Je relis André Gide, mon cher Hervé. Je doute que vous ayez jamais rien lu de lui : aucun chef d’œuvre flamboyant n’est attaché à son nom, mais c’est bel et bien un monument, nobélisé en 1947. Je l’ai beaucoup pratiqué dans ma jeunesse, surtout les nietzschéennes Nourritures terrestres, toxiques s’il en fut. Et j’aime citer cette réflexion de Gide sur l’identité nationale : « Né à Paris d'un père uzétien et d'une mère normande, où voulez-vous que je m'enracine ? » J’ajoute qu’il a passé la guerre sur la Côte d’Azur et en Afrique du Nord, alors que la NRF, dont il était un des membres fondateurs, acceptait le contrôle allemand à Paris. Il fait partie de ces quelques écrivains - dont Proust - qui n’eurent jamais à travailler : leur fortune était faite.