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Dieudonné Brou Koffi

Extraits

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Littérature française

Nevermore

La narratrice de ce nouveau roman de Cécile Wajsbrot, une femme, traductrice, s'isole à Dresde pour traduire "Le temps passe" , partie centrale de La Promenade au phare, de Virginia Woolf, dans laquelle la romancière anglaise tentait d'écrire le temps pur en évoquant ses effets : la dévastation progressive d'une maison devenue inhabi- tée. Tandis que nous la voyons habiter peu à peu le texte et les lieux, et s'immerger dans les arcanes de la traduction, les fantômes qui peuplent la ville étrangère et ses propres fantômes intérieurs ne tardent pas à resurgir et à se mêler à son travail. Ainsi le thème de la dispari- tion récente d'une amie écrivain dont le souvenir la hante s'entretisse au journal dans lequel elle note au jour le jour - comme on ne l'avait sans doute jamais fait jusqu'ici dans une fiction-, les réflexions qui naissent des tâtonnements, des doutes suscités par la progression de son travail et par la tentative de s'approcher au plus près de la créa- tion d'un écrivain d'une autre époque, dans une langue autre. La lecture-commentaire de ce texte sur la dévastation du temps et la vie de la traductrice dans une ville jadis dévastée de la guerre ne font qu'un, sont intimement liés, retentissent sans cesse l'un sur l'autre. Un peu comme dans Mémorial, où, relatant un voyage en Pologne sur les traces de sa famille, elle parvenait à rendre une voix aux âmes des disparus, Cécile Wajsbrot réussit ici à rendre parfaitement justes, naturelles, les soudaines apparitions de l'amie disparue : on est trou- blé, ému, la grande réussite du roman est qu'à aucun moment cela ne paraisse forcé. Comme souvent, dans cette oeuvre, des thèmes secon- daires viennent s'intercaler en contrepoint ou même au sein du récit principal et en accroître la résonance. Il en va ainsi des pages qui évoquent la High Line, à New York, pour évoquer un autre type de métamorphose engendrée par le passage du temps. Mais il faudrait citer aussi d'autres leitmotive : ainsi la catastrophe de Tchernobyl, qui est comme une accélération à plus grande échelle de la dévastation décrite dans "Le temps passe" ; ou, a contrario, un thème qui tra- verse tout le récit comme l'image même du rôle de l'écrivain, ou de sa traductrice : celui des cloches (et, plus généralement, de la musique) qui avertissent de l'imminence du désastre ou, après que celui-ci a eu lieu, subsistent comme les derniers vestiges d'une vie humaine dans les villes englouties.

02/2021

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Esotérisme

Mon ego et moi. Petits arrangements entre amis

Une des voix les plus originales de la spiritualité contemporaine ! Franck Terreaux est une voix originale dans le monde de la spiritualité contemporaine. Par son parcours déjà, atypique : pourvu d'un CAP de vacher, puis magicien, violoniste, il est aujourd'hui accordeur des plus beaux pianos du monde au Conservatoire National de Musique à Paris ; et aussi par sa volonté farouche d'être indépendant et de rester au plus près de son expérience personnelle. Et quelle est cette expérience ? Celle d'un éveil, d'une ouverture à une présence tranquille, qui, comme il le dit, ne demande rien à personne, éveil qu'il préfère appeler " extinction ". Ici, Franck cherche à nous faire partager sa découverte avec son approche si particulière, pleine d'humour et d'impertinence : il nous propose des exercices, des pratiques pour nous faire prendre conscience que cette présence est déjà là, pour nous faire passer du mode " discursif " au mode " perceptif ". Franck se confronte aussi à de grands maîtres comme Nisargadatta Maharaj et Douglas Harding qu'il apprécie pour éclairer sa propre démarche. Et on retrouve le Franck Terreaux impertinent et direct : il n'y a rien à faire pour s'éveiller puisque c'est déjà là avant même qu'on y pense ! Un régal ! Quelques avis sur son dernier livre Etre sans le dire (Almora, 2019) 5 étoiles sur Amazon " Une merveille comme chacun de ses livres. Je ne connais pas de pédagogie plus simple et plus directe vers la perception de ce qu'on est. Unique. " " Encore un petit bijou de Franck Terreaux. Après L'éveil pour les paresseux et L'art de ne pas faire, Franck nous livre avec Etre sans le dire un livre joyeux, intimiste, plein d'esprit et d'espièglerie pour ouvrir le lecteur à cet Espace que nous sommes par nature mais que par inattention nous avons complètement oublié. " " Avec des mots de tous les jours et des exercices clairs et simples, met à la portée de tous ces vérités évidentes mais jusque-là pas ressenties... Merci " " Une véritable aubaine pour les chercheurs spirituels authentiques. Un petit bijou vous dis-je. Un pur régal. " " C'est tellement riche de tout qu'il est impossible d'en faire le tour. Rien de pesant là-dedans : la pertinence, même ultime, n'attend pas le nombre de pages. . On reconnaîtra sans doute peu ou prou dans le même mouvement Jean Klein, Krishnamurti Jiddu, Krishnamurti U. G. , Nisargadatta Maharaj, Stephen Jourdain, Daniel Morin... Le Panthéon incarné, quoi... : -) "

04/2023

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Revues de psychologie

Pratiques en santé mentale N° 1/2024 : Souffrance et travail

Avec l'apparition d'un monde digitalisé, de surcroît dans unepériode post-covid, le travail revêt progressivement de nouvelles formes. Onconstate d'une part un envahissement du numérique, d'autre part une augmentationdu télétravail et des activités "distancielles" même parfois dans lesmilieux thérapeutiques, et enfin une remise en question de la logiquehiérarchique traditionnelle (mouvement que l'on retrouve initialement dans lesstart-up). Pourtant, malgré les changements repérés, la souffrance autravail reste à un "niveau élevé et inquiétant" , selon une étuderéalisée par Opinion Way en 2023. Selon ces chiffres, la détresse psychologiqueau travail toucherait presqu'un salarié sur deux (48 %). En outre, un tiers dessalariés français seraient en burn-out, et parmi eux 12 % en burn-outqualifié de "sévère" (soit plus de 2, 5 millions de personnes). Ainsi, bien quele travail représente une épreuve subjective majeure au regard del'accomplissement de soi et un puissant opérateur de santé (Clot, 2010), ilsemble également jouer un rôle puissant dans les décompensations psychiatriqueset psychosomatiques, tels que le burnout ou syndrome d'épuisement professionnel, etc. Face à cette souffrance accrue, on constate simultanément une "accélération des transformations en cours dans le champ de la santé au travail". (Jeoffrion & Manzano, 2021). De nombreux dispositifs de prévention et deprise en charge existent en effet aujourd'hui, de plus en plus variés, de ceuxdits de "l'urgence psychologique" jusqu'à ceux visant le développement desressources psycho-sociales (RPS). On peut citer la digitalisation desplateformes de prévention, le développement des méthodes d'analyses du travail, un maillage du territoire encore plus accru, avec le réseau de consultations "souffrance et travail" , la présence prépondérante de psychologues en entrepriseet dans le secteur hospitalier, la proposition quasi systématiqued'interventions immédiates et post-immédiates après événement grave, etc. Mais alors, face à cette souffrance qui ne cesse d'augmenter, que penser desdispositifs de gestion des RPS ? Doit-on penser que la prévention et la gestionde la souffrance serait l'apanage de l'expert-consultant, du psychologue ou dumédecin ? Que les acteurs de l'organisation eux-mêmes n'auraient pas, ou prou, àintervenir ? En effet, qu'en est'il de la fonction possible des dirigeants ? Desprofessionnels eux-mêmes ? Ce fut notre questionnement de départ. Pourconstruire ce numéro, nous sommes allés à la rencontre des acteurs de la santémentale au travail, que ce soit le salarié qui a vécu un épisode de burn-out, lepsychologue du personnel d'un hôpital psychiatrique, en passant par un dirigeantarchitecte et un Professeur émérite en psychologie du travail, etc.

06/2024

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Album de films

Les fils de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Une question bru^lante est au coeur du film des fre res Dardenne, elle fac ? onne son e ? criture et sa mise en sce ne. Une question qui se re ? pe te sans cesse jusqu'a l'e ? puisement - comme Olivier re ? pe te les gestes bien concrets de l'enseignant qu'il est. Ve ? hicule ? e par l'entrelacs des images et des sons, elle pe ? ne tre peu a peu le spectateur pour bousculer son point de vue, le placer dans l'inconfort du doute, de l'obsession. "Que faire ? Accepter le garc ? on ou se venger de lui ? " Et derrie re cette question une autre plus profonde : si la douleur de la perte le ? gitime la vengeance, le corps, lui, est-il capable de l'accomplir ? Paul Vincent de Lestrade tente dans ce livre de faire e ? merger cette question et de montrer comment par les moyens qui lui sont propres le film y re ? pond. Ce faisant, il esquisse les grandes lignes de l'e ? thique cine ? matographique et, a travers elle, de la conception de l'humain et du monde dont le film est porteur. On trouvera, en fin de volume, un entretien avec Jean-Pierre Duret, inge ? nieur du son sur Le Fils comme sur la majorite ? des films des fre res Dardenne. Avec franc-parler il revient sur la conception de la bande sonore du film et de ? crit un processus de travail dans lequel la "me ? thode" se re ? invente sans cesse dans la collaboration et la confrontation au re ? el. Apre s une licence en cine ? ma et audiovisuel a la Sorbonne, en paralle le de laquelle il travaille comme critique cine ? ma pour divers me ? dias e ? tudiants, Paul Vincent de Lestrade entre a l'INSAS ou il obtient un master en re ? alisation. Ses travaux documentaires comme fictionnels forment une collection de portraits questionnant principalement le rapport des corps aux normes qu'on leur impose et notamment l'impe ? ratif de performance. "Le Fils" de Jean-Pierre et Luc Dardenne est son premier livre.

09/2021

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Histoire de France

Chantres maudits de l'Europe nouvelle ! Conférences du Groupe Collaboration

Le Groupe Colla­bo­ration, autorisé en février 1941 et forte­ment soutenu par l'ambassadeur Otto Abetz, continue l'oeu­vre du Comité France-Allemagne d'avant la guerre et tra­vaille en liaison étroite avec l'Institut allemand, émana­tion des ser­vi­ces cultu­rels de l'ambassade. Le président est Alphonse de Château­briant, directeur de l'heb­do­­ma­­daire La Gerbe. Son comité d'honneur com­prend le physi­cien Geor­ges Claude, le cardinal Baudrillard, les écrivains Abel Bon­­nard et Abel Hermant, Fernand de Brinon. Un groupe de jeunes est fondé par Marc Augier (le futur écri­vain Saint-Loup), bientôt rem­­­pla­cé par l'avocat Jacques Schweit­­­zer : Les Jeunes de l'Europe nou­velle (JEN). D'abord limité à la zone occupée, le groupe Colla­bo­ra­tion est autorisé en zone libre dès la fin de 1941 et orga­nise à tra­vers toute la France une soixantaine de sous-comités. L'association veut plus culturelle que politique et se tourne vers la diffusion d'appels en faveur de l'unité du continent euro­­­péen ; Drieu en est le chantre et compte sur le iiie Reich pour réaliser cette unité : "L'Allemagne est en train de se faire euro­péenne, de pren­dre cons­cience de toutes les éten­dues et de tou­tes les limites de l'Europe par une dou­ble expé­rience extérieure et intérieure dont nous ne soup­çonnons pas l'am­pleur. " En dépit de tous ces efforts, l'organisation de Cha­teau­­briant ne tarde pas à entrer en léthargie, la seule activité notable en devient la tenue régu­­lière de conférences en faveur de la politique d'en­tente franco-allemande". Sont réunies dans ce premier volume quatre conférences du Grou­pe Collaboration, données en 1941 à la Maison de la Chi­mie à Paris : "Vers une nouvelle Europe" ; "La Révo­lu­tion technique et ses conséquences" ; "L'avenir de la quali­té française dans la protection européenne" ; "Notre rôle européen" ! Sommaire La Révolution technique et ses conséquences - Jean Maillot, préambule de Jacques Duboin Conférence données le 5 avril 1941 sous les auspices du Groupe "Collaboation" à la Maison de la Chimie à Paris Vers une nouvelle Europe - Baron Werner von Rheinbaben Conférence données le 19 avril 1941 sous les auspices du Groupe "Collaboation" à la Maison de la Chimie à Paris L'avenir de la qualité française dans la protection européenne - Henri-Marcel Magne, préambule de Jean Weiland Conférence données le 10 mai 1941 sous les auspices du Groupe "Collaboation" à la Maison de la Chimie à Paris Notre rôle européen - Jacques de Lesdain Conférence données le 1er juin 1941 sous les auspices du Groupe "Collaboation" à la Maison de la Chimie à Paris

08/2014

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Histoire de France

Guerre et "Guerre" d'Algérie. Notes de guerre d'un Maquisard Algérien et Souvenirs de "guerre" d'un Appelé, Réflexions sur ce passé et ses conséquences sur l'actualité

D'UN INSOUMIS : " J'ai été emprisonné pour insoumission et Georges est allé en Algérie comme l'immense majorité des jeunes de notre génération. Au début de l'été 2001, il me fit part de son intention de porter à la connaissance publique les carnets de route d'un combattant de l'ALN et de tenter de retrouver leur auteur. Avec une fidélité de bénédictin, il a transcrit ces carnets, tout en les commentant. C'est un travail de mémoire ; à ma connaissance, un des très rares à donner directement accès à la parole d'un maquisard algérien. Ces carnets témoignent d'un jeune homme, père de famille, possédant une maîtrise parfaite de l'orthographe et qui, manifestement, ne rêvait que d'une chose : que soit reconnue la dignité de son pays. La relation que Georges établit à travers ce qu'il nomme les " pauses " des carnets m'a renvoyé à ma propre mémoire, lorsque j'étais infirmier parachutiste. Durant mes pérégrinations à Pau, Toul, Mourmelon puis à la prison militaire de Metz, j'ai entendu bien des confessions, bien des récits à faire frémir mais aujourd'hui la " france " a amnistié et Monsieur Aussaresses revendique le droit à la torture. Dans les années 1963-1964, j'eus la chance de travailler en Algérie, dans le cadre de la réforme agraire, avec une équipe de dix anciens maquisards dont l'un d'eux avait survécu à la célèbre opération " Jumelle ", terré dans un trou pendant dix jours, en buvant son urine. C'est en souvenir de tels témoignages, restés ignorés, que j'ai accepté la proposition de Georges d'écrire la IVe de couverture de son livre. Comme je lui faisais remarquer qu'il pourrait trouver une personnalité plus en vue pour aider au renom de Guerre et " Guerre " d'Algérie, il me répondit qu'il préférait l'avis d'un insoumis. Ainsi à la dernière page du livre de Georges se côtoient, par-delà leurs différences, l'Appelé, le Maquisard et l'insoumis. Hier, 1954-1962 : maintien de l'ordre en Algérie. Aujourd'hui : maintien de l'ordre en Palestine. En pensant au refus de quatre cents militaires israéliens d'y participer (lettre publiée par le journal HAARETZ du 1er avril 2002 et LE MONDE du 5 avril 2002), j'ai apprécié le commentaire de Georges citant Prévert : " Quelle connerie, la guerre ". Celle des puissants ; les autres, telle la lutte pour l'indépendance de l'Algérie ou d'un état palestinien, étant le combat légitime des " Fells ", des " Rebelles ", des " Hors-la-loi " et des Insoumis. " Pierre Boisgontier, Chercheur universitaire à la retraite. Appelé de la 59 ²/a qui déposa l'uniforme après avoir eu connaissance du rôle que l'Armée faisait tenir à des infirmiers dans la réanimation de prisonniers torturés.

05/2002

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Sociologie

La bataille de la Sécu. Une histoire du système de santé. Préface de Bernard Friot

Comment a-t-il été possible de construire la Sécurité sociale en 1946 dans un pays où la population dépendait de tickets de rationnement pour se nourrir alors qu'aujourd'hui nous ne serions pas capables de l'étendre dans un pays qui a rarement été aussi riche ? Ce livre propose une histoire des transformations de la protection santé en France de 1789 à nos jours, à travers le prisme des conflits qui l'ont façonnée. Au cours de la Révolution de 1789, alors que les débats sur la place de l'Etat et du capital dans la protection santé se déroulent dans des termes très contemporains, l'Etat refuse de procéder à des réformes d'envergure. Les mutuelles naissent alors comme forme d'auto-organisation malgré les interdits et la répression. Par crainte de leurs velléités révolutionnaires, l'Etat se réapproprie l'esprit des mutuelles par une série de loi à partir de 1852. C'est avec la Première Guerre mondiale que naît véritablement l'Etat social : la conduite et les conséquences de cette "guerre totale" renforcent le rôle de l'Etat dans la société, et son besoin de prendre soin comme de contrôler la population. L'Etat social en France n'est pas le produit de la bienveillance parlementaire mais celui de la guerre. Après 1945, deux logiques en germe depuis un siècle s'affrontent directement : d'un côté, des militants cégétistes issus de la Résistance mettent en place en quelques mois un système de sécurité sociale autogéré par les intéressés, dans la tradition de la "Sociale" initiée par la Commune de Paris ; de l'autre, dès 1946, l'Etat cherche à mettre la main sur la "Sécu" contre le pouvoir populaire. Bientôt, il va modifier les principes de l'institution - de "chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins" à "chacun paye selon ses moyens et reçoit selon son niveau de risque" . Au gré des réformes, l'Etat social renforce un capitalisme politique où la proximité entre élites politiques et économiques impose des politiques souvent en contradiction avec les aspirations populaires. Si les dépenses de santé ne baissent pas, elles sont de plus en plus contraintes (nouvelle gestion publique) et changent de nature. Au nom de la lutte contre les déficits - c'est l'invention du "trou de la Sécu" -, la politique de ciblage des dépenses vers les plus pauvres et les plus malades ouvre un espace pour l'épanouissement des alliés politiques de l'Etat (médecine libérale, complémentaires santé) et pour le capital (cliniques, industrie pharmaceutique). La pandémie a mis en lumière toute l'absurdité de ces évolutions et l'impérieuse nécessité reprendre le pouvoir sur la sécurité sociale.

10/2022

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Sociologie

Inflexions N°13 Transmettre Janvier 2010

Avec pour thème "Transmettre" , la revue Inflexions pourrait paraître aborder un sujet relativement neutre. En effet, stricto sensu et de prime abord, du point de vue du militaire, s'il s'agit de transmettre des connaissances, un savoir-faire, voire une culture, on pourra penser que c'est affaire de pédagogie au sens le plus large. Transmettre une expérience est plus problématique, mais nous restons là face à des difficultés, précisément, pédagogiques. Quant à la transmission des valeurs, elle relève pour une large part de la "tradition" , dont la connotation reste, dans les armées, résolument positive : il s'agit bien de transmettre, mais, en l'occurrence, plus qu'un savoir, un savoir-être. Voilà donc un numéro d'Inflexions qui échapperait à la mise en évidence de problématiques aiguës, touchant au coeur de la conscience individuelle ou de la condition humaine, dont cette revue, en croisant les regards du soldat et de l'intellectuel, s'est fait en quelque sorte une spécialité ? Il n'en est rien, car si l'on va aux contributions "civiles" , tout se passe comme si l'on traitait d'un autre sujet. En effet, que ce soit pour le professeur Jean-Pierre Rioux ou pour la présidente Hélène Waysbord, la transmission est abordée sensiblement sous le même angle, celui du "devoir de mémoire" sur lequel s'interroge le premier, celui d'un "impératif catégorique" que met en évidence la seconde, l'un et l'autre se référant à la Shoah comme point focal... "02. Défendons à tous nos sujets, de quelque état et qualité qu'ils soient, d'en renouveler la mémoire, s'attaquer, ressentir, injurier ni provoquer l'un l'autre par reproche de ce qui s'est passé, pour quelque cause et prétexte que ce soit, en disputer, contester, quereller ni s'outrager ou s'offenser de fait ou de parole, mais se contenir et vivre paisiblement ensemble comme frères, amis et citoyens, sur peine aux contrevenants d'être punis comme infracteurs de paix et perturbateurs du repos public". Mais depuis Auschwitz, peut-il y avoir "repos public" ? Pour autant, au nom même de la mémoire, il y a des "frères, amis et citoyens" , dont le soldat est le délégataire pour user de la force des armes qui lui sont confiées, sans succomber à la barbarie. Se souvenir d'Auschwitz, sans se perdre dans le champ gravitationnel du "trou noir" de la Shoah, mais faire que ce soldat soit haussé au-delà de lui-même par l'appropriation des valeurs résolument positives qui lui sont transmises, tel est le défi. N'éclaire-t-il pas quelque peu celui du "devoir de mémoire" caractérisé par le professeur Rioux ? Si tel est le cas, à travers ce thème, la revue Inflexions est bien dans sa vocation.

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Sciences politiques

Quatre-vingt-treize

Les « banlieues » sont devenues l’un des principaux enjeux du débat politique français, et il est probable que ce terme soit l’un des maîtres mots de la campagne pour l’élection présidentielle de 2012. Or, « banlieues », dans cet usage, désigne en réalité les quartiers populaires périphériques où se concentrent notamment des populations d’origine immigrée - et non les banlieues en général, dont la plupart sont « résidentielles ». Enjeu complexe, les « banlieues » représentent à la fois la cristallisation des peurs d’une société inquiète face à des nouvelles « classes dangereuses » du XXIe siècle, et la mauvaise conscience de celle-ci, accusée d’avoir laissé se développer et perdurer des zones d’exclusion en marge de sa prospérité. Cette ambivalence est propice à l’emballement du discours médiatique sur un sujet propre à toutes les surenchères idéologiques ainsi qu’aux simplifications des images-chocs - voitures brûlées, caches d’armes dans les HLM, musulmans en prière sur la chaussée… autant de « figures » de la banlieue dont l’accumulation est censée produire du sens, au détriment d’une construction rationnelle de celui-ci. Ces « figures » sont au coeur du malentendu persistant entre la presse et les habitants des banlieues concernées, qui discrédite à leurs yeux la pratique journalistique « stigmatisante ». Le « trou noir » d’une représentation rationnelle de ce problème crucial renvoie à une question très douloureuse, centrale, qui touche à l’identité même de la France au moment où celle-ci connaît une crise profonde. Cette crise est relayée sur le territoire français par ces zones d’exclusion qui paraissent à la fois défier le pacte républicain traditionnel (elles produiraient le communautarisme) et rester en marge du monde du travail malgré des aides et subventions massives prélevées sur les impôts des classes moyennes - les « banlieues » sont perçues comme un parasite sur le corps malade du pays. Ce sentiment de malaise et de crainte est encore accentué par le vieillissement de la population française « de souche » alors que ces banlieues populaires bigarrées, jeunes et en plein essor démographique, portent en partie l’avenir de la France. Face à l’ampleur de ces bouleversements, et à l’importance des enjeux dont on peut penser qu’ils vont s’exacerber lors de la prochaine élection présidentielle puisqu’il auront une incidence directe sur la conquête du pouvoir politique en France et où Mme Le Pen a déjà pris date, avec ses remarques sur les musulmans comme « force d’occupation », il est important de disposer de travaux et d’un livre qui puissent faire référence afin que les débats de société soient nourris d’une matière que l’on voudrait originale, substantielle et gouvernée par la « neutralité quant aux valeurs » prônée par Max Weber.

02/2012

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Histoire ancienne

Châteaux médiévaux dans l'espace rhodanien. Territoires, constructions, économie

Jean-Michel Poisson appartient à cette génération d'enseignants et de chercheurs qui a traversé, accompagné et encadré le développement moderne de l'archéologie médiévale française ces quarante dernières années. Entendons par là une archéologie en mouvement, parce que spécifiquement consacrée à une période longtemps pensée (trop) documentée par d'autres sources et qui de fait a dû s'imposer dans l'Hexagone face à celles, mieux enracinées, mieux enseignées, mieux institutionnalisées de l'Antiquité classique et des âges des métaux et des pierres, mais parfois peut-être aussi face au scepticisme et à l'ironie défensive de collègues qui ont pu mettre plus de temps à saisir l'efficience pluridisciplinaire des études médiévales. A l'image de l'histoire voulue totale des années 1970, cette archéologie médiévale moderne qu'il a faite prônait depuis les années 1960 une approche globale de la société médiévale, de l'usage de ses monuments et des traces de son quotidien enfouies dans les sols. Elle se voulait soucieuse également de développer des méthodes d'investigation scientifique innovantes et capables de s'orienter vers des domaines de recherche alors nouveaux comme l'habitat, la culture matérielle et la vie quotidienne, les formes d'agglomérations subordonnées (ou non) à un château, les manières d'habiter... tous thèmes qui sont devenus peu ou prou familiers aujourd'hui mais qu'il a fallu expérimenter, jalonner, encadrer et consolider, ce à quoi notre collègue et ami s'est employé durant plus de quarante ans. C'est le témoignage de cette aventure scientifique, individuelle et collective - au sein de l'EHESS et du CIHAM bien sûr, mais aussi du CNRS et des universités de Lyon et Avignon - que permet aujourd'hui de retracer le rassemblement d'une partie de sa production académique jusqu'alors dispersée dans différentes revues et actes de colloques édités en France ou ailleurs en Europe. Une partie seulement car ces varia ne regroupent à vrai dire qu'une sélection de ses principales contributions métropolitaines, rhône-alpines ; delphinales, foréziennes et savoyardes, ce qui ne rend pas justice à l'ampleur de sa recherche mais demeure un juste reflet de son enracinement et de son engagement régional dans une carrière internationale, par ailleurs particulièrement féconde. C'est là sans doute une trajectoire et un parcours peu fréquents, qu'il convient de souligner, que d'avoir su et pu construire un terrain métropolitain de recherche jusqu'au tournant des années 2000 tout en ayant poursuivi une carrière italienne insulaire dont on ne signalera ici, pour mémoire, que sa contribution aux fouilles de Brucato, sa direction des fouilles d'Urvei en Sardaigne et surtout sa publication, encore récente, des fouilles de Calathamet en Sicile.

12/2018

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Littérature française

14 juillet 2089 au cri de la liberté

Pourquoi 2089 ? Parce que 2 générations seront nées d'ici là, en mesure de raconter en 2089 ce qu'elles auront vécu... depuis 2023. La première née aujourd'hui, n'aura que 66 ans. Pourquoi le 14 juillet 2089 ? Parce qu'on fêtera le tricentenaire de la Révolution. Les Français et Françaises fêteront leur Liberté, chèrement et tragiquement acquise le jour de la prise de la Bastille, il y aura eu 300 ans. On verra ce qu'il advint de la Liberté. Cette fête disparaîtra-t-elle après 2089, et pourquoi pas avant ? Le concept "nation" né dans la foulée du premier 14 juillet, perd sa signification actuellement en 2023. Son sens perdu, sa disparition devient certaine. Sans doute un brin d'humour dira qu'un autre terme le remplacera pour mieux exprimer ce qu'est une population complexe d’individus d'origines diverses qui acceptent peu ou prou de vivre, de travailler et de procréer sur un même territoire, dont les frontières peuvent fluctuer, voire ne plus exister...! Bientôt 8 milliards d'êtres humains inégalement répartis géo-socialement. Quels progrès et quels sacrifices pour consommer mieux et moins et dans quels domaines ? Pour quelle finalité et comment l'humanité doit-elle exprimer sa raison d'exister, voire de survivre ? On parle d’atteindre les 10 milliards en 2050, or rien n'est moins sûr, la fragilité de l'être - sexe et esprit reliés - est plus fragile qu'on ne le pense, s'il ne s'adapte aux futurs modes de vie standardisée, plus éloignés d'une vie naturelle, sans être sauvage, si elle n'est plus plaisante à vivre, pour s'y sentir bien, au calme. Le silence perdu est le premier remède à retrouver, pour sauvegarder notre équilibre entre nos différents corps, le biologique et essentiellement le psychique. L'homme sera un lorsqu'il aura appris à se connaître dans son entièreté holistique, dans les plis de son cœur-conscience. Cette tranche d'histoire du futur au conditionnel est une fiction où il n'est pas exclu d'y rencontrer des visages bien réels, joyeux vivants, grains de sel pour pimenter l'aventure, tandis que le fonds explore les questions qui depuis toujours taraudent les hommes, aujourd'hui en 2023, demain en 2089, et après le saut de conscience, dans le XXIIe siècle, si la Terre veut bien accueillir nos vies informatisées... pour un temps encore ! Laissez-vous surprendre par cette réalité qui est déjà là ! Vous découvrirez cet "air du temps" dans le quotidien des personnages qui ne donnent pas l'impression d'angoisser leur futur outre mesure ! Auraient-ils retrouvé le chemin de leur cœur, en sus de la circulation du fluide de la vie ? Un saut de conscience les aurait-il transformés ? C'est le suspens de "l'après" Interlude.

01/2023

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Littérature française

Paris

"La province fournit Paris en combustibles : je décidai donc de m'y brûler, et pas simplement les ailes. Je n'avais pas d'ailes de toute façon. Je n'avais rien, à part cent francs en poche et la chance, grâce à un gardien de nuit complaisant, de pouvoir dormir dans les travées de la bibliothèque du centre Beaubourg, parmi les livres. Du coup j'ai lu. A l'aube, je quittais les lieux, allant traîner mes drôles de guêtres dans les rues. Je n'avais aucune connaissance, pas vraiment d'amis, zéro petite amie. Je n'avais que moi, la solitude qui pesait sur moi, et ce ciel grand cendre au-dessus de ma tête. Je me nourrissais de grec-frites. J'ai fini par rencontrer des gens. Roger Knobelspiess, ex-lieutenant de Mesrine, m'a prêté un minuscule gourbi. J'ai vécu dans un squat. J'allais bien, je ne me plaignais jamais : j'étais heureux car je savais que vingt-cinq ans était un âge inventé pour cette misère marrante, cette mélancolie spéciale, cette errance pathétique. Je me regardais en train d'être ce que je voulais devenir, ou plutôt, je m'observais en train de devenir ce que je voulais être. Paris, c'était l'édition : j'allais donc tout donner pour faire mon trou, me faire un nom, devenir célèbre - ou finir dans le caniveau, sous la pluie battante, m'enrhumer, et mourir. J'ai surjoué tout ça, avec un zest de romantisme béat, assez content de ma condition, fier de n'être rien et de vouloir beaucoup. J'ai tapé à des portes. Des gens ont été méchants. J'ai insisté. D'autres ont été gentils. Paris est une galerie de leurs portraits, mâtinée d'épisodes de galériens. J'ai beaucoup arpenté, beaucoup marché, beaucoup espéré, énormément souffert mais je dois dire que jamais je ne me suis ennuyé. Des instants de tragédie ? Il y en eut ; des scènes de comédie : plus encore. Vous allez me suivre ici en train de réussir et de rater, en train de séduire et d'échouer, en train de m'introduire dans cocktails et de m'y faire éjecter, en train de gagner un peu d'argent et d'en perdre beaucoup, en train de me faire quelques amis et de me fâcher avec eux, en train de rire souvent et de pleurer parfois. En train, surtout, d'oublier en moi le provincial, ce qui est toujours une erreur et mène droit au ridicule. Un Rastignac de plus parmi les pots d'échappements. Des débuts dans la vie ? Non : un commencement dans la carrière. Sauf que je n'ai jamais fait carrière dans quoi que ce soit. Voilà en tout cas, chers amis, comment tout a commencé". Y. M

08/2022

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Littérature française

Il n'y a pas de Ajar. Monologue contre l'identité

L'étau des obsessions identitaires, des tribalismes d'exclusion et des compétitions victimaires se resserre autour de nous. Il est vissé chaque jour par tous ceux qui défendent l'idée d'un " purement soi " , et d'une affiliation " authentique " à la nation, l'ethnie ou la religion. Nous étouffons et pourtant, depuis des années, un homme détient, d'après l'auteure, une clé d'émancipation : Emile Ajar. Cet homme n'existe pas... Il est une entourloupe littéraire, le nom que Romain Gary utilisait pour démontrer qu'on n'est pas que ce que l'on dit qu'on est, qu'il existe toujours une possibilité de se réinventer par la force de la fiction et la possibilité qu'offre le texte de se glisser dans la peau d'un autre. J'ai imaginé à partir de lui un monologue contre l'identité, un seul-en-scène qui s'en prend violemment à toutes les obsessions identitaires du moment. Dans le texte, un homme (joué sur scène par une femme...) affirme qu'il est Abraham Ajar, le fils d'Emile, rejeton d'une entourloupe littéraire. Il demande ainsi au lecteur/spectateur qui lui rend visite dans une cave, le célèbre " trou juif " de La Vie devant soi : es-tu l'enfant de ta lignée ou celui des livres que tu as lus ? Es-tu sûr de l'identité que tu prétends incarner ? En s'adressant directement à un mystérieux interlocuteur, Abraham Ajar revisite l'univers de Romain Gary, mais aussi celui de la kabbale, de la Bible, de l'humour juif... ou encore les débats politiques d'aujourd'hui (nationalisme, transidentité, antisionisme, obsession du genre ou politique des identités, appropriation culturelle...). Le texte de la pièce est précédé d'une préface Delphine Horvilleur sur Romain Gary et son oeuvre. Dans chacun des livres de Gary se cachent des " dibbouks " , des fantômes qui semblent s'échapper de vieux contes yiddish, ceux d'une mère dont les rêves l'ont construit, ceux d'un père dont il invente l'identité, les revenants d'une Europe détruite et des cendres de la Shoah, ou l'injonction d'être un " mentsch " , un homme à la hauteur de l'Histoire. " J'avais 6 ans lorsque Gary s'est suicidé, l'âge où j'apprenais à lire et à écrire. Il m'a souvent semblé, dans ma vie de lectrice puis d'écrivaine que Gary était un de mes " dibbouks " personnels... Et que je ne cessais de redécouvrir ce qu'il a su magistralement démontrer : l'écriture est une stratégie de survie. Seule la fiction de soi, la réinvention permanente de notre identité est capable de nous sauver. L'identité figée, celle de ceux qui ont fini de dire qui ils sont, est la mort de notre humanité. "

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Cinéma

L'acrobate. Avec 1 DVD

"L'Acrobate marque dans la saga "Léon" un changement et un retournement considérables [...] : accession à la piste, à la danse, à la séduction. Si le réalisateur ne signe pas une fin volontaire de la saga, il ferme la boucle ouverte avec Pourvu qu'on ait l'ivresse en 1957. Le tango prend ici possession du corps de l'acteur, libère celui-ci et lui confère une extraordinaire grâce dans des scènes phénoménales. Léon n'est plus dans te confinement. Pollet le place en présence de lieux multiples, la communication entre l'intérieur et l'extérieur est fluide [...]. Ce "recentrement" est explicite notamment dans l'établissement de bains-douches où il travaille. D'abord homme à tout faire, encore une fois subalterne ; dans un plan significatif, il est placé sur un minuscule tabouret sur le bord droit de l'image. A sa gauche, deux autres employés, virils et moqueurs, attendent la clientèle sur un banc stable et te font chuter de sa précaire assise. Plus tard, alors qu'il vit son ascension par la danse, il devient gérant des bains et les deux zigotos ont été remerciés : changement de statut et nouvelle place dans l'espace, Léon quitte la périphérie et les espaces de relégation. Si elle n'est pas rectiligne et s'avère ambiguë, L'Acrobate marque une rupture dans la trajectoire de la saga. Celui-ci accède à des espaces qui lui ont été refusés jusque-là". Arnaud Hée (dans L'Autre et lui-même, Critikat). Le DVD. L'Acrobate : de Jean-Daniel Pollet (1976, 97 minutes) avec Claude Melki, Laurence Bru, Guy Marchand, Micheline Dan, Jeane Manson. Denise Glaser. Petit, timide et maladroit, Léon est employé dans un établissement de bains-douches. Il n'a aucun succès avec tes femmes. Son seul amour est Fumée, une prostituée dont il voudrait devenir runique client. Pour la séduire, il décide de prendre exemple sur son ami Ramon le Gominé, grand séducteur et danseur de tango. Il s'inscrit à un cours de tango et se révèle bientôt très doué. Progressivement, il perd ses complexes et prend de l'assurance jusqu'à oser passer des concours de danse. Fumée devient sa partenaire attitrée et ils remportent ensemble de nombreux prix... Version restaurée par Cosmodigital et L.E. Diapason pour la Traverse avec le soutien du Centre national du cinéma et de l'image animée.

07/2019

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Beaux arts

Tu sais où je suis et je sais où tu es

Gary Hill a rencontré Martin Cothren alors qu'il cherchait des figurants pour son installation vidéo Viewer, en 1996. La rencontre fortuite entre cet Américain californien blanc - artiste dont l'oeuvre est exposée dans les plus grands musées internationaux - et cet Indien américain - ouvrier pêcheur à Seattle - s'est transformée, au cours de leurs échanges sur une vingtaine d'années, en une amitié ambivalente dans son rapport à l'autre, englobant la frustration, la paranoïa, la générosité, le pardon et la profonde tristesse. Une relation dont le secret est peut-être dans le non-dit. Néanmoins, dans l'espace de ce livre, cette "rencontre" prend la forme d'un jeu de piste non linéaire surgi d'une mémoire encore vivante, construisant un espace fluctuant fait de dessins et de lettres manuscrites qu'ils se sont échangés et où s'intercalent désormais des textes en prose de Gary Hill. Une manière de perpétuer cet échange dans lequel deux êtres singuliers apparemment dissemblables ne cessent de manifester leur parenté. La traduction s'est attachée à restituer le ton des lettres de Martin Cothren en conservant les fautes d'orthographe, le mot à mot, les espaces entre les phrases, la ponctuation (où son absence), selon le souhait de Gary Hill. "Je n'aurais jamais imaginé me lier d'amitié avec quelqu'un comme Martin. Selon ses propres termes - et c'est un peu ironique - c'était un taulard, un escroc, un voyou, un délinquant, un sans-abri solitaire, un "copin" toujours fauché, mon "bro". Cette amitié ne pouvait s'expliquer simplement par le fait que nous avions travaillé ensemble, car notre collaboration n'avait duré que très peu de temps - une journée, voire même en réalité quelques heures. Deux mois plus tard, il partait en prison. Il serait facile de mettre cela sur le compte du destin, mais je me suis retrouvé au fil des années à remuer ciel et terre jusqu'au dernier grain de sable dans l'espoir de trouver un indice qui m'aiderait à comprendre ce qui me tenait attaché à cet "Indien"... Est-ce qu'il y a un fond de vérité dans le proverbe "Qui se ressemble s'assemble" ? Est-ce que nous étions, pour ainsi dire, les deux faces d'une même pièce que je n'ai pas encore découverte ? " Gary Hill

01/2021

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Critique littéraire

Paul Valéry

A vingt-cinq ans, après de beaux poèmes qui lui valent une réputation précoce dans le milieu littéraire de la fin du XIXe siècle, Valéry abandonne à peu près les vers, traverse une longue crise, puis, coup sur coup. écrit deux chefs-d'œuvre, 1'Introduction à la méthode de Léonard de Vinci et La Soirée arec Monsieur teste - après quoi il s'enferme dans un obscur emploi de rédacteur au ministère de la Guerre et se livre à d'abstraites recherches dans ses Cahiers. On croit volontiers qu'il n'écrira plus et, si sa vie, alors, se fût interrompue, il n'aurait laissé dans l'histoire littéraire que la fulgurance d'une première œuvre. Mais Valéry, si incertain qu'il soit de son désir d'être écrivain, ne tourne pas le dos à la littérature et à la fin de la Première Guerre, la publication de La Jeune Parque lui vaut une célébrité immédiate - et qui devient bientôt une immense gloire. Parce qu'aucune biographie véritable ne lui avait été jusqu'ici consacrée, cette double carrière entrecoupée d'un retrait de vingt ans était demeurée largement méconnue, un peu mystérieuse aussi, et la figure même de Valéry restait tributaire de. légendes anciennes. André Breton l'identifiait à Monsieur Teste, et ce portrait l'écrivain en héros de soi-même, délié de l'humanité jusqu'à en paraître parfois inhumain, se trouvait sans cesse reconduit. Ainsi était exclu tout ce qui relevait, chez lui, de l'existence privée - mais surtout d'une nature profondément humaine : les détresses dont ses jours se tissaient, les inquiétudes que la précarité de sa situation matérielle lui inspirait, ou encore le regard si souvent sévère qu'il jetait sur son œuvre. Il fallait donc revenir à ce qui authentiquement eut lieu et ce livre, de manière entièrement nouvelle, s'attache à le dire à partir d'un considérable fonds de documents inédits, et pour présenter au lecteur un récit où s'entrecroisent la genèse de l'œuvre, l'évocation de la vie privée, mais aussi d'une vie publique dont on n'avait encore jamais vraiment pris la mesure. Or, les fonctions que Valéry a occupées dans le cadre de la société des Nations, au PEN Club. et dans d'autres institutions encore, l'ont placé au cœur de l'histoire. L'intérêt qu'il a su lui porter, le rôle d'orateur quasi-officiel qu'il a pu tenir, l'habit d'ambassadeur des lettres que ses conférence, lui ont fait peu ou prou endosser ont fait de lui un " contemporain capital " du siècle passé. Quantité de rencontres l'attestent et l'on verra passer ici d'innombrables figures illustres qui nous montrent elles aussi à quel point l'existence de Valéry ne se laisse vraiment découvrir qu'au filigrane de son époque : sa biographie devient une contribution à l'histoire de son temps.

04/2008

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Littérature française

Irréversible

"Je me suis assis. Je crois que c'est ce qu'on voulait de moi. Une chaise était là. Exprès, évidemment. Une simple chaise, banale, en bois blanc, du genre chaise de cuisine comme on en trouvait jadis, une chaise bon marché. Je me suis assis, et j'ai attendu. Quelqu'un, quelque part, sans doute, me regardait, me surveillait. Je me suis assis, et j'ai attendu. Quelqu'un, quelque part, sans doute, me regardait, me surveillait. Derrière une fenêtre que je ne voyais pas, derrière une glace sans tain, ou par le trou de la serrure, ou par une f Je me suis demandé ce qu'on voulait de moi. Sûrement, il y avait des gestes, des mouvements, des attitudes à adopter. J'avais beau réfléchir, je ne trouvais pas. Je ne savais même pas pourquoi j'étais là, ni comment j'y étais arrivé. Cela se produit fréquemment, comme des absences, des trous. Je suis quelque part, seul ou non, et je sens bien qu'il y a quelque chose à dire, quelque chose à faire, mais quoiâ? Cela se passe tout le temps. Souvent aussi, je me vois comme de l'extérieur, dans une chambre close, ou dans un couloir, un salon, une cuisine, une salle de bain, une salle de classe, dans la rue, sur une plage, et je me dis Mais qu'est-ce que je fais là, et comment j'y suis venuâ? " Qui est cet homme, André, enfermé dans une pièce inconnue ? Pourquoi est-il là, et depuis quand ? Que va-t-il lui arriver ? Quelle est cette étrange fascination qu'il éprouve devant une petite tache sur le mur ? Peu à peu, des éléments de sa vie passée lui reviennent, la sensation d'avoir été à la fois lui-même et quelqu'un d'autre, ou même quelque chose, une plante, un objet... D'avoir été à la fois, ou alternativement, quelque part et dans d'autres univers. Des mots lui reviennent, dont il cherche à pénétrer le sens profond. Et des images terribles, sanglantes... Des gens, hors de la pièce, l'observent et notent. Ils cherchent à comprendre cet homme, qui aurait assassiné sa compagne. Mais pourquoi ? Est-il fou ? Et quelle sorte de folie ? Ou un manipulateur ? Le lecteur se pose avec eux ces questions, jusqu'au coup de théâtre final, qui le fait basculer dans le fantastique. MOTS CLES Roman. Huis clos. Suspense. Crime. Folie. Fantastique. L'AUTEUR Après une enfance africaine, Liliane Schraûwen a fait des études de lettres qui l'ont menée à l'enseignement et, surtout, à l'écriture. Elle a publié une quinzaine de romans et recueils de nouvelles (dont La mer éclatée, finaliste du prix Rossel, La Fenêtre, prix du Parlement, Instants de Femmes, prix Emma Martin), ainsi que des ouvrages historiques et de la poésie. Elle collabore à diverses revues, notamment à Marginales.

02/2023

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Revues

Schnock N° 46

Si vous aussi, vous ressentez l'envie d'échapper à l'hystérie de l'époque en faisant un pas de côté et en tournant poliment le dos au jeunisme ambiant, cette revue est faite pour vous. Elle vous fera replonger dans des oeuvres parfois oubliées, rencontrer des personnages hauts en couleur, mémoires encore vivaces de notre patrimoine culturel, vous permettant ainsi de satisfaire vos goûts de jeune (ou vieux) schnock. Ni rétrograde, ni passéiste. Schnock, donc... Tout bonnement. Alors rejoignez-nous ! Après vous... AU SOMMAIRE p. 3 L'Edito p. 6 Le Trombinoschnock p. 8 Schnock des cultures - tout ce que vous avez toujours voulu savoir etc. p. 10 "Bien entendu, c'est on" par Eléonore Cambret p. 14 Le Top 15 des publicités de 1983 par Christophe Ernault p. 26 Les Schnocks parlent aux Schnocks p. 28 Le Grand Dossier - Michel Drucker p. 29 Chers téléspectatrices, chers téléspectateurs par Yves Bigot p. 32 Michel Drucker : "J'ai eu une connaissance très tôt de la France profonde" par Luc Larriba p. 56 "Mes dix Schnocks favoris" par Michel Drucker propos recueillis par Luc Larriba p. 60 Le Petit Drucker illustré par Karelle Fitoussi, Alister et Olivier Monssens p. 70 Rémy Grumbach : "Cloclo, mon pire souvenir" par Luc Larriba p. 76 Françoise Boulain : "Aujourd'hui, les stars, on s'en fout ! " par Luc Larriba p. 80 Philippe Geluck, l'échappé belge par Olivier Monssens p. 82 Le top 10 des moments Drucker à la télé par Olivier Monssens p. 92 Michel Drucker, ce punk à chien par Christophe Ernault p. 95 Poster Michel Drucker "Pourquoi je quitte la télé" p. 96 Gérard Hernandez : "Je n'ai jamais été inquiet pour ma carrière, puisque je n'en ai jamais eu ! " par Olivier Monssens p. 108 Il est OK, il est bath, il est in ! Mesdames et Messieurs : Daniel Vangarde par Rod Glacial p. 122 Le mystère Frédéric Berthet par Jean-Luc Bitton p. 138 Pierre Paulin : "Les gens de droite disaient : "il est trop cher" ; les gens de gauche : "il a travaillé pour Pompidou"" par Boris Georgelin p. 152 Myriam Bru : "C'était la dolce vita" par Laurence Rémila p. 168 Schnock chez soi lectures & autres loisirs de chambre p. 170 - 175 Nos Trésors cachés ne le restent jamais très longtemps p. 170 Trésor livre : Les godillots sont lourds de Maurice Fombeure par Edouard Jacquemoud p. 172 Trésor CD : Press Color de Lizzy Mercier Descloux par Jean-Eric Perrin p. 174 Trésor DVD : L'Oil du maître de Stéphane Kurc par Sylvain Perret

03/2023

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Informatique

Solidworks. Conception détaillée de pièces et d'assemblages 3D, Edition 2019

Ce livre sur SolidWorks 2019 est destiné à tout technicien, dessinateur, projeteur, concepteur, ingénieur ou designer amené à concevoir des pièces et assemblages 3D paramétriques. Il présente les fonctionnalités essentielles pour maîtriser cette application de CAO et acquérir les bonnes pratiques pour une utilisation optimale. Chaque chapitre se termine par un ou plusieurs exercices qui permettront au lecteur de mettre en pratique les connaissances acquises au fil des pages. Il débute par quelques généralités puis se concentre sur l'environnement de travail : l'interface y est précisément décrite ainsi que les différents outils de navigation afin de mieux maîtriser par la suite la conception de pièces, d'ensembles et de mises en plan. Sont abordés également l'organisation des fichiers dans SolidWorks ainsi que les échanges de données (importation et exportation de fichiers d'échange). Vous apprendrez ensuite à gérer des esquisses 2D notamment à travers les fonctions de création, de transformation et l'ajout de contraintes. Ce chapitre se termine par deux exercices qui vous permettront de mettre en application pas à pas les fonctionnalités présentées. Dans le chapitre suivant sur la création de pièces, sont développées les différentes fonctions de création de volumes (extrusion, révolution, nervure, etc...), de retraits de matière (poche, gorge, rainure, trou, etc...) et de modification de volumes (congés, chanfreins, dépouille, coque, etc...). Vous y découvrirez également l'utilisation des éléments de référence tels que les points, les axes et les plans. Deux exercices viennent compléter ce chapitre : vous créerez pas à pas deux pièces volumiques à partir des esquisses réalisées au chapitre précédent. Le chapitre suivant est consacré à la création d'assemblages. Après une brève présentation de la structuration d'un assemblage, sont détaillées les différentes manières d'insérer des composants (pièces ou produits) et de les placer les uns par rapport aux autres à l'aide des contraintes géométriques. Sont également étudiées l'utilisation de composants de catalogue (vis, écrous, etc...), les fonctions d'analyse d'assemblage (interférence, section 3D), la création de scènes (éclaté) ainsi que la gestion de la nomenclature. Trois exercices vous permettront de revoir les connaissances acquises dans ce chapitre en créant trois assemblages. Un chapitre est consacré à la mise en plan. Vous y verrez les différents outils de création de vues (vue de face, coupes, vues isométriques, etc...), l'utilisation des cartouches, les outils d'habillage de plans (cotes, textes, symboles, etc...) et l'insertion d'un tableau de nomenclature. Deux exercices vous permettront d'utiliser les outils vus dans ce chapitre. Un chapitre est consacré à la conception spécifique de pièces de tôlerie, à la gestion des plis, aux dépliés, à la mise en plan dédiée à la tôlerie. Un exercice vous permettra de mettre en pratique. Le chapitre suivant aborde la gestion des ensembles mécanosoudés et leurs spécificités : gestion de bâtis, structures, positionnement et remplacement de profils et composants, gestion des intersections, coupes à onglets, etc. Il se termine également par un exercice pratique. Les fichiers permettant la réalisation des exercices d'application ainsi que les fichiers corrigés sont disponibles en téléchargement sur le site des Editions ENI.

05/2019

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Essais

Sur les brisées d'Alain Didier-Weill . L'écriture, l'art et la psychanalyse

Alain DIDIER-WEILL ou l'intelligence, la culture et l'humanité... Nouées. Ombre discrète, modeste, Alain avait en lui, à la profondeur d'un trésor, générosité qui n'existe que chez les grands auteurs : celle d'autoriser son lecteur à se surprendre lui-même et, par voie de conséquence, à s'apercevoir qu'il était plus intelligent qu'il ne l'avait cru jusqu'alors. Qui connaissait Alain Didier-Weill sait que, dès le premier instant du premier face-à-face, il venait de faire ce qu'il est d'usage d'appeler : une rencontre ! Il est des personnes, comme ça, rares, on ne les rencontre ne serait-ce qu'une seule fois et elles nous manquent... déjà. Inouï ! ... Ainsi Alain Didier-Weill. Cependant, ce n'est pas spécifiquement à l'homme que les actes de ce séminaire de l'Inter-Associatif Européen de Psychanalyse désirent rendre hommage, c'est surtout et d'abord à son oeuvre. Glissant ses pas dans ceux de Freud, de Lacan, de quelques autres et dans ceux de la philosophie, des arts (littérature, musique, danse, théâtre, etc...), et encore dans ceux des textes sacrés, Alain (psychanalyste, psychiatre, écrivain et dramaturge) a su marier la fidélité à l'imagination. Une pensée transversale, dirait-on... Et, dans la transversalité, la liberté ! ... Dans ce recueil, on y lira partie des linéaments présidant aux différents moments de la création de l'I-AEP, et sa nécessité. I-AEP (trait d'union - et non pas tiret du 6 comme aurait pu dire Alain...). I-AEP, qu'Alain a initié et construit, accompagné de quelques autres. On y lira aussi tout l'intérêt clinique de la réflexion constante d'Alain Didier-Weill. Des psychanalystes en témoignent, ici, au travers de leur pratique. On y lira encore les interrogations et les propositions de sens qui furent les siennes au sujet de cet au-delà de l'inconscient". On y lira, enfin, quelque chose ayant trait à sa conception du réel... Un réel qui excède celui du fantasme. On y lira ce trou réel au coeur-même du symbolique, favorisant une sorte de "pas-de-deux" entre le réel et le symbolique, justement. Etrange tango, illustrant une sorte d'histoire d'amour constituée d'avancées et de reculs entre l'un et l'autre. Lire et relire Alain Didier-Weill. L'exercice est salvateur et incitateur. Il invite la pensée psychanalytique à l'audace ou bien au courage - celle, peut-'être, d'emboîter le pas d'un oiseau dans le ciel... Et, retrouver, nommer ce lieu à la fois précis et mystérieux du vent que vient à peine de frôler l'aile de l'oiseau... Instant éclair, peut-être, d'éternité. Explorateur de la pensée, Alain Didier-Weill a ouvert des pistes, dessiné des horizons pour la psychanalyse. Il appartient maintenant aux psychanalystes, au présent et à l'avenir, de suivre ses brisées ! ... "[...] à l'aube du troisième millénaire, que reste-t-il à l'homme qui, en se retournant, constate que tous les idéaux qui l'avaient incité à espérer ont failli ? Quelque chose : l'inespéré".(Alain Didier-Weill, Un mystère plus lointain que l'inconscient.)

01/2022

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Littérature française

D'ici et d'ailleurs

Préface de Najat Vallaud-Belkacem Mon arrière-grand-père était Ecossais et de lui, je ne sais presque rien, si ce n'est qu'il a fui son pays natal avec sa femme qui était très malade. Peu de temps après leur arrivée en France, son épouse est décédée. Il a ensuite rencontré mon arrière-grand-mère, l'a épousée et lui a fait trois filles dont l'une fut ma grand-mère, Alice. Je n'ai jamais rien su de lui et mes questions resteront sans doute sans réponse. Pourquoi n'a-t-il jamais appris sa langue maternelle à ses filles ? Pourquoi est-il resté en France après la mort de sa femme ? Quelles étaient ses attentes, ses rêves en venant vivre en France ? Que fuyait-il ? Qui fuyait-il ? A-t-il été assassiné dans son exploitation agricole en Auvergne comme l'a toujours prétendu Alice ? Pourquoi son parcours nous est-il à tous inconnu voire caché ? Je suis assez convaincue que ce trou identitaire dans mon histoire familiale, donc dans ma construction personnelle, est à la source de l'intérêt que je porte aux vies d'autrui. Il me semble que j'inspire assez vite confiance et que les gens s'épanchent volontiers en ma présence. Je suis une oreille attentive et prends bien garde à demeurer muette en échange. Parce que la confiance est rare et précieuse, j'en chéris les marques. Aujourd'hui et avec leur accord, j'ai décidé de vous partager ces vies d'expatriés, ces étrangers qui, à un moment de leur vie, ont décidé de venir vivre ou ont été amenés à partir en France. Je me suis particulièrement intéressée à ce point de bascule, à cet instant du pas vers l'inconnu, cette mise en mouvement qui demande courage et audace, les deux qualités humaines que je préfère et qui donnent une saveur singulière à la vie. A mesure de mes entretiens, en français ou en anglais, j'ai fait ce constat qu'il y a essentiellement trois sources de motivation pour quitter son pays, pour venir vivre en France : - l'amour - Le travail ou les études - La fuite Les portraits que vous allez lire sont tous authentiques et relus par les intéressés avant la publication. Ils sont accompagnés d'une illustration choisie par chacun d'entre eux. Leurs prénoms ont parfois été modifiés, à leur demande, afin de préserver l'anonymat souhaité. Tous, ont la particularité de résider, actuellement, en France, parfois depuis longtemps et à leur plus grande surprise. Tous ont eu cette chance d'avoir pu étudier et d'avoir bâti une vie professionnelle riche et singulière. Je dédie ce livre à celles et ceux qui connaissent un chemin plus sombre, semé d'embûches, de souffrances et parfois de morts. A ceux qui s'accrochent à la vie et qui désirent un avenir lumineux. C'est la raison par laquelle mes droits d'auteur seront intégralement reversés à l'association France Terre d'asile pour laquelle j'ai eu la grande joie d'être marraine bénévole. Merci d'ouvrir votre porte à ces gens, d'ici et d'ailleurs.

03/2023

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Mondes fantastiques

Eragon Tome 4 : L'héritage

Tome 4 de la série Eragon. Remporter l'ultime combat contre l'Empire ou périr, les rebelles n'ont plus d'autre choix... Pourquoi Galbatorix, l'usurpateur, ne détruit-il pas l'armée en marche vers Urû'baen, sa capitale ? Il en aurait le pouvoir. Alors, que trame-t-il ? Pourquoi laisse-t-il les Vardens et leurs alliés, les nains, les elfes, les Urgals et aussi... les chats-garous ! poursuivre, sous le commandement de Nasuada, leur conquête de ses places fortes ? Belatonatombe, ainsi que Dras-Leona. Et Aroughs, réputée imprenable, est conquise grâce à l'astuce et à la témérité de Roran. Le cousin d'Eragon mérite plus que jamais son surnom de Puissant Marteau ! Certes les soldats et les magiciens de l'Empire se défendent. Mais les Vardens ont avec eux Eragon et Saphira, qui font des ravages dans les rangs ennemis. Murtagh et Thorn eux-mêmes ne sont pas de taille à les arrêter. À moins que... Murtagh, bien que lié à Galbatorix par un serment de fidélité prononcé en ancien langage, et donc impossible à rompre, ne fait peut-être pas tout ce qu'il pourrait pour les vaincre... Cependant, l'avancée des Vardens se trouve dramatiquement stoppée sur la route d'Urû'baen. Leur camp est dévasté par une attaque de Thorn et Murtagh, qui enlèvent Nasuada. Comme la jeune femme l'avait décidé, au temps de sa prise de pouvoir, c'est Eragon qui doit prendre sa place à la tête des armées rebelles. Or le garçon est loin de se sentir prêt pour une telle responsabilité, pas plus que pour combattre prochainement Galbatorix en personne. En vérité, après cet enlèvement, il perd tout espoir de venir à bout du tyran. Il comprend que celui-ci ne veut pas les tuer, ni lui ni Saphira, mais les soumettre, comme il a soumis Murtagh et son dragon. Eragon se souvient alors des mystérieux conseils donnés par Solembum, le chat-garou, alors qu'il n'était encore que l'apprenti de Brom. Le premier lui a permis de trouver le métal dont a été forgée Brisingr, son épée. Le deuxième, tout aussi énigmatique, disait : "Quand tout te semblera perdu, rends-toi au Rocher de Kuthian, il t'ouvrira la Crypte des Âmes". Eh bien, le moment est venu. Mais où se trouve le Rocher de Kuthian ? Solembum prétend l'ignorer. C'est pourtant lui qui va lâcher une phrase étrange - dont il ne se rappellera pas ensuite l'avoir prononcée - révélant l'emplacement du rocher. Il est sur l'île de Vroengard, où se dressait Dorú Areaba, l'ancienne cité des dragons et des Dragonniers, qui fut rasée par Galbatorix et les Parjures. Une magie d'une puissance inimaginable semble avoir effacé de toutes les mémoires ce Rocher de Kuthian, car Glaedr lui-même - qui est mort, mais dont Eragon conserve précieusement l'Eldunarí, le coeur des coeurs, dans un coffret - ne s'en souvient pas. Le dragon d'or est néanmoins d'avis qu'ils doivent prendre le risque et se rendre sur Vroengard. Est-ce un piège de Galbatorix ? A moins qu'une entité inconnue, un formidable magicien, ait décidé de leur venir en aide ? Tandis que Nasuada lutte de tout son courage pour ne pas prêter allégeance à Galbatorix en dépit des tortures qu'il lui inflige, Saphira emporte Eragon et Glaedr au-dessus de l'océan, à travers la pire tempête qu'ils n'aient jamais affrontée

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Contes et nouvelles

Au pays des cigales

LETTRE-PREFACE "Vous m'envoyez de votre beau pays de lumière un livre tout parfumé de thym et de lavande, et vous me priez de lui souhaiter la bienvenue dans notre Paris noir de pluie, où les roses de mai, cette année, n'ont pu fleurir, brûlées par les vents et les gelées. Oui, qu'il soit le bienvenu. Il m'apporte, à moi, ma jeunesse déjà lointaine, les cours du collège d'Aix, que je revois souvent en fermant les yeux, avec leurs gros platanes, leurs vols de moineaux, la terre dure où l'hiver nous battions la semelle, le bassin dans lequel nous pataugions l'été ; il m'apporte mon adolescence, nos grandes courses jusqu'à Sainte- Victoire et au Pilon du Roi, nos premiers vers écrits sous les ombrages des Pinchinats, nos premières amours, le soir, sous les fenêtres des demoiselles, auxquelles nous donnions des sérénades, comme dans Byron et dans Musset. Quand je les ai lus, ces nouvelles et ces contes dorés par le soleil de Provence, il m'a semblé que je redevenais tout petit pour me remettre à grandir. J'avais cet attendrissement des vieilles lettres d'amour retrouvées au fond d'un tiroir. Savez-vous quel rêve je faisais ? Je me voyais au bord de l'Arc, dans un trou de feuilles que je connais bien. Il y a vingt ans que je ne suis allé m'asseoir sur cette berge ; mais elle est restée pour moi avec son printemps éternel, son bouquet de saules, son eau blanche argentant les cailloux, ses terres rouges, en face, allant jusqu'à l'horizon bleu, toutes flambantes de l'incendie de midi. J'étais là, votre livre évoquait ce coin de mystère, où j'ai laissé mon coeur. Et je vous souhaite aussi la bienvenue au nom de notre grand Paris entier, où vous arrivez avec la belle saison tardive, un peu après les hirondelles, un peu avant les roses. Il n'est pas besoin d'avoir laissé son coeur en Provence pour rire et pour pleurer avec vous. Quand le soleil vient, les bras se tendent, on lui ouvre sa demeure, sans l'avoir connu à son berceau ; et c'est le soleil que vous apportez à tous, la jeunesse vaillante, l'enthousiasme et la foi, les premiers récits d'un poète qui sont comme les premières tendresses d'un amant. Soyez sans crainte, les livres les plus chers sont les livres de la vingtième année. Le vôtre a déjà pour lui les femmes qui aiment, les jeunes gens qui espèrent et les vieillards qui se souviennent. Je ne veux point ici faire oeuvre de critique et vous louer en argumentant sur votre talent. Ce rôle de pédant, au milieu de vos fleurs, me paraîtrait bien lourd. Non, je tiens seulement à vous dire toute mon émotion, le charme sous lequel vous m'avez tenu. Imaginez que je sois allé vous voir, près de Marseille, aux Aygalades ou à Montredon, dans un petit jardin rafraîchi par les brises de mer. Je suis un passant, un invité, un ami émerveillé de vous entendre ; et jusqu'au soir nous causons, et je m'en vais, en emportant votre chant de cigale adouci, pareil dans la nuit tiède à un chant de flûte. (...)"

02/2023

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Thèmes photo

Quoi qu'il en soit

: Quoi qu'il en soit marque l'opposition entre deux choses liées ou entre deux aspects d'une même chose Quoi qu'il en soit du refoulement, le désir laisse des traces. Elles peuvent être tardives, comme cette toile de son père que Jean Yves Cousseau a choisie pour boucler une série photographique consacrée au fatum. Dans l'aveu d'un désir de peinture longtemps tu, cette toile esquisse "un autoportrait en paysage" . Autoportrait de celui qui s'efface, de ce père qui n'est plus et qui s'était saisi pour lui-même dans l'effacement. Mais portrait du fils aussi qui a choisi d'être photographe, à savoir : celui qui rend visible tout en restant caché. Sans être effacé, Jean Yves Cousseau n'est jamais là qu'en creux dans ses photographies... La naissance de Quoi qu'il en soit s'arrime au même punctum de la disparition qui est aussi rencontre de deux projets parallèles. L'un porte sur ce père, ouvrier cheminot qui a osé la peinture à la fin de sa vie. A son départ à la retraite, il avait demandé un appareil photographique pour l'offrir à son fils dont il avait toujours soutenu la vocation, de l'entrée aux Beaux-Arts aux vernissages d'exposition qu'il ne manquait jamais. A sa mort, Jean Yves Cousseau avait découvert sa peinture, et notamment cet autoportrait de l'addendum réalisé à partir d'une photographie aujourd'hui disparue. L'autre projet semble sans lien avec le premier : né de Petite épopée urbaine, livre d'artiste créé en 2013, il rassemble des photographies que Jean Yves Cousseau a placées en séries pour établir, comme par métonymie, une relation du tout de l'image à sa partie. Plus récemment, disposant ces images côte à côte, les travaillant par déchirures, est apparue la récurrence de silhouettes d'hommes qui ne sont pas celles de son père, mais qui réactivent le souvenir de la photographie perdue, modèle de l'autoportrait peint. Comme l'écrit Alain Madeleine-Perdrillat dans son poème, "celui qui marche de dos" porte un nom sans visage. C'est alors que les deux projets ont fusionné en un livre palindrome : du point d'arrivée au point de départ, et réciproquement. Ce point trouve une autre définition dans La Chambre claire, lorsque Barthes définit le punctum : Car punctum, c'est aussi : piqûre, petit trou, petite tache, petite coupure - et aussi coup de dés. Le punctum d'une photo, c'est ce hasard qui, en elle, me point (mais aussi me meurtrit, me poigne) Les photographies de Jean Yves Cousseau connaissent la piqûre : celle du temps qui parsème arbitrairement les gris de ses pointes sépia. A certains endroits, les petites taches s'intègrent au récit de l'image photographique : elles viennent ici nourrir des pigeons, là dessiner des allées de graviers. A d'autres, le mouchetage est tel qu'il recouvre l'image et lui ajoute une seconde vie : celle organique des cellules qu'un microscope aurait grandies, celle d'un ocre mycélium qui aurait gagné la partie. Ne croyons pas qu'elles ne soient que le fruit du hasard : Jean Yves Cousseau les travaille en leur imposant la géométrie des formes élémentaires : on discerne parfois le triangle et le cercle.

06/2023

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ouvrages généraux

L'Amérique en guerre. 1933-1946

Le géant se réveille : les Etats-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. Les Etats-Unis, bien que sortis renforcés de la Première Guerre mondiale, se sont repliés sur eux-mêmes à l'issue, laissant l'Asie et l'Europe s'embraser tour à tour. On imagine donc que la guerre ne s'immisce véritablement dans les pensées et le quotidien des Américains qu'à compter du 7 décembre 1941, date de l'attaque japonaise contre la base navale de Pearl Harbor. En réalité, le processus commence beaucoup plus tôt. Hasard de l'Histoire, en effet, Roosevelt et Hitler arrivent au pouvoir en 1933 à quelques semaines d'intervalle. Or, le président démocrate, qui observe avec inquiétude la montée des périls à l'échelle du globe, prépare mentalement, politiquement et militairement son pays à les affronter, alors même que celui-ci ne s'est pas encore remis de la crise économique de 1929. Les forces américaines peaufinent donc très tôt leur programme de réarmement et leurs plans de guerre. Aussi l'économie, l'industrie et l'armée pourront-elles entamer une profonde mutation en un temps record à partir du déclenchement des hostilités : les navires, les avions, les chars, les canons et les fusils sortent par milliers des usines de défense construites en quelques mois, permettant d'équiper leurs propres hommes et ceux des alliés. La société civile soutient à bout de bras l'effort de guerre et les soldats envoyés combattre aux quatre coins du globe. Ainsi naît l'image de " la bonne guerre américaine " - the good war - dénuée de toute ambiguïté, qui a prévalu pendant de longues décennies. Avec le temps, les histoires se sont transformées en mythes, les soldats et les ouvriers en héros, participant ainsi à la grandeur de la nation américaine qui s'est sentie investie d'une mission universaliste. Mais savons-nous réellement comment cette jeune nation a relevé les défis qui se sont présentés à elle ? Qui sont ces citizen soldiers qui ont accepté d'endosser l'uniforme pour servir voire mourir pour leur pays en terre étrangère ? Se battaient-ils par conviction ou bien par obligation ? Comment se comportaient-ils avec les populations étrangères ? Il montre aussi que l'alliance anglo-américaine, qui semble aussi sincère qu'inébranlable, est certes une réalité sur le plan politique, mais qu'elle est plus chaotique sur le plan militaire. Et encore que le principe du Germany First, si cher aux responsables militaires américains, n'est entériné qu'au moment où le rapport de force s'inverse entre les deux pays : c'est bel et bien la guerre contre le Japon qui occupe une place prépondérante, une réalité qui échappe encore trop souvent au public européen. Christophe Prime montre enfin que si la machine de guerre possède des atouts indéniables, elle possède aussi des faiblesses structurelles et commet des erreurs d'appréciation qui coûtent de nombreuses vies humaines, comme en Normandie ou encore à Peleliu. Du bureau ovale du Président à la War Plans Division, de la chaîne de montage de l'usine Ford de Willow Run aux entrailles d'un sous-marin de la Navy dans le Pacifique en passant par un plateau de tournage de Hollywood, du camp d'internement pour Nisei de Manzanar à l'univers contraint d'un GI recroquevillé dans son trou d'homme quelque part en France, Somewhere in France, la véritable histoire de " la bonne guerre américaine " ne manquera pas de surprendre.

02/2024

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Littérature francophone

Back to les cévennes

Trois femmes, trois générations, un village perdu des Cévennes. Ilona, 20 ans, jeune parisienne capricieuse, née la petite cuillère en argent dans la bouche, vient de louper pitoyablement son baccalauréat pour la seconde fois. Catapultée par son père dans cette région qu'elle ne situe même pas sur une carte, elle va devoir travailler à la petite supérette du village. Plus habituée à être servie que servir, l'apprentissage va être rythmé face à son patron qui n'a pas de temps à perdre avec cette gamine de la ville. Cindy, citadine de 40 ans, part se mettre au vert sur les conseils d'un médecin qui lui a diagnostiqué un burn out. Elle qui n'a jamais pris le temps de s'occuper de sa vie privée - et qui vient par conséquent de se faire larguer par Romain -, qui a tout donné à sa carrière de directrice marketing, se retrouve sans boulot, sans mari, sans enfant. Durant ce séjour, dont la perspective l'angoisse beaucoup plus qu'elle ne la réjouit, Cindy espère se reconstruire, se retrouver, dormir, manger, lire et, si possible, tenter de trouver un sens à sa vie. Lucienne, dit Lulu, 81 ans, veuve à la personnalité farfelue et colorée, vient passer quelques semaines dans la région pour officiellement retrouver ses racines et se rapprocher de son nigaud de fils, de sa niaise de bru et de ses petits-enfants qu'elle déteste. Officieusement, elle vient suivre un stage de chamanisme afin de pouvoir communiquer avec l'au-delà et principalement avec son seul et unique amour disparu, à qui elle n'a pas eu le temps de dire au revoir : son amant Fernand. Ce que les trois femmes ignorent, c'est qu'elles ont répondu à la même annonce et qu'elles vont se retrouver à vivre en colocation dans une maison "maudite" , nichée au coeur de ce petit village perdu des Cévennes, lui-même coincé entre deux régions se menant une guerre froide depuis la nuit des temps. Elles vont également devoir partager leur quotidien avec tous les habitants du village : le postier râleur, la femme du maire cleptomane, le couple de bouchers végétariens, le cafetier dragueur, le couple de retraités férus de culture, la maitresse à la tête d'une tribu nombreuse et d'une classe unique, la famille de lillois fraichement débarquée, la centenaire au langage fleuri et les deux boulangeries ennemies, chacune d'un côté de la ligne de démarcation où il faut savoir se rendre à pas feutrés. Et puis il y a Lucas, Serge et Sabrina... Durant ce séjour authentique et initiatique, bien loin de leurs zones de confort habituelles, Ilona, Cindy et Lulu panseront ensemble leurs plaies les plus profondes - le deuil, l'abandon, le manque absolu de confiance en soi - et s'ouvriront à de nouveaux horizons, aussi inespérés qu'inattendus.

09/2021

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Histoire de France

L'insurrection de la Grande Kabylie en 1871

Le désastre de Sedan (le l' septembre 1870) sonna le glas du régime militaire en Algérie. Les colons d'Algérie accueillirent avec enthousiasme l'avènement de la république en France. Ils pensaient qu'elle allait favoriser l'assimilation juridique de l'Algérie et donc lever pour eux les obstacles à l'expansion agraire coloniale. La défaite de Sedan, la chute du second empire puis la Commune (de mars à mai 1871) plongèrent l'Algérie dans un profond désordre. L'arrogance des colonialistes n'eut plus de bornes. Les officiers en uniformes ("les capitulards" de Sedan) étaient pourchassés par les civils lors des manifestations de rue. Le spectacle que les Européens offraient aux Algériens musulmans fit vaciller l'ordre colonial. Seul le "péril indigène" avait justifié jusqu'alors les prérogatives de l'armée dans l'Algérie coloniale. Les civils d'Algérie qui se faisaient fort de maintenir seuls l'ordre colonial allaient vite déchanter. Une insurrection d'une ampleur inédite éclata alors menaçant sérieusement le système colonial. Les militaires français qui administraient le pays ont globalement été rendus responsables de l'insurrection. Selon leurs détracteurs, ils avaient favorise la concertation des conjurés afin de prouver au gouvernement civil que k pays n'était pas encore suffisamment pacifié pour accueillir de nouveaux colons et justifier l'application d'un régime administratif civil. Autrement dit, les militaires auraient provoqué l'insurrection afin de se rendre indispensables. L'ouvrage de Robin n'écarte pas cette hypothèse. Mais l'élucidation des ressorts et des différentes formes de mobilisations qui ont encadré l'insurrection est surtout la meilleure façon d'éclairer les recompositions politiques et religieuses qui travaillaient la société algérienne en profondeur. L'insurrection de 1871 a en effet été impulsée et encadrée par deux types d'organisations et de leaders distincts, les uns laïcs, les autres religieux : les Oulad-Mokrani et la confrérie Rahman . Les premiers déclenchèrent l'insurrection et l'encadrèrent seuls durant vingt-cinq jours, du 14 mars au 8 avril, jour où le cheikh de la confrérie religieuse, Mohamed Chérif Amzian El-Haddad, décréta la guerre sainte. Si la mort du principal leader des Mokrani, El-Hadj Mohammed Mokrani, k 5 mai 1871, affecta peu le cours de l'insurrection, la reddition du chef religieux, le 13 juillet 1871, amena la soumission de la plupart des tribus kabyles qui s'étaient soulevées à l'appel pour le jihad. De sorte que, à partir de cette date, seul le frère de Mohamed Mokrani, Bou Mezrag, qui avait pris la succession de son aine, poursuivit les hostilités avec un dernier carré d'irréductibles. La bipolarité de la direction de l'insurrection a été soulignée, àjuste titre ; il nous semble néanmoins que la plupart des historiens ont eu tendance à confondre les mobiles et les stratégies particulières des deux leaders de l'insurrection, Hadj Mohamed Mokrani et cheikh El-Haddad, avec les ressorts qui ont réellement ébranlé les insurgés. Ce sont ces ressorts que l'ouvrage magistral du colonel Robin éclaire.

12/2018

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Littérature francophone

La nuit de la tarentelle

Dans le domaine familial des Pouilles où une terrible maladie ravage les oliviers, les destins croisés d'Elisa et de sa grand-mère Raffaella, unies par leur passion pour la musique. Comment suivre ses rêves et son amour quand on est une femme dans ce pays écrasé de soleil et de traditions millénaires ? La jeune Elisa vit avec ses parents agriculteurs au coeur de l'oliveraie de ses ancêtres en Italie du Sud, dans la terre reculée du Salento, tout au fond du talon de la Botte. Dans toute la région, les arbres sont victimes d'une bactérie tueuse : la Xylella. Les paysans désemparés doivent se résoudre à abattre des dizaines de milliers d'oliviers centenaires. Certains d'entre eux avaient été plantés par les Grecs il y a plus de deux mille ans. C'est un désastre qu'ils ne savent comment arrêter. Pourtant, Elisa a d'autres préoccupations. Avec sa magnifique voix de soprano, elle veut étudier le chant à l'institut de musique classique de Milan, malgré la désapprobation de ses parents. Seule sa grand-mère Raffaella la comprend et l'encourage. Avant de s'enfuir pour Milan, Elisa lui rend une dernière visite à la maison de retraite où la vieille dame s'étiole. Raffaella lui offre son médaillon porte-bonheur à l'effigie de Verdi et lui confie le secret qu'elle tait à tous depuis plus de soixante ans, lorsque la vie était encore plus rude pour les filles d'après-guerre... Une enfance solitaire et sauvage à la pointe du Salento où l'Adriatique s'unit à la mer Ionienne. Un mariage arrangé par son père avec l'aîné d'une famille mafieuse du village, afin de regrouper les oliveraies pour augmenter la production d'huile. Sa passion pour Angelo, un "étranger" du Nord venu travailler aux champs le temps d'un été et qui menace ces projets d'alliance de clans. Raffaella danse la pizzica, cette tarentelle archai ? que issue du fond des âges qui se pratique dans le but d'exorciser le sentiment d'oppression imposé par le joug des pères, des maris et des frères. Les femmes du Salento, marquées du sceau implacable de la fatigue, travaillent courbées dans les champs. Soudain, la tarentule mord une cheville. Douleur fulgurante ! La victime est aussitôt frappée d'hystérie, secouée de convulsions ou, au contraire, plongée dans une profonde léthargie. Pour se libérer de l'emprise de l'araignée, elle n'a d'autre choix que de danser jusqu'à l'épuisement. A son tour, Raffaella connaîtra la bru^lure de la morsure de l'araignée et de l'amour. Elle n'aura d'autre choix qu'exécuter jusqu'à l'ivresse une folle tarentelle du désespoir. Elisa s'enfuira-t-elle avec Angelo ou devra-t-elle se plier aux liens du mariage forcé ? Parviendra-t-elle à s'émanciper du poids des traditions pour accomplir sa vocation de cantatrice ? Les hommes sauront-ils écouter le message de mise en garde des oliviers moribonds contre leur manque de respect envers la nature ?

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Littérature étrangère

C'est ainsi

Mécanicien de son état, Patrick Oxtoby, jeune homme taciturne et solitaire, profite d’une douloureuse rupture amoureuse pour fuir enfin un étouffant environnement familial, sa précieuse boîte à outils sous le bras. Invité par un lointain cousin garagiste à venir le seconder dans une petite ville côtière d’Irlande, il a pris une chambre avec vue sur la mer dans une pension tenue par Bridget, une jeune veuve qui entretient, avec les deux autres hommes qu’elle loge, des relations placées sous le signe d’une bonne humeur et d’un marivaudage gentiment frivoles qui suscitent chez le nouveau pensionnaire autant de jalousie que de silencieux mépris. Au garage, Patrick se montre sérieux et appliqué, donnant toute satisfaction à son cousin, un homme bienveillant quoique prompt à le mettre souvent au “chômage technique”, sans plus d’explications. Dès lors, perplexe et frustré, le jeune homme se retrouve à errer, solitaire dans un trou perdu et sinistre totalement dépourvu de distractions, à l’exception du café minable où il noue peu à peu une vague relation d’amitié avec Georgia, la jeune serveuse. C’est ce moment (de doute, d’inquiétude et, bientôt, de silencieuse déréliction) que choisit sa mère pour venir lui rendre, impromptue, une “petite visite”. Tétanisé par l’irruption dans sa nouvelle existence, tout décevante soit-elle, d’une figure maternelle dont il a honte, mais incapable d’exprimer les sentiments qui l’agitent, Oxtoby s’efforce de supporter cette intrusion du mieux qu’il peut cependant que la mère, indiscrète, encombrante, caquète et monologue, retraçant les grandes lignes d’un roman familial sur lequel on comprend aisément que le jeune homme ait désiré tirer un trait aussi définitif que possible. Sa mère enfin partie, Patrick espère retrouver ses marques mais une petite soirée festive organisée un soir par Bridget à la pension sous la pression des deux autres locataires déclenche la catastrophe : heurté dans ses sentiments inconscients pour la jeune femme, écœuré par l’horreur de la vulgarité masculine et l’accablante veulerie féminine dont il croit découvrir un édifiant aperçu ce soir-là, le mutique exilé opère un tragique passage à l’acte. Dans la cellule où il attend son procès, il a pour compagnon un certain Gardam, criminel endurci qui, se sachant “condamné à tuer”, se laisse obséder par l’idée du suicide. Gardam, le dur, considère “Ox” comme un assassin-amateur et se moque des craintes que celui-ci exprime quant au verdict qui va être prononcé à son encontre, incitant le jeune homme à mettre sa foi dans une relative et probable clémence des jurés. Mais, au moment du procès, le jeune homme se voit lâché par ses parents (notamment par son père) qui portent contre lui le plus accablant des témoignages et l’abandonnent à sa descente aux enfers dans l’univers carcéral. Récit bouleversant de l’échec infligé à un individu dans sa tentative désespérée pour changer de vie, C’est ainsi est un roman aussi puissant que perturbant où M. J. Hyland, dans le style épuré et percutant qui caractérise son écriture, met brillamment à contribution l’expérience de juriste et d’avocate qui a été la sienne. Fidèle à l’exploration des territoires de la solitude et de l’inadaptation déjà à l’œuvre dans ses deux premiers romans (Le Voyage de Lou et Dans tes yeux, finaliste du Man Booker Prize 2006) également publiés chez Actes Sud, M.J. Hyland brosse, à travers son protagoniste, le portrait d’une société impitoyable à l’égard des individus dont une longue indigence affective a rendu le langage inaudible, et qu’elle a durablement privés de toute possibilité de rencontrer enfin l’Autre, d’assouvir quelque aspiration que ce soit à faire communauté faute de savoir créer un lien avec leurs semblables.

02/2012

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Littérature française

Ceux de la glèbe. Une nouvelle de Camille Lemonnier

Et l'homme parti, elle traînait son ventre dans la maison encore vide d'enfant. C'était la première fois qu'elle sentait remuer en elle la semence d'amour. Ils s'étaient mariés au dernier Saint-André, lui, grand, fort, râblé, le front doux, le geste bourru, le coeur vaillant, toujours à la peine ; elle, petite femme mamelue et saine, largement plantée sur ses pieds. La noce avait duré deux jours, l'un qu'on avait passé chez les parents de Tys, l'autre chez les parents de Ka. Et enfin la troisième nuit, ils avaient couché dans leur maison, deux chambres en bas, le long de la route, et un grenier sous le toit. Puis, le lendemain, un lundi, Tys avait noué dans un drap de serge quatre pains de deux livres ; il avait embrassé sa conjointe sur les joues et dans le cou ; debout sur le seuil, elle l'avait suivi des yeux, marchant à grandes enjambées dans la campagne. Le samedi soir, ensuite, comme elle regardait au loin, une main sur les yeux, elle avait aperçu, par delà les dernières maisons, son homme qui allait à pas rapides ; et un nuage montait droit derrière lui, dans le soleil bas à l'horizon. Et il était resté dans la chaleur de son giron deux nuits et un jour ; et de nouveau, ensuite, il avait tassé ses quatre pains dans le drap de serge ; et il avait marché vers la ville. Il en avait été ainsi de chaque semaine, pendant des mois. Du lundi au jeudi, la fumée de sa pipe cessait d'obscurcir le plafond ; elle regardait dans ses habits pendus au crochet l'homme qu'il y avait laissé en partant ; et en même temps, dolente, les mains sur les genoux, elle le sentait bouger dans son flanc, vivant à travers l'enfant. D'abord cette existence avait pesé lourdement sur Ka ; le vide des longues après-midi, dans le silence des chambres, lui élargissait un trou au coeur, vaste comme les puits ; et tout au fond, toujours une forme vague s'y mouvait comme un mort qui, ressuscité, travaillerait en sa fosse. Même la nuit, en des songes bourrelés, elle distinguait deux mains qui fouillaient la terre, à des profondeurs immenses ; et tout à coup ces mains se levaient avec un geste de détresse, et une montagne croulait ensuite, sous laquelle elle cessait d'apercevoir les mains. Alors elle se réveillait en sursaut, froide de sueur, et jusqu'au matin priait à genoux devant la petite Vierge dont l'image décorait le manteau de l'âtre. Et la journée du lendemain passait sans qu'elle osât mettre le pied dehors, de peur de tomber sur quelqu'un qui, venu de la ville, lui annoncerait son malheur. Les autres femmes lui faisaient envie : elles avaient des hommes, celles-là, qui tout l'an demeuraient dans la maison ; au contraire, le sien gagnait durement son pain en creusant des puits ; de pleines journées, il restait sous la terre, bâtissant ses cuvelages, descendant toujours plus avant, emplissant des seaux qui ensuite remontaient, balancés dans le vide au-dessus de lui ; les épaules mortifiées par les eaux du sous-sol, ayant quelquefois de la boue jusqu'aux reins, avec les parois toutes droites du puits qui, en haut, semblait se rétrécir pour se fermer sur sa tête, il apercevait du ciel seulement une petite tache grise où par moment un visage se penchait et lui parlait ; et sorti des ténèbres, ses douze heures finies, il ne savait pas tout de suite se refaire les yeux à la lumière de la rue.

02/2023