On tient les mouvement de la Chine à l'oeil avant les Jeux de Beijing en août, et particulièrement la censure que le pays exerce. Des frictions ont eu lieu entre certains artistes internationaux et les autorités chinoises au sujet de leur bilan démocratique.
À ce titre, Enright rappelle que « les mots sont liquides, ils se faufilent partout. Emily Dickinson a un vers qui dit qu’on ne peut envelopper un torrent et le poser au fond d’un tiroir », référence à la poètesse américaine du XIXe siècle.
Enright, une Dublinoise réputée pour ses œuvres explorant les éléments les plus sombres de la condition humaine, a gagné le prestigieux prix Man Booker 2007 pour son roman The Gathering. Elle était à Hong Kong pour le Festival Littéraire International de l’Homme et prévoit de se rendre à Shanghai ensuite.
Un motif de régression sociale
Quand on lui demande de faire des commentaires sur les atteintes à la liberté d’expression de la Chine, de l’interdiction de livres à l’emprisonnement d’écrivains, Enright parle à qui veut l’entendre du pouvoir débordant de la littérature sur les effets débilitants de la censure dans une société.
« Il n’y avait aucune chance quand j’étais petite que la vague d’écriture irlandaise soit arrêtée par quelque chose même d’aussi puissant que l’Église catholique », se remémore-t-elle, citant les écrits sans compromis de Edna O’Brien et John McGahern. « Par conviction je suis contre la censure en général et d’un point de vue pragmatique, je pense qu’elle ne marche pas », a-t-elle ajouté.
Les associations de défenses des Droits de l’Homme ont utilisé l’éclairage médiatique de la Chine dû aux Jeux pour mettre en évidence une série de problèmes comme les dissidents emprisonnés, la censure des médias et d’Internet, et le contrôle religieux au Tibet par les autorités de Beijing.
La Chine resserre la vis
Le gouvernement chinois a annoncé la semaine dernière qu’elle resserrerait les contrôles sur les chanteurs et autres interprètes étrangers après que la chanteuse icelandaise Bjork ait crié « Tibet ! Tibet ! » durant un concert à Shanghai. Le réalisateur Steven Spielberg a lui démissionné de son rôle de conseiller artistique pour les Jeux Olympiques en raison de la politique de Beijing dans le Darfour.
PEN, l’association internationale des écrivains a pressé Beijing de libérer près de 40 écrivains dissidents emprisonnés et ce, avant le début des Jeux, certains ayant été réduits au silence pour des subversions présumées sans même un procès.
Des efforts malgré tout ?
Alors que la Chine interdit la publication de livres politiques sensibles, Enright se félicite de l’envie des éditeurs chinois de traduire et de publier des travaux littéraires difficiles comme le sien. Son roman The Gathering sonde les tabous sexuels et les désirs non assouvis d’une grande famille irlandaise.
« Je suis fascinée par l’idée que les maisons d’éditions chinoises aient acheté toutes mes œuvres. Je suis toujours intéressée par les questions d’interprétations culturelles et comment quelqu'un dans une culture différente interprète mon travail est un sujet très intrigant. »
Enright, habillée d’une robe noire Jaeger avec une touche d’Orient, expliquait que le monde était aujourd’hui effrayé et curieux de la Chine alors que son influence s’étend au travers de frontières de moins en moins délimitées. « Mes enfants de 5 et 7 ans connaissent la différence entre le Cantonais et le Mandarin. L’Irlande n’est plus une société monolithique et catholique. »