Baies et fruits

Les fruits sanglants de Junji Ito aux éditions Tonkam est une suite de nouvelles captivantes du genre horreur. Rien d’étonnant d’ailleurs pour un mangaka de la trempe de notre auteur ! Comme Eve devant le fruit défendu en plein Eden, il est difficile de résister aux Fruits sanglants dans les rayons de votre librairie… Ce recueil renferme sept terrifiantes merveilles dont on peut aujourd’hui se délecter dans tout l’hexagone.

Les fruits sanglants est un petit bijou du genre manga horreur. C’est un recueil de sept nouvelles écrites pour la revue japonaise Gekkan halloween (magazine d’histoires d’horreur pour filles) dans les années 80/90. A travers ce volume, le mangaka explore le folklore japonais, les histoires de revenants et la peur viscérale de la mort qui habite l’être humain. Il nous entraîne à la rencontre de personnages inquiétants, capables de braver les portes de l’au-delà et parfois même à la limite du vampirisme. Mais vous… ? Résisterez-vous aux Fruits sanglants? Sortirez-vous indemnes de ce dédale terrifiant ?

Une efficacité redoutable

Est-il vraiment nécessaire de présenter Maitre Junji Ito ? Noooon ! Mais ne nous privons pas de ce plaisir et allons y ! Donc ! Junji Ito, est né dans la préfecture de Gifu en 1963 c’est un Maitre incontesté de l’horreur en manga avec Tomié ou Spirale (Uzumaki de son titre original), adaptés plus tard au cinéma, deux titres qui marqueront à tout jamais le monde de l’épouvante à travers le globe. Enfin, revenons-en à notre chronique… désolée la passion m’emporte... Dans ce dernier recueil le maître de l’horreur redouble d’efficacité pour nous angoisser et nous tenir en haleine. Ses nouvelles sont plus obsédantes et dérangeantes les unes que les autres. A travers chacune d’entre elles le lecteur est saisi d’une angoisse sournoise.

Les thèmes de l’horreur sont revisités à la façon de l’auteur et les différents scénarios se succèdent habilement tout en mettant notre esprit à rude épreuve. On se laisse rapidement emporter par le récit et on partage aisément les peurs et les interrogations des personnages.
C’est un plaisir de pouvoir accéder aujourd’hui à ces textes…

Un réalisme troublant

Dans Les fruits sanglants, Junji Ito ne change rien à ses habitudes. Son style reste très distingué. Il adopte un trait simple et efficace. Pour chacune de ses nouvelles il enchaine des planches sombres, correctement alignées et équilibrées. Le charac design et les décors sont sobres et réalistes.

Ce réalisme renforce le côté dérangeant et obsédant de ses intrigues et grâce à son style épuré l’ambiance de son recueil n’est que plus troublante. Entre deux vignettes, on se retrouve rapidement, à huis clos dans la psychose des protagonistes et nous voici piégés dans la paranoïa et les frayeurs alentour. Comme s’il nous faisait la lecture d’un journal intime ou d’un souvenir, l’élégante sobriété des images de Junji Ito réveille en nous une angoisse pénétrante qui le caractérise complètement.

Quoi de mieux qu'un polar à la Belle Époque ? Un polar à la Belle Epoque parisienne en bande dessinée qui reprend l'esthétique de l'Art nouveau, le courant en vogue dans la capitale culturelle du monde.

Cette association, c'est toute la promesse d'Automne en baie de Somme. Fruit de la collaboration du scénario de Philippe Pelaez et des dessins d'Alexis Chabert, l'ouvrage combine une affaire nouée et complexe à un trait pas très éloigné de Mucha ou Degas.

Au-delà de la dimension historique, esthétique ou même narrative, le l'oeuvre se veut également un plaidoyer pour la femme au tournant du XXe siècle. Celle qui symbolise la République mais qui demeure prisonnière de son corps.

Pour faire suite au manuel pratique de l'autohypnose et avant la parution de celui consacré à la sophrologie, la collection s'enrichit d'un nouveau titre de développement personnel, adapté à nos modes de vie stressants et anxiogènes.

Ainsi, à la suite de cette courte lecture, si vous êtes pleinement engagé dans le changement et l'amélioration de votre vie quotidienne, convaincu que vous pouvez agir personnellement en prenant davantage soin de vous, c'est certain vous serez capable de pratiquer la méditation chaque jour.

Si, au contraire, vous manquez un peu de motivation, si les contraintes de la régularité vous éprouvent, ce guide risque de ne pas suffire mais vous confortera sans doute dans l'idée qu'une pratique en groupe peut vous ouvrir une vie plus épanouie, développer votre confiance personnelle.

Aussi, soyez prêts, ce livre de vulgarisation, absolument dans l'air du temps, est une invitation à vous impliquer personnellement.

Avant de démarrer concrètement les exercices de méditation au quotidien, l'auteur  rappelle (sans entrer dans les détails) les fondements et les principes de base de la méditation puis propose une mise en pratique concrète et illustrée, avec en bonus, une séance à télécharger de méditation menée par Fabrice Midal, fondateur de l'école occidentale de méditation. Aussi, soyez prêts : respirez !

La méditation aide à développer une forme d'intelligence différente, plus corporelle, à acquérir de la confiance en soi, à s'ouvrir à soi et aux autres. Ni réellement exercice d'intériorisation, ni technique de relaxation ou de gestion du stress, la méditation offre pourtant la possibilité de trouver des ressources  propres, aide à renouer avec la simplicité, à retrouver une unité corps-esprit.

10 à 30 mn/ jour de méditation suffisent pour se familiariser avec sa pratique. Ce guide apporte des conseils sur la posture à adopter, les techniques respiratoires. Il suffit ensuite de suivre la progression proposée par l'ouvrage pour surmonter les obstacles fréquents comme le risque d'endormissement, les tensions, le mal de dos, l'agacement, l'envie d'arrêter, l'impossibilité de se concentrer…

Cela semble simple : s'accorder du temps, se faire confiance, prendre soin de soi, c'est déjà méditer.

En fin d'ouvrage l'envie d'essayer gagne le lecteur et, pour aller plus loin, des repères bibliographiques lui sont proposés.

Poète et écrivain breton, a passé trois mois en résidence au cœur d’un quartier populaire de Rennes, le quartier Maurepas. De ce séjour temporaire, il a  rapporté un livre unique, un  reportage réaliste et poétique à la fois, un témoignage très personnel, sensible et beau, juste et précis, sombre et triste, entre inquiétude, douleur et nostalgie ; mais aussi lumineux, métissé et coloré. Toujours proche.

Une écriture visuelle et sonore, immédiate et pénétrante,  capable d’immerger le lecteur sans détours au pied des grands immeubles, dans la vie des habitants, mais sans voyeurisme. Un récit délicat, tout en retenue.

A l’image d’un parcours à pied, la lecture chemine doucement à travers les bâtiments, les étages, les jardins et autres espaces publics, offre à voir, à ressentir en un rythme continu, fluide, jamais hâtif ni pesant. Quelques haltes sont possibles, bien sûr, étincelantes d’ailleurs, à travers notamment les aquarelles du dessinateur Emmanuel Lepage. Ainsi composé, Les rumeurs de Babel devient un objet artistique autant que littéraire,  engagé et précieux.  A partager.

Nul besoin d’être Rennais, le quartier Maurepas  pourrait s’appeler Miramas, Malakoff, Belleroche, La Beaucaire ou Bondy, quelque part en France.  Si loin, si proche… A découvrir ici. Mais là-bas lui ressemble sûrement.

"Moi qui ne suis/que de passage/sur leur passage"

Yvon Le Men rend compte du quotidien des habitants de ce quartier. Voisin attentif à l’ordinaire, aux habitudes qui rythment les existences, il observe, s’insère, s’intègre,  raconte enfin et donne vie. Véritablement.

“Nous sommes ensemble par le bruit qui déborde de partout”.

De ces logements construits vite ("au moins cher ") à l’époque des Trente Glorieuses pour accueillir les ouvriers de l’usine Citroën ("qui découvriraient en même temps/ les trois/huit et le confort")  ou les exilés ruraux et devenus aujourd’hui résidences vétustes, mal isolées, destinées davantage aux étrangers ("mon voisin s'appelle Abdel"), aux chômeurs et autres exclus de la société ("A Maurepas/ dix pour cent des gens vivent avec/ devinez quoi ?/ soixante-sept euros par mois/ quand on sait/ vous ne le savez peut-être pas/ qu'à Maurepas/ cinquante pour cent des gens vivent avec/ devinez quoi ?/ neuf cent trente et un euros par mois").

Des jeux du square, du chantier d’un tunnel pour la future ligne de métro, des zones de deal en bas des immeubles, des femmes avec leur lourd cabas en plastique ("des sacs/des sacs/trop de sacs") et la ribambelle d’enfants à leurs côtés, des chiens, agressifs ou non, solitaires ou en laisse, des bandes de filles, du café et du verre de vin pour tromper l’ennui ("les heures si pleines/de secondes/qui n'en finissent pas/de ne pas finir") de la télé toujours forte, la nuit, le jour, des associations de quartier et des cours d’alphabétisation, des violences conjugales, de l’ivresse désespérée, des correspondants de nuit “qui la nuit/ chassent /les bruits/ que l’on peut faire/ seulement le jour”, des ordures jetées depuis les étages ou dans les escaliers ("on trouve/des slips/des capotes/des tampons/des chaussettes qui traînent/sur les marches qui mènent"), des cris ("ça s'infiltre/sous les boules Quies"), de la folie, des jardins familiaux, (“9m² pour 10 euros par an”), de l’église et de son prêtre africain, de la maison de retraite, de l’école où les enfants "s'écraseront de sommeil/sur les tables de classe/faute d'avoir dormi", de la salle de prière pleine chaque vendredi, de l’immense solitude ("cinquante et un pour cent de gens seuls/comme ce n'est pas possible/vivent/survivent") ;  Yvon Le Men n’omet rien.

Certes habitant de passage mais familier des lieux,  imprégné des bruits, des odeurs, des couleurs, attentif aux habitudes, aux gestes, aux paroles comme aux murmures de ses voisins, à l’écoute, empathique, éreinté, éprouvé, en proie à la rêverie ou à la tristesse, désenchanté ou étonné, jamais indifférent, jamais indiscret. Lié à l’endroit lui-même délié ("tous les cinq ans/la moitié des gens/s'en vont/pas le temps/alors/de bâtir une maison/commune").

Epuré et sobre,  ce long poème entre aussitôt en résonance avec le lecteur, défile comme les images d’un film, EST le quartier. Des vies sans éclat deviennent ainsi poésie, des bruits incessants et répétitifs forment ses sonorités, marquent le rythme, percutants, forts d’émotions, entêtants. Le quartier vibre. A la dérive. Déchirant.

C'est un appel, une prise de conscience, un choc "s'il vous plaît/faîtes quelque chose/pour eux/pour que/ceux de Maurepas/qui ne dorment pas/dorment/bien/au moins une fois." Entendez-le. De toute urgence. "Ca ressemble/ce n'est pas possible/ça ressemble/à des appels/au secours."

Sans un mot, Patrice Killoffer déroule sous nos yeux ébahis le quotidien émouvant, tantôt routinier et banal, tantôt festif d'un dessinateur et de son robot domestique : cette intelligence artificielle sur pattes est le meilleur ami de l'homme, semble-t-il. Mais comme le disent les philosophes (on les paie mal pour ça, d'ailleurs) : rien n'est éternel en ce bas monde : le robot passe la carte-mère à gauche et le pauvre dessinateur est d'un coup saisi par un étrange sentiment de solitude et de vacuité. Il faut qu'il trouve à nouveau l'âme sœur digitale...

Tour de force visuel En chair et en fer publié par Casterman poursuit le travail d'auto-exploration graphique entrepris par le dessinateur-scénariste dans 676 apparitions de Killoffer ou Killoffer tel qu'en lui-même enfin (tous deux à L'Association, en 2002 et 2015), confrontant à présent le double de l'auteur à la technologie et à la robotique. Pas besoin de paroles pour raconter en détail les liens subtils que peuvent tisser l'homme et la machine, pour exposer les problèmes de communication et les troubles de l'humeur...

Plus magistral que jamais, Killoffer s'en donne à cœur-joie pour dessiner les câbles et les rayonnages, les contours de meubles et les encadrements de portes. Le petit intérieur de son appartement habité par les robots se transforme en macrocosme qui boucle sur lui-même, entre rêve, itération et réalité, alors que chaque case tire une force incroyable du contraste exploité dans toute sa pureté entre le noir et le blanc.

Inspiré par l'essai Machines insurrectionnelles de Dominique Lestel que le dessinateur avait illustré, ce récit comique, malin, profond et touchant invite les lecteurs à plonger, en robe de chambre et scrotum à l'air, dans le petit monde bedonnant des machines qui s'humanisent et des humains qui se... comprennent enfin, dans la contemplation de leur double cybernétique.

Un album bluffant.

Pablo est un jeune garçon très remuant. A tel point que pour son anniversaire il reçoit comme cadeau... une chaise. Sa famille espère qu'il se tiendra ainsi enfin un peu tranquille. Fâché, Pablo s'enferme dans sa chambre. Mais ce n'est pas une simple chaise qui va changer son tempérament : au bout d'une heure il se balance sur le siège, deux heures plus tard il tient en équilibre sur les mains et, à la fin de la journée il est devenu funambule-de-dossier-de-chaise. Quelques jours après, il quitte les siens, la chaise fixée sur le dos. C'est ainsi qu'il traverse le pays, s'arrêtant dans les villages pour présenter son spectacle. Le succès est vite au rendez-vous, les salles sont pleines, le monde entier l'acclame. Jusqu'au jour où il décide de refaire le même trajet en sens inverse...

nous fait suivre le périple de Pablo, un jeune garçon qui choisit de quitter  – provisoirement – sa famille qui ne le comprend pas afin de devenir lui-même. Parce que l'entourage n'est pas forcément de bon conseil et n'est pas toujours apte à juger des compétences de ses proches. En effet, pourquoi vouloir canaliser quelqu'un, alors que le laisser aller au bout de ses rêves et de ses envies est probablement le seul moyen de le voir se poser un jour ? Car ne pas tenir en place peut être signe de talent.

Delphine Perret aborde un sujet sérieux avec une finesse que l'on retrouve également dans ses illustrations au trait, ponctuées par-ci par-là d'à-plats de couleurs.

Un album initiatique pour apprendre à rester soi-même et ne pas se laisser influencer par son entourage.