Ce livre est une horreur. D'une force descriptive et visuelle époustouflante, très gore, il soulève le cœur, glace le sang, indispose, effraie tellement qu'il contraint à fractionner sa lecture pour tenir, tenter de supporter l'insoutenable.
Lors des pauses indispensables, il est encore difficile de s'en détacher vraiment et pour braver sa peur, le lecteur, devenu soudainement loquace, raconte aux proches l'épisode qu'il vient de traverser, partage son émotion au fur et à mesure pour en atténuer la virulence et la pesanteur.
Et quand il a récupéré, ragaillardi, il replonge aussitôt dans l'enfer insulaire de Falstaff, aspiré par la folie du lieu et, de nouveau, tiraillé par l'angoisse et l'effroi. Impuissant à renoncer, emporté par un rythme tendu, une dépendance imprévue à l'histoire, il relève encore la tête du livre à plusieurs reprises, terrifié par ce qu'il vient de lire, mais reprend son souffle, déterminé à aller jusqu'au bout pour reconnaître que cet état d'excitation et d'épouvante dans lequel l'écrivain (traduction, ) l'a mené, s'est transformé, au final, en un véritable et durable plaisir de lecture. Qu'il lui tarde de partager ensuite.
La petite île de Falstaff, située dans le golfe du Saint-Laurent, à l'extrémité septentrionale de l'ïle-du-Prince-Edouard est inhabitée mais pas spécialement inhospitalière. Le gouvernement met à disposition un bâtiment pour les randonneurs occasionnels et c'est là que Tim Riggs, médecin d'une quarantaine d'années emmène chaque année cinq jeunes scouts, Kent, Ephraïm, Max, Shelley et Newton.
Deux jours où la petite troupe vit à l'écart de la société sans téléphone portable. Un isolement souvent joyeux et créatif où les activités pratiques dans la nature éveillent les valeurs de solidarité, de respect et d'entraide. Mais c'est sans compter, cette fois, sur l'arrivée surprise au camp de base d'un homme décharné et affamé, probablement malade. "Un monstre putréfié tout droit sorti de la mer […] Un squelette dont les os étaient reliés par des muscles boursouflés et dont les chairs grisâtres pendaient en loques."
Pris dans la tourmente d'une situation insensée face à laquelle leur chef médecin se révèle vite impuissant, les cinq adolescents, vont devoir, sans assistance extérieure, affronter des événements effroyables, s'unir ou se désunir pour tenter d'échapper à la mort, résister par tous les moyens, même les plus cruels. Confrontés à eux-mêmes, ils vont réagir différemment face à la peur, éprouver durement leur amitié, puisant en eux des forces inattendues, insensées et dévastatrices.
Une construction narrative haletante inspirée du roman Carrie de Stephen King (où se mêlent notamment des articles de presse, des témoignages divers issus des registres de preuves réalisés après le drame, des explications à caractère scientifique), intensifie le rythme et offre à l'intrigue une ossature très convaincante, un effet réaliste redoutable, intenable par moments.
La psychologie des personnages, l'étude minutieuse de leur personnalité et de leurs réactions diverses face aux événements tragiques qui se succèdent amplifient l'effet de surprise et la démence de certains ajoute à la terreur et au trouble incontrôlables.
Derrière Nick Cutter se cache l'écrivain canadien Graig Davidson.