Voilà que notre chronique bascule depuis la censure des Lumières vers celle d'un registre bien sombre, avec une anecdote qui compile tous les codes d'une tragique série noire. Tandis que la Seconde Guerre mondiale virait à la guerre froide, sous un prête-nom américanisé, notre Book émissaire de la semaine faisait ses gammes littéraires en swinguant sur son air de Java des bombes atomiques. Avec J'irai cracher sur vos tombes, œuvre outrageante de Boris Vian, le génie du souffreteux, frappé tout jeune par la maladie, mais néanmoins résolu à rouler à contresens et tombeau ouvert sur la Highway de son existence, allait se faire taxer de profanateur des bonnes moeurs. Si le mélomane pissait ses copies à une allure effrénée, avec quelques furieuses embardées pour le style, une curieuse ironie allait le mettre à l'amende pour ses excès, à l'heure où sonna pour lui la dernière trompette.