini tremblement de terre dans une famille qui , sous son vernis progressiste, entretient un rapport compliqué avec les religions, la géopolitique, l'altérité.

Les Complémentaires raconte l'histoire de ces quelques jours, entre la première rencontre et la familiarité, où deux mondes s'observent et s'affrontent. Avec un soin presque pointilliste, Grondahl esquisse les contours de ce couple qui s'éloigne, qui s'appuie sur une loyauté symétrique, mais s'interroge sur la fidélité, qui se recentre sur sa progéniture tout en s'affrontant sur la transmission.

L'enfance de David, son père compliqué, son premier amour pour une jeune juive comme lui, l'éloignement vis-à-vis de ses origines : tout ceci est très fin et admirablement dessiné.

On trouve aussi dans les Complémentaires de belles pages sur l'art et la nostalgie («Un Picasso restait un Picasso dans une baraque de chantier »), les méandres de la créativité.

Face à cette description solidement émouvante d'un couple de cinquantenaires, l'histoire du jeune couple  paraît un peu expédiée. Finalement, Grondahl s'est réfugié encore une fois dans ce qu'il connaît le mieux : les histoires d'amour un peu fânées, un peu déchirées.