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Nadejda Mandelstam

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Contes et nouvelles

56 Descentes dans le maelstrÖm

Trois frères sont pris, lors d'une nuit de tempête, par un tourbillon vertigineux qui engloutit leur bateau de pêche. Un seul d'entre eux survit, profondément changé par l'expérience. Comment et pourquoi ? A l'occasion des 33 ans de l'aventure du projet maelstrÖm, 55 artistes sont invité? e ? s par l'éditeur à (re)lire la nouvelle d'Edgar Allan Poe, Une descente dans le Maelström, à s'en imprégner, pour ensuite écrire, dessiner, mettre en musique ou en BD, en photos, en un mot : créer. Cette création se fait alors extraction de symboles, écho de métaphore, mais surtout : oeuvre personnelle. Un ouvrage collectif et unique. Bienvenu ? e ? s dans le tourbillon, nous vous attendions. Avec des contributions des artistes suivant : Davide Colasante ??? Serge ?? Pey ??? ? Ludivine Joinnot ??? Daniel De Bruycker ??? Boris Crack ??? Rose-Marie François ??? Claude Donnay ??? Jean Claude Bologne ??? Vincent Tholomé? ? Fabian Di Maria ??? Chantal Deltenre ?? Ritta Baddoura ??? Luc Baba ?? Gilles Farcet ??? L'Ami terrien (feu)? ? Catherine Serre ??? Carl Norac ?? Arnaud Delcorte ??? Bruno Geneste ?? Gioia Kayaga ??? Francesco Pittau ?? Gwénnaëlle La Rosa ??? Laurence Vielle ??? Kev La Raj ??? Hortense Raynal ??? Maninelkaos ??? Rachele Gusella ??? Camille Pier ??? Juliette Bensimhon ??? Jérémie Tholomé? ? Gauthier Keyaerts ??? Florence Valéro ?? Karel Logist ??? Evrahim Baran ?? Cristiana Panella ??? Morgane Eeman ?? Arthur Thimonier ??? Aurélien Dony ?? Laura Schlichter ??? Coline Marescaux ?? Dirk Diederich ??? Dominique Massaut ?? Caroline Boulord ??? Marie Darah ?? Tom Nisse ??? Otto Ganz ?? Lisette Lombé? ?? Ada Mondès ?? Gaetan Saint-Remy ??? Jonathan Carrier ??? Patrick Lowie ?? Alain Valet ??? Carole-Anne Subrebost ?? Simona Petitto ??? Nadejda Peretti ?? David Giannoni

06/2023

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Critique littéraire

Ton chant est plus long que ton souffle

Vénus Khoury-Ghata publie en français depuis plus d'un demi-siècle, mais c'est avec sa trilogie sur la guerre du Liban (1983-1992) qu'elle se fait connaître d'un large public qui lui restera fidèle, jusqu'à ses évocations d'Ossip Mandelstam (2016) et Marina Tsvétaïéva (2019). Dans ce livre d'entretiens, menés au rythme fougueux qui lui est propre, l'auteure de Où vont les arbres ? se raconte à Caroline Boidé, sa "fille spirituelle". Son enfance modeste dans la "maison au bord des larmes", dans la montagne libanaise. La mort prématurée de son jeune frère, poète sacrifié, jeté dans un asile. Son mariage dans un milieu raffiné, entre vie huppée la nuit et écriture le jour. Sa vie austère à Paris au côté de son second mari, Jean Ghata, "amour absolu" qu'elle perd au moment où la guerre civile déchire son pays. Ses rencontres avec Roberto Matta, Alain Bosquet, René de Obaldia, J. M. G. Le Clézio, Adonis, Régine Deforges... et ses chats. Sans oublier son dernier compagnon, qui lui fit découvrir le Mexique et lui inspira La Maestra (1996). Au fil des pages, on découvre une femme généreuse, drôle, incandescente, à jamais éprise de cette langue française "qui épouse la forme de ses doigts et de son âme".

10/2019

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Poésie

Renard poirier

Cinq ans après son précédent recueil, Albane Prouvost rouvre le théâtre des opérations avec un vers percutant de Mandelstam "le poirier a tiré sur moi" . Or, pour l'auteur de meurs ressuscite, paru en 2015 chez l'éditeur parisien P. O. L. , pas question de manquer la cible : elle-même, d'ailleurs, ne s'autorisera à ne frapper qu'une seule fois. Et c'est le champ du livre tout entier qui forme le poème, chaque page ouverte pouvant servir de rime nouvelle, en dehors de toute métrique autoritaire. L'amour de l'expression juste, unique, est chez cet écrivain irréductible. Constituée d'atomes flottants mais saturés d'énergie, sa langue traverse les espaces sans nécessité de rendre des comptes à la raison. Ainsi, renouant avec un fond ancien, chaque mot est une salve dont la charge, placée au bon endroit, fait exploser à tout moment, alors qu'on ne s'y attend pas, des images surprenantes, une voix d'enfance, de brusques lointains. Pas de récit ici, nulle trace de biographie ; en revanche, comme dans les contes et légendes populaires, on s'interpelle de partout dans la neige, les demandes fusent comme des éclosions d'arbres, sonores, exactes ; on court libres à la réponse et l'on discute ardemment : renard poirier.

04/2022

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Historique

Rodina

En 1942, Lena, lycéenne, distribuait des tracts antinazis dans une petite ville d'Union soviétique occupée par les Allemands. Deux mois plus tard, elle était emmenée, avec d'autres et sans ménagement, au camp d'Errouville, un camp de travail près de Villerupt, en Lorraine. Dans le camp d'Errouville, il y avait des Ukrainiens, des Polonais, des Soviétiques, des Tziganes, des Juifs allemands et près de six cents femmes russes et biélorusses. Parmi elles, Nadedja Lissoviets puis Rozalia Fridzon formèrent "Rodina", le seul et unique détachement de la résistance française. Elles furent toutes les deux élevées au grade de lieutenant des Forces françaises de l'intérieur (FFI). Et Enrico ? Ah, Enrico... vous savez, l'accordéoniste de Bella ciao... Enrico ne s'appelait pas Enrico mais Heinrich. Heinrich Becker. Il était allemand. Prisonnier puis maquisard. Après la guerre, il est resté à Villerupt. Pourquoi est-il venu ici ? Pourquoi tout le monde l'appelle Enrico ? Il y a tellement d'histoires qui circulent sur lui... Dans la lignée de Bella Ciao, voici le nouveau titre historique de Baru, grand prix de la ville d'Angoulême.

11/2023

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Russie

Les égéries rouges. 12 femmes qui ont fait la Révolution russes

Le rôle méconnu de " douze femmes en colère " dans l'avènement de la Russie soviétique. Certaines sont connues - telles Alexandra Kollontaï, la première femme diplomate au monde, ou encore Nadejda Kroupskaïa, la militante bolchévique et épouse de " Volodia " - ; d'autres le sont moins, comme Fanny Kaplan, qui a tiré sur Lénine, ou Sofia Perovskaïa, la terroriste qui a organisé l'assassinat du tsar Alexandre II ; d'autres encore sont des grandes oubliées de l'Histoire (citons l'étudiante Maria Bogdanova ou la " populiste " Alexandra Dementieva). Mais toutes ont un point commun : elles ont fait la Russie soviétique. Mues par des sentiments altruistes - instruire les masses paysannes, etc. -, ces égéries sont progressivement devenues des révolutionnaires professionnelles. Leur détermination a ébranlé le tsarisme et a permis à des idéologies utopiques (populisme, anarchisme et communisme) d'inspirer les jeunes générations et de rayonner dans le monde entier. Mais en voulant faire le bonheur du peuple russe, elles ont aussi contribué à l'avènement d'un Parti-Etat qui a réduit ce même peuple en esclavage, notamment en utilisant la cause des femmes pour asseoir sa domination sur la société. S'il faut louer l'action de ces combattantes il faut aussi se garder de les idéaliser et d'en faire des victimes du régime communiste dépassées par les événements. Leur part sombre (leur connivence avec le régime totalitaire, etc.) doit aussi être étudiée. S'appuyant sur un important corpus documentaire français, russe et anglais, enrichi de documents inédits, Andreï Kozovoï propose un ouvrage vivant et accessible qui analyse avec justesse et sans manichéisme le rôle exact de ces femmes puissantes car engagées.

04/2023

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Littérature étrangère

Roman russe. "Pour présager les tourments à venir"

Comment Viktor Obiline, paisible Moscovite et professeur d'histoire, peut-il se repentir d'avoir confié à sa jeune étudiante, Tatiana Borisovna, une thèse au sujet anodin : «Les cadres du Parti dans la région de Bakou de 1945 à 1953» Nous sommes en 1988 : entre glasnost et perestroïka, Gorbatchev a entrepris de réformer l'Etat, entrouvrant la boîte de Pandore. L'immense échafaudage de l'empire soviétique commence à vaciller. Dans les archives officielles, la vigilance se relâche, la paresse fataliste de l'âme russe se régénère après les ivresses du socialisme, et des fissures lézardent l'édifice du secret. C'est en s'y engouffrant que Tatiana entre en contact avec des vérités embarrassantes, périlleuses, mortelles... Comme elle, le juge Nazat Kallistratovitch Lappa, qui enquête sur l'assassinat d'un imam, ne veut pas lâcher prise.»Pour présager les tourments à venir», dit un vers d'Ossip Mandelstam, le grand poète déporté en Sibérie. Quels tourments se profilent derrière les énigmes dont Alessandro Barbero tisse les fils avec une habileté diabolique ? Avec des rebondissements incessants, dans des tonalités inspirées des grands Russes, de Gogol à Boulgakov, avec ce souffle à la fois épique et familier qui rend sa lecture irrésistible, le romancier pose une dernière fois les grandes questions politiques et éthiques du XXe siècle.

06/2002

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Poésie

L'heure de la nuit

Christiane Pighetti a traduit des poèmes de Chalamov, Essenine, Mandelstam et le poème fondateur de la nation russe écrit au XIIe siècle, La Geste du Prince Igor (collection Minos). Il était naturel qu'elle veuille se confronter au prince des poètes russes, Alexandre Pouchkine (1799-1837). Après une vie de désordres, après les clubs révolutionnaires, les innombrables duels, les écrits séditieux et tout ce qui lui valut l'exil de ses jeunes années, c'est-à-dire, l'assignation à résidence hors de la capitale sous Alexandre 1er, Pouchkine, en dépit du succès foudroyant de ses premières œuvres,  lance le jour de son 29e anniversaire : « Vie, don inutile, don fortuit / à quoi bon m'es-tu donnée ». La conscience, le remords et la conviction intime de son iniquité, hantent l'œuvre des dernières années. Il se sent poursuivi par un homme noir, menacé par un malheur qu'il ne peut ni éviter ni prévoir. Lecteur assidu de la Bible à laquelle, en filigrane, il fait partout référence, il a la conviction que l'inspiration est authentique révélation et, jusqu'à la veille de sa mort, souligne le caractère sacré de l'œuvre poétique. Les poèmes publiés en version bilingue sont extraits de l'ensemble de son œuvre et illustrés de croquis souvent plein d'humour de l'auteur.

12/2016

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12 ans et +

La jeune femme à la rose

A vingt et un ans, le peintre Ugo Dolfi est déjà célèbre, et comme il aime passionnément la belle Nadéja et en est aimé, un avenir radieux semble s'ouvrir devant lui. Mais soudain, avec la disparition tragique de la jeune femme, sa vie se déchire. Muré dans la douleur et la solitude, il peint farouchement et, grâce à son art, il tente de rejoindre l'image de celle qu'il n'a cessé d'aimer. Jusqu'au jour où, mystérieusement, il passe à travers l'un de ses tableaux, et se retrouve dans un château perdu au cœur d'une forêt. Dans ce lieu hanté de personnages étranges, et où le fascine le portrait de la comtesse Isabelle, la jeune femme à la rose, une quête ardente commence. Faut-il croire Franz Kramer, l'énigmatique châtelain, lorsqu'il déclare que la frontière entre les vivants et les morts est poreuse, et que l'amour et la passion de la beauté peuvent accomplir des miracles ? Dans ce récit où se mêle réalité et fantastique, l'auteur des Enfants de Noé, explore un territoire de mystères et rejoint d'anciens mythes, qui ne cessent de nous interroger et de nous émouvoir.

11/2002

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Critique littéraire

La clandestinité. Etudes sur la pensée russe

Les régimes autoritaires ou totalitaires, à toutes les époques, frappent d'interdit, et donc condamnent au secret, de multiples aspects de la vie politique, sociale, intellectuelle, religieuse... Au fil de l'histoire, nombreuses sont les manifestations de la culture russe qui ont été contraintes à se cacher. Ce recueil présente certains des phénomènes les plus caractéristiques de cette situation, sans prétendre à l'exhaustivité. Mais on verra aussi que le secret, cultivé comme un véritable mode d'existence, n'est que partiellement une conséquence de l'oppression politique. Mandelstam, bâillonné par la répression stalinienne qui le conduisit à la mort, revendique dès ses débuts en poésie (les années 1910) le non-dire comme constitutif de l'expérience poétique. Lorsque la perestroïka est arrivée, certains poètes comme Viktor Krivouline ont refusé une prétendue liberté d'expression qu'ils soupçonnaient d'apporter un nouveau conformisme, plus insidieux. Le concept de clandestinité, dans toute sa complexité, reste donc à définir. Ce recueil propose quelques pistes et montre la diversité des approches possibles. Ce volume est dédié à la mémoire de Jean-Marc Négrignat, notre collègue et ami, qui a enseigné à l'ENSLSH de Lyon, et dont on trouvera ici un article inédit : "Le samizdat, un gisement de mémoire pour aujourd'hui". Nikita Struve, directeur des éditions Ymca-Press, qui a participé à ce colloque, nous a quittés en mai 2016. Que ce recueil soit donc également l'occasion de rappeler son souvenir.

01/2018

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Beaux arts

Au nom des opprimés. Ecrits et entretiens

Dans ses textes, Klaus Huber (né en 1924) s'attache avant tout à clarifier le contenu de ses oeuvres, qui renvoient à des positions éthiques, et qui possèdent une dimension tout à la fois religieuse et politique. Compositeur engagé, Huber refuse en effet la conception de "l'art pour l'art", l'idée de la musique pure. Pour lui, la modernité doit être chargée d'un sens qui dépasse la seule sphère esthétique ; elle est solidaire des plus démunis, dénonçant l'injustice, l'oppression, l'asservissement et la réification. Proche des mystiques ainsi que des tenants de la théologie de la libération, Huber veut provoquer par sa musique une prise de conscience, un retournement. En se solidarisant avec les formes de résistance en Amérique latine ou au Moyen Orient, il a fait la rencontre de figures telles que celles du prêtre et poète nicaraguayen Ernesto Cardenal ou du poète palestinien Mahmoud Darwich, qui lui ont inspiré des oeuvres importantes, mais aussi du poète russe Ossip Mandelstam, auquel il a consacré un opéra. Son intérêt pour la musique arabe, au moment où éclatait la première Guerre du Golfe, l'a conduit à utiliser des échelles avec tiers et quarts de ton et à expérimenter de nouvelles conceptions harmoniques, polyphoniques et formelles. Ce recueil d'écrits comporte un choix d'essais et l'intégralité des notices que le compositeur a écrites sur ses oeuvres, ainsi que deux entretiens et un appareil critique.

03/2012

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Littérature française

Coeur sauvage. Lettre à Marina Tsvetaeva

Ce livre est un hommage à l'immense poétesse russe Marina Tsvetaeva, qui vécut en France de 1925 à 1939, dans l'obscurité quasi-totale. Ce livre n'est pas une biographie mais un récit épistolaire, qui interroge ce que fut la négation humaine sous le stalinisme, et l'effervescence tragique qui suivit la révolution d'octobre 1917. Marina Tsvetaeva éclaire d'une lumière brute la poésie de notre époque. Lisant l'un de ses livres dans une chambre perdue de Vladivostok face à la mer du Japon, je lui adresse ce récit en forme d'hommage pour ce qu'elle a été en tant que femme, mère et poète, et pour ce que nous offre la lumière de ses livres, de sa vie brûlée interrogeant l'Histoire et l'aventure poétique. Son aventure fut exemplaire. Quatorze années d'existence invisible dans la banlieue parisienne, puis un retour en Russie, vers l'enfer de la Russie de ce temps où l'on détruisait pour des broutilles, une phrase de travers. J'ai cheminé en sa compagnie durant de longs mois de Moscou à Koktebel en Crimée, petit village où elle vint souvent dans le temps de sa jeunesse, sous le toit accueillant des Volochine qui reçurent ainsi Mandelstam, Tolstoï, etc... Tsvetaeva, amoureuse-née, entretint une brûlante correspondance avec Pasternak, Rilke, durant tout l'été 1926. Ces lettres merveilleuses témoignent de sa passion et de sa colère.

03/2015

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Heidegger

Réflexions XII-XV. Cahiers noirs (1939-1941)

Ce troisième volume des Réflexions regroupe les Cahiers XII à XV dont la rédaction court de 1939 à 1941. Comme les précédents, il témoigne de l'approfondissement décisif que connaît la pensée de Heidegger dans les années 1930 : non à la manière d'un "journal philosophique" écrit en contrepoint de l'oeuvre, mais plutôt d'un espace de travail et d'écriture où s'exerce ce qu'il nomme quelques années plus tard "un regard au coeur de ce qui est" . S'y répondent les différents chemins explorés par cette pensée, toujours à nouveau repris d'un pas qui change librement de rythme et d'allure : la préparation d'un autre commencement dont l'enjeu est une métamorphose de l'être humain dans son rapport essentiel à l'être ; la remémoration du premier commencement grec où s'est initialement exposé ce rapport ; enfin, la méditation de l'histoire de ce premier commencement, histoire dont l'achèvement dessine le visage de notre époque, celui d'un monde soumis au déchaînement uniforme de la puissance. Au moment où les événements prennent en Europe un tour terriblement dramatique - le déclenchement de la guerre, le pacte germano-soviétique, l'attaque allemande en Russie -, les Réflexions consignées dans ces quatre Cahiers font face à cet inquiétant visage du monde, avec angoisse mais sans aucune déploration stérile, attentives avant tout à entendre, en retrait du vacarme public, "le bruit et la germination du temps" dont parlait Ossip Mandelstam.

04/2021

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Critique littéraire

Dans la Nef des Fous (Sirventès et autres chansons). Edition bilingue français-occitan

"Né en 1180 au Puy-en-Velay et mort en 1278 à Montpellier, Peire Cardenal est l'un des tout premiers poètes satiriques. Au XIIIe siècle, celui de l'Inquisition, ce troubadour occitan composa de virulents sirventès (ou poèmes satiriques) contre les Francs et le clergé qui ruinèrent la terre d'oc. On se demande par quelle main des grâces, ses sirventès connus de tous, purent échapper au fichage des sinistres "clercs", au cléricalisme inquisiteur, aux pillages des "Français" envahisseurs, au bûcher de tous ces brûleurs de livres et d'hommes. L'oeuvre de Peire Cardenal appartient à la grande tradition contestataire de la poésie universelle, de Juvénal à André Chénier ou d'Ossip Mandelstam à Federico García Lorca." Yves Leclair. Après le succès rencontré par sa traduction des Chansons pour un amour lointain de Jaufre Rudel, Yves Leclair rassemble ici un surprenant florilège cueilli dans l'oeuvre poétique de Peire Cardenal. On ne trouvera pas ici les conventionnelles chansons d'amour, mais des satires de notre Nef des fous : car, pour ce troubadour, précise encore le traducteur dans sa préface, il ne s'agit plus de "bien dire, bien chanter", "colorer", "feindre", "louer" "dorer [s]on chant", mais de "l'ourdir" et le "tisser" de "mal dire". Dans la "transposition" rythmée des ces chansons satiriques et le constant respect du sens médiéval, Yves Leclair prête sa voix de poète contemporain au troubadour le plus anticonformiste qu'il nous rend très proche.

11/2020

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Poésie

D'une lyre à cinq cordes

"Ni par l'élection des poètes traduits ni par le nombre de pages accordé aux uns et aux autres, ce recueil ne représente une anthologie de mes goûts ; moins encore, ne serait-ce qu'un fragment d'un panorama de la poésie européenne. L'absence d'un poète tel que Dante, que je place au plus haut - et c'est bien pourquoi j'ai échoué à en traduire même quelques pages -, le dit assez ; mais aussi bien, à un niveau moins élevé, pour l'époque contemporaine, de Saba, de Sereni ou de Celan. Ce choix qui n'en est pas un tient, en fait, à des circonstances diverses. Certaines traductions sont le résultat d'une commande ; quelques-unes de la présence de ces poèmes cités dans des essais que j'ai eu à traduire. Quelquefois, découvrant un poème qui me touchait dans l'oeuvre d'un auteur méconnu, ou, à l'occasion d'un voyage en Autriche, toute une oeuvre presque ignorée comme celle de Christine Lavant, j'ai eu le désir de rendre sensibles ces heureuses rencontres à d'autres que moi... Reste, bien sûr, que les ensembles plus vastes dont j'ai voulu reprendre ici quelques pages : ceux de Góngora, de Hölderlin, de Rilke, d'Ungaretti et de Mandelstam, représentent vraiment, eux, le fruit de rencontres essentielles dans ma vie de poète, de traducteur et d'homme tout court ; et je remercie les éditeurs qui m'ont permis de les faire figurer ici, dans une perspective nécessairement différente". Philippe Jaccottet.

12/1996

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Littérature étrangère

La Geste du Prince Igor

De la poussière de vieux manuscrits qui dormaient dans un monastère, un collectionneur russe de la fin du XVIIIe siècle vit surgir un jour le visage espiègle et inspiré de l'auteur anonyme de ce magnifique poème épique du XIIe siècle. Un Slave, probablement mâtiné de Viking, y relate la défaite d'un " faucon de la chrétienté " contre des païens, les Polovtses turco-mongols. Guerrier proche du prince, chrétien chamarré de paganisme slave, aède ou chroniqueur, trouvère ou scalde, il chante un hymne à la " Terre de Rus ". On ne connaît de lui que ce qu'il révèle en filigrane dans la Geste. Il dit avec amour et humour, la mer des fleuves russes et les roseaux brisés, les bêtes aux aguets et les combats guerriers, les amours délaissées et le guet aux remparts et " cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge " comme dit Dante. S'attachant aux faits, il ouvre une page d'histoire des Slaves orientaux aux XIe-XIIe siècles en ce pays-frontière de la Kievie, le long du Dniepr et au nord de la mer Noire ; sautant comme un écureuil d'un prince à l'autre à travers l'arbre généalogique des familles princières de Rus, il relie le tout avec grande maîtrise en quelques pages d'un merveilleux poème. Vibrant appel à l'union de princes désunis, il convie le lecteur, comme l'Aède, au " festin " des batailles et de la mort sur lequel règnent les dieux. Un pur joyau célébré par Pouchkine, Essenine, Mandelstam, Rilke, Nabokov...

03/2005

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Biographies

Jean Blot (1923-2019). Dans le labyrinthe de la littérature

"Je voudrais que ma biographie soit l'histoire d'une pensée aussi inachevée et contradictoire qu'elle soit" . La vie d'Alexandre Blokh, dit Jean Blot (1923-2019), commence sur les routes de l'exil, de Moscou à Paris. Elle se poursuit dans la Résistance comme agent de la France Libre, puis s'échappe vers New York avant de revenir en Europe. Interprète aux Nations Unies de 1946 à 1961, il est ensuite en poste à l'Unesco de 1962 à 1981, puis Secrétaire du Pen Club international de 1981 à 1997. Homme d'action, témoin de son siècle, il n'a cessé de parcourir le monde. Ses amis chers sont les écrivains qu'il admire, avec lesquels il a longuement correspondu comme en témoignent les extraits qui jalonnent cette biographie : Marcel Arland, Michel Butor, Albert Camus, Albert Cohen, Lawrence Durrell, Louis Guilloux ou Nathalie Sarraute. Homme de lettres, il est l'auteur de romans polyphoniques récompensés par de nombreux prix, de récits autobiographiques, de carnets de voyage et d'essais littéraires. Fondée sur les archives conservées à l'IMEC, cette biographie rêvée permet de suivre une traversée singulière du vingtième siècle, un cheminement unique entre roman et réalité, expérience tragique de l'histoire et expérience de la beauté du monde. Née en 1970, Caroline Bérenger est spécialiste de poésie russe, maîtresse de conférences en langue et littérature russe à l'université de Caen-Normandie et membre du laboratoire ERLIS. Elle a écrit sur Alexandre Blok, Joseph Brodsky, Gueorgui Efron, Ossip Mandelstam ou Marina Tsvetaeva.

04/2023

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Biographies

Anna Akhmatova. Portrait

Le puissant portrait d'une grande poétesse et héroïne russe du XXe siècle. A vingt-trois ans, en 1912, Anna Akhmatova touche à la gloire lorsqu'elle fait paraître son premier recueil, Le Soir. Elle y exprime l'ambiguïté des relations amoureuses avec un génie singulier, tout en ironie, en retenue qui fera d'elle une idole en Russie. Les recueils suivants affirment sa modernité, et sa popularité, jusqu'à ce que, en 1922, le régime la condamne au silence. Elle sera soumise à la censure jusqu'à sa mort en 1966. Son oeuvre coïncide avec un siècle de fer et une vie marquée par l'assassinat de ses deux maris, la déportation de son fils, la mort violente de tous ses amis, de Mandelstam à Tsvetaïeva. Anna Akhmatova a chanté les crimes et la souffrance de masse dans des textes splendides, que ses proches doivent apprendre par coeur pour assurer leur pérennité, et permettre ainsi le triomphe de la poésie sur la barbarie. Si ses poèmes sont des poèmes d'amour, la tragédie collective qu'Anna Akhmatova traverse avec son peuple est le fil rouge de son oeuvre. Une tragédie qu'elle prophétise et traduit tout au long de sa vie... " De cette immense poète, qui est aussi une héroïne, et pour beaucoup une âme soeur, Geneviève Brisac dresse un portrait passionné, plein de vie, de force, de beauté. Ce livre est édité en partenariat avec France Culture. www. radiofrance. fr/franceculture www. radiofrance. com/les-editions

05/2024

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XXe siècle

Disputes au sommet

Ismail Kadaré évoque ici un épisode mythique de l'ère stalinienne et pourtant infime par sa durée. Il s'agit de l'appel téléphonique de Staline à Boris Pasternak en juin 1934, qui ne dura guère que trois minutes et qui, dans le maelström de l'Union soviétique d'alors et des pays du bloc de l'Est, donna lieu à toutes les rumeurs, à toutes les interprétations, contribuant en grande partie à affaiblir encore l'image du grand écrivain russe. Cette conversation hante Ismail Kadaré depuis ses années de jeunesse, alors qu'il étudie à Moscou et qu'il en entend parler pour la première fois. Tel est le socle de ce nouvel opus qui permet à Kadaré de faire défiler en filigrane les grandes figures littéraires russes, mais aussi albanaises, toutes en proie un jour aux tourments exercés par la machine de la terreur totalitaire. Il met particulièrement en lumière la figure tragique d'Ossip Mandelstam, qui venait juste d'être arrêté, et qui est au centre de cette conversation téléphonique. Dénonciations, intrigues, incertitudes, témoignages, hypothèses, poèmes-fantômes, multiples interrogations ont essaimé de par le monde et se retrouvent ici dans un labyrinthe de versions de plus en plus inextricables, que l'écrivain propose comme une exploration sans fin de la relation énigmatique poète-tyran. Revivant plusieurs fois l'épisode à travers des moments critiques de sa vie d'écrivain sous l'ombre menaçante de l'Etat, mais aussi à travers la résonance d'autres écrivains à d'autres temps, Kadaré s'en empare, décortiquant chaque aspect, chaque piste, chaque signal, tel un enquêteur qui ne trouvera jamais la clé du rébus.

01/2022

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Critique littéraire

Ententes. A partir d'Hélène Cixous

Il faut lire Hélène Cixous sur le mode de l'entente. L'entente c'est la rencontre de l'oeuvre de l'autre (écrite, peinte, dessinée) suscitant une lecture, une écoute et une mise en état de réponse qui ouvre et relance l'appel de l'oeuvre. C'est à l'éclat de ce mot - entente - que l'on mesure combien Hélène Cixous compte aujourd'hui parmi les écrivains dont l'oeuvre transforme le plus fondamentalement la pensée et la poétique de la relation entre les arts visuels et l'écriture. Cette écoute radicale des mots, des langues, des autres (écrivains, penseurs et artistes) et jusqu'à soi en tant qu'autre est en effet présente depuis les débuts de l'oeuvre foisonnante et sans cesse renouvelée d'Hélène Cixous. Or, écrire l'entente est aussi un "ouï-dire". C'est sonder l'expérience autant que la pensée de l'écriture telle qu'elle se joue dans le face-à-face toujours contemporain avec l'oeuvre de l'autre, qu'il s'agisse de collaborations récentes (Chevska, Alechinsky, Hantaï, Tuymans, Abdessemed), de dialogues en cours (Derrida, Jeannet, Wajsbrot) ou de la lecture d'oeuvres anciennes (Ovide, Dante, Rembrandt, Goya, Joyce, Mandelstam, Lispector, Celan, Genet) Examinant la notion de l'entente - et donc, avec elle, ses équivoques : la mésentente, l'accord et le dissensus, le partage et la persécution, la communauté et ses désaveux, la co-vivance, le rapport du texte à l'image et à l'oreille - cet ouvrage est l'occasion d'un dialogue entre philosophes, poètes, artistes et chercheurs, qui ouvrent ici "l'entente" à une diversité d'approches poétiques, philosophiques, historiques, politiques, voire juridiques, permettant de réfléchir sur une tension toujours à l'oeuvre dans les écrits d'Hélène Cixous.

05/2019

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Poésie anthologies

Un thé chez la souris. Trois siècles de poésie russe pour les enfants

Les éditions Circé avaient publié au tout début du millénaire une anthologie de dix auteurs du vingtième siècle s'étant illustrés dans un genre qui n'a cessé de connaître une faveur exceptionnelle en Russie : la poésie spécialement écrite pour les enfants. Le nouveau livre élargit considérablement ce choix afin de donner une vision d'ensemble, un panorama aussi vaste que possible, allant de la fin du dix-huitième siècle, sans omettre le folklore enfantin, jusqu'à l'époque actuelle, soit près de soixante-dix poètes dont la plupart demeurent inconnus en francophonie. La préface et les notices en fin de volume permettent par ailleurs de mieux les situer dans le contexte historique et littéraire du pays. Une place centrale revient aux années 1920 et 1930 et à l'époque du dégel, après la mort de Staline, qui connurent une efflorescence particulière de la poésie enfantine, laquelle servait notamment de refuge à des auteurs qui, tels Daniil Harms, Alexandre Vvédenski, Guenrikh Sapguir ou Oleg Grigoriev, faute de pouvoir publier leurs poèmes pour adultes, trouvaient ici le moyen d'aborder les réalités de l'époque, tant "l'univers enfantin est au coeur même des choses par sa naïveté primordiale" , où l'humour rejoint le jeu décapant du son et du sens. On put voir en outre des poètes déjà réputés - Marina Tsvétaïéva, Ossip Mandelstam, Sergueï Essénine, Véra Inber, Vladimir Maïakovski et d'autres - participer à l'élaboration d'un continent inédit qui avait pour organisateur et architecte remarquable Samuel Marchak. La période postsoviétique, malgré certains aléas et difficultés, semble vouloir donner un nouveau souffle à la poésie pour les enfants, notamment avec un apport accru des voix féminines, présentes tout au long du vingtième siècle.

05/2022

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Poésie

La cartothèque. Une anthologie de 30 textes de Lev Rubinstein

En 1975, bibliothécaire à Moscou, Lev Rubinstein écrit des poèmes de forme classique. Il sait par coeur, en bon intellectuel de sa génération, Pouchkine et Mandelstam (il y ajoute Tolstoï, qu'il admire). Il prête l'oreille au langage des rues et des marchés (langage cuit de l'homo sovieticus), et hante les ateliers et les cuisines où, en ces années de stagnation, se discute et s'élabore l'art non-officiel. C'est alors qu'il invente, dans une logique que lui dicte son temps, un nouveau "genre artistique" : la "mise en fiches". Elle devient la signature de Rubinstein. L'idée de segmenter son texte en l'inscrivant, phrase après phrase, sur de simples fiches perforées, lui a été suggérée par son quotidien de bibliothécaire, par les pratiques picturales de démultiplication du Pop Art américain, et par l'espoir qu'un discours donné à "voir" en pièces détachées serait capable de réveiller le lecteur-auditeur engourdi par le soviétisme ordinaire. Ainsi s'est construit un objet "rubinsteinien", incongru et jubilatoire, qui déstabilisait les représentations familières. Livré maintenant sous forme de livre, il continue à nous faire douter à la fois des mots et du monde, mais, du même mouvement, leur donne vie. Ses textes sont connus et traduits dans la plupart des langues européennes. En Russie, il a depuis longtemps trouvé son public grâce à des lectures performances personnelles, à des recueils bien édités (Limbach et NLO) et au spectacle vivant : mises en espace, ballet, travail en musique, etc. Un recueil complet de ses textes-sur-fiches (1975-2008) est paru en 2015 à Moscou (La Grande Cartothèque, Éditions Novoe Izdatelstvo). Le présent livre s'appuie sur cette édition.

11/2018

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Littérature étrangère

Au milieu du chemin de notre vie

« Oui, ma poétique est une poétique de policier ; je recueille des faits : je n’écris pas un livre, je rends témoignage ». Depuis sa chambre au baraquement communautaire de Litvinov, dont la porte s’ouvre seule, et claque, à toute heure du jour et de la nuit, le narrateur évoque, en instantanés, l’immédiat après-guerre, l’enthousiasme des premiers mois du socialisme tchèque, puis la fureur hallucinée du stalinisme, sa bêtise, et l’avilissement de tous par la peur, enfin son propre quotidien, dans les années 50, l’amélioration matérielle des conditions de vie : « La révolution, quant à elle, a voilé son sein nu, elle engraisse et passe des soirées entières devant sa télé ». Les gosses du quartier, l’endormisseur professionnel qui échoue chaque nuit à endormir l’avocat insomniaque, les ouvriers, les amoureux, en quelques traits, comme Isaac Babel, le Mandelstam de la Quatrième prose ou le Boulgakov des Ecrits sur des manchettes, Jedlicka trace d’inoubliables portraits. Mais son cri de douleur et son espérance malgré tout, lui donnent encore une dimension particulière. Tissant sa vérité du détail des choses vues et du défilé contingent des destins croisés entre 1948 et 1956, entre les rues de Prague et les paysages dévastés des Sudètes, entre utopie et désespoir, l’image présentée ici de la période stalinienne en Tchécoslovaquie est d’une force poétique impressionnante. La réflexion sur la condition humaine que l’auteur y amorce est d’une profondeur qui ne pourra manquer d’interpeller le lecteur auquel, en ce début de XXIe siècle, on voudrait faire admettre la fin de l’histoire. Ce livre immense, inexplicablement, était resté inédit en français jusqu’à ce jour. La vie quotidienne d’une ville minière tchèque dans les années cinquante. Un texte d’une beauté poignante, empreint à la fois de lyrisme et d’humour, sur la fuite du temps, la trahison des espérances et l’échec d’une révolution.

01/2011

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Littérature étrangère

Requiem pour une révolution. Le grand roman de la Révolution russe

Alors qu'il avait immigré, adolescent, à New York pour fuir les pogroms de, sa Russie natale, Alexander Til retourne àPetrograd à la veille de la révolution d'Octobre. Il s'engage dans le mouvement bolchevik, dans l'espoir de transformer la Russie en une société libre et égalitaire. Commence alors un périple mouvementé, qui le voit prendre part à chaque séquence de la grande révolution : idéaliste enflammé, il devient bientôt le témoin, horrifié des atrocités perpétrées au nom de la cause, qui plongent le. peuple russe dans des abîmes de souffrance. Entouré de Lili Ioussoupova, la sublime princesse rouge soeur de l'assassin de Raspoutine -, dont il tombe fou amoureux malgré lui, d'Atticus Tuohy, un mercenaire russo-irlandais au coeur noir; et de Ronzha, poète visionnaire qui a pressenti les purges staliniennes, il avancera pendant plus de trente-cinq ans aux côtés, tour à tour, de Trotski, Lénine et Staline, croyant en eux, doutant d'eux et enfin s'y opposant, toujours s'efforçant de trouver un sens à là marche terrifiante des événements, jusqu'à ce que l'horreur de la réalité. ait définitivement raison de ses roues. Avec sa maîtrise et son brio habituels, Robert Littell associe étroitement l'histoire et la fiction, imaginant un dénouement audacieux pour aider la Russie à sortir de l'enfer dans lequel l'ont plongée la folie de ses dirigeants et les dérives de l'idéologie. Tout au long de cette fresque portée par un souffle d'une rare puissance, initialement parue en 1989, Littell dessine le grand roman de la Révolution russe, comme il donnera, quinze ans plus tard, La Compagnie, son grand roman de la CIA. Et se repèrent déjà ici les traces d'une inspiration qui conduira à son roman consacré au poète Mandelstam, L'Hirondelle avant l'orage, qui mettra en lumière le rôle vital que l'art peut jouer dans la lutte contre le pouvoir.

03/2014

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Critique littéraire

Boris Pasternak

Pasternak est, avec Mandelstam, Tsvétaïéva et Akhmatova, l'un des « quatre grands poètes » que nous aura donnés le vingtième siècle russe. C'est aussi l'auteur du mondialement célèbre Docteur Jivago, dont la parution, en Italie, lui a valu d'être banni de l'Union des écrivains et de devoir refuser, en 1958, le prix Nobel de Littérature. Son recueil inaugural, Ma sœur la vie, à l’été 1917, invente une poétique de l’instant, où des « millions de révolutions » intimes font signe à l’histoire. L’époque, que domine bientôt le « démon du temps » Staline, fait de Pasternak, malgré lui, un poète épique. S’il a pensé un instant dire oui au monde soviétique, c’est pour le refuser avec une force accrue dans un vaste roman qui proclame, sous un ciel de guerres et d’insurrections, la prééminence de l’amour et de la poésie sur toute politique. La tragédie collective et celle de l’écrivain – amours passionnées, souffrances familiales, arrestations de proches, morts et séparations, sourd combat avec l’officialité, esquives ou actes de courage – se racontent ensemble, faisant de la vie même de Pasternak, amère et heureuse à la fois, la chronique d’un siècle cruel. Journaliste et très bon investigateur, mais aussi poète et romancier, Dmitri Bykov a utilisé, pour élaborer ce livre, la plupart des sources aujourd’hui disponibles. Son admiration pour Pasternak, la connaissance minutieuse qu’il a du personnage, son impartialité, sa verve font de cette immense enquête un ouvrage qui ranime et rénove tout ce que l’on savait du poète – le contexte littéraire, familial, culturel et politique – et qui invite, au fil des pages, à une relecture active de son œuvre.Personnage marquant de la scène littéraire russe, Dmitri Bykov (né en 1967) est romancier, poète, mais aussi présentateur de télévision et journaliste. Il est l’auteur de plusieurs recueils de poèmes et de nouvelles, ainsi que de cinq romans, dont la Justification, publié aux éditions Denoël en 2002.Traduit du russe et annoté par Hélène Henry

10/2011

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Ecrits sur l'art

Les dialogues du Louvre

Les dialogues du Louvre Chagal, Sam Francis, Giacometti, Miró, Newman, Riopelle, Soulages, Steinberg, Bram van Velde, Vieira da Silva, Zao Woo-Ki Une coédition La Barque, Le Louvre Ouvrage illustré d'oeuvres des artistes présents et de tableaux convoqués dans les dialogues. Ecrivain, critique d'art... , Pierre Schneider (1925-2013), ainsi que lui-même définit sa démarche, était un essayiste, "avec la liberté - mais aussi les risques - que ce genre indéfinissable comporte". C'est aussi que, ayant dû fuir jeune homme l'Allemagne nazie jusqu'aux Etats-Unis ("en Amérique" disait l'auteur) en passant par la France qu'il fut contraint de fuir également, il avait "cessé d'être restreint par les limites d'une frontière" , y compris donc celles d'un genre bien déterminé. Aussi s'efforça-t-il, en élargissant ses convictions comme son savoir, "d'échapper à la spécialisation quelque peu paralysante" , et de décloisonner l'art et l'histoire des idées. Il ouvra de même "la nature du regard jeté sur l'art" , comme ici avec ce livre, par le fait même d'accueillir amicalement la parole de quelques-uns des artistes les plus considérables de la seconde moitié du XXe siècle avec lesquels il s'était rendu au Louvre, faisant et donnant de chacun d'eux un portrait "vivant" à cette occasion : Chagal, Sam Francis, Giacometti, Miró, Newman, Riopelle, Soulages, Steinberg, Bram van Velde, Vieira da Silva, Zao Woo-Ki - chacun dont il fut le contemporain, et parmi lesquels comptèrent certains de ses amis (Riopelle ou Sam Francis notamment, mais aussi Bram van Velde), choisi "parmi ceux qui [lui] semblaient suffisamment en froid avec l'opinion, le savoir établis pour ne pas être prévisibles". "Il s'agissait, précisait-il, tout au plus, d'un espoir". Restitution "d'un univers englouti dans le silence" , chacun de ces dialogues a donc eu lieu au musée du Louvre, "sur le même fond de signifiance" . Pour autant, il ne s'agit pas d'un livre d'entretiens stricto sensu, mais, rappelant le Dante de Mandelstam, d'une approche mêlant l'entretien lui-même à l'essai. Ainsi le témoignage côtoie-t-il l'interprétation ou le commentaire, comme le passé le présent... Façon pour l'auteur d'une monographie importante de Matisse, fruit d'un travail de longue durée, de poursuivre avec ce livre de dialogues son entretien intérieur, comme on le dirait d'une expérience intérieure, avec l'art.

11/2023

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Revues Poésie

L' ÉTRANGÈRE N°59. Revue de création et d’essai

Nous retrouvons dans ce numéro de L'étrangère des suite poétiques, celle Michael Palmer, poète américain contemporain dont l'importance fait l'objet d'une reconnaissance de plus en plus manifeste, lequel propose une suite chargée d'impressions centrées sur la lumière et ses ombres, déclinées sous ses multiples manifestations. Nous avons sollicité des textes de plusieurs jeunes auteurs(es) afin de rejoindre au plus près ce qui est vécu du monde tel qu'il s'offre de nos jours, pour dire à la fois son éclatement, afin de mieux faire entrer la poésie dans les débats auxquels nous ne pouvons pas nous dérober, laquelle transcende par l'articulation des différentes dimensions expressives sur lesquelles elle se fonde : de Mathieu Nuss à Adèle Nègre et Alexis Audren, de Myette Ronday à Denis Ferdinande et Guillaume Artous-Bouvet, ou encore ces poésies de Fanny Lambert et d'Isabel Guerrero. Cette dernière nous offre des textes qui sont ses toutes premières publications. Les héritages poétiques des uns et des autres, si différents soient-ils, marquent des convergences de sensibilités, une attention àl'époque et les figures sous lesquelles elle se décline. Une attention à l'inscription de la poésie, ou encore, en textes portés par une prose poétique, peut prendre la forme d'une pièce dramatique. C'est ce que nous propose ici Henri-Pierre Jeudy, confronté à la réalité rugueuse de la vie qui est aussi l'exigence de confronter la mort dont la parole ici donne lieu à un dialogue soutenu par cette volonté de vérité. Le volume de clôt avec un essai de Claude Le Manchec consacré au poète André du Bouchet, dans la perspective où celui-ci fut et est resté jusqu'à la fin de sa vie très proche et très sensible autant qu'attentif aux oeuvres d'Ossip Mandelstam comme de Varlam Chalamov, et de bien d'autres. Pierre-Yves Soucy : Ouverture : Retour sur le réel et sur ce qui se dérobe ; Michael Palmer : Mouvements ténus / Light Moves ; Henri-Pierre Jeudy : Palinodie ; Fanny Lambert : Rondements ; Alexis Audren : sauf le sauvage ; Isabel Guerrero : lucide wild ; Mathieu Nuss : Abois ; Adèle Nègre : Volées, feuillets très concrets, défets ; Denis Ferdinande : Divers plateaux ; Myette Ronday : Légers ressacs ; Guillaume Artous-Bouvet : Sel du sel (extrait) ; Claude Le Manchec : Le silence d'André du Bouchet.

10/2023

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Poésie

Le Soleil d'Alexandre. Le cercle de Pouchkine 1802-1841

En Russie, depuis deux cents ans, chaque écrivain, chaque courant, chaque époque peut se retrouver dans Pouchkine, car celui-ci est un miroir, le lieu de la reconnaissance de toute personne de langue maternelle russe. André Markowicz propose dans cet ouvrage de découvrir en quoi la conversation que Pouchkine a établie par textes interposés avec les poètes de sa génération a durablement marqué la littérature et la pensée russes jusqu’à nos jours. Cet ouvrage remarquable par son ambition vient rendre hommage à la génération brisée par le 14 décembre 1825, jour du coup d’Etat manqué contre le tsar Nicolas ier, coup d’Etat qui avait été organisé par de jeunes aristocrates, pour la plupart officiers des guerres napoléoniennes, indignés par le servage et l’absolutisme. La répression qui s’ensuivit fut d’une ampleur inégalée, et le règne de Nicolas ier devint celui de la censure, de la délation et des arrestations. Des poètes et écrivains qui faisaient partie de ce que l’on appellera les décembristes, la plupart mourront avant d’avoir passé la cinquantaine, victimes de la violence du régime. Mais ils n’ont cessé, tout au long de leur vie, de se fréquenter, d’échanger, de s’écrire et d’écrire en réponse les uns aux autres, entretenant une conversation destinée à devenir le fondement de la culture russe. C’est de cette conversation – qui n’a pas d’équivalent dans la littérature occidentale puisqu’elle s’est poursuivie, au-delà de la mort, à travers les textes et la mémoire, avec tous les écrivains russes qui ont suivi – que Le Soleil d’Alexandre voudrait donner un aperçu, en plaçant au centre celui qui n’a jamais quitté cette place depuis son apparition, à quinze-seize ans, dans les cercles littéraires : Alexandre Pouchkine. Depuis deux cents ans en effet, Pouchkine a toujours été au centre de tous les débats intellectuels, de toutes les interrogations et affirmations identitaires en Russie – de son vivant et, bien plus encore, après sa mort. Pas un seul écrivain (à part Tolstoï et Tchekhov) qui ne lui ait consacré un texte – de Gogol à Dostoïevski, de Blok à Maïakovski, des futuristes les plus radicaux à Anna Akhmatova, de Mikhaïl Boulgakov à Marina Tsvetaïéva, de Soljenitsyne à Siniavski… Quant à Tolstoï et Tchekhov : qui peut lire Anna Karénine sans penser aux lettres de Tolstoï affirmant qu’il s’est lancé dans la composition de ce roman après avoir relu toute la prose de Pouchkine ? Et qui peut lire Les Trois Sœurs sans voir le rôle qu’y joue le prologue de Rouslan et Lioudmila ? En décembre 1917, Mandelstam écrivait dans les strophes de “Cassandre”, avec d’autres poèmes de révolte et de combat, devant l’avènement de la dictature bolchévique et l’écroulement de l’ancien monde qu’elle portait en germe : Malade, silencieuse Cassandre, je n’en peux plus, pourquoi, Luisait le soleil d’Alexandre, Voici cent ans, luisait pour tous ? Le soleil d’Alexandre, c’est celui d’Alexandre Pouchkine.

09/2011

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Littérature française

Un homme de plus

Le poète, essayiste, traducteur du grec (Yannis Ritsos, Constantin Cavafis...) et du tchèque (Vladimir Holan, Jaroslav Seifert), Dominique Grandmont (né le 25 janvier 1941), nous confie ici un livre considérable de pensées et d'Histoire(s), où par la mémoire du récit se réinvente l'autobiographie, le long de 12 chapitres et un épilogue, plus particulièrement tourné vers la Grèce, pays de prédilection de son auteur qu'il nous donne à découvrir comme son " enfance impossible à partager " (Chap. X), avec toutefois, en des sauts périlleux, des points de fuite (parfois par de simples retours à la ligne) en Russie et en France. Livre d'une vie ou de vie, la vie le fondant, fondant son écriture-même en rien formaliste, se pouvant être rapproché sur certains aspects, dans l'enchantement de la pensée et sa lucidité, du Voyage en Arménie de Mandelstam et Le Métier de vivre de Pavese. Traces subtiles mémorielles, des années 1950 à nos jours, de voyages, d'êtres rencontrés (Ritsos et Aragon pour les plus célèbres, mais aussi d'hommes et de femmes oubliés de l'Histoire : ouvriers, guides, gens de cafés, danseurs et musiciens, poètes...), au travers desquels ce que nous sommes se trouve interrogé " puisque c'est de l'imaginaire qui entre dans un réel dont il [le narrateur] ne ressortira plus " (Chap. I), puisque aussi écrire crée un fait : " Ce n'est pas moi, la première personne. C'est le moyen le plus sûr de relier les temps et les lieux sans mélanger les dates. " (Chap. I) Ou encore, écrit-il, nous aiguillant sur le sens du titre donné à cet ouvrage, Un homme de plus : " C'est parce que je n'y comprends rien que la vérité existe, et que j'arrive à exister en dehors de cet inexplicable qui nous constitue. Je ne puis croire qu'à l'impossible pour essayer de le comprendre, et c'est ce que j'ai sous les yeux. C'est à ce titre-là qu'écrire est un sacrement d'obscurité où l'écrivain n'est jamais qu'un homme de plus, même s'il est choisi par ceux qui lui demandent de porter la parole commune. " (Chap. XII) Ecriture éminemment poétique, comme en témoigne encore cet extrait, parmi bien d'autres, dans ce passage situé cette fois à Moscou : " De jour comme de nuit, les corbeaux viennent tournoyer autour de l'étoile rouge qui surmonte la tour Saint-Sauveur, à l'entrée du Kremlin. Ils jouent à se pourchasser ou à se laisser porter par les remous de l'air chaud, sous la neige protectrice qui ne cesse de tomber. Je les vois ralentir dans leur vrille ascendante, avant de s'imprimer dans la marge blanche de la nuit pour lancer des éclairs de connivence sauvage, comme des mouettes sur une mer obscure que le sel d'argent de la mémoire aurait inversée. " (Chap. X). Poésie et politique inconciliables, semble-t-il, car ce qu'il nomme ses " camarades " sont " ceux dont la politique ne rendrait jamais compte, ou qui n'avaient pas le temps d'attendre l'ascenseur, cette femme d'un soir dont les doigts tremblaient tellement que les billets de banque semblaient se multiplier dans ses mains, ou celui qui rit tout seul sur la place déserte comme un cheval qui hennit, ceux qui ne sont pas revenus parce que j'avais lu sur un mur en Grèce qu'en dehors de l'impérialisme et des monopoles, il y avait la solitude. " (Chap. VIII)

10/2019

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Littérature française

Une autre clarté. Entretiens 1997-2022

Dès le premier des entretiens sur la poésie ici réunis, et qui portent sur vingt-cinq années de publication, de Garde-manche hypocrite (1996) au Traité des Sirènes (2021), Philippe Beck se réfère à "l'autre clarté" propre à la parole poétique, dont parle Hölderlin, et à son désir de re-simplifier une poésie à laquelle on a pu faire le reproche d'hermétisme. Chesterton, dans son livre sur le poète anglais Robert Browning, lui aussi en son temps accusé d'être obscur et plus philosophe que poète, a montré de manière lumineuse que l'obscurité de Browning "avait une origine radicalement opposée à celle qui lui était attribuée. Il était inintelligible non parce qu'il était orgueilleux mais parce qu'il était humble. Il était inintelligible non parce que ses pensées étaient vagues, mais parce que, pour lui, elles étaient évidentes". Chez Philippe Beck, la volonté de s'expliquer et la manière dont il le fait dans cette somme ininterrompue d'entretiens, sont sans doute les plus évidentes manifestations de cette humilité paradoxale et de la clarté de ses pensées. Quiconque se plongera dans la lecture de ce livre, devrait pouvoir y glaner ce qu'on peut lire de plus juste et de plus éclairant sur ce que peut être un art poétique contemporain. Parlant de lui-même, de sa pratique de poète, répondant, au fil des années, à des interlocuteurs qui vont du poète Henri Deluy au musicien Tedi Papavrami en passant par l'écrivain Pierre Michon ou le philosophe Alain Badiou, ne cesse de clarifier non seulement son oeuvre propre et son rapport aux poètes qui l'ont nourri (Hölderlin, Coleridge, Hopkins, La Fontaine, Verlaine, Mandelstam...) mais surtout "cette bizarre activité identifiable, qui s'appelle Poésie" . Tout au long de ces pages, la poésie est sans cesse interrogée, redéfinie de la manière la plus éclairante qui soit. Devant la richesse du contenu, on ne peut que citer ici, un peu au hasard quelques exemples de cette lucidité. Qu'il s'agisse du rythme : "Il n'y a pas de vérité indépendante du rythme. Le rythme poétique n'est pas le rythme qui décore la vérité. Non, la vérité a un rythme d'emblée. La poésie est donc l'essai pour dire le rythme de la vérité, le rythme du vrai". ; du poète comme chercheur et de son rapport à la tradition : "L'écriture d'un coeur chercheur est une écriture moderne, nourrie d'ancienneté vivante". ; de l'apport de Beckett à la langue française : "Lui qui était irlandais a capté du vivant dans la langue française, mieux qu'un Français moyen, ou bien en s'appuyant à l'idiome moyen. Sa condition d'étranger n'est pas la raison de la trouvaille. Ou plutôt : il a le recul polyglotte pour faire vivre une langue française à la fois hybride et expressivement fossilisée". ; de la responsabilité du poète (ou du romancier) face à l'histoire : "On ne peut évoquer les événements historiques et les personnages de l'Histoire, on ne peut les évoquer en poème ou en poésie qu'en vertu de l'attention humiliée ou de cette exactitude qui implique d'abord la transformation de soi en personnage, y compris en personnage fusible". ; de son prétendu hermétisme, enfin : "Le procès en hermétisme donne l'occasion de rappeler que l'abstraction n'est pas un retrait hors du monde, mais très exactement l'analyse de ses fines composantes, la tentative pour trouver le "fort balancement du vrai" déposé en lui. Ce processus a lieu dans des phrases scandées et articulées de façon suggestive et non entièrement explicite, de sorte que le lecteur soit lui-même conduit à penser le monde". Il n'est pas plus belle façon de dire de quelle manière la poésie peut être, aujourd'hui encore, agissante.

03/2023

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Littérature française

Idées de la nuit. Suivi de L'Homme-Balai

Idées de la nuit poursuit, dans sa forme quasi nietzschéenne, faite de courts chapitres qui sont autant de poèmes en prose, le chemin ouvert par Traité des sirènes, paru il y a deux ans au Bruit du temps. Mais, si la musique n'est pas absente du présent livre, avec des chapitres comme "Le chant dehors" , ou "La cigale" , la réflexion porte ici, de manière plus générale, sur la poésie, le fait poétique de la lumière : comment cette "autre clarté" qui, chez Hölderlin est donnée au poète mais qui, pour Philippe Beck semble dans le tunnel de l'époque sans cesse rejetée, et devant donc être tout aussi inlassablement cherchée, gagnée sur l'obscurité. Tout le livre peut apparaître comme une suite de variations sur ce thème des relations du clair et de l'obscur, de la poésie et de la nuit ; en même temps qu'il propose une sorte de panorama de ce thème poético-philosophique, de Platon ("La fin de la caverne") aux romantiques ("Le goût pour la nuit, une bizarrerie") et jusqu'à Mandelstam ("Projet de suppression de la lune"). Mais il y a surtout, dans ces pages, une tentative de créer une sorte de nouvelle cosmogonie, une "phénoménologie spéculative frottée de réel" , pour reprendre les mots que lui-même utilise pour définir l'oeuvre de Merleau-Ponty. Et cela afin de décrire de manière absolument inédite le monde, l'homme, l'origine de la pensée, en n'hésitant pas à convoquer les "tournoiements intuitifs" de l'étonnant Jean-Pierre Brisset (dont on doit la redécouverte à l'Anthologie de l'humour noir d'André Breton). Philippe Beck affirme ici une fois de plus son refus de la nuit pure de l'idéalisme platonicien, sa volonté de décrire notre condition d'hommes reliés par les paroles et les pensées, et plaide pour le poète chercheur qui fait danser les idées ou joue le rôle de l'éclaireur, sachant que ce monde-ci détient tous les secrets qu'il exprime. L'homme-balai, le deuxième livre de ce recueil est comme une mise en application pratique de cette ambition proclamée. Dans ce Journal de "non confinement" (parce qu'il ne s'agit en rien d'un journal intime mais de paroles non-cloisonnées, toujours adressées à un autre que soi) tenu quotidiennement en 2020, Philippe Beck tente de comprendre le sens de l'expérience que fut ce "moment de césure évidente" et de contrainte sédentaire. Il analyse en philosophe et en poète les éléments qui ont été le propre de ces journées - les applaudissements aux soignants ("La parole des mains"), le masque ("La rareté masquée"), etc. Un tel regard, sans cesse nourri de citations merveilleusement appropriées, se révèle particulièrement réjouissant et éclairant lorsque, au coeur du livre, Beck pousse à son terme l'idée de Swift voyant dans ses contemporains affublés de perruque des hommes-balais et montre que l'homme pollueur d'aujourd'hui, soulevant lui-même une poussière qu'il peine à effacer, est en réalité à l'inverse du sympathique balai "rendant propre en étant sale lui-même et aidant à nourrir le feu" . Ou lorsque, moderne La Fontaine, il convoque pour décrire le monde dans lequel nous vivons "des animaux respectés et réels (non idéalisés), exactement comme aux fables" . Philippe Beck, tout au long de ces pages, ne cesse de mobiliser une armée de métaphores, seules armes selon lui capables de former "une santé, une force de découpe dans les douleurs, pour aider à montrer les yeux différents qui regardent des choses prochaines" . En réponse aux "extrêmophiles" , il ose opposer la bonté profonde du poète qui "crée de nouvelles images actives" .

03/2023