Antonio Gil

"Français D'ailleurs" est une collection, pour ceux qui ne la connaisse pas encore, de fiction-documentaires sur le thème de l'immigration en France.
Chaque titre est d'une excellente qualité et nous permet de mieux comprendre et appréhender la France d'aujourd'hui. présente l'itinéraire d'un petit espagnol et de sa famille, fuyant la guerre civile de 1939.

Le nouveau récit de Valentine Goby nous décrit la difficulté pour cette famille, que l'exil a déraciné par la force des choses, à trouver une nouvelle terre de paix et d'accueil. Le petit Antonio raconte les camps dans lesquels sont retenues et séparées les familles que la guerre a chassées le temps de les renvoyer dans leur pays natal. L'Histoire les mènera par la suite vers une ferme où Jorge, le père d'Antonio, prêtera main forte aux résistants, cachant des armes dans la grange. Cette figure paternelle restera un exemple pour le jeune héros. Cette fiction est une histoire forte sur le courage et la liberté comme certaines, universelles, ont du marquer les résistances contre toutes formes d'oppression. Valentine Goby et Ronan Badel offrent une forme de roman illustré, émouvant, enrichie d'une courte partie documentaire appuyée de photographies d'époque. Un épisode sans doute peu connu du jeune public sur cette période de 1939 - 1945.

Pas toujours facile pour un petit fantôme de faire ses devoirs : il a bon faire des "bouh !" terrifiants – lui semble-t-il en tout cas –, nous, lecteurs, ne sommes pas le moins du monde effrayés. Le jeune fantôme s'obstine, passe aux insultes : « caca d'oie », « vomi d'autruche », « panpan cucul », rien n'y fait : non seulement nous n'avons pas peur, mais il faut bien avouer qu'on est plutôt morts de rire.

Quand il est temps d'aller dîner, notre petit écolier promet de revenir aidé de son père. Et on verra bien si on rit toujours autant...

nous fait bien rire avec les déboires de ce petit fantôme bien décidé à effrayer son lecteur. Mais ce n'est pas donné à tout le monde d'être terrifiant ; ça se travaille.

Dans la lignée de Je suis un lion ou Je veux voler, Bouh ! Le livre qui fait le plus peur du monde est une histoire toute simple, avec des illustrations tout aussi simples : juste un petit fantôme au trait et du noir et du blanc pour seules couleurs. Bref, une sobriété totale pour un résultat tellement drôle. Les enfants rigolent, et nous avec eux. Et ce dès la 4e de couverture qui ne déflore pas l'histoire mais fait bien rire et donne terriblement envie de lire ce petit album.

Un mignon petit canard se promène tranquillement dans la savane quand il tombe nez à nez avec un crocodile qui fait la sieste. Notre petit héros n'a nullement l'intention de dévier de son chemin et somme le reptile de bouger de là, et vite ! Evidemment le crocodile ne compte pas se laisser enquiquiner par ce gringalet... Mais a-t-on vraiment affaire à un canard et un crocodile ?

Avec les aventures de son petit canard un brin schizophrène, fera hurler de rire petits et grands. Mais derrière le rire un message important est transmis aux petits : peu importe son apparence physique, ce qui compte c'est l'idée qu'on a de soi, car la confiance en soi permet de réaliser et réussir tout ce qu'on veut.

Des illustrations dans les tons ocres et verts, un graphisme simple pour un joli petit album cartonné qui réjouira autant les enfants que leurs parents. Et si vous avez trouvé Je suis un lion bien trop court, vous pouvez lire, dans la même collection et du même auteur, Je veux voler dans lequel un petit oiseau aimerait bien apprendre à voler, mais son papa est bien trop occupé pour lui consacrer du temps.

Des textes drôles et tendres pour enseigner la vie aux jeunes enfants.

Depuis que Lola est partie vivre au Québec, les cousins sont loin les uns des autres. Ils restent cependant en contact grâce aux courriers postaux et électroniques. Faut dire qu'entre la fête des 50 ans de mariage de Papy Papillon et Mamy Framboise à préparer et les joies et les peines du quotidien à se raconter, les sujets de conversation ne manquent pas.

Pour la fête qui se déroulera l'été suivant, chacun ira de sa spécialité : Lola écrira un poème, Janna se chargera des pâtisseries, Tom jouera de la guitare, Zoé dansera... Maintenant que cette question est réglée, les problèmes plus personnels peuvent être abordés : Lola se réjouit – mais s'inquiète également – de l'adoption prochaine d'une petite sœur ; Tom la rassure en lui parlant de ses relations avec ses frère et sœur ; Janna parle de son amoureux… Jusqu'au jour tant attendu des retrouvailles.

Familles recomposées, premiers amours, adoption... Tom, Lola, Janna se confient par écrit, s'encouragent, se réconfortent dans un album original par sa forme : des lettres que l'on sort de grandes enveloppes, des cartes postales, des mails, des écritures et des dessins d'enfants… Défile ainsi sous nos yeux une tranche de vie de famille pleine de vie, d'amour et de joie qu' nous donne à voir dans des illustrations joyeuses aux couleurs vives.

À travers les échanges de ces trois cousins, Sylvie Poillevé nous dévoile les petits secrets d'une famille et nous rappelle l'importance de pouvoir se confier à quelqu'un, aussi bien dans les moments de bonheur que d'inquiétude.

Petits secrets au fil des lettres, un album épistolaire sur les liens familiaux.

Et si, en ouvrant un livre, on voyait les plus beaux héros de nos contes jaillir vers nous… On tourne une page et les pétales délicates se défroissent joliment pour découvrir une petite Poucette toute blonde. De la suivante émerge le long nez de ce menteur de Pinocchio. Ils sont tous là, prêts à bondir et retenus comme par magie dans ce très beau livre pop up. Les cartes d'Alice nous sautent aux yeux, le petit Chaperon est juste là, dans la gueule du loup et Barbe-Bleue n'a jamais été plus inquiétant. Si l'on s'approche trop, on risque même de se piquer au rouet et de faire une petite sieste de cent ans, avec la Belle au bois dormant…

Que dire de plus qui n'ait déjà été dit sur ce très très beau livre-objet, bientôt livre-trésor, que nous propose ? C'est réellement un enchantement. Pour m'assurer de l'unanimité de son succès, je l'ai soumis aux yeux experts et intransigeants des plus petits, au cynisme un peu blasé des grands et aux regards de ceux qui prétendent avoir déjà tout vu: les vieux. Ainsi, toutes les générations s'accordent à le dire: Il était une fois est un livre magique. On l'ouvre et le merveilleux s'extirpe du papier pour venir enchanter la réalité et nous charmer, dans tous les sens du terme. Quelques minutes de pure contemplation où le lecteur n'a plus d'âge. Et ça, c'est un joli tour de passe-passe pour lequel nous remercions le jeune Houdini de la littérature jeunesse!

En ce 3 mars 2023, 40 ans jour pour jour après la disparition d'Hergé, Renaud Nattiez se pose LA question : Peut-on encore, en toute bonne conscience, inciter ses enfants à lire les aventures de Tintin ?

En somme : Faut-il brûler Tintin ? 

Depuis sa naissance dans une autre époque, en 1929, Tintin est aujourd'hui qualifié de réactionnaire, raciste, colonialiste, misogyne, anticommuniste primaire et sûrement d'autres abominations. 

L'auteur, administrateur de l'association « Les Amis de Hergé », revient sur la tintinophobie de ce XXIe siècle et se demande si une bonne part de l'intérêt de ce mythe du 9e art ne provient pas, justement, de son caractère non consensuel.

(Futuropolis) de Christophe Dabitch et Christian Durieux est un album très attachant, en ce qu'il nous confirme le talent protéiforme de ses auteurs, appliqué à un sujet profondément original : le traitement d'une névrose !

La Chronique BD, avec 

Une maladie poussant Albert Dadas à se lancer dans des randonnées pédestres insensées, qui lui font parcourir l'Europe de l'Est ou l'Afrique du Nord à raison de 70 kilomètres par jour. Sous l'effet d'une pulsion subite et irrépressible, il quitte sa famille, son travail et reprend conscience bien loin de chez lui, sans un sou, passant aux yeux des autorités pour un fou ou un agitateur politique. 

En Mai 1886, cet homme profondément malheureux est examiné par Philippe Tissié, jeune interne en psychiatrie à l'hôpital de Bordeaux. Tissié choisit le terme de "captivé" pour désigner son patient, atteint du syndrome de somnambulisme éveillé, et décide de faire d'Albert Dadas le sujet de sa thèse. Pour soigner sa maladie, il utilise l'hypnose, à l'encontre de la pensée du docteur Charcot, dominante à cette époque... 

Le captivé est d'abord un documentaire, qui s'appuie d'une part sur un livre du philosophe des sciences Ian Hacking où il est fait mention de l'école psychiatrique de Bordeaux, et d'autre part sur les nombreux écrits de Tissié. Car le médecin se doit de vérifier si Dadas n'affabule pas, il correspond donc avec les consulats français et recueille les témoignages des différentes personnes que le marcheur rencontre au fil de ses pérégrinations.

A l'origine du mal, il y a, semble t-il, une chute depuis le haut d'un arbre, et les lésions cérébrales qu'elle entraîne. Dès lors, Albert Dadas s'adonne à la masturbation comme il pratique la marche, de façon compulsive et forcenée. Il souffre de son addiction et de ses conséquences, mais il trouve aussi du plaisir à partir à l'aventure, en toute liberté. C'est l'autre aspect du livre, qui présente Dadas comme symbolique de son temps, où le progrès technique dans le domaine des transports permet l'émergence du concept de tourisme, et où la perception de l'activité physique change profondément.

La marche n'est plus réservée aux pauvres et aux pèlerins, elle fait partie des activités de plein air que l'on peut pratiquer pour entretenir son corps. Le vélo est emblématique de ce mélange d'un désir d'évasion et de recherche d'une bonne santé : il est l'objet d'un engouement au sein de la classe moyenne émergeante, et le docteur Tissié y est pour beaucoup dans sa ville de Bordeaux, où il devient médecin officiel de la course cycliste Bordeaux-Paris !!!

Dans un registre plus poétique, et toujours à la même époque, Arthur Rimbaud arpente lui aussi les routes, premier d'une longue lignée d'écrivains voyageurs parmi lesquels on peut citer, plus proche de nous, Bruce Chatwin, Jacques Lacarrière ou Jean-Christophe Ruffin. 

Le captivé peut se révéler drôle, surprenant - un des compagnons de marche d'Albert Dadas meurt d'épuisement à ses côtés, tué par son rythme fou - mais il reste surtout constamment touchant. Et l'excellent scénario de Christophe Dabitch est magnifié par le dessin de Christian Durieux : aux antipodes des couleurs subtiles et de la lumière solaire des Gens honnêtes (Dupuis), nous sommes ici plongés dans un arc-en-ciel de gris, d'une admirable délicatesse.

On n'est pas près d'oublier le regard effaré d'Albert, et les douces larmes qui coulent de ses yeux quand il supplie le cher docteur Tissié de l'aider...