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Histoire internationale

La vie du colonel Lawrence

"Le sujet du livre est double et double aussi son intérêt. C'est un récit de la campagne d'Arabie et une biographie du colonel Lawrence : l'un et l'autre d'une originalité qui en fait le mérite." Dans l'action de Lawrence au Proche-Orient, Liddell Hart trouve l'éclatante confirmation de sa théorie de l'approche indirecte. La rencontre entre ces deux intelligences et ces deux cultures permet de constater l'existence de deux phénomènes majeurs de la pensée stratégique : la filiation des conceptions à travers les siècles, de stratégistes en stratégistes et simultanément la polarisation de ces conceptions qui tendent à se poser comme incompatibles jusqu'à l'hostilité. Sans être dupe mais à son corps défendant, Lawrence a contribué à créer l'instabilité sur cet immense espace que nous nommons Proche- ou Moyen-Orient. Il est l'homme par qui le chaos s'est installé, durablement ravageur, vouant l'ensemble de la région à des convulsions sans fin, des insurrections permanentes, des déplacements forcés de population et d'épouvantables massacres. Cela, il ne pouvait le prévoir. Croyant, de bonne foi, satisfaire les aspirations des Arabes, il ne fut que le jouet d'un enchaînement implacable d'affrontements entre de nombreux acteurs poursuivant des buts incompatibles. Durant un siècle le chaos na fait que s'amplifier. Les guerres de Syrie et d'Irak débordent sur les frontières et provoquent l'ingérence des puissances extérieures. La lecture de Liddell Hart et de Lawrence nous fait éprouver un sentiment de familiarité avec la situation actuelle du Proche-Orient. Un siècle plus tard, si la guerre oppose des acteurs différents poursuivant des buts nouveaux, nous retrouvons les mêmes lieux et les mêmes comportements. La géographie dicte sa loi aux hommes et aux matériels : il faut traverser les mêmes fleuves, suivre les mêmes axes de communication. Il en résulte des principes assez constants de conception et de conduite des opérations. Syriens, Iraniens, Russes, djihadistes de toutes sortes, réguliers et irréguliers marchent dans les pas de Lawrence et souvent font les mêmes calculs stratégiques pour contrôler l'espace, s'emparer des points névralgiques et gagner la guerre. Mais au Proche-Orient il semble qu'il n'y ait jamais de victoire définitive. La défaite de l'Etat islamique mettra-t-elle fin à un siècle de chaos ? C'est plus que douteux.

01/2018

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Sciences politiques

La guerre du Paraguay. un conflit géopolitique raconté par le célèbre géographe Élisée Reclus (1830-1905)

La lecture de l'article d'Elisée Reclus "La guerre du Paraguay" , qu'il publia dans la Revue des Deux Mondes le 15 décembre 1867, montre que malgré son point de vue a priori favorable au Paraguay (qu'il compare à la France révolutionnaire) il fait une analyse pénétrante des rapports de force entre les belligérants et anticipe les conséquences du conflit. Dans cette guerre, qui opposait le Paraguay à la "Triple Alliance" (Argentine, Brésil, Uruguay), la situation militaire était alors bloquée ; Elisée Reclus explique aux lecteurs français la situation étrange où se trouvent alors les belligérants et analyse les dissensions dans la Triple Alliance, la force du Paraguay et la faiblesse du Brésil. Il est clair, à le lire, qu'il voit largement le premier comme une sorte de réincarnation de la France révolutionnaire, en guerre contre toute l'Europe d'Ancien Régime, et dans le second un pendant tropical de l'Empire de Napoléon III, qui l'a condamné à l'exil, un prisme qui colore quelque peu ses analyses. Mais il serait évidemment injuste et ridicule de s'en tenir là et de tenir rigueur à Elisée Reclus de quelques erreurs dans ses pronostics sur l'issue d'une guerre, à l'issue alors bien incertaine, alors qu'on ne peut au contraire qu'admirer la justesse de ses analyses géopolitiques sur la situation des puissances en présence. Au moment où Elisée Reclus décrit la situation militaire est étrange et probablement inédite : la flotte de haute mer brésilienne est bloquée dans un bief fluvial, entre deux forteresses paraguayennes. C'est le résultat imprévu du plan de bataille des forces de la Triple Alliance après l'échec de son offensive terrestre. Plus de cent quarante cinq ans après la fin de ce conflit, quelles traces a-t-il laissées ? Au Paraguay, le souvenir du drame que furent, non seulement la défaite contre les alliés, mais surtout les énormes pertes humaines de la guerre sont toujours rappelés comme étant la principale origine du retard de développement, comparable à ce qu'a été pour la Bolivie la perte de l'accès à la mer lors de la guerre du Pacifique. [Hervé Théry et Sébastien Velut, "Elisée Reclus et la guerre du Paraguay" , Terra Brasilis (Nova Série)

11/2022

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Histoire de France

Nous n'étions pas des héros. Les Compagnons de la Libération racontent leur épopée

Il y a soixante-dix ans, en 1944, la France libérée a voulu en faire des héros pour mieux se racheter de ses lâchetés. Ils étaient Résistants, soldats de la 2e DB, officiers de la Légion étrangère ou pilotes de chasse. Ils étaient la France combattante. Ils étaient les Compagnons de la Libération. En juin 1940, ils étaient parias. Alors que la France était abasourdie, tétanisée par sa défaite, que la plupart des vaincus acceptaient cette fatalité et entraient dans les dispositions d'esprit et les petits arrangements de l'Occupation ("Les premiers agenouillements et les premiers reniements", écrira Jean-Louis Crémieux-Brilhac), ils ont tout de suite refusé ce que chacun disait inéluctable. Tandis que la France remettait son destin entre les mains de Pétain, eux ont choisi de poursuivre la lutte. Ils ont trouvé un bateau pour Londres et se sont ralliés à un obscur général, un certain Charles de Gaulle, ou bien se sont réfugiés dans la clandestinité. Ils n'étaient qu'une poignée. François Jacob, Daniel Cordier, Hubert Germain et dix autres Compagnons racontent le contexte de leur engagement et leurs parcours, en humbles figurants de la grande histoire qui se jouait. Mais à travers ces récits simples, sans gloriole, se dessine par kaléidoscope une fresque de la France libre, de Bir Hakeim à la libération de Strasbourg. On y voyage de Londres à Tunis, de Damas à Mourmansk. On y croise les figures de Leclerc, Koenig, Jean Moulin et De Gaulle bien sûr. On y évoque le Débarquement ou l'insurrection de Paris. Ces hommes décrivent aussi leur vie quotidienne, le rôle des troupes "coloniales" ou les conflits avec les soldats vichystes qui n'en démordaient pas. Ils parlent de leurs copains morts sur le champ de bataille ou en déportation. Ils expliquent aussi sans fard leurs joies et leurs déceptions une fois revenus en France, leur difficulté à se réadapter dans une société qui avait retrouvé ses habitudes. Finalement, se dessinent des histoires de gens ordinaires qui ont fait le bon choix et, pour cela, ont ensuite été plongés dans des destins extraordinaires. "Nous ne sommes pas des héros", disent-ils. "C'était une évidence", expliquent-ils à l'unisson. Pas tant que ça puisqu'ils étaient si peu nombreux.

04/2014

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Alpinisme, escalade

Une histoire de l'Everest

Il y a soixante-dix ans, Tenzing Norgay et Edmund Hillary se dressaient à son sommet. Voici une histoire de la plus haute montagne du monde devenue un mythe : l'Everest. Depuis 1953, l'histoire de l'Everest n'a cessé de nourrir les imaginaires. A ce superlatif de l'altitude ont répondu une débauche d'aventures de toutes natures, de diverses importances. Ridicules, pathétiques, merveilleuses, sublimes, folles, mensongères, humbles, des milliers d'ascensions ont fait de l'Everest autre chose qu'une montagne : un mythe. On découvrira dans cet ouvrage l'oxygène, les grands corbeaux, les descentes en parapente, les montées en courant, les insectes les plus hauts, les premières femmes, les pionniers, les vaincus de l'altitude, les faussaires, les Sherpas, les cordes fixes, le Yeti... Une saga tel un feuilleton, avec sa galerie de personnages hauts en couleurs, leurs exploits, leurs grandeurs et décadences. On assistera à la victoire des uns, à la défaite des autres, on rencontrera les fantômes qui hantent la montagne, les divinités qui reposent dans les monastères, on entendra le souffle des yacks, l'hyperventilation des alpinistes en mal d'oxygène. Il y aura des extases au sommet avec des cadeaux déposés dans la neige : chocolat, buste de Mao, statue de Bouddha. On s'étonnera du premier twitt depuis le sommet, des messages codés à l'adresse de Buckingham. On verra un hélicoptère se poser au sommet, un autre se crasher au camp de base. On entendra le chant des cantonniers de l'ice fall et le bruissement des dollars. On s'intéressera aux films, aux livres, aux chants, aux prières... Il y aura des tentes, des piolets, des vestes duvets, des bandes molletières, des poignées autobloquantes, des crampons et des lunettes. On assistera à des records de vitesse et inversement, à de lents enlisements. On visitera des lieux mythiques : Katmandou, Namche, le bar du Rum'Doodle qui offre la gratuité à vie aux summiters. Le livre terminé, le lecteur aura été emporté pendant des heures sur la terre la plus hostile et la plus sublime qui soit. Le seul territoire où il est indiqué que dans la liste des " choses " à incinérer se côtoient le papier toilette et les cadavres humains. Mais aussi le seul lieu où chaque être peut exercer cette liberté d'atteindre consciemment la frontière délicieuse et dangereuse que d'aucuns ont surnommée " la zone de la mort ".

04/2023

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Histoire de France

SOE contre Gestapo. La véritable histoire du major Suttill et du réseau français de résistance Prosper

Ce livre est une enquête minutieuse sur les événements qui ont entraîné la chute du réseau Prosper qu'avait organisé et dirigé le major Suttill, d'octobre ? 1942 à juin ? 1943, qui n'est autre que le père de l'auteur. Le réseau Prosper était un des nombreux réseaux du SOE – Service Operation Executive ou Direction des Opérations Spéciales en français – créé par Winston Churchill, dont le but était de mener des actions de sabotage et de guérilla sur le continent, notamment sur le territoire français en vue du Débarquement des Alliés. Ce réseau sous direction britannique reçut le concours de très nombreux citoyens français. Pour mener son enquête, Francis Suttill Fils, après un travail de recherche en archives, décida de venir enquêter sur le terrain, c'est-à-dire sur les lieux mêmes où son père avait mené ses opérations soixante-dix plus tôt. On peut imaginer l'intensité des émotions qu'a dû ressentir l'auteur lors de ses différentes pérégrinations en France mais aussi en Allemagne, au camp de Sachsenhausen, où son père devait être assassiné par les nazis en 1945. Le rôle du SOE est longtemps resté méconnu de la plupart des Français. La raison de cette méconnaissance était avant tout politique et tenait à la représentation et au rôle qu'entendait donner le général de Gaulle et le Parti communiste de la résistance française. Toute évocation d'une aide provenant des Anglo-Saxons était quasiment bannie. En 1945, le Général alla même jusqu'à chasser des membres français du SOE lors de cérémonies à la Libération. Cette attitude peut politiquement se comprendre du fait de la volonté qu'avait de Gaulle de voir la France recouvrir son statut de grande puissance suite au drame de la défaite de 1940 et de l'occupation qui s'en suivit. Par contre, cela ne peut cacher davantage le rôle déterminant joué par les Britanniques dans la formation de réseaux de résistance et dans l'armement des réseaux français existants. Reconnaître ce fait ne retire en rien le mérite de la résistance française, bien au contraire, cela lui a permis de s'armer et de jouer un grand rôle lors dans la Libération du territoire. Le major Suttill a sacrifié sa vie pour notre Liberté. Qu'il lui soit rendu hommage pour que ce héros ne reste pas dans l'ombre ? !

10/2018

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BD jeunesse

Waldor Tome 1 : Le Dragon multiple

Quand le royaume est en danger, c'est lui qu'on vient chercher. Alors qu'il s'est depuis longtemps écarté des troubles d'une vie d'aventures, Waldor, renard intrépide et astucieux, est dérangé de sa calme retraite sous les bosquets par Bromir, un vieil ami. Un coffre royal d'une importance inestimable a été dérobé dans la citadelle de Bagnum et le mage Stupendor a chargé Waldor de résoudre cette épineuse affaire. Non sans regret, ce dernier quitte son paisible foyer armé d'un pessimisme auquel il préfère donner le nom de lucidité. Tombé rapidement entre les griffes de l'orgueilleux Duc Avengine, Waldor découvre son intention de reconstituer OBOR, une bête infernale et légendaire vaincue par de puissants mages en des temps immémoriaux. Cet être monstrueux et immortel, pour être défait, a été découpé en morceaux éparpillés dans le royaume et un de ces morceaux loge dorénavant dans le coffre royal volé. Au coeur d'une épopée faite de légendes et provoquée par la sempiternelle quête de pouvoir Waldor peut compter sur son courage et sa détermination pour empêcher le pire de survenir. Marquée par l'empreinte de La planète des chats, 4e album du Docteur Poche de Wasterlain et influencée par le travail de Macherot, l'apparence joviale et naïve de Waldor est renforcée par des personnages incarnés associés à des thématiques profondes et une intrigue pleine de rebondissements. Empruntant, par de nombreux aspects, aux classiques du récit d'aventure jeunesse, cette nouvelle bande dessinée de David De Thuin se démarque par la modernité de son ton, son rythme soutenu, et la fraîcheur de son univers médiéval fantastique anthropomorphe. On y perçoit la force d'un auteur capable de jongler entre récits adultes et jeunesse.

01/2021

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Littérature française

Au bord du monde

La forêt commence là où les prairies s'arrêtent. Mon Rêve est à la jonction du touffu et du découvert. L'humidité se dégage du végétal. Les couleurs du soir sont fer rouillé. L'Enfant voit sa mère, elle fume une clope en cachette, son père s'enfuit de la cuisine et s'en va accrocher son regard au lointain. Les locataires picolent le petit bordeaux pas dégueulasse que sa mère a dû leur vendre à prix d'or. Un gîte de vacances entre prairie et forêt, accueille au fil du récit différents vacanciers (familles, couples, habitués...). Rapidement, l'on perçoit que les rêves des uns côtoient les désillusions des autres... Parce qu'entre les non-dits, les rêves avortés, les ambitions et les blessures anciennes, on ne rentre pas toujours dans les cases dans lesquelles les autres aimeraient nous voir. On se cherche ou se voile la face, on fait semblant, on trahit ou se trahit. Et malgré tout, chacun essaie de trouver sa place dans le monde même s'il est peuplé de rêves, de fantasmes ou de figures imaginaires. Frédérique Dolphijn tisse un roman fait d'ensembles et de sous ensembles où les mots des uns semblent dits par les autres. Dans cet entrelac se construit, se défait et se reconstruit chaque personnage, sous le regard de l'Enfant, pierre angulaire du récit, qui semble le plus fragile mais sera sans doute le plus stable. Ces histoires forment un tissu généreux, dans lequel le lecteur se laisse emporter. Les zones d'ombres s'éclaircissent petit à petit, certains mystères se laissent découvrir pendant que d'autres émergent. Frédérique Dolphijn signe ici un roman envoûtant, intriguant, où les intuitions et les rêves nous guident.

11/2019

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Littérature étrangère

La saison des fous

Lidia do Carmo Ferreira, poétesse et historienne angolaise, ultime rejetonne d'une suite incroyable d'incestes, disparaît mystérieusement en 1992 à Luanda, capitale de l'Angola, dix-sept ans après l'indépendance de cette ancienne colonie portugaise d'Afrique. Un journaliste, le narrateur, s'interroge sur la vie de Lidia et, reconstruisant son passé, nous entraîne, à travers l'histoire d'une femme, dans les histoires multiples et cruelles du mouvement nationaliste qui conduit l'Angola à une indépendance suivie, jusqu'à nos jours, des terribles épreuves d'une guerre civile. Les utopies sont mises à la rude épreuve du réel. Le regard de Lidia, nous le suivons dans l'enquête menée par le journaliste. Ni l'un ni l'autre ne ferment les yeux sur les compromissions des civils et des militaires, les impostures des églises, les engrossements sous le maître des corps de femmes vouées à la misère, à la folie ; ni l'un ni l'autre ne cachent les désillusions mortelles. Aux contraintes de la colonisation succèdent les mainmises démultipliées de l'étranger : le poing de fer sous couvert de socialisme, trafics, de corps, de drogue, d'alcool. Un délire infernal au quotidien de centaines de personnages. Quand l'Histoire se fait et se défait sur la peau des hommes. La saison des fous est un moment historique qui appartient exemplairement à l'histoire de l'humanité, au même titre que La Storia d'Elsa Morante. Ce roman, où ne manquent ni l'humour, ni le sarcasme, ni l'ironie qui sillonnent les grandes tragédies, nous en apprend davantage que mille reportages sur le vif et nous fait pénétrer jusqu'au vertige des grandes émotions dans la fragilité des rêves humains.

12/2002

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Pléiades

Oeuvres en prose complètes. Tome 2

Le temps est véreux, dit ce Péguy-là. Un infatigable vautour ronge l'impérissable en nous. Et cette idée de progrès qui est au centre même du monde moderne, de la philosophie et de la politique et de la pédagogie du monde moderne est essentiellement une théorie de caisse d'épargne. Il y a une déperdition, une perte perpétuelle, une usure. D'un mot, il y a le vieillissement. Cet homme-là va vers ses quarante ans. Il sait donc. Il sait enfin que la Sorbonne et l'Ecole Normale et les partis politiques s'ils ont pu lui dérober sa jeunesse ne lui ont pas dérobé son cour. Il sait, et il sait qu'il sait. Quoi ? "Il sait que l'on n'est pas heureux." Il sait que, depuis qu'il y a de l'homme, nul homme - jamais - n'a été heureux. Et il le sait même si profondément que c'est assurément la seule croyance à laquelle il tienne et cette science-là ruine le dogme sur lequel est fondé tout le monde moderne. Aussi cet homme revient au monde antique. A Zeus hospitalier, le dieu des hôtes. Et si les hôtes viennent de Zeus, c'est que l'étranger vient des dieux. Que le mendiant, que le suppliant est un envoyé des dieux. Mais ces anciens dieux, malgré tout, ne savaient pas mordre. Et le Péguy de ces années-là, insatisfait, rencontre enfin le dieu qui mord et touche le dieu qui dévore. Un dieu qui, parce qu'il s'est dérangé en entrant dans l'histoire, sauve le temps. Est-ce parce qu'il se défait du monde moderne que Péguy trouve son dieu, ou le contraire ? Ces pages le disent qui rassemblent les textes de Péguy publiés ou écrits entre 1905 et 1909.

01/1988

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Poésie

Sol absolu. Le Quatrième état de la matière. Corps corrosifs. [Approches de la parole . Nouvelle version, [extraits , avec un essai d'autobiographie inédit

«Ce que cherche ma parole sans cesse interrompue, sans cesse insuffisante, inadéquate, hors d'haleine, n'est pas la pertinence d'une démonstration, d'une loi, mais la dénudation d'une lueur imprenable, transfixiante, d'une fluidité tour à tour bénéfique et ravageante. Une respiration. Classer, isoler, fixer ; ces exercices menés à leur somnolente utilité, nous voici mûrs pour l'insomnie de la genèse. Tous ces chemins que j'emprunte débouchent sur quelque impossible où seul l'exercice vertical de la parole maintient le mouvement : menace, bonheur et perte. Et nulle part de terme qui résoudrait, qui rassurerait. Rien que ce mal étroit, rien que ce large qui excède. On ne peut clôturer la poésie : son lieu central s'effondre en lui-même, en une compacité qui se consume, qui se troue. Silence infondé où, contre toute preuve, s'avance encore une fois la parole fragile, la parole scandaleuse, la parole écrasante, la parole inutile. [...] Ecrire un poème qui ne serait pas un relevé de traces, traduction ou mise en forme, décruage des différentes couches du vécu, de ses arborisations prodigieusement entremêlées - écriture d'une lecture à un autre niveau -, mais croissance et mouvement simples, issus de nul centre et de nul commencement, ses branches, ses feuilles, ses fruits n'étant pas là pour renvoyer à autre chose, pour symboliser, mais pour conduire la sève et la vivacité de l'air, être leur bourdonnement et leur activité, nourriture et ensemencement. Et la lecture ne serait plus déchiffrement d'un code, réception d'un message ; il ne s'agirait plus de lire de son poste d'observation prudemment extérieur, mais de se couler dans le cheminement imprévisible qui est, d'un même geste, le mouvement et ses lois, la différence et l'identité, la forme qui se construit et se défait. Lire et écrire : accueillir, aller avec, creuser, respirer, jaillir.» Lorand Gaspar.

10/1982

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Actualité et médias

Goodbye Britannia. Le Royaume-Uni au défi du Brexit

Le vote de 2016 sur le Brexit a provoqué la stupeur dans le monde et au Royaume-Uni, généralement considéré comme l'incarnation de la mondialisation heureuse. Même si la Grande Bretagne est un pays insulaire, très différent des Etats membres continentaux de l'Union européenne, et intuitivement eurosceptique, ce scrutin a en réalité marqué le début d'une ère populiste où l'expertise et les faits sont rejetés au profit des passions souvent négatives. Les thèmes dominants exploités par des démagogues issus eux-mêmes des classes privilégiées ont été la haine des élites, le rejet de l'immigration et un réflexe identitaire profond fondé sur la nostalgie d'un âge d'or fantasmé. Cela a été révélateur d'un basculement du monde, qui a trouvé sa réplique quelques mois plus tard aux Etats-Unis avec l'élection de Donald Trump, mais aussi en Italie avec l'émergence du mouvement 5 étoiles et de la ligue de Salvini, en Allemagne avec l'arrivée d'une centaine de députés d'extrême droite de l'AFD au Bundestag, et en France avec les gilets jaunes. Pendant que l'Union européenne se défait, la Chine poursuit sa politique de puissance géoéconomique alors que les Etats-Unis ont initié une nouvelle guerre froide tous azimuts. La pandémie de Covid a mis en lumière et accentué ce phénomène et le monde se définit désormais par rapport à la rivalité entre ces deux géants, qui devrait être le facteur déterminant des prochaines décennies. Dans ce contexte, le Royaume-Uni malgré la proclamation d'une "global Britain" a choisi un chemin solitaire, pris en étau entre Pékin et Washington qui limitera ses choix au lieu de les augmenter. L'Union européenne doit maintenir une ligne solidaire afin de préserver sa liberté et exercer le rôle d'une puissance d'équilibre.

01/2021

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Vie chrétienne

Humaniser selon l'Evangile. Clés de lecture pour comprendre Joseph Moingt

L'Eglise catholique est en crise, nul ne peut plus l'ignorer. Son lien multiséculaire à la société est en voie de se rompre. Les contributions en tout genre se sont accumulées sur le sujet depuis une dizaine d'années. Les analyses historiques, sociologiques ou structurelles ne manquent pas. Les approches fondamentales sont par contre nettement plus rares. Au milieu de l'été 2020 disparaissait l'un des plus grands théologiens de notre temps. Joseph Moingt laisse une oeuvre considérable bâtie sur une longue carrière d'enseignement de la théologie et de dialogue avec le monde. Ses ouvrages grand public ont connu un franc succès. Ils ouvrent pourtant des pistes de travail inestimables fondées sur la nature profonde du christianisme abordé dans son lien originel avec la raison. L'ambition du présent ouvrage consiste à restructurer et dédensifier cette " somme " pour en faciliter l'accès et encourager sa lecture. Une idée maîtresse guide le parcours proposé : l'Eglise peut d'avance renoncer à toute réforme interne et à toute audience du monde si elle ne renouvelle pas sa pensée en redécouvrant la révolution spirituelle engendrée par l'idée chrétienne de Dieu. Pour ce faire, Moingt appelle tout chrétien à développer une "foi critique " de ses présupposés et de sa tradition. Le jésuite français fait ainsi le pari qu'un espace de reconnexion peut à nouveau s'ouvrir entre le christianisme et la société occidentale à l'heure où celle ci se défait de la religion chrétienne, en grande partie sous la poussée de l'Evangile. Une voie d'humanisation spécifiquement chrétienne reste disponible à quiconque s'ouvre au travail universel de l'Esprit en faveur de la liberté et de la fraternité.

09/2023

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Religion

Le pari de la fraternité. Entretiens avec Aimé Savard

Guerre économique, course à la rentabilité, compétition scolaire… En Occident comme sur la planète entière, le modèle de vie formaté par la logique de marché ressemble de plus en plus à la lutte de tous contre tous. Malheur aux vaincus ! Pendant que les gagnants dépensent sans compter que devient la solidarité ? Les associations qui s’en réclament sont-elles cantonnées à ramasser les blessés sur le champ de bataille en leur procurant simplement de quoi survivre ? Comment sortir de cette vision fataliste qui défait les liens entre les humains, émiette les sociétés et culpabilise les plus fragiles, chômeurs, précaires et étrangers accusés de tous les maux ? Les responsables de deux des plus importantes associations de solidarité en France, Guy Aurenche, président du CCFD-Terre Solidaire et François Soulage, président du Secours Catholique affrontent ces questions à bras le corps. Loin de se contenter de démasquer les causes des insoutenables inégalités qui lézardent les sociétés du Nord et du Sud, ils prennent appui sur l’expérience de leurs associations pour proposer une autre démarche : au lieu de dire aux plus pauvres ce qu’ils doivent faire, il s’agit de faire route avec eux pour inventer ensemble des manières d’être et d’agir qui redonnent le goût de construire un monde solidaire. Inspiré par l’Evangile, le regard de ces deux chrétiens incite l’Eglise à sortir des ornières du conservatisme identitaire dans laquelle elle risque à nouveau de s’embourber cinquante ans après le Concile Vatican II. « Tu n’es pas condamné à être seul », tel est le coeur de l’espérance qui traverse ce livre. Comme un écho aux multiples initiatives des femmes et des hommes qui, chrétiens ou non, témoignent qu’il est possible de vivre dignes et debout.

10/2012

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Littérature étrangère

Une autre vie

Parlant de lui à la troisième personne Per Olov Enquist entreprend dans Une autre vie son autobiographie. Il est fascinant, ce parcours qui mena un garçon du Nord de la Suède, tôt orphelin de père, élevé par une mère institutrice très rigoriste jusqu'aux grandes villes fondamentales de l'histoire de la seconde moitié du XXe siècle : Berlin, New York, Los Angeles, Paris. L'enfant qui imaginait que les fils téléphoniques chantent par les nuits glaciales d'hiver vit-il encore dans le journaliste sportif qui couvre les tragiques Jeux olympiques de Munich ? Le jeune étudiant plein de fougue qui côtoya Lars Gustafsson et Gôran Tunstrôm, eux aussi dans leurs vingt ans, subsiste-t-il dans l'homme brisé qui ne sait plus écrire une seule ligne ? La jeune fille que l'enfant chérissait en secret perdure-t-elle comme un leitmotiv tandis que la vie défait un mariage avant de former un nouveau couple, lui aussi fragile ? Avec humour, chaleur et intelligence, Per Olov Enquist reprend chronologiquement sa vie dont certains moments sont étonnants - il fut sauteur en hauteur - ou tragiques - la chute dans l'alcoolisme -, mais il replace aussi son oeuvre littéraire dans le contexte. Ainsi le voyage-enquête dans les pays baltes, à l'origine de l'écriture de L'Extradition des Baltes ; le séjour en Californie dans les "grandes années" de la lutte pour les droits civiques, retranscrit dans les Récits du temps des révoltes ajournées, ou les espoirs déçus de célébrité théâtrale à Broadway. C'est à une réflexion que Per Olov Enquist nous amène, sur notre propre vie, notre époque, les liens entre elles, la question de notre honnêteté intellectuelle, celle de savoir si nous avons été objets ballottés par l'histoire ou vrais maîtres de nos existences.

02/2010

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Romans historiques

Aliénor d'Aquitaine Tome 2 : Reine de France !

Le duc d'Aquitaine est mort devant Saint-Jacques-de-Compostelle, laissant deux orphelines : Aliénor et Pétronille. Par testament, il les a confiées au roi de France. L'abbé Suger, négocie le mariage du siècle. Le duché d'Aquitaine est alors plus puissant que le royaume des Francs et s'étend du Poitou aux Pyrénées et de l'Atlantique à l'Auvergne. Le 25 juillet 1137, à Bordeaux, l'héritière du plus beau duché de France épouse Louis VII. Au premier regard, Louis tombe éperdument amoureux d'Aliénor. Elle est ravissante, élégante, raffinée, lettrée et sportive. Or Louis a été élevé dans un cloître à l'ombre des moines. Il est hanté par la peur de l'Enfer. Or, Aliénor introduit à Paris un art de vivre immortalisé par la poésie courtoise. Les Aquitains à Paris, qu'ils soient troubadours, chevaliers ou dames de la reine, créent le scandale par leur liberté et leur frivolité. Fêtes, concours de poésie, chasses se succèdent. Aliénor dépense : tapisseries, bijoux, soieries... rien n'est assez beau. La reine mère Adélaïde de Maurienne, austère et rigoriste, se heurte à sa belle-fille. Louis VII est partagé. Aliénor n'est pas la jeune femme sage et docile que l'on attendait. Elle a du tempérament et se passionne pour la politique. Louis VII est subjugué par sa reine qui défait la nuit ce que le conseil décide le jour. Pour lui plaire, il part en guerre et brave les autorités ecclésiastiques. Le royaume est divisé. Les années passent. Aliénor n'est toujours pas enceinte. Donnera-t-elle un héritier à la couronne ? Louis, prisonnier de son éducation, saura-t-il aimer sa reine comme il se doit ? Saura-t-il la combler ?

03/2018

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Littérature française

Oeuvres

Les derniers livres d'Yves Bonnefoy (1923-2016) expriment son désir de transmettre le legs de la poésie par-delà la mort. "Lègue-nous de ne pas mourir désespéré", lit-on dans L'heure présente (2011). Quant à L'Echarpe rouge (2016), c'est un "livre de famille" testamentaire en même temps que l'histoire d'une vocation : "Il se trouve que j'étais apte à me vouer à l'emploi disons poétique de la parole. . ". La Pléiade fut pour Bonnefoy l'occasion de porter sur son oeuvre un regard ordonnateur. Il choisit le titre du volume, Ouvres poétiques, sans céder sur son désir de faire figurer au sommaire quelques textes brefs que l'on qualifierait spontanément d'essais. Le plan serait chronologique. Alors que certaines éditions antérieures associaient des livres ou des recueils relevant de temporalités différentes, il a défait ces "recueils de recueils" pour revenir au plus près des dates des éditions originales. Le grand recueil de 1987, par exemple, Récits en rêve, a éclaté, sans que se perde l'expression récits en rêve, qui désigne chez Bonnefoy une inspiration essentielle ; elle apparaît désormais en sous-titre de certains livres. Tous les livres ou recueils poétiques, vers, prose, ou vers et prose, sont présents. Bonnefoy ne se reniait pas ; il a souhaité donner dans les appendices quelques textes rares, bien qu'ils soient désormais loin de lui. Il a voulu aussi que soit présente son oeuvre de traducteur, de Shakespeare à Yeats, de Pétrarque à Leopardi. Enfin il a ouvert à ses éditeurs les portes de son atelier. Ses manuscrits ont pu être consultés. Ils sont utilisés En marge des oeuvres, où l'on trouvera quelques textes et fragments inédits.

04/2023

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Histoire de la philosophie

Walter Benjamin à l'ère du monde digital

Walter Benjamin est le penseur de la reproductibilité technique au XXe siècle, et il nous a donné de nombreuses pistes de lecture pour comprendre ce que la technique fait et défait dans nos sociétés industrielles fondées sur l'exploitation de l'autre. Déclin de l'aura, disparition de l'original, exposition généralisée, vulgarisation, performance, émergence de la star et du dictateur, choc, contrôle des masses et émancipation, il nous laisse un précieux viatique de fragments, célèbres ou méconnus, qui nous permettent de poser cette question : Comment appréhender le monde digital qui est en train de révolutionner notre siècle ? Dans cet essai, nous faisons l'hypothèse, soufflée par Benjamin lui-même, que nombre de ses intuitions fulgurantes, suscitées par l'essor de la photographie et l'irruption du cinéma, puis de la radio, sont restées en sommeil à son époque, et se réveillent maintenant à la faveur de l'irruption du monde digital. La logique de l'accessibilité mondiale prend racine dans le monde de la reproductibilité mécanique et en révèle le sens. De la même façon que le philosophe a pris au sérieux la technique de la radiodiffusion, au point de devenir lui-même réalisateur d'émissions à la fin des années 20, nous proposons de relire ses textes à l'aune d'une observation matérialiste du monde numérique, où chaque lecteur est en train de devenir auteur et producteur, témoin de sa propre existence en voie de dédoublement. Que se passe-t-il vraiment avec l'appareillage de numérisation du monde ? Quels en sont les effets, non seulement sociétaux, mais politiques ? Et que penser aujourd'hui de la stratégie benjaminienne de la flânerie, "protestation contre la division du travail" , à une époque où celui-ci est en voie d'extinction.

10/2022

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Ouvrages généraux

Histoire intime de la Ve République Tome 3 : Tragédie française

Dans Le Sursaut, j'ai raconté le redressement gaulliste de 1958, et dans La Belle Epoque, la gestion de "mère de famille" des années Pompidou et Giscard. C'était un autre siècle. Mais les décennies suivantes, que j'essaie de faire revivre ici, celles de Mitterrand, Chirac, même Sarkozy et Hollande, nous paraissent elles aussi lointaines, avec leurs promesses et leurs ombres : bicentenaire de la Révolution, chute du Mur, 11 Septembre, irruption des "lieux de mémoire" et éclatement concomitant de notre roman national... Mitterrand prétendait "changer la vie" en 1981. Onéreuse illusion. La présidence Chirac s'est enrayée sitôt commencée, marquée pourtant par quelques décisions mémorables. Le repli s'est poursuivi, bon an mal an, sous leurs successeurs, qui n'ont pas toujours démérité. La France n'a certes pas encore touché le fond, mais elle s'est laissée aller, au point de ne plus maîtriser ni ses comptes publics ni ses flux migratoires. Sans oublier le délitement de l'autorité qui ronge nos âmes, notre industrie qui se défait, comme notre moral, et la juxtaposition des ghettos communautaires sous l'égide du "vivre-ensemble" . Ce qui n'empêche ni les plaisirs, ni les rires, ni les joies, ni les chansons de Véronique Sanson et de Francis Cabrel qui égaient notre vie, ni la nostalgie de ceux qui nous ont quittés sans jamais partir - Aragon, Barbara, Johnny Hallyday, Belmondo... Puisant dans mes carnets et le Journal que j'ai tenu pendant des années, j'ai voulu raconter comme je l'avais vécu ce temps de faux espoirs et de vraies ruptures, dans un va-etvient entre nos perceptions d'alors et notre regard d'aujourd'hui. Avec la conviction qu'il n'y a jamais de fatalité en histoire. F. -O. G.

11/2023

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Gestion

Quand la religion s'invite en entreprise. Clés pour le management

Comment nommer ce qui semblait ne pas concerner la réalité de l'entreprise ou ce qui est censé relever de la sphère privée ? Comment aborder les différentes facettes du religieux quand il surgit sur le terrain de l'entreprise ? Quel rôle peut avoir le droit ou la règle commune ? Quelle aide peuvent apporter les bonnes pratiques en la matière, sans tomber dans la logique des recettes toutes faites ? Des questions qui surgissent, parfois sur un fond "d'inculture" religieuse et d'un manque cruel d'"outils" de connaissance adaptés. La première partie de cet ouvrage part de l'idée désormais installée dans les sociétés modernes et sécularisées sur la séparation des sphères, publique et privée. Mais le but ici est de comprendre comment cette idée a émergé. La deuxième partie de cet ouvrage aborde directement la question du management suivant plusieurs angles d'approche. En convoquant d'abord le cadre juridique, il s'agit de rappeler les contours des règles en vigueur. Deux chapitres proprement managériaux éclairent, à partir des bonnes pratiques, ou d'expériences vécues, des outils managériaux spécifiques. La troisième partie présente une particularité, elle résume les convictions fortes : – la notion de "dialogue" que les auteurs proposent comme une finalité et non pas comme une fin ; – aborder la diversité culturelle et religieuse suivant une logique interactive plutôt qu'une juxtaposition passive ; – prendre en compte la question de la spiritualité en entreprise, comme un enjeu à réfléchir ; – changer son regard sur la complexité du monde plutôt que de vouloir le changer ; – la fraternité, qui loin d'être une utopie fantasmée, peut transformer les rapports dans les sociétés et les entreprises, une valeur sûre qui interdit les discriminations et évite les cloisonnements.

06/2019

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Développement durable-Ecologie

L'Homme et la Société N° 210, 2019/2 : Humanité & animalité

Dans un contexte de déclin de la biodiversité et d'extinction de différentes espèces animales, qu'accompagne une multiplication des animaux de compagnie depuis soixante ans (la moitié des habitants en possèdent au moins un, de nos jours, en France), se réanime un débat très ancien sur les relations entre humanité et animalité. Beaucoup de personnes donnent des noms humains à leurs animaux de compagnie, transgressant ainsi un vieil interdit tacite qui tend à disparaître. La prise en compte de la souffrance animale est considérée de nos jours comme de plus en plus légitime ; elle met en cause l'élevage et favorise différentes formes de végétarisme. On nomme "animalisme" ce vaste mouvement d'attention aux animaux et de volonté d'égalité entre eux et les humains. Cependant, l'animalisme consacre une égalité paradoxale en cela qu'elle nie aux humains - nonobstant qualifiés d'animaux - le droit d'être carnivore droit qu'elle reconnaît pourtant à d'autres animaux. Cet animalisme ordinaire a un versant plus scientifique. De nombreux auteurs, se revendiquant de l'Interspécisme et de l'éthique de l'environnement ou encore de l'éthologie, quelquefois de la psychologie évolutionniste ou de la paléontologie, mettent en cause aujourd'hui le clivage fondateur de l'humanisme et de la hiérarchie des espèces, renouant ainsi avec la sociobiologie des années 1970. Ils alimentent la réflexion de certaines fractions du mouvement de défense des animaux, ainsi que du mouvement écologiste (notamment "l'écologie profonde"). Le grand retour du naturalisme dans les sciences humaines met aujourd'hui en question les fondements de la socio-anthropologie en niant toute spécificité ou toute essence particulière à l'humain. Mais, en prétendant que les animaux ont une culture, créent des institutions équivalant aux nôtres, ne favorise-t-on pas l'anthropomorphisme et ne commet-on pas de grossières erreurs anthropologiques ?

12/2020

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Sciences historiques

Nouvelle encyclopédie politique et historique des femmes

Comment les femmes ont-elles perdu en France le pouvoir de gouverner ? Pourquoi Calvin s'est-il excusé auprès de la reine d'Angleterre Élisabeth Ie lorsqu'elle accéda au trône ? Comment les femmes ont-elles participé collectivement aux Révolutions anglaises du XVIIe siècle, américaine, française, liégeoise et brabançonne, néerlandaises du XVIIIe siècle ? Quelles ont été les formes de résistance des femmes esclaves dans la traite négrière ? Comment les utopistes et les marxistes ont-ils conçu l'émancipation des femmes ? Quand le féminisme est-il né ? Comment a-t-il évolué ? Quand et comment les femmes ont-elles obtenu le droit de vote dans les États européens, en Amérique du Nord, en Amérique latine ? Savez-vous que des femmes s'enrôlèrent dans le nazisme, le fascisme italien, la collaboration française, le franquisme, le salazarisme portugais ? Quelle fut l'action souvent méconnue des résistantes à ces régimes totalitaires ? La Commune de Paris de 1871, les Révolutions russes de 1905 et 1917, la Révolution allemande de 1918 ont-elles marqué des avancées sociales et politiques pour les femmes ? Quelles ont été la liberté et l'égalité pour les femmes dans les pays du communisme réel ? Qui étaient Clara Zetkin, Rosa Luxemburg et Alexandra Kollontaï ? Qu'est-ce que les deux Guerres mondiales ont changé pour les femmes ? Quelle est l'étendue du succès politique des femmes dans les pays nordiques ? Pourquoi l'avortement est-il interdit en Pologne, membre de l'Union européenne ? Comment des femmes ont-elles combattu les dictatures militaires d'Amérique latine ? Comment les mouvements de libération des femmes des années 1970 ont-ils traversé l'Atlantique ? Comment la mondialisation affecte-t-elle les relations hommes- femmes ? Comment les organisations internationales ont-elles construit, idéalement, l'égalité entre femmes et hommes ?

02/2010

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Psychologie, psychanalyse

Nouvelle revue d'ethnopsychiatrie N° 14 : Tabous

Le tabou attribue à une personne, un objet ou un mot un caractère à la fois interdit et sacré. Mais lorsqu'il est fonctionnel, le tabou inscrit dans l'univers du sujet qui s'y soumet une discrimination logique qui prend sa source dans des sensations physiques. Un juif pieux vomira à l'idée qu'il a pu ingérer de la viande de porc, une femme baoulé enceinte avortera en mangeant du fruit proscrit, un homme bété développera un véritable syndrome d'influence pour avoir eu des jeux sexuels avec sa cousine parallèle. Mais après cette expérience, ils se penseront davantage juif pieux, baoulé ou bété. Cliniquement, l'imposition du tabou est donc une opération complexe qui transforme des catégories culturelles en représentations psychiques par l'intermédiaire de sensations corporelles. On comprend donc aisément que les thérapies traditionnelles, dans des situations de grands désordres psychologiques utilisent de telles prescriptions. Ainsi, les shamans apaches guérissent-ils les maladies des tics, dont nous savons qu'elles sont notoirement réfractaires à toute psychothérapie, par la mise en place de systèmes individuels de tabous alors que les cheiks musulmans du Maghreb ont plutôt tendance à faire appel aux tabous religieux. De même, un patient gravement perturbé, mélancolique ou schizophrène, pourra-t-il créer un univers à la logique singulière par une organisation obsessionnelle du monde structurée autour de tabous privés. Quoi qu'il en soit, on attend toujours du tabou qu'il réinstaure de tordre là où régnait le désordre du fait de la maladie, de l'acculturation ou de la déstructuration du groupe social. Nous invitons les cliniciens et les chercheurs à approfondir la notion de tabou injustement négligée, à explorer le fonctionnement de thérapies organisées selon la logique du tabou et à s'interroger sur la place qu'il occupe, parfois à notre insu, dans nos psychothérapies.

03/1990

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Cinéma

Marlon. Mon amour, ma déchirure

Une seule femme a bien connu Marlon Brando. Ils se sont aimés et déchirés, pour la première fois elle raconte... Tarita est née à Bora Bora, fille du paradis de la Polynésie. Ils se rencontrent en 1960 lors du tournage des Révoltés du Bounty : Marlon Brando ? Je ne savais pas qui c'était... On disait qu'il était très connu, là-bas, en Amérique, mais moi son nom ne me disait rien... Marlon a trente-six ans et déjà un passé de star pour avoir joué dans Un tramway nommé Désir, L'Équipée sauvage, Jules César, Sur les quais, Le Bal des maudits. Tarita, elle, n'a que dix-neuf ans et elle ne sait pas que leur existence va basculer pour toujours. Marié déjà deux fois, il va divorcer pour elle. Mi-ange, mi-démon, Marlon est tourmenté, souvent triste, secret, parfois violent. Pourtant leur destin est scellé, elle ne cessera jamais de l'aimer. Jamais. Ils auront deux enfants ensemble : un fils, Teihotu, et une fille, Cheyenne, qui connaîtra un destin tragique. Marlon lui avait interdit de dire Je t'aime tout au long de leur vie, mais à la mort de Cheyenne, c'est lui qui avouera : Je n'ai jamais cessé d'aimer Tarita ! Et quand elle lui a expliqué, le jour de ses soixante-dix-neuf ans, qu'elle voulait écrire leur histoire pour essayer de la comprendre, il lui a répondu : C'est bien, Tarita. Écris ton livre. Ce livre nous révèle le portrait inédit d'un immense acteur brisé par son propre succès ; le choc de deux mondes - la folie d'Hollywood et le regret d'un paradis perdu - ; et le cheminement d'un amour impossible... mais absolu. Un livre fort, très surprenant, et totalement bouleversant. Un document exceptionnel.

01/2005

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Economie

Le scandale De Litra, grand annonciateur de l'explosion des banques

La société De Litra nous a laissé un document historique exceptionnel, aussi exceptionnel que la chute de la compagnie financière De Litra elle-même, éternellement associée à l'une des plus grandes escroqueries du XXe siècle qui avait secoué Paris : environ 100 millions d'euros "envolés" ou plutôt "volés" à des centaines de clients innocents. Si le livre De Litra reste encore aujourd'hui un repère historique incontournable sur le marché de l'or en France (en particulier sous l'occupation allemande) et sur le futur des banques insolvables, le dossier établi sur le scandale lui-même par le journaliste Pierre Jovanovic montre que si vos économies ou vos lingots se trouvent dans un coffre de banque ou dans un gardiennage privé, eh bien ils ont beaucoup de chances d'être emportés par ceux qui sont censés les... garder ! On l'a vu en juillet 2018 avec la Société Générale. Mais au delà de l'aspect historique du marché de l'or, le scandale De Litra a été "annonciateur" puisque à lui seul, il nous montre que le monde bancaire du XXle siècle finira de la même façon : par une escroquerie globale et la ruine des Français. Pour preuve : aujourd'hui, si vous voulez retirer en liquide toutes vos économies de votre banque, celle-ci vous l'interdira (soi-disant à cause du terrorisme, ou bien pots blanchiment d'argent, etc., etc.), prouvant de facto qu'elle est en réalité en faillite cachée. Ce qui, par extension, conduit à un nouveau constat : chaque Français travaille désormais pour deux employeurs en même temps : le premier chez qui il se rend cinq jours par semaine, et le second, sa banque, qui lui interdit de retirer tout son argent que le premier lui verse !

02/2019

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Romans de terroir

Rougé le braconnier

A une époque où le monde rural vit dans la pauvreté, Louis Rougé essaye tant bien que mal de nourrir sa famille avec les quelques sous qu'il gagne en se louant comme journalier dans les fermes. Pour améliorer le quotidien, il s'adonne au braconnage, pourtant interdit. Découvert une première fois en action de chasse par le gendarme Javelle, il écope de six jours de prison et d'une amende. Deux ans plus tard, le 9 juillet 1854, le même Javelle le surprend en possession d'un lapin qu'il vient de tuer. En proie à une minute de basse vengeance et de rage mal contenue, se sentant humilié et sans reproche, Rougé commet l'irréparable. Alors que l'alerte est donnée, il fuit dans la forêt, un lieu qu'il connaît parfaitement. La victime, donnée dans un premier temps comme "blessée à mort", reprend très vite ses fonctions. Mais Rougé, lui, devient un "criminel" traqué par toutes les brigades de la région. Pendant trente mois, dans un pays difficile, couvert et entouré de bois, il échappera à toutes les embuscades, se jouera de tous les gendarmes et les soldats grâce au soutien de la population mais surtout à la complicité d'une poignée d'amis indéfectibles. Seule la trahison abattra cet homme indomptable. Cette fascinante et palpitante affaire défraya la chronique au milieu du XIXe siècle. Elle inspira de nombreuses plumes, dont celle de Victor Hugo. En 1929, René Métayer fut le premier auteur à raconter la véritable histoire de Rougé le Braconnier. Ce drame déchirant nous fait pénétrer dans la vraie nature, celle rythmée par le souffle des saisons, celle qui sait embaumer les bocages et trille dans les haies avec les oiseaux.

04/2014

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12 ans et +

Shades of magic Tome 1

Kell est le dernier des magiciens de sang, des sorciers capables de voyager d'un monde à l'autre. Des mondes, il y en a quatre, dont Londres est, à chaque fois, le coeur et l'âme. Le nôtre est gris, sans magie d'aucune sorte. Celui de Kell, rouge – on y respire le merveilleux à chaque bouffée d'air. Le troisième est blanc : là, les sortilèges se font si rares qu'on s'y tranche la gorge pour une simple incantation. Le dernier est noir, noir comme la mort qui l'a envahi quand la magie a dévoré tout ce qui s'y trouvait, obligeant les trois autres à couper tout lien avec lui. Depuis cette contagion, il est interdit de transporter le moindre objet entre les univers. C'est malgré tout ce que Kell va prendre le risque de faire, histoire de défier la famille royale qui l'a pourtant adopté comme son fils, à commencer par le prince Rhy, son frère, pour qui il donnerait par ailleurs sa vie sans hésiter. Mais, à force de jouer avec le feu, il finit par commettre l'irréparable : il emporte jusque dans le Londres gris une pierre noire comme la nuit, qu'une jeune fille du nom de Lila décide, sur un coup de tête, de lui subtiliser. Pour elle comme pour lui – pour leurs deux mondes, à vrai dire – le compte à rebours est lancé. Un autre monde vous attend, là, de l'autre côté du mur... Découvrez Shades of Magic, trilogie unanimement saluée par la critique, signée d'une jeune auteure prodige, V. E. Schwab. Elle y tisse un univers magique d'une grande originalité qu'elle peuple de personnages inoubliables, insolents de panache, pour le plus grand délice de ses nombreux fans.

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Critique littéraire

L'énigme des premières phrases

"Longtemps, je me suis couché de bonne heure". "Aujourd'hui, maman est morte". "DOUKIPUDDONKTAN, se demanda Gabriel, excédé". Voici trois premières phrases parmi les plus célèbres de livres ô combien célèbres. Elles ouvrent A la recherche du temps perdu, L'Etranger et Zazie dans le métro. Ce livre en contient quinze autres (plus deux interludes) que Laurent Nunez examine, mot après mot, signe de ponctuation après signe de ponctuation. Tout ce que l'on peut deviner d'une oeuvre, et peut-être de son auteur, n'est-il pas contenu dans "sa" première phrase, si on l'étudie bien ? Dans les mots mêmes, leur arrangement, leur harmonie, se révèlent une pensée et l'homme (ou la femme) même qui l'ont conçue. Le nouvel essai de Laurent Nunez, aussi instructif qu'ironique, aussi passionnant que savant, interroge les premières phrases des chefs-d'oeuvre de la littérature française. Et l'on verra : un homme fou d'une femme (Racine) et une femme folle d'un homme (Duras) ; un écrivain qui perd sa mère (Camus) et un poète que sa mère abandonne (Baudelaire) ; des rôles qu'on joue très mal (Gide) et d'autres qu'il est interdit de jouer (Molière) ; des nuits où l'on est ivre (Mallarmé) et des lendemains où l'on n'arrive même plus à écrire (Barthes) ; le début d'une belle histoire (Zola) et la possible fin de l'histoire du monde (Aragon) ; la solitude (Rousseau) et l'amitié salvatrice (Flaubert), un homme qui n'ose pas dire qu'il est "hormosessuel" (Queneau) et un autre qui le dit à sa façon (Proust). Bref, la vie même, cette vraie vie qui comme dit Proust est la littérature. Italo Calvino avait écrit Comment lire les classiques ?, voici le "comment (re)lire les classiques ?" des temps nouveaux.

03/2017

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Littérature française

Les anges meurent de nos blessures

Il se faisait appeler Turambo, du nom de son village qu'un glissement de terrain avait rayé de la carte. Il était né dans l'Algérie coloniale des années 20, et son destin était écrit d'avance : il serait misérable. Mais il était beau, vigoureux, ardent et doté d'un trait de caractère assez rare : la candeur. Cette fraîcheur lui attirait des sympathies immédiates et, grâce à ce don, il put franchir les portes du monde des Français, interdit aux Arabes. Car il possédait de plus une force surprenante dans le poing gauche, capable d'allonger d'un coup ceux qui se trouvaient sur son passage. C'est ainsi qu'il attira l'attention des professionnels de la boxe. Ses succès sur le ring lui apportèrent gloire et argent. Mais comme tous les cœurs purs, il détestait la violence et rêvait d'amour. Dans sa culture, une femme heureuse était une épouse fidèle, féconde et dévouée. Il nourrit d'abord une passion secrète pour sa cousine Nora, la première femme de sa vie. La deuxième, Aïda, une prostituée, l'initia aux plaisirs de la chair. La troisième, Louise, était la fille de l'homme d'affaires qui comptait l'emmener jusqu'au titre de champion de France de sa catégorie. Puis surgit Irène. Femme libre, indépendante et fière. Elle lui apprit que la vraie passion ne pouvait s'épanouir que dans la confiance absolue et le respect mutuel. Mais comme toujours chez Yasmina Khadra, la vie ne rend pas toujours justice à ceux qui s'aiment... Dans une superbe évocation de l'Algérie de l'entre-deux-guerres, Yasmina Khadra met en scène, plus qu'une éducation sentimentale, le parcours obstiné d'un homme qui n'aura jamais cessé de rester fidèle à ses principes, et qui ne souhaitait rien de plus, au fond, que maîtriser son destin.

08/2013

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Littérature étrangère

Funérailles molles

Autour des drames qui ont marqué la réforme agraire chinoise : Une puissante oeuvre littéraire qui traite de la mémoire et de l'oubli. Le roman Funérailles molles aborde le sujet sensible de la réforme agraire en Chine du début des années 1950, un des épisodes les plus meurtriers de l'histoire récente du pays, très peu traité dans la littérature chinoise en raison des tabous qui lui sont attachés et des traumatismes laissés dans la population. Inspiré d'une histoire vraie, le récit part d'allusions voilées aux faits douloureux qu'une vieille femme a choisi d'enterrer dans l'oubli pour ne plus en subir le traumatisme répété, et se déroule au gré des tentatives de son fils pour les reconstituer, le tout conté par un narrateur extérieur qui tente lui-même de comprendre. Publié en août 2016 aux très officielles éditions Littérature du peuple, le roman a été bien reçu et n'a pas suscité de critique majeure jusqu'à ce qu'il soit couronné du prix Lu Yao, en avril 2017. Il a alors fait l'objet de vives attaques de la part d'une frange ultra-conservatrice du Parti. Interdit mais continuant de circuler, il a suscité un vif intérêt et des commentaires très positifs de nombreux lecteurs et internautes chinois qui ont spontanément apporté leurs propres témoignages et observations personnelles. Ce roman apparaît comme un document littéraire aussi intéressant par le fond que par la forme. Il dépasse le cadre de la réforme agraire chinoise pour livrer une réflexion toujours actuelle qui nous concerne tous sur la tentation de l'oubli et le devoir de mémoire dans un contexte où la vérité historique s'avère insaisissable.

02/2019

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Histoire de France

La guerre d'Algérie n'a pas eu lieu. Du déni à l'oubli, chronique d'une tragédie

L'Algérie était la France, celle-ci ne pouvait donc entrer en guerre contre elle-même. Reconnaître l'état de guerre signifiait la reconnaissance d'ennemis que les Français d'Algérie considéraient depuis toujours comme une autre espèce, les "indigènes", pour ne pas les nommer des sous-hommes, ainsi qu'ils étaient pourtant traités. S'il ne faut parler que d'une "simple opération de maintien de l'ordre", encore convient-il de préciser qu'il s'agit de l'ordre établi, celui des inégalités raciales. Dès lors que le pouvoir, civil et militaire, interdisait de nommer la guerre, la chape de plomb du déni général recouvrit l'ensemble du pays. Le mensonge d'Etat instaure une autre scène, publique, sur laquelle la guerre n'existe pas, ni non plus la torture, les massacres, les camps. La guerre devient même une opération de paix. Pour mieux entretenir la confusion, un langage-écran se substitue à la langue commune. En l'absence de guerre, plus de prisonniers de guerre mais des rebelles "pris les armes à la main", sans droit aucun, les tortures ne sont que des "interrogatoires poussés" et l'extermination des civils que des "ratissages" et "nettoyages" de terrain. Dans le même temps où l'Algérie "se transforme en vaste camp de concentration", ainsi que le déplore le général Alix dans son rapport sur les camps d'internement, la circulaire Papon interdit l'utilisation du terme de camp, qui disparaît du vocabulaire. Cette dénaturation du langage s'est révélée si efficace qu'à leur retour au pays la plupart des deux millions de jeunes hommes enrôlés n'ont rien pu dire sur l'enfer vécu en Algérie. A l'heure de la sédition, face aux généraux et centurions dévoyés, ils ont pourtant été le premier rempart de la nation, qui les a si peu pris en considération.

01/2018