#Roman étranger

Et Ellie vécut heureuse

Harriet Evans

A vingt-deux ans Eleanor Bee s'est fixée trois buts : s'installer à Londres pour faire carrière dans l'édition, avoir les moyens de s'offrir un café et un croissant chaque matin, et surtout ne jamais tomber amoureuse - depuis le divorce de ses parents, Ellie ne croit plus au prince charmant. Quand enfin elle arrive dans la capitale, rien ne se passe comme prévu. Elle accumule les gaffes, sa carrière ne décolle pas assez à son goût et, ô malheur, elle a un coup de foudre. C'est alors qu'une échappatoire miraculeuse apparaît : Ellie se voit offrir un poste à New York. Mais elle a beau fuir, le passé a toujours une étrange manière de vous rattraper... Un portrait tendre et juste des jeunes femmes actives d'aujourd'hui qui, à force de tout planifier, pensent pouvoir contrôler leur vie sans que le hasard s'en mêle !

Par Harriet Evans
Chez Presses de la Cité

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Genre

Littérature étrangère

PROLOGUE

Août 1988

 

 

 

Mon happy end, par Eleanor Bee

Elles rient de moi, les filles, à la cantine.

Mais, un jour, c’est moi qui rirai de leurs mines. Elles sont partout ces bottes noires,

Ces bottes de motards.

Mais les porter rien que pour être in ?O, nuit traîtresse,

Va-t’en et me laisse

Car je suis tel un petit point rouge qui

 

Eleanor Bee posa son stylo en soupirant. Elle s’étira, les deux bras au-dessus de la tête, avec toute la lassitude de celle qui est en train de rédiger son Ulysse. Hélas, ce faisant, elle accrocha le casque jaune canari de son Walkman tout neuf. Le boîtier de plastique s’en trouva brusquement tiré dans le vide et se balança un instant devant son visage avant de s’écraser par terre dans un craquement sonore.

— Oh non ! gémit Eleanor en ôtant ses écouteurs, ce qui ne fit qu’aggraver les choses. Non !

La diffusion dans ses oreilles de « Don’t Call Me Baby », de Voice of the Beehive, fut brusquement interrompue. Le baladeur gisait sur le sol, le couvercle du lecteur de cassette projeté à deux mètres de là, au fond de sa chambre, dans un nid de poussière et de cheveux. Eleanor ramassa l’appareil et l’examina, désespérée. Par la porte entrouverte, elle entendait le tintement des  verres et le grincement des couverts dans les assiettes. Elle entendait surtout des éclats de voix.

Tu as dit que tu la conduirais demain, John. Je t’assure que tu l’as dit.

— Non. N’importe quoi.

— Si. Sauf que, bien sûr, tu n’as rien écouté. Comme d’habitude. Très bien. Je la conduirai moi-même.

— Pas si tu es toujours dans cet état. Ah, je te jure… Si tu te voyais, Mandana…

— Non mais tu as fini avec tes sermons ? Merde… Eleanor remit les écouteurs et plaqua les mains dessus.

Puis elle alla à quatre pattes récupérer le couvercle. Elle se releva en s’époussetant. Par la fenêtre, elle vit le soleil semblable à un citron pâle glisser dans l’océan. Sur la plage, les derniers baigneurs sortaient de l’eau. Un groupe particulièrement intrépide faisait du feu et préparait un barbecue. À cette latitude, en août, le soleil ne se couchait que bien après vingt-deux heures.

Mais Eleanor ne regardait ni le paysage ni les gens. Elle fixait sans la voir la promenade en bois branlante qui descendait vers la mer, en se demandant si elle devrait pas débouler dans la cuisine et leur dire qu’elle n’avait plus envie d’aller chez Karen à Glasgow. D’un autre côté, elle avait peur de les interrompre. Elle ne voulait pas entendre ce qu’ils se disaient.

Le père de sa mère était mort deux semaines avant leur arrivée à Skye. Au début, cela n’avait pas paru une affaire d’État. Eleanor ne savait d’ailleurs qu’en penser – c’était quand même son grand-père –, mais c’était vrai. Lui et sa femme vivaient à Nottingham et elle ne les voyait presque jamais. Sa mère ne s’entendait pas avec eux. Eleanor et Rhodes n’étaient allés à Nottingham qu’à deux reprises. La première fois, leur grand-père sentait le whisky et il leur avait crié après quand ils avaient joué dans le tout petit jardin. La deuxième fois, il s’en était pris violemment à leur mère en lui disant qu’elle devrait avoir honte d’elle. Il sentait encore le whisky. (Eleanor ne savait pas ce que c’était, mais Rhodes le lui avait appris. Il adorait savoir ce qu’elle ne savait pas.)  Et donc, c’était plutôt leur grand-mère qui venait les voir dans le Sussex ou bien ils passaient la journée à Londres avec elle. Eleanor adorait ça même si, maintenant, sa grand-mère ne comprenait pas qu’elle avait quatorze ans et qu’elle n’avait plus envie de faire des trucs de bébé comme aller chez Madame Tussauds. Elle avait envie de traîner toute seule chez Hyper Hyper ou à Kensington Market.

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trad. Sophie Pertus
14/02/2013 495 pages 22,00 €
Scannez le code barre 9782258095441
9782258095441
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