#Roman francophone

Dialogue du chapon et de la poularde

Voltaire

LA POULARDE : Quoi ! C'est donc pour que nous ayons une voix plus claire qu'on nous a privés de la plus belle partie de nous-mêmes ? LE CHAPON : Hélas ! Ma pauvre poularde, c'est pour nous engraisser, et pour nous rendre la chair plus délicate. LA POULARDE : Eh bien ! Quand nous serons plus gras, le seront-ils davantage ? LE CHAPON : Oui, car ils prétendent nous manger. LA POULARDE : Nous manger ! Ah, les monstres ! LE CHAPON : C'est leur coutume ; ils nous mettent en prison pendant quelques jours, nous font avaler une pâtée dont ils ont le secret, nous crèvent les yeux pour que nous n'ayons point de distraction ; enfin, le jour de la fête étant venu, ils nous arrachent les plumes, nous coupent la gorge, et nous font rôtir. On nous apporte devant eux dans une large pièce d'argent ; chacun dit de nous ce qu'il pense ; on fait notre oraison funèbre : l'un dit que nous sentons la noisette ; l'autre vante notre chair succulente ; on loue nos cuisses, nos bras, notre croupion ; et voilà notre histoire dans ce bas monde finie pour jamais.

Par Voltaire
Chez Editions Manucius

0 Réactions |

Auteur

Voltaire

Genre

Littérature française (poches)

Commenter ce livre

 

21/10/2014 54 pages 5,00 €
Scannez le code barre 9782845784352
9782845784352
© Notice établie par ORB
plus d'informations