Recherche

Bestiaire domestique

Extraits

ActuaLitté

Vie chrétienne

Vie conjugale et célibat consacré, un défi !

... Une chance d'en revenir à la source ! En Occident, Jamais autant de divorces, jamais aussi peu de vocations religieuses ! Et si cette convergence, ne faisait que manifester " en creux " , une communauté profonde ? A première vue, rien de commun, pour ne pas dire opposition, entre réalités de la vie conjugale et ascèses des célibataires consacrés ? En réalité, et c'est le thème de l'ouvrage, l'essentiel les rejoint et cet essentiel c'est l'Amour. Tous bénéficient de la grâce du baptême et de la confirmation qui les invitent à chercher Dieu, à l'accueillir dans leur vie et à marcher en Eglise vers le royaume de Dieu. Voilà, dira-t-on de pieuses paroles qui n'engagent à rien ... sauf qu'il ne s'agit de rien d'autre que de partager un héritage, un destin et, partant, une manière de réaliser des parcours de vie par delà les statuts différents. Dès lors, pas étonnant que les uns et les autres aient à vivre des combats spirituels semblables . Voici maintenant qui est providentiel : ces états de vie sont appelés à s'épauler mutuellement. Autrement dit, il ne s'agit pas seulement de parcours parallèles avec des similitudes, mais aussi d'une rencontre heureuse et féconde entre les deux formes de vie qui requièrent, l'une comme l'autre, un engagement à vie sous le regard de Dieu. Ce travail croise sur sa route l'actualité de l'Eglise lorsqu'elle invite le peuple de Dieu dans son ensemble à réfléchir sur la synodalité. Il y a dans la vie conjugale une dimension synodale. Et de fait, couples et communautés rencontrent les nécessités d'une marche commune, d'une mise en oeuvre de discernement, d'une écoute mutuelle ou encore de prises de décisions. Toutes choses propres tant à la vie des gens mariés qu'à celle des consacrés. Ainsi, ce qui concerne la vie de l'Eglise concerne la vie des couples mariés sacramentellement et vice versa. . Le Pape François rappelle dans Amoris laetitia combien la famille fut comme une petite église, une ecclesiola ou encore une église domestique (Cf. AL 15). Ainsi donc, notre regard sur la famille s'enrichit de nos réflexions sur l'Eglise. Dire que l'Eglise est une, sainte, catholique et apostolique, c'est le dire des familles. De même dire des familles que la fidélité et la fécondité sont constitutives de leur vie, c'est le dire, mutatis mutandis, de la vie de l'Eglise. Christian Poirier est diacre permanent, ordonné dans le diocèse de Fréjus-Toulon en 2003. A l'âge de dix-huit ans il devient aveugle, et après une conversion fulgurante il se consacre à l'annonce de l'évangile. Aujourd'hui, il exerce les ministères de père spirituel et d'enseignant. Il est l'auteur de : Le Combat spirituel. De l'ombre à la lumière ; Guérison et combat spirituel. Petit traité des pathologies de l'âme ; La divinisation. Prélude aux Noces éternelles ; L'art du discernement des esprits dans la vie chrétienne.

11/2022

ActuaLitté

Elevages domestiques

L'Homme et l'Animal. L'invention de nouveaux liens

Le regard de scientifiques sur l'extraordinaire relation entre l'homme et l'animal entre fascination, peur et exploitation. Chiens, chats, chevaux, vaches, cochons... A quand remonte la domestication ? Quelle place occupent les animaux sauvages ou méconnus ? Comment expliquer la menace d'extinction qui plane sur certaines espèces ? Quels sont ces animaux sentinelles susceptibles d'anticiper l'émergence de nouvelles maladies infectieuses ? L'humanité a toujours entretenu une relation complexe avec l'animal. C'est ce lien, qui s'est intensifié lors de la révolution Néolithique par la domestication de certaines espèces et qui n'a cessé d'évoluer au fil des époques et des cultures, que la science cherche aujourd'hui à explorer. L'agriculture et l'élevage ont en effet constitué la première mise à distance entre le sauvage et le domestique. Avec la mécanisation et les élevages intensifs, les animaux sont devenus des machines vivantes à la fois optimisées et contrôlées en raison de problèmes sanitaires. Quant aux animaux sauvages, leurs espaces se sont réduits, et ils ont été de plus en plus surveillés par l'homme pour leur conservation ou pour leurs impacts réels ou supposés sur la santé et le bien-être humains. L'espèce humaine s'inspire de l'animal depuis les origines mais elle a souvent entre tenu un rapport de supériorité avec lui. Comment aujourd'hui repenser cette rela tion trop souvent conçue comme utilitariste ? Peut-être en s'interrogeant sur la place de l'humain comme " vivant parmi les vivants ". Cette nouvelle approche passe par la reconnaissance du juste apport de l'animal dans de nombreux domaines. Elle permet de mesurer combien humains et animaux ont évolué de concert en s'appor tant savoirs et connaissances. Aujourd'hui, la crise sanitaire nous interroge sur les mécanismes de l'émergence de nouveaux agents infectieux issus de la faune sauvage, mais aussi plus généralement sur les rapports entre les animaux et les humains. Un lien qu'il nous appartient de décrypter pour inventer une relation plus équilibrée, permettant de dessiner les contours d'un nouveau pacte avec l'animal. Un ouvrage collectif sous la direction de Martine Hossaert-McKey, Frédéric Keck et Serge Morand Institut écologie et environnement INEE/CNRS Rose-Marie Arbogast, Fabienne Aujard, Silvia Bagni, Eric Baratay, Nicolas Baron, Philippe Billet, Clotilde Boitard, Thomas Cucchi, Colin Fontaine, Philippe Grandcolas, Martine Hossaert-McKey, Christian Jeunesse, Sabrina Krief, Olivier Le Bot, Jane Lecomte, Virginie Maris, Serge Morand, Ludovic Orlando, Marie Pelé, Violette Pouillard, Emmanuelle Pouydebat, Emmanuel Porte, Charles Stépanoff, Cédric Sueur, Stéphanie Thiébault, Claire Vial, Jean-Denis Vigne Dans la même collection : Biodiversité(s). Nouveaux regards sur le vivant ; Mondes polaires. Hommes et biodiversités, des défis pour la science ; Ecologie chimique. Le langage de la nature ; Mondes marins. Voyage insolite au coeur des océans ; Ecologie tropicale. De l'ombre à la lumière ; Empreinte du vivant. L'ADN de l'environnement ; Ecologie de la santé. Pour une nouvelle lecture de nos maux ; Mangrove. Une forêt dans la mer ; Pré-histoires. La conquête des territoires ; Abeilles. Une histoire intime avec l'humanité.

11/2021

ActuaLitté

Famille

Mères sans filtre. 8 récits intimes de déclics féministes pour libérer la parole sur la maternité

Dépression du post-partum, charge maternelle, fatigue extrême, inégalité dans la répartition de la sphère domestique... 8 autrices reconnues partagent le déclic féministe qui a accompagné leur expérience de la maternité, un recueil de récits intimes illustré avec délicatesse pour libérer la parole sur le sujet. Cinq ans après la vague #metoo qui a relancé le débat féministe et remis la libération de la parole à l'ordre du jour, cinq ans après la bande dessinée choc de la dessinatrice Emma qui a popularisé le concept de charge mentale, les mères mettent-elles au monde des bébés dans un monde égalitaire ? Apparemment pas constatent avec stupeur les huit autrices de ce recueil confrontées à une réalité loin de l'image d'Epinal de la mère parfaite et sa vie sans nuages qu'elles pensaient vivre. Comment traverser l'expérience de la maternité quand celle-ci se révèle une plus grande épreuve que prévue ? Pourquoi a-t-on tant de mal à parler des difficultés maternelles lorsqu'on y fait face personnellement ? Comment se détacher d'un récit collectif qui passe sous silence les inégalités dans la parentalité ? Une prise de conscience qui mène à un déclic féministe dont les autrices nous livrent le récit, chacune avec sa plume acérée et au travers de sa propre histoire. Ces témoignages émouvants dans lesquels de nombreuses femmes se retrouveront permettront de démystifier la maternité et de penser autrement le rôle de mère, car il est temps de poser un regard féministe sur l'intime. Les autrices contribuent ainsi à la libération de la parole sur la maternité, sujet resté dans l'angle mort du féminisme durant des années, et s'ouvrent ici sur des sujets variés : dépression du post-partum, charge maternelle, fatigue extrême, éducation égalitaire, parentalité queer. Camille Abbey lève le tabou social qui entoure la fatigue des mères. Anne-Sophie Brasme : après avoir frôlé le burn-out maternel, elle s'attaque au mythe de la mère parfaite qui élève un " enfant réussi ". Elodie Font : après un parcours de PMA, elle questionne le rapport ambivalent qu'elle s'est mise à entretenir avec son corps depuis qu'elle est mère. Renée Greusard raconte comment sa dépression post-partum lui a fait prendre conscience de la charge affective et mentale qu'elle portait, avant de s'en libérer Julia Kerninon parle de l'équilibre de vie pro-perso mis à mal par l'arrivée de son bébé, et du déclic féministe qui lui a permis de reprendre le pouvoir et revendiquer sa carrière. Gabrielle Richard : ayant construit une famille queer, elle s'interroge sur les attentes sociétales et patriarcales derrière le mot " maman ", qui norment le rôle de parent. Claire Tran nous confie la difficulté d'adopter une éducation non sexiste, et le déclic qui l'a poussée a cofonder l'association Parents féministes. Illana Weizman traite de l'injonction au silence qui est faite aux jeunes mères par la société, et qui l'a conduite à prendre la parole sur les réseaux et à cocréer le hashtag #MonPostPartum.

03/2023

ActuaLitté

Droit

La régionalisation à l'aune de l'évolution législative de la décentralisation. Méthodologie(s) et vision(s) prospective(s) de régions stratèges

La région apparait à la faveur de la loi du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions sous le statut d'établissement public dont la caractéristique juridique première est le principe de spécialité. Il faut attendre la loi du 2 mars 1982 relative aux libertés des communes, des départements et des régions pour que celles-ci deviennent, dans son principe, une collectivité territoriale, au même titre que les communes et les départements. C'est subséquemment à la loi du 10 juillet 1985 qui fixe le mode de scrutin que les régions sont véritablement considérées comme des collectivités. La réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République va parachever sa maturation juridique, et dés lors, la région poursuit sa montée en puissance, voyant sa place et son rôle affermis dans l'architecture institutionnelle nationale. Le raisonnement ne serait pas complet si on n'évoque pas la considération que lui voue l'Union européenne. C'est vraisemblablement pour cette raison que la région devient le dépositaire des politiques publiques nationale et européenne. En France, la situation est somme toute particulière parce que les régions sont formées par l'agglomération de départements. Il ne faut jamais oublier que l'institution départementale date de la Révolution française et représente à la fois, le creuset de l'unité de l'Etat et la production idéale des politiques locales de proximité, au même titre que les communes. L'histoire perpétuellement en mouvement nous révèle aujourd'hui que la région n'est pas un obstacle à l'unité nationale. Elle constitue même un niveau d'intervention de choix pour délester l'Etat central et inscrire les territoires locaux dans la dynamique de la globalisation des marchés domestiques. Pour ne pas être simplement une circonscription administrative de l'Etat, mais bien une puissance publique locale ayant la capacité de déterminer l'intérêt public local à l'intérieur et à l'extérieur des frontières nationales, il est loisible de penser que les régions peuvent être des stratèges. C'est l'articulation centrale de cet ouvrage. La pensée universitaire voulant converger avec la pensée de l'action territoriale, le présent ouvrage propose une lecture pluridisciplinaire de(s) (l')action(s) régionale(s) et, partant, également, une réflexion sur la transformation de l'Etat. En effet, les débats foisonnants sur la réorganisation territoriale aussi bien du point de vue des territoires locaux que du point de vue des services déconcentrés placent indéniablement la région au premier plan. Le modèle étatique français pourrait le cas échéant évoluer vers un Etat dit "régional" ou vers un Etat fédéral. Dans ce dernier cas, la projection est bien entendu, plus hypothétique.

01/2021

ActuaLitté

Littérature française

Les femmes de Bidibidi

LE LIVRE A Paris, Minga découvre après la mort de son père des lettres de sa mère, Joséphine Meyer, qui a quitté le domicile conjugal il y a longtemps et dont Minga n'a jamais eu de nouvelles. La dernière lettre vient de l'ONG pour laquelle Joséphine travaillait en tant qu'infirmière et annonce sa mort dans des circonstances mystérieuses en Afrique de l'Est. Pour tenter d'en savoir plus, Minga choisit de rejoindre le camp de Bidibidi, au nord de l'Ouganda, où se sont réfugiées les populations fuyant la guerre civile qui fait rage au Soudan du Sud. Elle y rencontre Samuel, le chef du village 10 de Bidibidi, Véronika, sa femme, et Jane, qui finissent par l'aider dans sa quête quand ils comprennent qui était sa mère. Ils lui racontent la guerre, l'exode, les femmes qui ont tout perdu et combien Joséphine avait le souci de réparer les corps et les âmes. Minga découvre alors que tout tourne autour d'une autre femme : Rose. Mais où est-elle ? Elle hante chaque recoin du camp, chaque souvenir de Samuel, de Véronika ou de Jane. Pourtant elle n'est nulle part. Minga comprend que, si elle veut savoir le fin mot de l'histoire de sa mère, elle doit trouver Rose. Dans ce roman servi par une écriture fluide et puissante, Charline Effah raconte comment les survivantes des violences domestiques ou des viols de guerre tentent de se reconstruire, ramassent leurs rêves fracassés et réinventent l'amour loin de la brutalité des hommes qui les ont mal aimées. Brisant les tabous, elle nous livre un texte bouleversant et universel sur le corps des femmes, le roman de la réparation. . L'AUTEUR Charline Effah est née en 1977 au Gabon, a grandi et fait ses études à Libreville. Elle a obtenu une bourse de troisième cycle et s'est inscrite à Lille 3 où elle a soutenu une thèse de littérature française. Aujourd'hui, cheffe d'entreprise à Paris le jour, elle écrit la nuit. Pour écrire Les Femmes de Bidibidi, Charline s'est rendue sur place. Elle vit à Paris. . LE MOT DE L'AUTEUR "Je voulais écrire sur les femmes qui ont fui la guerre et qui tentent de se reconstruire. Je voulais raconter comment, dans ce contexte, loin de leur pays, elles déposent leurs craintes et ramassent leurs rêves brisés pour continuer de se tenir debout. Je voulais aussi m'interroger sur le corps des femmes et sur la manière dont elles réinventent l'amour. Car il y a une similitude entre les guerres sociales et les guerres intimes. Comme le sont les terres sur lesquelles les hommes s'entretuent, le corps de la femme constitue un champ de bataille avec ses affres et ses tourments". Charline Effah

08/2023

ActuaLitté

Régionalisme

Essai sur l'histoire de la ville de Roanne et de ses environs

A l'époque romaine, la cité paraît avoir occupé principalement les quartiers de la Livatte et du Marais. Les importantes quantités de tuiles, de meules et d'objets domestiques entretiennent la légende d'une ancienne ville ensevelie sous les eaux dont on entend encore "sonner les cloches à certains jours". Après six siècles de barbarie, la ville avait perdu de son ancienne splendeur et n'était plus qu'un bourg, chef-lieu d'une petite circonscription civile et ecclésiastique. L'archiprêtre conserva les mêmes limites jusqu'en 1781, mais la maison seigneuriale qui fut sans doute le lot de quelque chef barbare, burgonde ou franc après la conquête, ne subit pas le même sort. Si les sires de Roannais avaient été favorisés par la fortune et animés d'un esprit persévérant d'agrandissement, ils auraient pu arriver peu à peu à se constituer une petite souveraineté féodale, comme le firent autour d'eux les sires de Beaujeu ou de Semur. Mais ce fut le contraire qui arriva. Le pagus Rodonensis, encore à peu près au complet à la fin du Xe siècle, alla toujours en se morcelant. Au XIe siècle, les sires de Beaujeu l'entamèrent à l'est et lui enlevèrent toute la rive droite de la Loire. Au XIIe siècle, les comtes de Forez l'envahirent par le sud et rendirent effective une suzeraineté qui d'abord n'avait été que nominale, et que leur disputaient les chanoines comtes de Lyon. Le Roannais devint dès lors un satellite du Forez. Au XIIIe siècle, les sires de Semur le démembrèrent encore au nord et formèrent à ses dépens la petite Bourgogne. Au XVe siècle, la baronnie de Roannais ne comprenait plus que les paroisses de Roanne, Saint-Haon et Saint-Romain-la-Motte. Quand en 1440, pendant la guerre de la Praguerie, Charles VII vint faire le siège de Saint-Haon, Jacques Coeur jugea combien pouvait être utile à son commerce la possession du Roannais où la Loire devenait navigable. En novembre 1447, il acheta donc les riches seigneuries de la Motte, la Forest, Roanne et une partie de Saint-Haon, à Eustache de Lévis et à sa femme Alice de Couzan. Il acquit aussi le château de Boisy qu'il transforma et auquel restent attachées de multiples légendes inspirées par celui qui devint "le symbole de l'enfant du peuple parvenu", mais qui vit tous ses biens confisqués, quelques années plus tard. Puis, sous les familles Gouffier, La Feuillade et d'Harcourt, le Roannais devint successivement baronnie, marquisat et duché. Il s'agrandit constamment et atteint son apogée au XVIIIe siècle, par l'annexion de quatre châtellenies voisines. La ville de Roanne reprit, elle aussi, toute son importance.

12/2012

ActuaLitté

Littérature étrangère

Granny webster

Caroline Blackwood affirmait que la majorité de ses écrits n’étaient pas particulièrement autobiographiques, à l’exception de Granny Webster, dans lequel elle s’inspire de sa famille. Ce livre, publié en 1977, a été sélectionné pour le prestigieux Booker Prize. La jeune narratrice orpheline de père s’installe chez son arrière-grand-mère, l’avare et glaciale Granny Webster, dans une grande demeure sombre de la banlieue de Brighton, à Hove. Son regard impitoyable d’adolescente révèle la folie noire qui se dissimule derrière les décors des grandes demeures de l’aristocratie. Le personnage de Granny Webster est inspiré par l’arrière-grand-mère de Caroline Blackwood, une héritière écossaise pingre nommée Woodhouse. Le portrait qu’en dresse l’auteur est à la fois drôle et effrayant. La seule chose qui intéresse Granny Webster, c’est son coeur. Elle ménage ce dernier autant qu’elle le peut, jusqu’à l’absurde. De fait, la vieille dame évite toute émotion, toute parole inutile et toute nourriture qui pourrait être appétissante. Granny Webster n’a jamais tenté de nouer des liens avec d’autres personnes, préférant vivre seule dans sa demeure glaciale. Granny Webster a été le premier livre de Caroline Blackwood dans lequel elle condamna l’égoïsme absolu d’une matriarche riche et mesquine, d’une sorcière diabolique qui observe sans bouger la ruine de son enfant. Car, la narratrice s’interroge sur sa grand-mère, la fille de Granny Webster, que son arrière-grand-mère n’évoque jamais. C’est Tommy Redcliffe, un ami de la famille, qui dévoile à la jeune fille l’histoire de sa grand-mère. On apprend que, une fois mariée, cette femme frêle était incapable de tenir la maison, qu’elle passait ses journées cachée dans sa chambre, et ses nuits à errer aux abords de la demeure familiale de Dunmartin Hall. Elle ne semblait même plus reconnaître les membres de sa famille. Puis, elle donna libre cours à sa passion pour les fées sans se soucier de personne et se mit à apprendre leur langage. La folie de la grand-mère allant grandissante, la maisonnée tomba dans la décadence. Granny Webster finit par agir, uniquement pour ne pas salir le nom de la famille, et se déplaça pour faire interner sa fille, laissant son beau-fils nourrir une tristesse sans égale. D’autres personnages, tout aussi truculents et affligeants, complètent cette galerie de portraits. Tante Lavinia est un personnage inoubliable. Blackwood s’est inspirée de sa propre tante, Veronica Blackwood. Lavinia est une « jolie-laide » qui raconte des histoires scandaleuses, qui vit au-dessus de ses moyens et est connue pour ses nombreux mariages. Piégée dans l’inexorable vie de plaisirs de la haute société délurée de Londres, elle tente de se suicider dans sa baignoire de marbre. Cette scène devient comique sous la plume de Blackwood, de même que le devient la tentative de viol par le psychiatre à l’hôpital où on emmène Lavinia après qu’elle se soit taillé les veines. Le livre se clôt sur les funérailles de Granny Webster. Les seules pleureuses qui y assistent sont la narratrice (qui revient à Hove pour la première fois depuis quinze ans) et l’ancienne domestique borgne de son arrière-grand-mère, Richards. Le coup de grâce, à la fois comique et horrible, vient lorsqu’un flocon de cendre, tout ce qui reste de la vieille dame , s’engouffre dans l’oeil valide de sa servante dévouée.

05/2011

ActuaLitté

Littérature française

L'état des sentiments à l'âge adulte

Tout commence par le brutal déchirement d'un couple - non pas une banale scène de ménage, mais une étreinte désespérée qui vire au viol sous la menace d'un rasoir. Pour la narratrice et Jean-Luc, son compagnon, cette ultime confrontation des corps recouvre d'autres désaccords : entre eux, un fossé s'est creusé invisiblement pour se muer en rupture définitive. Lui, commercial au chômage, ne cesse depuis des mois de combler son sentiment d'échec par une surenchère carriériste sans objet. Entre aigreur et ambition conformiste, il a perdu toute spontanéité et esprit critique. Bref, " il est devenu con ". Elle, forte d'un diplôme en sciences sociales, vient de faire un choix diamétralement opposé, en se faisant embaucher comme aide à domicile auprès de personnes âgés. Petit boulot qui apparaît " dégradant " à son conjoint. Alors que ce conflit sur leurs valeurs respectives vient d'atteindre un point de non-retour, la narratrice va tenter d'y voir plus clair auprès des deux personnes qu'elle côtoie jour après jour dans son métier alimentaire. La première est sa collègue de travail qui la relaie en milieu d'après-midi auprès d'un grabataire de 93 ans, Mariama, une Sénégalaise sans état d'âme ni excès de zèle. Au contact de cette jeune immigrée, aussi désinvolte que généreuse, la narratrice apprend à accomplir les tâches ménagères dans un esprit d'improvisation et d'amusement qui lui ouvre des perspectives inédites. Surtout, elle apprend à ne pas tomber dans le piège de la compassion facile envers leur capricieux protégé, à éviter cette pitié dangereuse qui a déjà fait tant de dégât dans sa vie de couple. La seconde n'est autre que le vieillard alité, que l'ironie du sort a baptisé d'un nom illustre, Victor Hugo. Homonymie qui ne l'empêche pas d'avoir le sale caractère d'un tyran domestique et d'un phraseur vaniteux. Mais son vécu ne manque pas de relief : jeune Résistant presque " par hasard ", puis patron d'une blanchisserie où il fera la rencontre d'une certaine Bérénice, costumière rasée à la Libération qui sera sa passion secrète, il a aussi été témoin de la répression sanglante de la manifestation des travailleurs immigrés algériens du 17 octobre 1961, vision d'horreur qui le conduira à se défier de toutes les valeurs " humanistes ". De la fréquentation de cette mémoire vivante, la narratrice ne tire pas une sagesse illusoire, mais un simple attachement qui fait son chemin en elle par des voies détournées. D'autant qu'à l'heure de sa mort prochaine, cet Hugo-là, outre la préparation de son propre enterrement sans fleurs ni personne, a choisi de transmettre l'essentiel de lui-même à ses deux fidèles accompagnatrices. Une surprise en forme " de gros cadeau " qui les aidera toutes deux, Mariama autant que la narratrice, à trouver l'énergie de bouleverser le cours de leur existence. Pour mieux dynamiter les préjugés moraux, conventions amoureuses et autres servitudes volontaires, Noémi Lefebvre joue sur tous les registres, enchevêtrant envolées réflexives et oralité à vif, aveux intimistes et mise à distance clinique, hyperréalisme et incongruité satirique. Mettant ainsi à l'épreuve des mots les chemins tortueux d'une liberté sans cesse à réinventer.

02/2012

ActuaLitté

Etats-Unis (XXe et XXIe siècle

Une terre promise

Un récit fascinant et profondément intime de l'histoire en marche, par le président qui nous a insufflé la foi dans le pouvoir de la démocratie. Dans le premier volume passionnant et très attendu de ses mémoires présidentiels, Barack Obama raconte l'histoire de son improbable odyssée, de jeune homme en quête d'identité à dirigeant du monde libre, retraçant de manière singulièrement détaillée et personnelle son éducation politique et les moments emblématiques du premier mandat de sa présidence historique - une période de transformations et de bouleversements profonds. Barack Obama entraîne le lecteur dans un voyage fascinant, depuis ses toutes premières aspirations politiques à sa victoire cruciale aux primaires de l'Iowa, qui démontra le pouvoir de l'engagement citoyen, jusqu'à la soirée décisive du 4 novembre 2008, lorsqu'il fut élu 44e président des Etats-Unis, devenant ainsi le premier Afro-Américain à accéder à la fonction suprême. En se retournant sur l'histoire de sa présidence, Barack Obama propose une exploration unique et pénétrante de l'amplitude phénoménale mais aussi des limites du pouvoir présidentiel, ainsi qu'un témoignage singulier sur les ressorts de la politique intérieure et de la diplomatie internationale. Il fait entrer le lecteur dans le Bureau ovale et la salle de crise de la Maison-Blanche et l'emmène partout dans le monde, de Moscou à Pékin en passant par Le Caire. Il nous confie les réflexions qui l'ont occupé à certains moments cruciaux - constituer son gouvernement, faire face à une crise financière mondiale, prendre la mesure de Vladimir Poutine, franchir des obstacles en apparence insurmontables pour faire aboutir la réforme sur le système de santé, se retrouver en profond désaccord avec certains généraux sur la stratégie des Etats-Unis en Afghanistan, s'atteler à la réforme du marché financier, réagir face au désastre provoqué par l'explosion de la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon, et enfin donner le feu vert à l'opération Neptune's Spear qui conduit à la mort d'Oussama Ben Laden. Une terre promise est un récit extraordinairement intime et introspectif - l'histoire du pari qu'un homme a lancé à l'Histoire, d'un militant du travail associatif dont la foi a été mise à l'épreuve sur la scène internationale. Barack Obama parle sans détours de ce véritable numéro d'acrobatie qui a consisté pour lui à être le premier candidat afro-américain à la présidence, à porter les attentes de toute une génération galvanisée par le message de " l'espoir et du changement " et à relever les défis que posent à la conscience morale les grandes décisions. Il évoque en toute franchise les forces d'opposition qui se sont dressées contre lui, sur le front domestique comme à l'étranger, la façon dont sa nouvelle vie à la Maison-Blanche a pu affecter sa femme et ses filles, et parle sans fard des moments où il s'est retrouvé en proie au doute et à la déception - sans jamais renoncer pour autant à croire que dans cette formidable aventure en marche qu'est l'Amérique, le progrès est toujours possible. Ce livre puissant et magnifiquement écrit est l'expression de la conviction profonde de Barack Obama : la démocratie n'est pas un don du ciel mais un édifice, fondé sur l'empathie et la compréhension mutuelle, que nous bâtissons ensemble, jour après jour.

11/2020

ActuaLitté

XIXe siècle

De colère et d'ennui

En 1832 à Paris, les funérailles du général Lamarque, icône populaire victime du choléra, déclenchent l'insurrection des 5 et 6 juin. Alors que Victor Hugo choisissait ce décor pour hisser Gavroche sur les barricades, Thomas Bouchet livre une chronique de cette année exceptionnelle à travers les voix de quatre femmes que tout oppose. 1832 : tandis que Paris vibre, vacille et gronde sous les coups redoublés de l'épidémie et de la guerre des rues, Adélaïde s'ennuie. Elle frémit dans son salon à la lecture des journaux, se délecte du chocolat que sa domestique lui rapporte de chez Marquis, s'émerveille en recluse des oiseaux du Jardin des plantes où elle vit, loin des barricades où Gavroche meurt. Emilie se bat et se débat du côté de Ménilmontant et dans les cafés enfumés pour faire entendre la cause féministe chez les saint-simoniens. Louise, marchande ambulante du centre de Paris, atteinte du choléra puis soupçonnée d'avoir participé à l'insurrection, est sans cesse contrainte à faire face - au commissaire, au juge, au médecin, au directeur de sa prison. Lucie enfin, la mystique, souffre et jouit en son corps derrière les murs d'un couvent, puis le choléra l'emporte. C'est dans la compagnie des archives que Thomas Bouchet pratique son travail d'historien. Il s'appuie cette fois, en outre, sur les ressources de la fiction. Les quatre voix qu'il entrelace composent une histoire sensible et sociale du Paris de naguère. Ce livre a reçu le Grand Prix de l'Histoire de Paris - LE GESTE D'OR, catégorie Fiction. "De colère et d'ennui, que publie l'historien Thomas Bouchet, mérite d'être salué à sa juste valeur. Voilà un livre qui ne ressemble à aucun autre". Dominique Kalifa, Libération "Troublant, sensible, l'ouvrage réalise son ambition en forme d'oxymore : celle de "forger et restituer quelques éclats de réel"". André Loez, Le Monde des livres "En reconstituant de façon fictive et pourtant si réelle la "vie affective" de 1832, Thomas Bouchet surpasse les attentes de Lucien Febvre qui, dès 1941, invitait ses pairs à croiser histoire et sensibilité et à plonger "dans les ténèbres de la psychologie". Voilà un nouveau et beau "cri d'artiste" poussé par un "pauvre historien"". Nicolas Dutent, L'Humanité "De colère et d'ennui est une illustration émouvante (littérairement) et convaincante (scientifiquement) de la féconde rencontre entre fiction et sciences sociales. (...) Il y a bien évidemment des vertus pédagogiques à choisir ainsi de rendre compte d'événements historiques ou de phénomènes sociologiques de façon fictionnée/fictionnelle. C'est l'ambition des " passeurs de sciences sociales " que de donner à voir ce qui ne peut se montrer et à entendre ce qui ne se dit pas. Mais il se joue quelque chose d'autre dans cette hybridation, quelque chose qui a à voir avec la puissance créatrice de l'écriture, quelle que soit sa forme. (...) Les quatre femmes de 1832 parlent à la première personne, c'est ainsi Thomas Bouchet qui parle avec elles et c'est l'histoire de cette année méconnue qui résonne à nos oreilles. Nous n'en saurons pas tout, car l'historien ne peut tout dire, mais ce qui demeure lorsque l'on referme le livre, de façon évidente et, pour tout dire, magnifique, c'est l'impression d'avoir entendu, véritablement entendu, les voix à jamais dissoutes des femmes et des habitants du Paris populaire du premier 19e siècle". Camille Froidevaux-Metterie, AOC Lauréat en 2019 du Grand Prix de l'Histoire de Paris - LE GESTE D'OR, catégorie Fiction

04/2024

ActuaLitté

Ethnologie et anthropologie

Travailleurs de la résistance. Les classes populaires ukrainiennes face à la guerre

Présentation : Contre les attentes de Kremlin, qui espérait que son opération militaire spéciale ne durerait que trois jours, l'Ukraine continue à présent à résister efficacement aux forces d'occupation. Si le rôle de la mobilisation populaire, à travers les innombrables initiatives bénévoles qui ont parsemé le pays, a souvent été souligné, nous ne disposons encore que de peu de travaux sur l'organisation concrète de cette résistance sur le plan local, ainsi que sur les rapports de classe et de genre qui la traversent. En s'appuyant sur une enquête de terrain menée à Kriviy Rih, grand centre d'extraction minière et de métallurgie situé en Ukraine centrale, ce livre s'intéresse à la manière spécifique dont les hommes et les femmes des classes populaires, souvent russophones et anti-Maïdan, s'engagent dans le mouvement de solidarité avec l'armée et les populations civiles touchées par la guerre. Comment s'organisent-ils face à l'agression russe, quelles sont leurs motivations, leurs préoccupations, leurs activités et leurs modes de fonctionnement ? Quel est le degré d'autonomie de leurs initiatives et quels rapports entretiennent-elles avec l'Etat et les pouvoirs locaux, les partis politiques, les syndicats, les ONGI et les organisations des classes moyennes et supérieures ? Le choix méthodologique d'aborder le bénévolat sous l'angle de la sociologie du travail permet en outre d'interroger l'articulation entre le travail bénévole, le salariat et le travail domestique, et de montrer comment l'Etat s'appuie sur cet élan spontané de solidarité, qui met à sa disposition des masses colossales de travail gratuit, pour assurer les services publics cruciaux tout en poursuivant les réformes néolibérales entamées en 2014. Le livre s'intéresse enfin plus largement aux points de vue exprimés par les membres des classes populaires sur la situation économique, sociale et politique de leur pays. Que pensent-ils des évènements qui secouent l'Ukraine depuis 2013 ? Comment évaluent-ils les réformes de ces dix dernières années, les batailles autour de la mémoire historique et de la question linguistique ? Points forts : S'éloignant des approches géopolitiques de la guerre en Ukraine, l'ouvrage en éclaire les enjeux du point de vue de l'expérience de la résistance. L'ouvrage s'appuie sur un travail de terrain de trois mois qui a permis de réaliser une quarantaine d'entretiens individuels et collectifs à Kriviy Rih et à Kiev. L'auteure a pu également observer et participer au travail de deux organisations bénévoles, et les accompagner dans plusieurs missions humanitaires. En se donnant pour objet l'activité bénévole des classes populaires à Kriviy Rih, l'auteure a voulu étudier un cas-limite de la résistance ukrainienne. Les enquêtés étaient en effet en grande partie opposés au soulèvement de l'Euromaidan en 2013-2014 ; ils continuent à parler russe ou un mélange de russe et d'ukrainien, et ont de la famille en Russie ; la référence à l'URSS reste ancrée dans leur mémoire collective. L'ouvrage remet ainsi en question le stéréotype de la division profonde de l'Ukraine entre l'Ouest pro-européen à l'Est pro-russe. Grâce à l'apport méthodologique de la sociologie du travail bénévole, l'ouvrage aborde la résistance ukrainienne comme un phénomène social hétérogène traversé par des rapports de classe et de genre, ce que les approches en termes d' "engagement citoyen" ignorent généralement. Biographie : Daria Saburova est née à Kiev en 1989. Elle est doctorante en philosophie au laboratoire Sophiapol (Université Paris Nanterre) et membre du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine.

06/2024

ActuaLitté

Droit communautaire

L'identité de l'État dans la globalisation

Par-delà la dimension économique qui en constitue le ressort principal, la globalisation est un processus de "décloisonnement" du monde. Fruit d'une croyance en les vertus de la libération et de la multiplication des échanges, elle procède d'une doctrine dont l'horizon est l'avènement d'un "monde sans frontières" . Présentée comme favorisant la fusion croissante des sociétés et comme tendant, ce faisant, à une forme de paix perpé­tuelle, la globalisation apparaît comme une "notion acritique" , un phénomène aussi inéluctable que bienfaisant. Ce processus n'est toutefois pas axiologiquement neutre. Privilégiant une appréhension économique de l'homme et du monde, la globalisation rivalise avec la traditionnelle conception politique du pouvoir et de régulation des rapports sociaux dont l'Etat est l'instrument. Plus fondamentalement, la promotion d'un espace unique couvrant uniformément le globe entre en contradiction avec la représentation alvéolaire en vertu de laquelle il avait été pensé jusqu'alors, ainsi qu'avec l'unité en fonction de laquelle ce découpage était réalisé. Ordre juridique situé procédant de l'expression d'un pouvoir déterminé s'exprimant au sein d'une sphère géographique précisément délimitée, l'Etat apparaît, par sa structure même, comme une entrave à la réalisation du programme de la glo­balisation. Une relation dialectique s'instaure alors entre l'Etat et la globalisation en ce que leur confrontation éprouve et façonne leur substance respective. Loin de faire table rase, la globalisation se plaque sur un monde fortement étatisé qui la marque en retour de son empreinte. La fluidification qu'elle promeut ne peut affluer que par le canal étatique qui en devient l'un des éléments constitutifs. Réciproquement, elle ébranle si profondément l'Etat qu'elle en interroge l'identité même. La globalisation invite ainsi à déterminer ce qui constitue cette identité, le noyau dur - à supposer qu'il existe - de cette forme d'institutionnalisation du pouvoir. Or, à travers l'Etat, la globalisation induit et accompagne une vaste reconfiguration du pouvoir. En provoquant, en premier lieu, l'effacement de l'Etat (1), elle participe à la dis­sipation du pouvoir. Elle en affaiblit le caractère perceptible et, par conséquent, la faculté de le domestiquer que la centralité étatique autorise. Ne provoquant toutefois pas la disparition du pouvoir, la globalisation induisant la migration d'un certain nombre d'attributs traditionnellement étatiques vers des plans et en ferveur d'autorités eux-mêmes globaux entraîne la dissimulation du pouvoir par sa dispersion (Il). Ce mouvement trouve néanmoins, en troisième lieu, sa limite dans la persistance d'une conception politique et univoque du pouvoir dont la survi­vance de l'Etat est le témoignage (Ill). C'est précisément l'ambiguïté d'une période caractérisée à la fois par la déchéance et par la résistance des montages traditionnels du politique et du droit aux prises avec un modèle postmoderne concurrent que le présent ouvrage a pour objet de questionner.

11/2022

ActuaLitté

Littérature étrangère

Nashville chrome

Au début des années 1930, dans le sud de l'Arkansas, à Poplar Creek près de la frontière du Mississipi, Floyd Brown dirige une scierie. En plus des difficultés économiques qui touchent l'ensemble des États-Unis, les Brown sont confrontés à des problèmes domestiques : Floyd boit avec excès, travaille avec imprudence, et son fils cadet meurt accidentellement. Ses autres enfants, Maxine, Jim Ed et Bonnie, témoignent d'un talent musical exceptionnel. Plutôt que de jouer dans les bois, ils ont pris l'habitude de se produire dans les petits concerts et les " talent shows " du sud des États-Unis. Le frère et les deux soeurs se font bientôt connaître sous le nom de The Browns. Un impresario escroc, Fabor Robinson, leur fait signer un contrat auquel ils vont rester longtemps enchaînés. Ils connaissent un succès rapide. " Ils étaient aussi grands qu'Elvis ", à cause du son particulier de leurs voix, cet éclat soyeux et rauque forgé par la fumée provenant du travail des bucherons à proximité de chez eux, et un son qui prendrait le nom de " Nashville Chrome' ", ou de " son Brown " comme le dit Elvis Presley dans le livre. Les années 1955 et 1956 sont glorieuses : ils commencent à gagner de l'argent mais restent proches de leurs racines et de leurs amis d'enfance, parmi lesquels un certain Elvis Presley qui s'est épris de la jolie Bonnie. Le groupe demeure populaire dans les années 1960, mais leur étoile commence à pâlir. En 1962, ils enregistrent une dernière chanson avec leur célèbre producteur, Chet Atkins. Au début des années 1970, les Browns se séparent. Jim Ed se lance alors dans une brillante carrière en solo. Bonnie quitte le trio et Elvis pour épouser un médecin avec qui elle s'installe dans une ferme. Maxine, se marie quant à elle à un avocat, Tommy Russel, qui ne cesse de la tromper. Au fil des années, Maxine ne peut renoncer à l'idée de renouer avec le succès. Elle s'efforce de continuer, affrontant des hauts et des bas, tout en sombrant progressivement dans l'alcool. Rick Bass alterne le récit du parcours brillant du trio Brown, " le groupe américain préféré des Beatles ", avec " la vie aujourd'hui " de Maxine Brown dans les années 2000. Cette dernière est devenue une vieille dame impotente, ne s'est jamais remise du déclin de sa carrière fulgurante et a fini par renoncer à l'alcool " pour ne rien manquer des derniers mois de sa vie. " Habitée par la fureur plus que par la nostalgie, elle ne supporte pas d'être oubliée de tous. Aussi " l'ancienne reine de la country " dépose-t-elle une annonce dans l'épicerie de son quartier. Elle recherche un cinéaste disposé à filmer " une célèbre artiste ". Jefferson, un enfant surdoué âgé de douze ans, y répond. Il entreprend patiemment de la filmer " pour acquérir une connaissance artistique de sa vie ". Lorsqu'il projette le film dans son lycée, Maxine accède finalement à une nouvelle reconnaissance, applaudie par un public de jeunes élèves.

03/2012

ActuaLitté

Littérature française

Les villes de la plaine

Les Villes de la plaine est un roman antique, campé dans une civilisation imaginaire qui emprunte des traits à l’Egypte et à la Babylonie, mais aussi à l’Ancien Testament. Une civilisation du Livre, monothéiste avant l’heure, qui malgré son exotisme nous est bien plus proche qu’il n’y paraît. Asral, le personnage-clef du roman, est scribe : sa mission est de produire une copie neuve du « testament d’Anouher », ce héros mythique qui donna des lois à la ville de Sir. Très vite il s’avise que la langue sacrée qu’il transcrit est vieillie, que ses mots ont changé de sens, et que par conséquent la vraie fidélité à l’esprit des lois consisterait à les reformuler, afin qu’elles soient à nouveau comprises telles qu’elles avaient été pensées quatre ou cinq siècles plus tôt. Il se lance dès lors, secrètement, dans la rédaction d’une deuxième « copie », qui est en fait une traduction. Son garde, un fruste montagnard, est pour lui un soutien précieux : pas seulement pour aller chercher des rouleaux de papyrus supplémentaire dans les magasins du haut palais, en prétextant que la réserve a brûlé. Mais aussi pour l’aider, par son bon sens et son recul d’étranger nouvellement arrivé, à trouver le mot juste : c’est qu’Ordjeneb (Ordjou pour les intimes, écrit malicieusement l’auteur) ne maîtrise ni la langue ni les codes de cette ville, qui en est confite. Il le paie chèrement le jour de son arrivée, c’est la première scène du livre, quand, demandant sur la place du marché le sens des paroles d’une chanson, il transgresse un interdit en prononçant le nom d’Anouher. Trois solides gaillards le tabassent et il ne doit le salut qu’à une jeune veuve qui l’héberge pour la nuit… Le lendemain matin, elle lui conseille d’aller voir le scribe, dont elle est la lingère et dont elle sait qu’il cherche un domestique. C’est tout le talent de Diane Meur que de parvenir, dès les premières pages de son livre, à incarner ses personnages dont les puissants affects embarquent le lecteur pour des épisodes haletants. Car il n’est pas question que de lettre et d’esprit dans ce formidable roman. Ordjou s’est follement épris de la belle lingère dont tout le sépare pendant qu’Asral soupire pour un jeune chanteur du faubourg des vanniers… Quant à l’entreprise de traduction du scribe, elle n’est pieuse qu’en apparence : les juges de la ville, exégètes attitrés de l’Ecriture, ont tôt fait d’en avoir vent et d’en mesurer le caractère subversif. Et les découvertes d’Asral sur un texte dont il comprend qu’au fil du temps il a été amendé, interpolé, voire amplifié, seront démystifiantes sur un plan religieux et, sur un plan politique, proprement révolutionnaires. Au point que, l’entreprise d’élucidation devenue hérésie et schisme, le cadre figé de la vie à Sir explose, entraînant une guerre civile qui devient rapidement guerre tout court. Car l’autre ville de la plaine, peuplée de transfuges et de bannis de la première (elle est à Sir ce que le Nouveau Monde est à l’ancien), se lance dans un jeu retors d’alliances. La dissension religieuse tournera à l’affrontement territorial et ethnique… La ville de Sir survivra-t-elle ? A long terme, il semble bien que non, quelques flash-forwards nous montrent une expédition d’archéologues prussiens, vers 1840, en train de mettre au jour ses premiers vestiges. Diane Meur, entre mythe et archéologie, érudition et parodie, brosse une fresque d’autant plus éblouissante qu’elle donne d’intéressantes clefs de réflexion sur le monde d’aujourd’hui… sans que jamais ne soit perdu le pur plaisir du mensonge romanesque.

08/2011

ActuaLitté

Travail social

L'amour en partage  . Les professionnels auprès des personnes agées au secours du lien social

La période pandémique dont on ne connaît pas la fin a mis à mal, d'une part, l'expression des sentiments comme les échanges amoureux dans leur diversité physico-psychique et, d'autre part, la restitution comme le partage de l'amour reçu aux parents âgés qu'ils soient hébergés en institutions (Ehpad) ou résidant à leur domicile. Les liens entre les générations souffrent également des mesures de distanciation et parents, grands-parents, petits-enfants se savent plus trop quelle démarche adopter pour retrouver les gestes et les marques d'un partage, d'une communion affective d'un passé pourtant proche, mais qui semble suspendu à une échéance encore indéterminée. Par ailleurs, les confinements ont mis les couples face à de nouvelles situations, les obligeant à réinventer des pratiques éprouvées voire routinières, mais désormais exposées à des effets secondaires pesant sur leur quotidien, souvent dans des espaces plus ou moins réduits ; dans tous les cas et en grande majorité, non initialement prévus pour une vie à deux ou plus, en continue. Comme le notent G. Ribes et M. Veluire, (2019) " Chez les couples vieillissants, dans un contexte de réorganisation domestique qui ne laisse pas suffisamment d'espace intime à chacun, peut naître un sentiment d'enfermement, d'envahissement, d'intrusion, voire un rejet de l'autre. Les remparts spontanés (travail, enfants) créant des espaces/temps différents et nourrissant les membres du couple ne sont plus présents. Chacun se retrouve sous le regard de l'autre, et peut se sentir observé, scruté au quotidien, y compris dans ce qui n'est pas fait, dans ce qui aurait dû l'être, dans ce qui devrait être ". Paradoxalement, ce contexte anxiogène, à tout le moins démoralisant, tant l'avenir semble s'assombrir, se traduit par une augmentation du besoin d'être aimé et de partager, d'être reconnu et reçu par des proches ou encore de créer de nouvelles relations avec les perspectives imaginaires qu'elles supposent depuis toujours. Les situations de crise ont, de tous temps, fait ressurgir d'un quotidien parfois lénifiant souvent rassurant, ce besoin d'amour comme celui lié à la nécessité de se sentir exister. Personnes âgées, parents, enfants, petits-enfants, mais aussi amants, aidants... chacun est à la recherche de cet échange des sens et des ressentis fondateurs du lien social, du lien physique/sexuel, du lien sensoriel qui nous unit à l'autre, aux autres dans leur diversité et nous amène à exister et à partager notre besoin d'amour. Les professionnels du secteur, comme acteurs du quotidien mais également comme intermédiaires recherchés par les familles mises dans l'impossibilité de voir leurs proches âgés n'échappent pas à ces épreuves comme à ces bouleversements ; ceci tant dans leur vie personnelle que dans leur vie au contact des patients âgés et de leur famille pris dans la nasse de la pandémie et de ses effets induits en terme de contraintes, d'impossibilités à faire, de réduction des espaces de liberté etc... Vaste thème s'il en est et pourtant si précieux et essentiel, si révélateur de nos joies et de nos faiblesses, de nos attentes comme de nos terreurs. Pour le traiter, les auteurs pressentis ont eu toute l'amplitude de se prononcer avec lyrisme, poésie ou empathie sur la question ; ceci sans se limiter à ces approches qui excluraient le cynisme voire la dérision provoqués par l'expérience de la vie. Sur un thème de réflexion qui englobe les joies et les peines vécues tout au long de nos existences, il y avait de quoi s'épancher plus largement sur les objets " amour " d'une part et " partage " d'autre part. Ainsi, chaque auteur a été appelé à s'exprimer sur son ressenti au regard de son expérience professionnelle comme de son vécu personnel à propos de sujets qui habitent le genre humain depuis le début des temps et qui font de nous tous, des quêteurs éperdus d'amour et de partage.

11/2022

ActuaLitté

Histoire ancienne

Le monde à l'envers. Pouvoir féminin et communauté des femmes en Grèce ancienne

Depuis Bachofen et son livre sur Le Droit Maternel (1861), on s'est beaucoup intéressé à l'état des femmes. Après lui, on ne compte plus les tentatives de retrouver dans le passé lointain de l'humanité ou dans des régions éloignées du globe la réalité d'un pouvoir féminin et l'existence d'une communauté des femmes. Ce livre se veut au contraire une exploration de l'imaginaire des Grecs. Il montre comment la cité qui était un club d'hommes et faisait du mariage et de la famille la pierre angulaire de la société s'est posée en s'opposant. Après avoir rappelé ce qui était pour les Grecs une évidence, à savoir l'infériorité naturelle de la femme à partir d'une étude du statut des femelles dans la biologie d'Aristote, il montre comment les Grecs ont conjuré la double menace d'un pouvoir au féminin et d'une communauté des femmes en la mettant à distance. De l'époque classique à l'Empire et d'Hérodote à Strabon leurs historiens l'ont rejetée chez des sauvages qui vivent aux confins du monde habité. De l'époque archaïque à l'Antiquité tardive leurs poètes, leurs orateurs et leurs mythographes l'ont repoussée dans la nuit des temps avec les Amazones qui sont des femmes viriles. Ils ont mis le rappel de leur valeur et de leurs conquêtes au service de la gloire des héros ou des peuples qui ont triomphé d'elles. Par la bouche d'un poète comique comme Aristophane ou d'un philosophe comme Platon, ils l'ont projetée par l'utopie dans un univers de nulle part. Aristophane dans l'Assemblée des femmes a mis en scène la féminisation du pouvoir et l'instauration d'une communauté des femmes. Mais le triomphe du domestique qui fait de l'animal politique un animal tout court n'aboutit qu'à la mort de la cité. A la différence de l'utopie comique, qui poussait à l'extrême la logique égalitaire de la démocratie, l'utopie platonicienne s'est définie par opposition à la démocratie Dans sa République, Platon en instituant pour les seuls membres de la classe dirigeante une communauté des biens, des femmes et des enfants ne fait qu'une place très réduite au pouvoir féminin dans le cadre d'une digression aux conséquences limitées, car il ne cherche ainsi qu'à supprimer un individualisme facteur de division, à renforcer le lien symbolique qui unit le citoyen à l'Etat de tout le poids des liens familiaux, tout en mettant l'instinct sexuel au service de l'eugénisme. Suzanne Saïd , professeur émérite des universités de Paris X-Nanterre et Columbia University , New York a consacré une série de travaux à la littérature grecque d'Homère à l'antiquité tardive. Elle est l'auteur avec M Trédé et A Le Boulluec d'une Histoire de la littérature grecque(PUF 1997), d'un ouvrage sur la mythologie (Approches de la mythologie grecque, Nathan 1993, nouvelle édition, revue et augmentée Les Belles Lettres 2008) traduit en espagnol et en italien(2011), d'un Homère et l'Odyssée (Belin 1980) dont la deuxième édition revue et augmentée a été traduite en anglais (Oxford UP 2010) et de deux livres sur la tragédie ( La faute tragique Maspéro 1978) et Sophiste et tyran ou le problème du Prométhée enchaîné ( Klincksieck 1985). Ses nombreux articles portent sur Homère, Pindare, la tragédie et la comédie, la poésie hellénistique, l'historiographie (Hérodote, Thucydide et Diodore), la rhétorique, la philosophie, le roman grec, la littérature de l'époque impériale et la réception par les modernes des textes anciens.

08/2013

ActuaLitté

Histoire de la mode

Séduction et pouvoir. L'art de s'apprêter à la cour aux XVII et XVIIIe siècles

Entre les règnes de Louis XIV et de Louis XVI, Versailles, puis Paris, se disputent le titre de capitale de la mode. L'étiquette et le cérémonial de cour amène le roi Louis XIV et son entourage à rivaliser dans l'art du paraître et de la coquetterie. Chaque accessoire, chaque geste, chaque attitude répond à des normes, à des codes qui ne cessent de changer accompagnant ainsi les modes et les moeurs. Cette construction de l'apparence requiert de connaître les usages et les règles et de s'y conformer pour bénéficier de la faveur royale et pour attester de son identité sociale. Le corps est paré de divers artifices : perruques, maquillage, bijoux, parfums, dentelles, et objets de poche et de galanterie. Ces accessoires de mode et de beauté sont adoptés par l'aristocratie française et les visiteurs de la cour de France sous l'Ancien Régime qui rivalisent d'audace et de raffinement dans le choix des parures. L'aristocratie, à la suite du roi, tient à marquer son rang et sa spécificité en adoptant un véritable dress code qui lui permet de signifier à l'extérieur son statut sociologique. Les costumes sont complétés par différents atours : broderies, dentelles, rubans qui rivalisent de sophistication et de raffinement. Associant finesse d'esprit et sophistication, les accessoires de mode, les produits de beauté et l'art du parfum, exaltent cette quête délicate des femmes et des hommes du XVIIIe siècle. Cette culture du paraître s'accompagne d'une parfaite maîtrise de soi et des expressions du visage : fards, poudres, mouches et parfums concourent à une monotonie d'apparence. Il convient de ne rien laisser paraitre dans cette course à la faveur royale. L'impératif de séduction s'inscrit dans une double dialectique : un mimétisme envers le roi et le pouvoir et une nécessité de s'en affranchir pour se faire remarquer et mieux révéler son statut social. Ainsi à la fin du XVIIe, puis au XVIIIe siècle se développe un intérêt pour la galanterie de poche, qui réunit de petits objets précieux, tabatières, éventails, carnets... que l'on porte sur soi et qui peuvent être de véritables petits bijoux ou oeuvres d'art. Cette culture de cour se transforme progressivement au XVIIIe siècle. La mode, les pratiques d'hygiène et les critères de beauté évoluent. Si perruques et fards perdurent, ils s'estompent pour laisser place au naturel dont la cour apparaît pourtant comme l'antithèse, manquant de sincérité et de transparence. Cette culture de l'apparence se déporte alors de la sphère curiale à la sphère domestique gagnant peu à peu l'ensemble de la société urbaine. Une typologie commune de vêtements et d'accessoires de mode s'étend bientôt à l'ensemble des classes sociales. Qu'elles soient rhétoriques ou esthétiques, ces armes de séduction servent l'esprit d'une société élitiste où se mêlent des enjeux amoureux, politiques et religieux. La différenciation des classes se manifestera alors par l'usage de matériaux très précieux et par la création d'objets du plus grand raffinement qui permettront aux classes les plus élevées de continuer à se distinguer. Le catalogue réunit une centaine d'objets du plus grand raffinement présentés au sein d'un parcours qui les met en scène de la tête aux pieds. De la perruque aux chaussures, en passant par le maquillage et le parfum, les dentelles, broderies, bijoux et les objets de galanterie de poche. Ces objets proviennent des collections du MAD, du musée du château de Versailles et de Trianon, du musée national de la Renaissance d'Ecouen, du musée du Parfum Fragonard, du musée de l'Horlogerie à Morteau, du musée des Beaux-arts et de la dentelle d'Alençon et de plusieurs collections particulières et d'entreprises.

04/2023

ActuaLitté

Archéologie

Klimonas. Un village néolithique pré-céramique ancien à Chypre, Textes en français et anglais

Klimonas An Early Pre-Pottery Neolithic Village in Cyprus Un village néolithique pré-céramique ancien à Chypre Klimonas is the oldest Mediterranean island village. Occupied ca. 8 800 cal BC, it postpones by several centuries the Neolithic presence in Cyprus, at that time located more than 80 km offshore. The village extended over more than 5, 500 mC, facing the sea, 2 km from the famous pre-pottery site of Shillourokambos and near rich flint outcrops. Excavations (2009-2016) revealed that it was composed of circular or oval earthen buildings 3-6 m in diameter, notched into the slope, modestly fitted out and organised around a semi-buried 10 m communal building. The construction techniques, the abundance of either knapped or polished stone material, together with ornaments, symbolic objects, and plants and animal remains, as well as the 52 radiometric dates, point to the end of the Levantine Pre-Pottery Neolithic A (PPNA). The presence of a communal building, rebuilt numerous times over the course of several decades, also points to the same conclusion. The villagers gathered seeds and fruits and cultivated wild starch and einkorn, recently imported from the continent. They primarily hunted small endemic wild boar, the only large mammal species attested on the island at that time and, secondarily, birds. They did not eat fish or marine shellfish. Domestic dogs, mice and cats brought from the continent also lived in the village. The remains of this cultivator-hunter community testify to the early extension of the Near Eastern Neolithic and to unsuspected seafaring skills, substantially improving our knowledge of the Neolithic transition in the Mediterranean. Klimonas est le plus ancien village insulaire de Méditerranée. Occupé autour de 8 800 av. n. è. , il recule de plusieurs siècles le début de la présence néolithique à Chypre, à cette époque déjà située à plus de 80 km du continent. Le village s'étendait sur 5 500 mC au moins, face à la mer, à 2 km du célèbre site pré-céramique de Shillourokambos et au contact de riches sources de silex. Les fouilles (2009-2016) ont montré qu'il était composé d'édifices de terre crue (bauge) de 3 à 6 m de diamètre, circulaires ou ovalaires, encochés dans la pente, modestement aménagés, organisés autour d'un bâtiment communautaire semi-enterré de 10 m de diamètre. Les techniques de construction, l'abondant mobilier de pierre taillée, le macro-outillage, les parures et objets symboliques, les restes de plantes et les ossements animaux, tout comme les 52 datations radiométriques renvoient à la fin du Néolithique pré-céramique A levantin (PPNA). La présence d'un bâtiment communautaire, plusieurs fois reconstruit en quelques décennies, le confirme. Les villageois pratiquaient la cueillette et cultivaient l'amidonnier et l'engrain sauvages, récemment importés du continent. Ils chassaient un petit sanglier endémique, seule espèce de grand mammifère attestée sur l'île à cette époque, et, secondairement, des oiseaux. Poissons et coquillages marins n'étaient pas consommés. Des chiens domestiques, des souris et des chats de souche continentale vivaient dans le village. Les vestiges de cette communauté d'agriculteurs-chasseurs témoignent de l'extension précoce du premier Néolithique du Proche-Orient et d'une maîtrise insoupçonnée de la navigation. Il enrichit de manière substantielle nos connaissances sur la transition néolithique en Méditerranée.

07/2023

ActuaLitté

Economie

Perspectives de l'emploi de l'OCDE. Juin 2001

Cette édition des Perspectives de l'emploi de l'OCDE est consacrée à l'analyse d'un certain nombre de problèmes cruciaux : les dépenses affectées aux programmes du marché du travail, la dynamique de la pauvreté, les caractéristiques et la qualité des emplois du secteur des services, l'équilibre entre travail et vie de famille, et les travailleurs étrangers. LES DÉPENSES AFFECTÉES AUX PROGRAMMES DU MARCHÉ DU TRAVAIL : Depuis le milieu des années 80, les pays de l'OCDE consacrent au marché du travail des dépenses considérables, réparties entre des programmes " passifs " (indemnisation du chômage et préretraites) et des programmes " actifs " d'aide à l'emploi. En 1992, ils ont décidé de privilégier les mesures " actives ". Une analyse de la base de données de l'OCDE montre en effet une légère augmentation de la proportion des dépenses " actives " dans la plupart des pays, mais pas dans tous. LA DYNAMIQUE DE LA PAUVRETÉ : On constate à la fois une certaine fluidité de la pauvreté et des phénomènes de " piège " à long terme. Par ailleurs, la relation entre la situation au regard de l'emploi et la dynamique de la pauvreté valide l'orientation générale de la politique sociale centrée sur l'emploi, mais la forte incidence de la pauvreté dans les ménages d'actifs montre la nécessité de mettre en œuvre des politiques qui, au-delà du simple placement, améliorent le maintien et la progression dans l'emploi. LES CARACTÉRISTIQUES ET LA QUALITÉ DES EMPLOIS DU SECTEUR DES SERVICES : La part croissante de l'emploi dans les services et d'autres évolutions ont suscité un débat animé sur la qualité de l'emploi dans ce secteur. Les faits montrent qu'il n'existe pas de dichotomie franche entre le secteur de la production de biens et celui des services. Les emplois du secteur tertiaire recouvrent tout le spectre de la qualité de l'emploi. La variation de la qualité de l'emploi d'un pays à l'autre est plus frappante. Elle s'explique par des facteurs institutionnels comme le niveau de syndicalisation, le salaire minimum légal et la répartition des compétences au sein de chaque pays. L'ÉQUILIBRE ENTRE TRAVAIL ET VIE DE FAMILLE : Concilier travail et vie de famille est difficile pour beaucoup de parents. Les mères continuent d'assumer l'essentiel de la charge des enfants et des travaux domestiques, et ont souvent besoin d'une aide pour pouvoir mener une carrière professionnelle productive et satisfaisante. Ces dernières années ont été marquées par le développement des dispositifs institutionnalisés d'accueil des très jeunes enfants, et des congés de maternité, de paternité et parentaux - bien que les hommes semblent encore réticents à utiliser leurs droits. LES TRAVAILLEURS ÉTRANGERS : Depuis dix ans, la proportion d'étrangers dans la population active augmente dans presque tous les pays de l'OCDE, et elle s'élargit à un plus grand nombre de secteurs qu'auparavant. Les travailleurs étrangers restent toutefois plus vulnérables au chômage que les nationaux. La reprise de la croissance constatée au cours de la dernière décennie dans la majorité des pays de l'OCDE a contribué à élargir le débat sur l'immigration, essentiellement centré sur le contrôle des flux et le rôle que celle-ci pourrait jouer dans la réduction des pénuries de main-d'œuvre et l'atténuation des effets du vieillissement démographique.

06/2001

ActuaLitté

Ethnologie

Les sentinelles des pandémies. Chasseurs de virus et observateurs d'oiseaux aux frontières de la Chine

La pandémie de grippe est un des événements qui suscitent une mobilisation au niveau global. Le caractère cyclique des pandémies - la "grippe espagnole" en 1918, la "grippe asiatique" en 1957, la "grippe de Hong Kong" en 1968 - a conduit les experts à penser qu'une nouvelle pandémie était imminente, et qu'elle tuerait des millions de personnes. La question, selon les autorités de santé globale, n'était pas de savoir quand et où la pandémie commencerait, mais si nous étions prêts pour ses conséquences catastrophiques. Il faut donc se préparer aux pandémies pour limiter non seulement le nombre de victimes humaines mais aussi ses effets politiques et moraux. Une pandémie commence quand un pathogène infecte une population humaine non immunisée. On considère que les microbes mutent à travers les espèces animales, où ils se développent habituellement de façon asymptomatique dans leurs "réservoirs animaux" , avant de passer aux humains, où ils produisent infection et contagion. Les virus de grippe, en particulier, mutent et se réassortissent chez les oiseaux, notamment aquatiques, et les porcs, décrits comme des "véhicules intermédiaires" parce qu'ils ont des récepteurs dans leurs voies respiratoires qui peuvent s'attacher aux virus aviaires et humains. Quand les microbiologistes suivent les pathogènes dans leurs réservoirs animaux pour anticiper leur émergence chez les humains, ils introduisent ainsi les animaux dans la société. Ce livre montre, avec les méthodes de l'anthropologie sociale, comment les techniques de préparation pour une pandémie de grippe ont transformé nos relations aux oiseaux. Des milliards de volailles ont été tuées à travers le monde pour éviter que des pathogènes potentiellement pandémiques ne passent la frontière d'espèces. Les oiseaux migrateurs ont été surveillés pour comprendre la diffusion des virus de grippe en-dehors de leur lieu d'émergence. L'anthropologie sociale, en tant qu'elle produit du savoir sur les similarités et les différences entre les humains et les autres animaux, peut prendre les pathogènes franchissant les barrières d'espèces comme point de départ pour une enquête sur les transformations des relations entre humains et non-humains. La connexion entre les relations hommes/animaux et les mesures de santé publique s'opère dans les deux sens ? : de nouvelles relations entre hommes et animaux (comme l'intensification de l'élevage industriel) a produit de nouveaux risques d'émergence, mais les techniques utilisées pour limiter ces risques (comme l'abattage massif de volailles ou l'usage de poulets sentinelles) a aussi changé la façon dont les hommes interagissent avec les animaux. Ce livre est basé sur une recherche ethnographique conduite à Hong Kong, Taiwan et Singapour entre 2007 et 2013. Ces trois territoires ayant été affectés par la crise du SRAS en 2003, ils ont investis dans les techniques de préparation à une pandémie de grippe. Mais ces trois territoires étaient aussi mobilisés contre un virus de grippe aviaire venant de Chine, où le nombre de volailles domestiques avait dramatiquement augmenté au cours des quarante dernières années. Hong Kong, Taiwan et Singapour sont trois points de passage pour la diaspora chinoise, qui pouvait ainsi s'identifier avec les oiseaux migrateurs accusés de propager la grippe à travers le globe. L'un des arguments soutenus dans ce livre est que ces trois territoires situés aux frontières de la Chine et connectés au reste du monde ont trouvé avec la grippe aviaire un langage pour parler des problèmes qu'ils ont avec le continent chinois, considéré comme une puissance émergente dont les conditions de vie manquaient de transparence. Ce livre associe un argument théorique en anthropologie sociale avec une ethnographie des relations entre hommes et animaux dans des techniques de santé publiques afin de saisir ce qu'est "la préparation au niveau aviaire" dans des territoires asiatiques singuliers.

06/2020

ActuaLitté

Ecrits sur l'art

La folie du regard

Dans la première partie de cet essai, Laurent Jenny, à travers les images de l'art, s'intéresse aux turbulences du regard. La diversité de ces images révèle en effet que le regard est loin d'être une donnée naturelle, simple et commune. Chaque époque, chaque artiste et chaque medium redessinent une extension différente du visible, et remodèlent des usages dans le champ très vaste qui est celui du visible. Il y a loin des figures paléolithiques superposées émergeant pour quelques rares initiés d'une matrice minérale enveloppante et secrète - aux tableaux luxueux, surchargés de symboles savants et d'allusions aux pratiques sociales que constituent les peintures du Quattrocento. Tout comme les peintures éloquentes de l'âge classique s'opposent, par leur discours implicite, au type de contemplation muette appelé par les tableaux "silencieux" de l'âge moderne, de Manet à Morandi. Ce n'est d'ailleurs pas seulement la connivence du regard avec l'intelligible qui se transforme, mais aussi son appel aux autres sens, notamment le tactile, ainsi qu'en témoigne encore aujourd'hui une oeuvre comme celle de Giuseppe Penone, qui cherche passionnément à étendre la sensibilité optique à la surface entière de la peau. Les technologies de l'image ont aussi leur part dans cette constante redéfinition du voir. La photographie a ainsi délibérément réduit le point de vue au monoculaire et astreint le regard à un battement, non sans effets temporels. A l'inverse, les spectacles immersifs de l' "atelier des lumières" , veulent produire l'illusion que le champ du regard est à la fois mouvant, sans bords et infini jusque sous nos pieds. Cependant le pari que fait Laurent Jenny, qui est aussi celui de l'art, c'est que toutes ces images si diverses nous parlent et nous atteignent au-delà des significations qui ont été celles de leur temps et des intentions de leurs auteurs, au-delà même des circonscriptions de regard qui les régissaient. C'est précisément leur dimension énigmatique qui aiguise notre attention à elles et découvre dans notre propre regard des régions ignorées. Cela ne va pas sans déchirure de nos habitudes perceptives, ni retentissement émotionnel et éthique. Et ce sont ces chocs dont Laurent Jenny s'efforce de rendre compte dans la patience de l'écriture. La seconde partie de cet essai propose donc une déambulation libre et subjective à partir d'images énigmatiques et un approfondissement de leur étrangeté. Laurent Jenny s'y interroge ainsi sur le trouble que produit la facture porcelainée et cruelle des Judith de Cranach ou sur la dimension secrètement apocalyptique d'un tableau supposément aussi galant que "La fête à Rambouillet" de Fragonard. Il questionne l'anachronisme optique des oeuvres "qui ne sont pas de leurs temps" , comme les huiles italiennes de Valenciennes ou de Thomas Jones. Il se penche sur les horizons obstinément bouchés de Courbet, qui font refluer le regard vers la matérialité épaisse des surfaces. Il cherche à comprendre la puissance du monde graphique de Seurat dont les figures "absorbantes rayonnantes" semblent dotées d'une pesanteur nocturne et solitaire intimement liée au monde chromatique restreint du noir et blanc. Il relève les stratégies de Matisse pour domestiquer au-dedans l'espace effrayant du dehors. Dans Louons maintenant les grands hommes, il confronte la sécheresse des photographies de Walker Evans, illustrant la vie nue des petits blancs pauvres d'Alabama et la prose incandescente d'Agee comme deux traductions de la même expérience visible. Et enfin il retrace les tourments de Giacometti vivant une forme de "folie du regard" en essayant vainement de saisir le visage de son modèle japonais Yanaihara. En définitive, à travers ces réflexions et ce parcours dans les images de l'art, il s'agit pour Laurent Jenny de rouvrir le champ du regard à son extension variable, à ses connivences passagères et à son essentielle indétermination.

03/2023

ActuaLitté

Thèmes photo

Paysages inattendus. Cahors... des vignes et des hommes

Dans le Lot qu'elle a parcouru durant un an, la photographe Nadia Benchallal a "peint" des tableaux en prenant en compte le cycle des saisons et les phases successives de la viticulture. Elle a superposé l'homme au travail sur le paysage du vignoble, interprétation personnelle où s'articulent le respect et l'attachement à la terre, comme un emblème de vitalité. Nadia nous arconte : Depuis longtemps, je nourrissais l'envie de réaliser un projet sur le vignoble de Cahors. C'est à la suite d'un reportage photographique effectué pour le New York Times que j'ai décidé de poursuivre un travail sur les paysages et les hommes de ce vignoble. Pendant une année, j'ai exploré les vignobles du Lot, de l'ouest à l'est, du nord au sud. De Cieurac à Soturac, j'ai suivi les chemins le long de la rivière qui parcourt la vallée, afin d'en saisir sa richesse. J'ai emprunté ces sentiers où les châteaux et domaines se succèdent de parcelle en parcelle, où le paysage rocailleux s'étire, où les versants du plateau du Causse glissent jusqu'aux rives du Lot. J'ai arpenté ces chemins caillouteux pour me perdre volontairement et y découvrir ce vignoble qui s'étend sur des kilomètres. Je me suis imprégnée de ce paysage pour essayer de comprendre la vie des vignerons qui y travaillent depuis des siècles. Ils ont donné à leurs vins des noms modernes et créatifs pour souligner une appartenance à leur époque : " K-or ", " Bloc B763 ", " La Calmette ", " Les Laquets ", " Divin ", " Cerisier ", " Extra Libre ", " Un Jour sur Terre "... Tous les vignerons que j'ai rencontrés sont là par amour de la terre. Ils chantent les saisons qui rythment la production du " Black Wine ", comme l'appelaient les Anglais au Moyen-Age. Certains sont des pionniers de la biodynamie dans le Lot. Passionnants et passionnés, ils expriment leur attache ment à la terre. Ils ont su transformer leur vignoble en l'adaptant aux nouvelles pratiques écologiques. D'autres nous offrent des rissons poétiques. Ils portent en eux la langue de la nature et nous parlent de l'âme qui habite le terroir au travers de leur vin. A l'automne, après les vendanges, ils introduisent des animaux domestiques pour travailler et enrichir la terre dans laquelle pousse la vigne. Toutes ces rencontres reflètent la même passion : l'amour d'un territoire. Ce vignoble, je le raconte à travers le paysage et une nouvelle génération de vignerons convaincus du nécessaire respect d'un sol vivant. Des femmes, de plus en plus nombreuses dans le métier. Des hommes à qui on a transmis le goût de la terre. Le vin qu'ils élaborent, tels des artistes en création où l'alchimie se renouvelle, leur ressemble étrangement. Là, j'ai découvert la passion, l'envie d'explorer de nouvelles techniques. Ces hommes me parlent de la générosité de la terre, conscients du rôle temporaire qu'ils ont à jouer. Mes photos traduisent une vision singulière d'un territoire et de ceux qui oeuvrent dans ce milieu. Le paysage viticole est le résultat d'un travail humain, régulier et harmonieux. Chaque photo peint un tableau en prenant en compte le cycle des saisons et les phases successives de la viticulture. J'ai superposé l'homme au travail sur le paysage du vignoble, interprétation personnelle où s'articulent le respect et l'attachement à la terre, comme un emblème de vitalité. Au cours de ce voyage, il m'est apparu que si le vin intéresse autant, c'est qu'il est lié à un territoire unique, au temps et à la vie. C'est ce "temps' du vin d'aujourd'hui que je décris ici. Une époque où la consommation d'un vin "made in Lot', respectueux du sol et de l'environnement, est en plein essor.

10/2021

ActuaLitté

Critique

Traité d'harmonie littéraire

Après Français langue morte (Richard Millet), nous n'allions pas laisser notre pays dans l'embarras. Il fallait bien procurer d'urgence à l'immense "Titanic réputé insubmersible, en route vers le meilleur des mondes" une simple trousse de survie, d'ailleurs inscrite à notre programme depuis cinq ans : Ghislain Chaufour s'est extirpé du long confinement dans le silence harassant des machines, après un temps d'incubation extrêmement lent, pour présenter enfin au public cette Åuvre nécessaire, prodigieuse et salutaire, le Traité d'harmonie littéraire, propre à redonner à ce pays son "sentiment de la langue" apparemment perdu. "Vous n'êtes pas très productif" , lui disait Pierre Boutang, son professeur de philosophie en classe de Terminale (1968). Sans doute, comme tous les organismes complexes sensibles, Ghislain Chaufour a-t-il été lui-même touché d'abord par la "démantibulation du langage" que prévoyait Wittgenstein et l'effondrement d'un monde où toutes les notions péniblement acquises à l'école de la littérature française et de la civilisation européenne se sont trouvées brutalement mises en cause avec une force effroyable. Or il n'est pas du genre à répliquer avec des coups dans le vide : s'il attend, il vise juste et il atteint sa cible en une fois. Après un long et rigoureux effort de renseignement et de respiration, ces deux cents pages très bien ficelées parfaitement efficaces dégomment donc et déboulonnent une à une les imposantes idoles vieilles de quelques siècles qui peuvent aussi bien nous tomber dessus et nous écraser : la Science, l'Evolution, la Méthode expérimentale, le Doute plus ou moins académique, le Hasard⦠En s'attaquant vaillamment à toutes ces vieilles chimères mal embouchées il pourrait aisément passer pour une espèce de Don Quichotte, et c'est ce que disent de lui ses adversaires : "Vous exagérez beaucoupâ¦? - Oui, mais pas assez" , répondait-il à son interlocuteur à l'occasion d'un précédent livre. Or ici il n'en est rien, sa démonstration est aussi rigoureuse qu'implacable. L'Univers a-t-il pu "A se créer spontanément à partir de rien" , comme l'affirmait Stephen Hawking ? Il n'y a "rien qui ressemble à une preuve absolue" , où donc "la science moderne trouverait-elle l'ultime garantie si les mathématiques pures elles-mêmes ne la lui procurent pas, ni les expériences ? " Considérant la misère et les tribulations de l'homme peinant et existant, Chaufour retourne l'opposition entre l'Universel en majesté supposé "antérieur" mais abstrait et les singularités qui sont les vrais objets de connaissance. "Grande sottise de croire que la science consiste dans la connaissance des universaux". C'est ainsi que les mathématiques asservies au productivisme ont propagé dans "l'Etat industriel et bureaucratique" les illusions du travail mortifère. Contre ce danger extrême et celui d'être dégoûté sans remède par des professeurs ignorants, Ghislain Chaufour refuse de condamner les sens et s'étonne de la répulsion que le charnel singulier suscite chez les platoniciens, les gnostiques, les "cathares" , les idéalistes et mêmes les matérialistes de tous les temps. Il redonne la valeur de vérité aux fables : la poésie est fable capable de conseils salutaires, et non "forme" vide de sens⦠"L'ennui vient d'une déception" , et contre elle il s'agit de retrouver l'usage du libre-arbitre, authentique merveille du monde étrangère au hasard et à la nécessité. L'évolutionnisme idéologique des automates, à l'inverse, dénigre l'origine spirituelle de chaque création et du langage lui-même. En séparant le sensible de l'intelligible, et les passions de la raison, "nous avons perdu le grand art de signifier par la beauté" . Or il se trouve que ces derniers mois nous auront disposés à recevoir ces objections : nous sommes nombreux à éprouver assez distinctement la fragilité et néanmoins la capacité de nuisance des rhétoriques scientifiques, ainsi que leur impact dans l'économie réelle, sur la vraie vie et la santé en général, mais également le risque totalitaire qu'elles font courir à justifier une "dictature hygiéniste" bien difficile à domestiquer. La prise de pouvoir politique par la "Science" qui paraissait réservée à la propagande soviétique s'attaque désormais aux thérapeutes et il est de notoriété publique que les pseudo "savants" au service de l'Ordre industriel les poursuivent en justice. Ghislain Chaufour revient très raisonnablement à des fondamentaux : c'est philosophiquement qu'il remet à sa place la philosophie et naturellement qu'il redonne à la "fable" sa légitimité comme interrogation complète posée à même le monde : "A la littérature vise le concret" . C'est un fait établi que le monde est créé, tandis que "la perfection divine implique une extrême sensibilité aux malheurs des créations" . Si le christianisme greffé sur l'arbre juif "A semble ne pas encore avoir commencé" , le pugiliste s'est modernisé et ne se laisse pas impressionner ni récupérer. Véritable Gilet jaune de la métaphysique sachant donner de la gauche et de la droite, sa méthode l'apparente plutôt au bulldozer qui enfonce les portes obstinément fermées : avec beaucoup d'efficacité, le platonisme, Descartes, Kant, Hegel, Heidegger et même Jacques Monod sont délogés sous nos yeux, démasqués, laminés. Du moins théoriquement car en pratique la propagande en leur faveur va redoubler et expédier ad patres ses accusateurs et témoins dérangeants, nous le savons bien.

04/2021

ActuaLitté

Critique littéraire

Oeuvres morales. Tome 2, Traites 10-14, Edition bilingue français-grec ancien

Résumé des traités :Consolation à Appolonios Préambule : le moment propice à une consolation Ni insensibilité, ni excès dans la douleur Dans le malheur se comporter virilement Inconstance Obéir à la raison et se préparer aux vicissitudes de l'existence La mort n'est pas un mal, le cycle du devenir La sagesse socratique, la mort n'est peut-être qu'un sommeil La mort nous délivre de l'esclavage du corps La mort est la récompense de la piété La mort délivre de toutes les peines La mort prématurée La plus belle vie n'est pas la vie la plus longue Soumission aux dieux S'affliger est égoïste Les pleurs ne peuvent pas être éternels Se préparer à l'infortune Les excès dans le deuil sont indignes d'un grec La mort prématurée n'a rien d'affligeant La vraie façon d'honorer les morts Un deuil éternel n'est pas raisonnable La mort est préférable à la vie La vie nous est seulement prêtée Les leçons de la sagesse delphique Attitude insensée de ceux qui gémissent, méfaits des poètes La vie est brève, il faut l'utiliser à autre chose qu'à gémir Exemples de constance dans le malheur Eloge du défunt Le défunt est entré dans le bonheur éternel Mythe platonicien du «Gorgias» sur la vie future Epilogue Préceptes de Santé Préambule : médecine et philosophie Premier conseil : maintenir chaude les extrémités Second conseil : s'habituer au régime alimentaire des malades Précepte essentiel : la mesure Savoir refuser Ne pas manger sans faim ni boire sans soif N'accorder au corps que des plaisirs naturels Le plaisir même a besoin de la santé Il ne faut pas attendre d'être malade pour être tempérant L'excès favorise la maladie Tenir compte des symptômes Le plaisir que procure la nourriture dépend de notre santé Contre un régime trop rigoureux Observer tous les signes prémonitoires Leçons à tirer de nos amis malades Exercices recommandés aux intellectuels Préférer les bains chauds aux bains froids Préceptes concernant la nourriture Préceptes concernant la boisson Nobles moyens des intellectuels pour dominer leurs appétits Occupations appropriées après le repas Eviter vomitifs et purgatifs Pas d'abstinences strictes et à dates fixes Ni oisiveté ni surmenage Ménager le corps sans passer d'un extrême à l'autre Il faut se connaître et savoir régler soi-même son régime Nécessité de l'harmonie de l'âme et du corps Préceptes de mariage Plutarque à Pollianos et à Eurycide Dédicace et prélude Le coin, symbole du charme de la jeune épouse L'asperge symbole de l'intimité Eviter les premiers heurts La flamme de la passion doit pénétrer jusqu'à l'âme Ne pas se contenter de la volupté La femme ne doit pas rendre l'homme insensé pour le dominer Pasiphaé, symbole de la luxure Le mari ne doit pas non plus abaisser sa femme La femme ne doit être visible qu'en présence de son mari La pudeur, gage de l'amour L'harmonie dans le couple Persuader par la douceur Ne pas se quereller devant autrui La femme doit accorder son humeur à celle de son mari L'homme, lui doit associer sa femme à ses plaisirs honnêtes L'homme ne doit pas associer sa femme à ses excès Le mari inspire ses propres penchants à sa femme Réserve de la femme dans les rapports conjugaux La femme ne doit avoir que les amis et les dieux de son mari Tout doit être commun aux époux Les amours chastes apportent le bonheur, les autres le malheur Les petits désaccords continuels ruinent la vie commune Les qualités morales, jointes aux autres avantages, rendent la femme invincible Sans les qualités morales, les avantages matériels ne sont rien La vertu a plus de prix que la beauté La dignité, vraie parure de la femme La dignité doit rester aimable L'excès de gravité vaut toutefois mieux que l'excès de hardiesse Privée de bijoux, la femme préfère rester chez elle La femme doit cacher ses paroles comme son corps La femme ne doit se montrer et parler qu'avec son mari L'homme doit commander, mais avec tendresse La véritable union est une fusion totale La femme ne doit pas nuire à l'affection du mari pour sa mère La femme doit s'attirer l'affection de ses beaux-parents La femme doit calmer avec douceur les colères du mari Le lit conjugal, terrain de réconciliation Le lit conjugal pour ignorer les querelles La femme ne doit pas écouter les méchants propos La femme ne doit pas songer à se séparer de son mari Il ne faut pas souiller le mariage, fécondation sacrée L'homme doit faire régner l'harmonie Le mari ne doit pas exciter la jalousie de sa femme La femme, elle, doit éviter se qui irrite son mari La femme légitime doit briller par ses vertus Le mari doit avoir le plus grand respect pour sa femme Péroraison : Mari et femme doivent s'abstenir d'un luxe excessif Le mari doit se cultiver et instruire sa femme La vertu, suprême parure de la femme, lui apporte aussi la gloire et le bonheur Le Banquet des Septs Sages Prologue En route pour le banquet L'arrivée chez Périandre Le banquet Propos sur le gouvernement des Etats Le gouvernement domestique Le gouvernement de l'univers : la Providence divine Conclusion De La Superstition Sources de l'athéisme et de la superstition La superstition ajoute la crainte à l'erreur La crainte des dieux harcèle l'homme, même dans le sommeil Pas de refuge pour le superstitieux, même dans la mort Mieux vaut être athée que superstitieux, aveugle que fou La superstition transforme le bien en mal Comportements différents de l'athée et du superstitieux Le superstitieux ne fait qu'aggraver ses maux Dans la joie également, le superstitieux est malheureux La superstition plus impie que l'athéisme Le superstitieux, ennemi des dieux est un athée qui n'ose pas l'être La superstition favorise l'athéisme Rien n'est pire qu'une religion monstrueuse Il faut rejeter la superstition, non pour l'athéisme mais pour la piété.

01/2003

ActuaLitté

Histoire internationale

Impérialisme, guerre et lutte de classes en Allemagne 1914-1918

Paul Frölich avait conçu ce livre comme la première partie d'une oeuvre plus importante (10 Jahre Krieg und Bürgerkrieg.I. Der Krieg, " Dix ans de guerre et de guerre civile. I. La guerre "), qui aurait dû s'occuper des événements intervenus en Allemagne pendant et après la Première Guerre mondiale. Toutefois, il ne réussit à terminer que le premier volume (Der Krieg, " La guerre ") que nous présentons ici dans sa première édition française. Le livre s'ouvre sur les événements d'août 1914, qui représentent un tournant. Le capitalisme entre dans le XXe siècle ayant épuisé la phase de développement progressif des forces productives et ayant atteint le stade de l'impérialisme. Le déclenchement de la Première Guerre mondiale transforme les rythmes insouciants de la Belle Epoque en détonations meurtrières. Comme l'écrit Erich Maria Remarque (A l'Ouest, rien de nouveau), " une génération a été détruite par la guerre, même si elle a réussi à échapper aux obus ". Cette guerre représente le commencement dramatique de ce que Lénine appela " l'époque des guerres e des révolutions ". Il ne s'agit plus de guerres bourgeoises pour la formation de marchés, mais de guerres impérialistes pour le partage de marchés et du monde tout entier en sphères d'influence. La lutte de la Bosnie pour son indépendance de l'Autriche, qui constitue le casus belli, ne change pas le caractère essentiellement impérialiste de la guerre. L'impuissance de la bourgeoisie à résoudre les causes de l'instabilité et les conflits de l'époque impérialiste est démontrée par le fait que l'effondrement des deux Empires – l'Ottoman, et l'Austro-hongrois – a ouvert, au carrefour entre Europe, Asie, Afrique, un arc de crise encore existant, allant des Balkans jusqu'au Moyen-Orient. Remarque avait raison : la destruction n'a pas été exclusivement physique. Le conflit emporte comme un ouragan les classes exploitées. D'autant plus que, en quelques jours à peine, l'édifice politique que les travailleurs avaient construit avec leurs luttes, grâce aux efforts et aux sacrifices de beaucoup – l'Internationale socialiste – a fondu comme neige au soleil. Après les grands discours, les affirmations solennelles et les ordres du jour, la plupart des partis socialistes se rangent du côté de leurs bourgeoisies respectives, allant jusqu'à théoriser que l'Internationale doit être considérée comme un instrument pour les périodes de paix, et " suspendue " en temps de guerre. C'est la plus flagrante trahison des aspirations de la classe ouvrière. Selon certaines sources, Lénine lui-même, à l'annonce du vote en faveur des crédits de guerre par la social-démocratie allemande – jusque là point de repère de l'ensemble du prolétariat européen – aurait exprimé son étonnement et son incrédulité. Un grand rendez-vous historique est manqué. Le désarroi des masses est énorme. Les courants internationalistes restent isolés et dans l'impossibilité de renverser la situation. A l'exception de la Russie. En effet, " quelque chose de nouveau " entre en scène " à l'est ". La Révolution d'octobre et les épisodes de fraternisation entre les troupes sur le front oriental deviennent l'exemple à suivre. Ce n'est pas un hasard. L'exception russe était due à la rupture précoce de Lénine et des bolcheviks d'avec les réformistes. Son analyse de l'impérialisme, du social-impérialisme et ses bases sociales dans l'aristocratie ouvrière – corrompue par les miettes de superprofits – explique la dynamique objective de la trahison social-démocrate. Le retard de la rupture avec les réformistes empêche les internationalistes allemands et de l'Europe de l'ouest de suivre l'exemple russe. La révolution reste isolée. Sur le côté oriental, elle accélère objectivement le développement de l'Asie, en amorçant les luttes de libération nationale dans les pays arriérés. Sur le côté occidental, elle ne trouve pas l'alliance naturelle avec le prolétariat le plus important et le plus avancé politiquement du monde : le prolétariat allemand. Pour cette raison, en Occident, la révolution doit reculer devant une contre-révolution interne qui, malheureusement, en vole traîtreusement le langage, les symboles et les drapeaux : le stalinisme. Pendant des décennies, le capitalisme d'Etat oriental se présente comme socialisme voire comme communisme. Mais finalement l'histoire a réclamé des comptes. La " rupture du maillon le plus faible de la chaîne impérialiste " se réfère à l'immense " crise de déséquilibre " représentée par une super-structure encore tsariste du développement capitaliste en Russie. En effet, la social-démocratie n'a même pas essayé de limer le maillon le plus fort, le maillon allemand ; au contraire, elle l'a renforcé, en déployant le prolétariat aux côtés de sa propre bourgeoisie. C'est là l'échec historique du réformisme, un échec qui n'admet pas d'appel. La question historique et politique centrale demeure la trahison de la social-démocratie en 1914. Comment cela a pu se produire ? Quelles en ont été les conditions ? Quelle la dynamique ? Comment peut-elle justifier sa trahison devant les masses ? C'est en répondant à ces questions que le travail de Paul Frölich prend toute son épaisseur. Internationaliste, connu pour sa superbe biographie de Rosa Luxemburg, Frölich nous offre une chronique politique autant sévère que documentée de ces événements. Depuis les causes de la guerre (l'impérialisme, le colonialisme, le militarisme) et les positions internationalistes et antimilitaristes de la IIe Internationale, jusqu'au " triomphe de la folie " déclenché le 28 juin 1914, à Sarajevo, par l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand, héritier du trône autrichien, par les nationalistes bosniaques. De la social-démocratie impériale du 4 août (date du premier vote au Reichstag sur les crédits de guerre), à la paix sociale imposée grâce aux syndicats et à la suspension des lois de protection des travailleurs. Sur ce terrain, les dirigeants sociaux-démocrates vont même au-delà des requêtes du patronat, allant jusqu'à abolir les célébrations du Premier mai. Depuis les luttes de classe qui ont eu lieu en dépit de tout cela, au courage de Karl Liebknecht qui, lors du procès politique contre lui, s'érige en juge du gouvernement et de la bourgeoisie allemands. Liebknecht est condamné à quatre ans et un mois de prison et à six ans de privation des droits politiques. Une condamnation qui contribue à faire pousser des ailes aux radicaux de gauche et au groupe Spartakus, malgré l'emprisonnement à plusieurs reprises d'autres dirigeants du calibre de Rosa Luxemburg et Franz Mehring. On en arrive ainsi à la crise finale et aux révoltes de masse, à savoir à la débâcle politique et militaire de l'impérialisme allemand. Dans son travail, l'auteur ne saisit pas toujours entièrement les limites de l'action politique de la gauche social-démocrate (voir chapitre 3, l'allusion à " la grève générale politique de masse ", une thèse chère à Rosa Luxemburg). Dans le même chapitre, Frölich fait référence à la " thèse erronée d'Engels " contre l'insurrection et en faveur d'une action respectueuse des lois. De toute évidence, il ne savait pas que l'introduction de 1895 d'Engels aux Luttes de classe en France de 1848 à 1850, de Marx, avait été grossièrement falsifiée par l'élimination de plusieurs morceaux, et qu'elle avait été publiée à l'époque sous cette forme domestiquée dans le Vorwärts. C'est Karl Kautsky qui avait refusé à Engels la publication du texte complet. Mais, dans l'ensemble, le texte de Frölich est très valable. C'est une fresque fascinante du grand drame historique dans lequel les masses anonymes, trahies et trompées, sont envoyées à l'abattoir. Un massacre que l'auteur estime à hauteur d'environ 35 millions de victimes, en comptant, dans les différents pays, la chute de la natalité, les morts au front et les victimes des famines et des difficultés de toutes sortes à l'intérieur. Nous sommes certains que, en parcourant ces pages, aujourd'hui encore, même le lecteur politiquement engagé et non dépourvu de culture historique sera pris d'étonnement, d'indignation et, peut-être, de colère. C'est bien qu'il en soit ainsi. La force que la social-démocratie allemande aurait pu déployer contre la guerre et contre sa propre bourgeoisie est impressionnante : des centaines de milliers de membres du Parti, quatre millions d'électeurs, 110 représentants au Parlement ainsi que de nombreux journaux ayant une large diffusion parmi le prolétariat, ce à quoi il faut encore ajouter les organisations syndicales et les coopératives. Mais Frölich documente la progressive diffusion – dès avant le déclenchement du conflit – de positions opportunistes, social-impérialistes et colonialistes au sein du Parti et parmi ses cadres syndicaux. Il en analyse aussi ponctuellement les formulations et les prétentions théoriques, souvent basées sur la " défense des intérêts nationaux ". A une époque telle que la nôtre, caractérisées par des processus de renationalisation, par le localisme et le racisme, il s'agit là d'une leçon précieuse. Le bruit de la campagne en faveur de la guerre est assourdissant. Les journaux surchauffent les esprits. La chasse à l'étranger est lancée. Les chants de guerre accompagnent le départ des troupes : " A chaque balle, un Russe / A chaque coup de baïonnette, un Français / A chaque coup de pied, un Britannique ! " Parmi ceux qui vocifèrent, il y a aussi de nombreux travailleurs socialistes, entraînés dans le tourbillon. Une autre leçon à retenir. Le chapitre sur la guerre en tant qu'" affaire " est instructif. " Business as usual ", écrit Frölich au tout début du chapitre. Il explique les diverses méthodes par lesquelles " l'or était distillé à partir du sang humain ". Il documente aussi l'extraordinaire multiplication généralisée des profits, la grande arnaque financière de Daimler Motoren Werke à Stuttgart, les menaces de sabotage de cette même Daimler, les dons intéressés à la Croix-Rouge, les sociétés par actions de la bienfaisance. Parmi les autres exemples, le libéralisme commercial paradoxal et effronté de Thyssen qui, en pleine guerre, vend des boucliers à l'armée allemande à 117 reichsmarks la pièce, et à 68 reichsmarks au gouvernement néerlandais. Les hommes de confiance des grands industriels deviennent les conseillers des bureaux gouvernementaux. Les épisodes d'escroquerie que relate Frölich sont nombreux. Les impôts de guerre se répercutent principalement sur la consommation de masse. Le livre contient beaucoup d'affirmations qui font réfléchir. Rappelons-en deux. " Regardez le monde tel qu'il était avant la guerre, et vous verrez que c'était un monde qui était fait pour la guerre ", écrit Frölich au début du texte. Il parle d'économie mondiale, de concentration du capital, de blocs de puissances, d'armements, de partage des marchés... Si l'on fait une comparaison, comment le monde d'aujourd'hui se présente-t-il ? " Pour nous, aujourd'hui, il est clair que les deux questions que constituaient le maintien de la paix et la révolution, n'en faisaient qu'une. Lutte contre la guerre voulait dire lutte de pouvoir contre la bourgeoisie dans tous les pays, autrement dit lutte révolutionnaire. Aujourd'hui, il est tout aussi clair pour nous que la lutte révolutionnaire présuppose certaines conditions spirituelles, morales et organisationnelles. " Et encore : " Le désarmement était une utopie. A tout moment, il était possible d'en contourner les effets en créant de nouveaux moyens de guerre. " La critique de Frölich à l'égard des positions de Karl Kautsky est ponctuelle. Ce dernier imaginait un capitalisme sans l'impérialisme et sans politique de puissance. Une lutte véritable pour la paix et contre le militarisme n'est possible qu'à la condition d'être une lutte contre le capitalisme. En conclusion de son livre, Frölich affirme qu'il ne voit pas la paix dans l'avenir de l'Europe : " Certains Etats se sont effondrés. Sous les ruines de la guerre mondiale gisent les cendres des vieilles monarchies. Le monde a été partagé de manière différente. La France se considère comme la première puissance du continent européen, les Etats-Unis comme la première puissance du monde. Certains Etats impérialistes ont été détrônés. Les colonies ont fait un grand pas en avant sur la voie de leur libération. L'Allemagne et l'Autriche sont devenues elles-mêmes des colonies. ... Les peuples se sont laissés entraîner au massacre de masse dans le but de renverser le militarisme allemand qui menaçait tout le monde. Ce but "élevé" est atteint, et le monde, plus sinistre que jamais, regorge d'armements. Avant la guerre, les armées comptaient sept millions d'hommes ; elles en comptent onze millions après la guerre. ... On dit que ce sera la dernière guerre. La Société des Nations existe désormais. Les tribunaux d'arbitrage sont mis à contribution. Les peuples sont unis sur le papier par de sacro-saints traités qui n'engagent à rien. En vue de la prochaine guerre, les techniciens et les chimistes se mettent au travail et les Etats s'arment. ... Et pourtant ! La bourgeoisie s'est elle-même porté le coup le plus terrible en déclarant cette guerre. Dans l'immense empire de l'Est, la classe de l'avenir a déjà triomphé. Les vieilles puissances capitalistes sont grosses de la révolution. Et si aujourd'hui la bourgeoisie, dix ans après ce maudit 4 août, cherche encore une fois à prêcher la conciliation des classes en vue de l'extermination des peuples, alors retentira le cri de Karl Liebknecht, répété par des millions de voix : Contre la guerre, révolution ! " Les choses ne sont pas allées comme Frölich l'espérait. L'erreur de 1914-1918, sous d'autres formes, a déjà été répétée en 1939-1945. Elle ne doit plus se répéter. Voilà pourquoi elle doit être connue.

05/2014