#Roman étranger

Le calme retrouvé

Tim Parks

Entre enseignement et écriture, Tim Parks a une vie bien remplie. Il ressemble à beaucoup d’autres, et il est conscient qu’une certaine nervosité et de nombreuses tensions l’habitent. Quand il ressent de fortes douleurs dans le bas-ventre, quand ses nuits deviennent entrecoupées par des visites de plus en plus fréquentes aux toilettes, tout le monde le rassure : ce n’est pas un cancer mais un problème de prostate qu’il faut opérer. Mais cette opération apparemment très commune et peu risquée, Tim Parks la refuse. Avec humour, il relate ses démarches au fil du temps, ses avancées, ses doutes, ses déceptions. Petit à petit il appréhende ses douleurs et sa maladie, essaie de l’apprivoiser, cherche fébrilement une issue. Son itinéraire intérieur ainsi que ses démarches pratiques forment un récit passionnant dans lequel tout son talent d’écrivain se déploie. Pas à pas, les raisons passées et actuelles de la forte tension qui le tenaille se révèlent. Grâce à la méditation et au shiatsu, il parvient à se détendre et à faire disparaître les symptômes presque entièrement. Toute cette expérience s’avère finalement d’un grand bénéfice - une porte s’est ouverte, il a accès à des connaissances jusqu’alors totalement étrangères. L’universalité et l’intelligence de ce récit en font une œuvre d’exception qui saura aider certains à affronter leur maladie d’une manière très différente de celle qui est pratiquée par la médecine classique.

Par Tim Parks
Chez Actes Sud Editions

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Genre

Littérature étrangère

AVANT-PROPOS

 

 

 

Je n’ai jamais envisagé d’écrire un livre sur le corps. Encore moins sur mon corps. Quelle indélicatesse. Pas plus que je n’ai envisagé d’être malade de la façon mystérieuse et exaspérante dont je l’ai été. Par-dessus tout, il ne m’était jamais venu à l’idée qu’une maladie risquait de mettre au défi mes présomptions les plus enracinées, de m’obliger à repenser la primauté que j’ai toujours accordée au langage et à la vie de l’esprit. À force de textos, de mails, de chats et de blogs, nos cerveaux modernes dévorent notre chair. C’est la conclusion à laquelle une longue maladie m’a amené. Les vampires cérébraux que nous sommes devenus se nourrissent de leur propre sang. Même au club de gym, ou encore lorsque nous courons, notre vie est entièrement concentrée dans la tête, aux dépens de notre corps.

Je n’avais aucune envie de parler à qui que ce soit de ma maladie. Encore moins d’écrire sur le sujet. Il s’agissait précisément des douleurs et des humiliations que l’on apprend très tôt à passer sous silence. Il suffit de regarder les mots qu’emploie la médecine – intestins, fèces, urètre, vessie, sphincter, prostate – pour se rendre compte que ce vocabulaire n’a jamais été destiné à être utilisé en société. Nous nous y refusons. Mon intention, comme celle de tout un chacun, était de m’en ouvrir aux médecins et de feindre que tout allait bien.

Par ailleurs, c’est la réalité, et dans mon cas l’heureuse vérité, à savoir qu’au moment même où le corps médical avait fini par renoncer, et moi par ne plus rien attendre de lui, alors même que je semblais être condamné à vie à la douleur chronique, quelqu’un a proposé un recours insolite : Restez tranquille, et respirez. Je suis resté tranquille. J’ai respiré. Un exercice qui a commencé par me paraître assommant, passablement douloureux, sans efficacité immédiate. En fin de compte, il s’est avéré tellement enthousiasmant, tellement transformateur, sur un plan à la fois physique et mental, que j’ai commencé à penser que ma maladie avait été un coup de chance. Si je n’étais pas le plus grand des sceptiques, je dirais qu’elle m’avait été envoyée d’en haut pour m’inviter à changer mes habitudes. En tout cas, l’histoire était à présent devenue une énigme trop séduisante pour ne pas être mise par écrit.

Tout cela se résume, me semble-t-il, à une extraordinaire discordance entre les êtres que nous sommes et la façon dont nous vivons. J’ai grandi dans une famille anglicane évangéliste. Ses membres étaient aussi de bons bourgeois britanniques. Ce qu’ils nous ont inculqué par-dessus tout quand nous étions enfants, c’étaient la détermination, la notion de priorité. Tout ce qui concernait le monde avait été compris depuis fort longtemps, les bons choix étaient donc évidents. Nous devions sauver nos âmes, nous devions sauver d’autres âmes, nous devions réussir à l’école, nous devions aller à l’université et décrocher de bons boulots. Et nous devions nous marier et avoir des enfants qui partageraient nos objectifs et vivraient de la même façon que nous. Même chanter avait un but. Celui de glorifier le Seigneur. Quand nous jouions, nous étions des soldats résolus à nous entretuer, pour une bonne cause. Quand nous faisions du sport, il nous fallait évidemment gagner.

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trad. Isabelle Reinharez
04/01/2012 324 pages 23,20 €
Scannez le code barre 9782330002329
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