Martine Dussart

La Maison des écrivains est soutenue par les auteurs et les autrices qui la font vivre, qui travaillent avec son équipe au quotidien, et qui rencontrent, avec elle, leurs lecteurs, notamment grâce aux actions importantes, uniques au plan national, que conduit la Maison pour l'éducation artistique et culturelle. Une lettre ouverte au Président de la République le rappelle au moment où celui-ci vient, ce 17 juin, de déclarer vouloir faire de la lecture une grande cause nationale.

De la Grande Guerre dont on vient de commémorer le centenaire, on évoque les tranchées, les soldats poivrés d’obus, les taxis de la Marne, les chars de l’année 18. Bref, les combats atroces qui se déroulèrent sur les champs lunaires de Champagne ou de la Somme, cet « abattoir international » comme l’appelle Bardamu dans Voyage au bout de la nuit (1933). La littérature avec Dorgelès, Chevallier, Martin-du-Gard, Genevoix, Galtier-Boissière, et tant d’autres, a décrit cet horrible massacre qui coûta entre 1.4 et 1.6 millions d’hommes à la France. Mais aujourd’hui, paraît un texte qui révèle un autre aspect peu reluisant des coulisses de la der des der : ce qui s’est passé « Derrière l’abattoir », écrit par Albert-Jean, un bien ensablé celui-là, et qu’exhume l’Arbre Vengeur (toujours lui).

40 ans / 40 romans, une équation impossible à résoudre si l'on songe à ce que la littérature compte comme chefs-d'œuvre au cours de cette période… Et pourtant, le Centre Pompidou s'est prêté au jeu, à l'occasion de son anniversaire. Certains sont oubliés, d'autres sont préférés, mais dans tous les cas, c'est subjectivement pleinement assumé : cette liste aurait pu être tout à fait différente !

Les éditions L'Eveilleur réédite aujourd'hui un très beau roman d'Edouard Estaunié "L'Infirme aux mains d'or" publié une première fois en 1923 chez Grasset, puis en 1925 aux éditions Ferenczi dont L'Eveilleur reprend d'ailleurs les belles illustrations. Le roman est préfacé par Eric Dussert à qui on doit tant de redécouvertes littéraires, et suivi d'un texte de Michel Ohl.

Il est des auteurs qui ne sont plus vraiment des ensablés, tellement ils sont enfouis dans des couches géologiques du temps. On ne peut les en extraire qu'à la condition d’y mettre du sien et qu’eux-mêmes n’aient pas organisé avec obstination leur disparition des mémoires. François Prieur est de ceux-là.

Voilà un bien curieux livre exhumé par L'Arbre Vengeur, maison d'édition émérite qui perpétue la réputation littéraire de Bordeaux. Plutôt qu'une "exhumation" d'ailleurs, il faudrait plutôt parler de re-création, car "Le club de neurasthéniques" n'a jamais été publié en volume, mais seulement en 50 feuilletons qui suscitèrent l'enthousiasme des lecteurs du journal "Paris Midi" des annes 1900. L'auteur s'appelait René Dalize, en réalité René Dupuy des Islettes, un temps officier de marine, et un des meilleurs amis de Guillaume Apollinaire.

Eric Dussert, on le connaît pour ses introductions érudites aux romans publiés par l'Arbre vengeur. La dernière en date que j'ai lue se rapporte à "La cité des fous" de Marc Stephane, roman assez étonnant dont je parlerai prochainement. La Table Ronde publie "Une forêt cachée" de ce même Eric Dussert (pour acheter cliquer ici), passionnant livre s'il en est qu'il vous faut toute affaire cessante vous procurer, vous qui, abonné à notre blogue "Les ensablés", aimez découvrir les auteurs oubliés. Vous y trouverez le portrait en trois quatre pages de 156 écrivains oubliés ou presque. Je suis en train de le lire. Je constate avec surprise, mais avec plaisir aussi que sur ces 156, une minorité nous est connue. On y trouve Germaine Beaumont, Jean-Pierre Martinet, Pierre Bost, mais aussi tant d'autres dont je n'ai jamais entendu parler! On a envie à chaque fois d'en savoir plus, et c'est bien le mérite de ce livre de défricher cette forêt immense qu'il nous reste à découvrir. Exemple: Cami (+1958). Cami? Le créateur d'une revue qui ne parut que sept fois : "Le petit corbillard illustré" et auteur de nombreux romans dont "Le fils des trois mousquetaires" inspiré de Dumas; "Le scaphandrier de la tour Eiffel" connoté Gaston Leroux, et j'en passe... Barrucand (+1934), anarchiste qui compara Ravachol au Christ et écrivit un roman "Avec le feu" qui fait "le récit de la formation d'un jeune homme idéaliste qui tourne le dos à la violence... Allez-y, vous ne serez pas déçu. Merci à Eric Dussert pour ce travail qu'il poursuit depuis tant d'années, et qui nous montre le chemin.

"Echec de ma concierge", recueil de nouvelles d'André de Richaud, chez l'Arbre vengeur