Si la censure entend couper les ponts entre les esprits trop libres, elle semble en revanche faire le trait d'union entre les autorités. Tandis qu'en France les Flaubert et Baudelaire se voyaient contraints de plaider la défense de leurs œuvres face aux réquisitoires du procureur de Napoléon III, bien plus à l'est, c'est dans le vaste empire antagoniste de Russie que notre censuré hebdomadaire chevrotait ses premières oeuvres littéraires. Ce Book émissaire auquel on allait longtemps chercher des poux, Tolstoï, bien malgré son ascendance de mâle dominant, allait finalement aspirer à la fin de sa vie au seul développement de sa spiritualité. Parcours à rebondissements que celui d'un vétéran cosaque, aventureux ayant eu du mal à imaginer que son destin était celui d'un homme de lettres, et passé à la postérité comme prêcheur non-violent. Penseur en rupture avec sa patrie ainsi qu'avec l'Église orthodoxe, en philosophe, il est certainement celui de nos sujets qui porta la barbichette la plus longue.