Recherche

Bêtise chronique

Extraits

ActuaLitté

Esotérisme

Collision avec l'infini. Une vie au-delà du moi

Un classique de la spiritualité contemporaine enfin traduit Voici un livre extraordinaire (1re édition originale en 1996). Il s'agit du témoignage unique d'une femme, d'une Américaine qui vit sans s'y attendre une expérience spirituelle fulgurante. Alors qu'elle séjourne à Paris en 1982, elle s'éveille à la vacuité et découvre une dimension au-delà du moi personnel. Mais n'ayant pas les connaissances spirituelles pour l'intégrer dans son quotidien, seule et sans maître, sans lien avec une tradition particulière, elle devra traverser de difficiles épreuves psychologiques et un sentiment angoissant de dépersonnalisation. Errant de thérapeute en thérapeute, essayant désespérément de se guérir du fait de n'être personne, parce que personne dans son monde ne savait que faire de son expérience, après une douzaine d'années de traversée du désert de ce qu'elle décrit comme un hiver spirituel, elle a émergé dans le printemps radieux de la pleine réalisation non-duelle. Il lui faudra de longue années pour qu'elle comprenne enfin qu'elle était en train de vivre en fait une expérience spirituelle d'éveil et pour l'intégrer dans sa vie. Parce qu'elle s'est éveillée sans enseignant ni tradition, et parce que ses descriptions détaillées de la façon dont le Soi opère à travers les corps-esprits pour se réaliser sont puissamment originales, ce livre est d'une valeur inestimable. Dans cette autobiographie profonde, claire et précise, Suzanne fait la chronique de son voyage vers l'éveil et, ce faisant, elle transmet la sagesse qui s'est révélée à elle. Suzanne n'a jamais prétendu être une enseignante, préférant se présenter comme descriptrice de ce que signifie vivre dans l'immensité. Un classique de la spiritualité. Témoignages " Le livre que vous tenez entre vos mains est en feu, et les étincelles qu'il dégage ont le potentiel de déclencher une conflagration qui fait voler en éclats votre monde (un monde confortable et illusoire construit autour d'un moi séparé inexistant) et qui révèle l'immensité et le mystère de qui vous êtes vraiment. Je suis impressionné par la puissance de pénétration de l'histoire de Suzanne Segal, ainsi que par la profondeur et l'autorité de ses paroles. " Stéphane Bodian " La question de savoir si une expérience traumatisante est nécessaire pour que l'illumination se produise est discutable, mais c'est ce qui est arrivé à Suzanne Segal. Dans son livre, elle décrit toute l'histoire de manière sincère et lucide, avec des mots simples et un style fluide qui m'ont fasciné. A toute personne intéressée par le sujet, je dirais : "Lisez ce livre ! " " Ramesh S. Balsekar " Le récit fascinant et profondément émouvant d'une puissante ouverture spirituelle et du processus de compréhension et d'intégration qui s'ensuit. Ce livre dissipe certains de nos mythes les plus chers sur l'éveil spirituel, en particulier celui selon lequel il s'agit d'un processus facile et plein de béatitude. L'éveil n'est pas la fin du chemin, mais le début d'un voyage parfois difficile. " Steve Taylor " Collision avec l'infini est comme un diamant en feu avec un esprit vivant, et un témoignage sur les façons étranges et merveilleuses dont l'éveil spirituel peut éclater de façon imprévisible chez n'importe lequel d'entre nous, à tout moment. Lisez ce livre pour ce qu'il est, une révélation contemporaine de la façon dont la présence spirituelle a pris vie chez une femme extraordinairement ordinaire, et comment elle l'a incarnée tout comme le ciel incarne une étoile filante. " Adyashanti " Collision avec l'infini est un livre important qui nous donne une description fascinante et directe d'un éveil spontané. Il s'agit d'un récit très personnel de l'expérience de la dimension impersonnelle de notre réalité. Susanne Segal décrit magnifiquement sa rencontre avec différents enseignants et enseignements pour l'aider à passer de l'absence et de la perte du moi au déploiement du vide et de la plénitude. " Loch Kelly

03/2023

ActuaLitté

Histoire de l'art

Iris. Time unlimited (1962-1975)

Iris Clert : peu de noms de galeristes aimantent autant que celui-ci. Pour des générations d'amateurs d'art, elle demeure l'icône flamboyante de l'effervescence artistique parisienne de l'après-guerre. Active du milieu des années 1950 au début des années 1980, elle accueille dans ses galeries successives, Rive gauche puis Rive droite, des expositions mythiques tels Le Vide d'Yves Klein en 1958 et Le Plein d'Arman en 1960, ainsi que certains des artistes les plus importants du XXe siècle comme Pol Bury, Gaston Chaissac, Bill Copley, Lucio Fontana, Leon Golub, Raymond Hains, Ad Reinhardt, Takis et Jean Tinguely. Si cette liste d'artistes, non exhaustive, lui confère évidemment une place de choix dans l'histoire de l'art contemporain, Iris Clert fut aussi - et c'est l'un de ses grands apports - l'inventrice de formats d'exposition et de communication inédits, comme en témoigne sa revue iris. time unlimited. Conçu pour renouveler sa manière de communiquer alors qu'elle emménage Rive droite au début des années 1960, Iris Clert publie pendant treize ans un feuillet de quatre pages, régi par une double ligne rédactionnelle : d'un côté, annoncer et promouvoir les expositions de la galerie et, plus généralement, informer sur le monde de l'art contemporain et son actualité ; de l'autre, proposer un espace de création propice à des interventions comiques, absurdes et polémiques. Le premier numéro paraît le 6 octobre 1962, le dernier numéro en avril 1975. La longévité de la revue est à noter dans un milieu où les expériences de ce type sont généralement éphémères. Chaque numéro présente des caractéristiques communes, tant au niveau du contenu que de la maquette. Reprenant le principe des unes de France-Soir, celles d'iris. time unlimited présentent le titre du journal encadré par deux oreilles, le portrait de la galeriste à gauche et celui de l'artiste de l'exposition annoncée à droite, une tribune ou gros titre et une photographie d'oeuvre en grand format, sous un bandeau d'informations légales. Le tirage oscille entre 4 000 et 6 000 exemplaires tandis que la liste des abonnés contient près de 450 noms. La fréquence de parution est variable, tributaire du rythme des expositions et des séjours d'Iris Clert à l'étranger. La publication accueille des collaborateurs plus ou moins réguliers, des rubriques plus ou moins récurrentes. Parmi celles-ci, des chroniques sur la vie artistique parisienne, des revues de presse, des jeux, des publicités, des présentations de critiques, le " Point de vue d'Iris ", des billets d'humeur, les " Ragots de la galerie ", des petites annonces loufoques et, bien sûr, un horoscope réalisé par la voyante d'Iris Clert. " Mon petit journal, commencé à la blague, deviendra une oeuvre d'art en soi. C'est une symbiose de mystification et de démystification où l'humour a tous ses droits ", résume Iris Clert dans ses mémoires. Bien plus qu'une curiosité de bibliophiles, iris. time unlimited demeure aujourd'hui une référence pour de nombreux éditeurs et galeristes. Collectionné par les bibliothèques universitaires américaines et européennes spécialisées en histoire de l'art et les centres de documentation des musées du monde entier, iris. time unlimited incarne le style qu'Iris Clert a imprimé dans le monde de l'art, mélange de sociabilité, d'humour, d'excentricité et de créativité. Grâce à cette nouvelle impression en fac-similé, au papier et format identiques à l'original, cet ovni éditorial est désormais à la portée de tous. La reproduction complète des 46 numéros est accompagnée d'un livret contenant un texte du critique et historien d'art Clément Dirié, auteur de l'ouvrage remarqué Iris Clert. L'Astre ambigu de l'avant-garde (2021), de photographies ainsi que des biographies des contributeurs et d'un index des abonnés. Sa publication célèbre au jour près le soixantième anniversaire de la parution du premier numéro d'iris. time unlimited.

02/2023

ActuaLitté

Essais

Je parle aux fétiches

Sans jamais lâcher la robe de l'avocat, Emmanuel Pierrat nous parle des sept vies qu'il mène à chaque instant du jour et de la nuit. De la plaidoirie à ses échanges nocturnes avec des fétiches, on songe au Cicéron, l'auteur De la divination. MEME SOUS LA ROBE DE L'AVOCAT, Emmanuel Pierrat vit constamment avec la parole. De la plaidoirie au palais de justice, jusqu'au moment d'intimité avec son client, à huis clos dans son bureau, l'autre est son semblable parce qu'il parle. Lorsqu'il écrit il parle, il écrit et en même temps il improvise, il est dans la théâtralité. Lorsqu'il se couche, au lieu de parler au miroir de la salle de bain, il parle à des masques, à des statues, à des objets. Il parle aux fétiches et les fétiches le font parler. Il aime dire d'un seul coup à haute voix ce qui peut être très intime. Au moment où il parle au fétiche, le fétiche s'humanise, il se produit quelque chose de l'ordre de la faille, de la fêlure, de quelque chose qui met en danger ses propres raisonnements. Il sait à quel point les mots peuvent être violents, il les utilise pour accuser, pour défendre, pour jouer des vies. Troublé de l'éveil, collectionneur de fétiches, bibliophage d'ouvrages licencieux et rares, auteur de romans érotiques, avocat au barreau de Paris, il y a en Emmanuel Pierrat du Cicéron, brillant orateur, avocat, homme d'état qui à la fin de sa vie nous lègue son oeuvre majeure, De la divination, il y a dans Emmanuel Pierrat du Apulée, l'orfèvre de la langue latine, l'auteur des Métamorphoses et du discours De la Magie tenu devant le tribunal où il est accusé de sorcellerie. Emmanuel Pierrat porte la voix, la sienne, celles des accusés, des absents, des fétiches, des sans voix. "Vous laissez l'homme dans ses pulsions, c'est la cata, dit-il, parce que l'homme n'a qu'une envie, tuer et violer son voisin". Alors il prend avec lui une partie de la charge et du fardeau d'un sujet, advocatum, il porte la voix de l'autre. Sous la robe de l'avocat, il y a l'homme qui traque, jour et nuit, les lieux où la voix vient à manquer. Le jour, comme ces témoins muets que sont les pièces à convictions, dans un procès criminel, devant une cour d'Assises, rangées dans une vitrine, ou les objets exposés dans une vitrine du Musée de Dakar qui l'ont plongé dans une sorte d'état de grâce, d'où il en est sorti fervent collectionneur d'art africain. Quand Philippe Bouret lui demande quel est son rapport à la psychanalyse, Emmanuel Pierrat répond : "Je me tiens à une certaine distance de la psychanalyse, dans la mesure où les réponses viendraient éclairer ma fringale de fétiches, ou répondre à mon refus du vide, où elle viendrait expliquer le mécanisme de mes accumulations, mon rythme de vie sans fin, et cent mille autres choses qui font partie de mon moteur et sont mes carburants essentiels, j'ai très peur en fait que la psychanalyse ne me dise. ". . Il a vécu en Inde où on croit à la réincarnation et à la possibilité de vivre sept vies, lui qui est athée, il a décidé de mener sept vies dans une vie, il est Shiva Nataraja dansant avec ses multiples bras, qui combat, dirige, danse, qui fait de l'art africain, de la franc-maçonnerie, du cabinet d'avocat, du Palais de justice, des livres, des voyages, des débats télévisés, des chroniques hebdomadaires, du Musée du barreau de Paris, du Musée du Quai Branly, qui donne des interviews et tout cela en même temps.

10/2022

ActuaLitté

Société

Tourism in the Climate Change Era. Le tourisme à l'heure du changement climatique

Ces dernières années ont été les années les plus chaudes jamais enregistrées, et de plus en plus de cataclysmes météorologiques prouvent que le changement climatique n'est plus une hypothèse future, mais bien un phénomène présent. La transition d'un mode de vie à un autre oblige la société à s'adapter, à migrer ou à résister, imprimant d'artificielles mutations à l'environnement. Cet ouvrage cherche à explorer comment l'industrie du tourisme réagit aux effets du réchauffement climatique, tels que la diminution des chutes de neige, la désertification, la fonte des glaces polaires et la montée du niveau de la mer. Entre 2015 et 2021, ce concept a donné naissance à quatre projets distincts à travers le monde, qui sont rassemblés ici dans ce livre : Snow Land (Aux pays des neiges), situé dans les Alpes italiennes des Dolomites ; Water Tour, (La route de l'eau) réalisé en Palestine et en Israël ; Iceberg Souvenir (Souvenir d'iceberg), couvrant le Canada, le Groenland et l'Islande ; et enfin, Lost Paradise (Paradis perdu), situé dans la République des Maldives. Dans les Dolomites, des millions de visiteurs se sont habitués à skier sur 1200 kilomètres de pistes artificielles. Nous assistons à un décalage de la saison d'hiver, avec un très net raccourcissement de la période pendant laquelle la neige naturelle peut être appréciée. Afin d'éviter un effondrement culturel et économique de la communauté locale, les acteurs publics et privés ont réagi en reconstruisant artificiellement l'"hiver". De novembre à mars, les Dolomites changent de peau, transformant ses paysages à couper le souffle en toile de fond en un immense parc de neige artificielle. Un Snow Land. Les niveaux d'eau de la mer Morte et de la mer de Galilée ont définitivement chuté en dessous des seuils critiques, et le Jourdain s'est réduit à un simple filet d'eau boueuse. Le processus de désertification en cours s'accentue, aggravant une crise de l'eau déjà chronique dans la région. Ces sites connaissent néanmoins une augmentation de la fréquentation touristique et, afin d'en tirer parti, les hôtels ont mis en place des installations de baignade mobiles qui suivent pas à pas la baisse du niveau de la mer Morte. Paradoxalement, cette industrie du tourisme montre également ses contradictions en plein désert du Néguev, là où l'eau est par définition absente : des hôtels de luxe et leurs piscines garantissent un passionnant Water Tour, coûte que coûte. Les glaces du cercle arctique reculent, tandis que le Canada, l'Islande et le Groenland font face à des températures plus chaudes. L'écosystème se transforme inexorablement, entraînant des fragmentations de glace plus grandes et plus nombreuses. Dans ce scénario apocalyptique, nous voyons des scènes dans lesquelles des touristes tentent de saisir un morceau d'iceberg fondu du pôle Nord d'une main tout en tenant une perche à selfie de l'autre, impatients de capturer le moment. Du Groenland au Canada, en passant par l'Islande, nous assistons à la vente du " vrai Nord ", avec des forfaits de voyage tout compris offrant l'expérience du changement climatique, y compris un Iceberg Souvenir pour seulement cinq dollars. Les températures océaniques en augmentation constante provoquent le blanchissement de l'une des merveilles naturelles les plus magnifiques au monde : le récif corallien des Maldives. Cette incroyable barrière naturelle est désormais menacée par les impacts du réchauffement climatique. De plus, le tourisme de masse, le dragage des fonds marins pour ériger des îles artificielles et l'accumulation de déchets flottants exacerbent cette catastrophe masquée. En conséquence, les Maldives succombent progressivement à l'érosion marine. Mais si le niveau de la mer monte, l'urbanisation sous-marine augmente également. Dans une tentative à court terme pour attirer plus de visiteurs, des entreprises de luxe transforment certains atolls en une sorte d'Atlantis pour touristes. Pour préserver ce qui reste, des murs marins ont été construits, et les touristes peuvent profiter de la vue à couper le souffle de ce Lost Paradise derrière d'inoubliables barrières en béton massif. Bien que le tourisme semble être un secteur périphérique, il joue en réalité un rôle significatif, représentant 10 % du PIB mondial. Les vacances restent un signe distinctif du statut social de la classe moyenne dans le monde entier ; or, dans un proche avenir, nos vacances rêvées pourraient ne plus être qu'un lointain souvenir. Non sans ironie, cet ouvrage tente d'analyser un thème d'importance planétaire : les effets du changement climatique sur nos modes de vie.

10/2023

ActuaLitté

Littérature comparée

Revue de littérature comparée N° 375, juillet-septembre 2020

Neus ROTGER : Le roman comme théorie de l'histoire : théories de l'écriture historique en France au XVIIe siècle (en anglais) Cet article traite de la relation entre l'historiographie et le roman dans la France moderne. Il remet en cause la vision établie qui minore le rôle du roman dans le débat historiographique du dix-septième siècle et avance au contraire que la fiction en prose a joué un rôle important dans la configuration des paramètres théoriques de l'histoire (de la même manière que nous savons comment l'écriture de l'histoire détermine les origines du roman). L'examen d'une série de traités d'épistémologie de l'histoire, allant de Sorel à La Mothe Le Vayer, à Le Moyne, Saint-Réal, Saint-Evremond et Rapin permet de montrer comment le roman participe au processus de réhabilitation d'une discipline en crise. François GENTON : Gellert en France : une bibliographie et quelques réflexions Que reste-t-il de l'oeuvre de Christian Fürchtegott Gellert en France et en français ? Aucun des livres de cet auteur n'est disponible sur le marché du livre en France. Aucune traduction n'a été publiée en France depuis la moitié du XIXe siècle. Ce texte tente de faire le bilan des traductions françaises d'oeuvres intégrales de Gellert ou d'extraits tirés de ses oeuvres et esquisse une description de l'importance en français et en France de cet auteur et de son oeuvre. Ignacio RAMOS-GAY : "An Ingrained Antipathy" : Traduire et adapter le théâtre français en Angleterre, du pillage à la suprématie culturelle (1843-1886) L'objectif de cet article est d'analyser la pratique de la traduction et de l'adaptation d'oeuvres françaises pour la scène londonienne pendant près d'un demi-siècle de la période victorienne (1843-1886). A partir des témoignages de dramaturges, de critiques, d'acteurs et de chroniques journalistiques, il est possible d'observer comment le recours au matériel étranger est conçu, dans un premier temps, comme un exemple de pillage intellectuel qui affaiblit la construction de l'identité nationale autour de l'art dramatique. Dans un deuxième temps, au fil du siècle, ce "vol" ou "pillage" sera conçu en termes positifs, laissant place à une "renaissance" de l'art dramatique britannique. Dans les deux cas, le fondement de l'activité créatrice dans les oeuvres créées en France confirmera ce que certains critiques ont appelé la suprématie culturelle française au XIXe siècle. Aurore TURBIAU : Traversées québécoises en littérature féministe : influences états-uniennes et françaises. Cet article propose d'étudier la manière dont la littérature féministe québécoise s'est constituée, dans les années 1970, en relation avec les productions théoriques et littéraires françaises et américaines. Les Québécoises voyagent aux Etats-Unis et se nourrissent de ce qu'elles y apprennent ; les essais militants les intéressent, ceux de K. Millett, S. Firestone, B. Friedan ; mais le rapport d'influence avec les Etats-uniennes est unilatéral, les Etats-uniennes se souciant assez peu de ce qui se passe au Québec. En revanche, on peut parler de vrais échanges entre féministes françaises et québécoises ; elles partagent essais historiques et féministes, textes psychanalytiques ou littéraires ; elles participent aux mêmes revues et se retrouvent dans des congrès internationaux. Ainsi, au moment des années 1970, on peut parler de "traversées québécoises" : même si la littérature féministe québécoise ne s'est jamais placée en situation de dépendance par rapport aux créations états-uniennes et françaises, elle les a visitées pour en tirer de quoi se construire elle-même, avec ou sans leur participation active. Victor TOUBERT : La bibliothèque inquiète : représentation des bibliothèques chez W. G. Sebald et Pierre Michon Cet article propose de revenir sur la notion de "fantastique de bibliothèque" avancée par Michel Foucault pour étudier les rapports entre savoirs et littérature. Les représentations des bibliothèques chez W. G. Sebald et Pierre Michon semblent en effet ne pas pleinement correspondre au rapport fantastique avec le savoir dont Flaubert était, pour Foucault, le principal représentant. L'étude de ces représentations permet alors de comprendre certaines évolutions des rapports entre les écrivains et les savoirs : construits sur des usages originaux de l'intertextualité, ces représentations comportent une charge ironique et critique, et illustrent un rapport inquiet au savoir.

02/2021

ActuaLitté

Littérature étrangère

Vivre, penser, regarder

Dans “Vivre”, la partie la plus directement personnelle du livre, Siri Hustvedt s’interroge sur son enfance, sur les formes que le désir ou l’imaginaire peuvent revêtir pendant cette période de formation. Célébrant la relation de complicité entretenue avec une mère qui lui a enseigné l’importance de l’autonomie et de la liberté, elle retrace sa quête, encore juvénile, et déjà problématique d’une tentative de définition d’elle-même en dépit de son “étrange tête” sujette à des migraines chroniques qui l’accompagneront tout au long de sa vie. S’attardant sur la notion de contexte familial en ce qu’il a pu donner naissance à tel ou tel personnages de fiction, évoquant son rapport au sommeil et/ou à l’insomnie, ou l’impact, sur son existence, de son ascendance norvégienne, elle aborde la question des fonctionnements et dysfonctionnements de la mémoire affective et le rôle joué par la figure paternelle, dont tout lecteur de La Femme qui tremble (Actes Sud, 2010) sait le rôle qu’il a notamment joué dans l’écriture du roman Elégie pour un Américain (Actes Sud, 2008, Babel n°1006). La deuxième partie de l’ouvrage, “Penser”, moins “anecdotique”, moins “narrative”, propose quant à elle une ambitieuse réflexion sur les liens qui existent entre fiction et mensonge, autobiographie et oeuvre d’imagination. Siri Hustvedt s’y interroge sur la “machinerie” de l’écriture comme sur celle de la lecture, sur la notion de vérité et sur l’amnésie en ses tours et détours. S’attachant à rendre compte de son expérience d’acquisition des instruments d’analyse permettant de mieux saisir les fonctionnements cérébraux, mentaux qui président aussi bien à la maladie (dans le pire des cas) qu’à la création artistique (dans le meilleur), l’essayiste, loin de prôner les vertus du seul jargon ésotérique (dont, tout en le maîtrisant, elle récuse l’utilisation abusive et parfois stérile), s’en affranchit pour rendre compte, avec autant de clarté et de “pédagogie ”que possible (et sans toutefois sombrer dans l’écueil d’une hâtive vulgarisation) de ses propres avancées dans le domaine de la psychanalyse ou des neurosciences, tout en mettant à contribution sa longue pratique d’écrivain et de lectrice des grands textes littéraires qu’elle a intimement fréquentés, aussi bien que des ouvrages les plus exigeants dans le domaine de la philosophie (Kant, Kierkegaard, Ricoeur, Merleau-Ponty, Sartre), de la psychiatrie (Freud, Winnicott, William James, Lacan) ou de la neurobiologie (Jaak Panksepp, Antonio Damasio). Cette partie dont un des chapitres a pour titre “L’Analyste et la fiction”, se clôt sur “L’Aire de jeu de Freud”, conférence prononcée par Siri Hustvedt à Vienne lors des rencontres annuelles Sigmund Freud, en juin 2011. La troisième partie, “Regarder” est consacrée à l’univers des arts plastiques (peinture et photographie en particulier) que Siri Hustvedt n’a jamais cessé de fréquenter à titre personnel aussi bien qu’en tant que critique d’art. On y retrouvera quelques-unes des figures tutélaires qui habitent le panthéon visuel de l’écrivain (de Goya à Morandi, en passant par Louise Bourgeois, Gerhard Richter, Annette Messager, Duccio di Buoninsegna, Richard Allen Morris, entre autres). De même que dans Les Mystères du rectangle (Actes Sud , 2006), l’écrivain propose ici une informelle leçon de regard, lequel, s’il peut naturellement convoquer des savoirs (historiques, sémiotiques), doit aussi être capable de s’en émanciper au profit du libre exercice du jugement reposant sur la réappropriation par tout individu confronté à l’oeuvre d’art, de la fonction et de l’activité purement “humaines” sur laquelle repose une expérience qui requiert, de la part de celui qui regarde, la participation du corps et d’une sensibilité subjective au moins aussi cruciales, sinon plus, que le fait de détenir une culture académique. Au terme de la lecture de cette somme architecturée de réflexions, de lectures, d’expérience que Siri Hustvedt cherche à transmettre en toute rigueur mais avec le souci d’apprivoiser, pour elle-même comme pour autrui, la complexité des tenants et aboutissants de l’expérience humaine en tant qu’entité problématique et toujours en devenir, le lecteur aura fait la connaissance d’un écrivain qui a consacré une considérable partie de son existence à explorer sans désemparer les arcanes de l’être au monde qui nous est donné en partage sous ses formes multiples et chez qui la “vocation” d’écrire est inséparable d’une aspiration à la connaissance de soi et de l’autre rendue possible par une fréquentation assidue de la recherche à l’oeuvre, de tous temps, dans les divers domaines de la pensée.

01/2013

ActuaLitté

Sciences politiques

Victor Fay (1903-1991). Itinéraire d'un marxiste hétérodoxe au sein du mouvement ouvrier français

Malgré les antagonismes, qui le perturbent, le monde est un, bien que multiple et divers. Il faut s'en accommoder, sans jamais renoncer à l'améliorer, sans jamais désespérer de ses virtualités de progrès. Et en attendant ces progrès souhaitables mais nullement certains, il faut le prendre tel qu'il est avec ses forces et ses faiblesses. Inconnu du grand public, même au sein du milieu universitaire, Ladislas Faygenbaum dit Victor Fay, d'origine polonaise mais naturalisé français, est pour beaucoup de militants et d'historiens du mouvement ouvrier une "légende" . Armand Ajzenberg, éditeur, journaliste et ancien élève de Victor Fay fait de ce dernier un portrait éloquent au soir de sa vie : Imaginez la perplexité, et la curiosité, d'un modeste militant à l'idée de rencontrer une légende [... ] avoir été l'un des fondateurs des Jeunesses Communistes en Pologne dans les années vingt, s'être expatrié en 1925 pour échapper à la prison et devenir, en France et en 1929, responsable de la formation des cadres du PCF, chroniquer à L'Humanité et collaborer avec d'autres publications communistes ... Avoir été l'un des dirigeants actifs lors des grèves du Nord, y découvrir une jeune fille courageuse et combative dénommée Jeanne Vermeersch, et plus tard, être l'agent innocent de sa rencontre avec Maurice Thorez... Avoir formé politiquement une certaine Danielle Casanova mais aussi un certain Jean-Pierre Timbaud ... Avoir découvert, encore, un horticulteur hors du commun : Waldeck Rochet, cela relève de l'histoire et déjà de la légende . Ce portait élogieux témoigne de la sympathie et de l'admiration que suscite Victor Fay, et de l'image que certains de ses contemporains se font du personnage. Cette "légende" du communisme français est aussi un opposant qui participe, au milieu des années 1930, avec André Ferrat et Georges Kagan, à la revue d'opposition Que faire ? , quitte le Parti communiste en 1936, au moment du premier procès de Moscou, pour adhérer à la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) l'année suivante. On le retrouve ensuite résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, entre Marseille, Toulouse et le Chambon-sur-Lignon en Haute-Loire, rédacteur en chef du journal clandestin L'Appel de la Haute-Loire puis de Lyon Libre, organe du Mouvement de libération nationale, dirigé par son ami André Ferrat. Journaliste politique de profession, il assure jusqu'en 1950 la rédaction de Combat, journal fondé pendant la guerre par des résistants, puis travaille, à partir de 1952, pour la Radiotélévision française (RTF), au service des émissions vers l'étranger. Critique de la politique coloniale de la SFIO, il fait partie de ce courant minoritaire qui fait scission en 1958 pour fonder le Parti socialiste autonome (PSA) qui devient, en 1960, le Parti socialiste unifié (PSU). Engagé dans la construction de ce nouveau parti, il entre en 1964 dans son Bureau national. Après l'arrivée de Charles de Gaulle au pouvoir, il est rapidement interdit d'antenne à la RTF : ses propos dérangeaient. Il demande son renvoi et l'obtient en 1967. De 1968 à 1980, à la retraite, il continue d'écrire et de militer au sein du PSU jusqu'à l'élection de François Mitterrand, en 1981 : il fait alors le choix de rejoindre le nouveau Parti socialiste. Il s'éteint le 29 juin 1991 à Créteil. Victor Fay n'est pas un "désenchanté4" du communisme. Le prologue de ses mémoires, rédigé en 1968, se veut clair : "nul regret, nul désenchantement" , simplement la conscience que le socialisme "tel qu'il est" a détourné les travailleurs de la lutte, que le nom de socialisme a été "galvaudé" par ceux qui s'en réclament. Sa volonté clairement affirmée de poursuivre la lutte pour un socialisme peut être "utopique" mais peurteur d'un "avenir meilleur" , le distingue ainsi de cette frange de la génération de 1917, emportée par le "souffle d'Octobre6" , profondément troublée par l'évolution du régime soviétique après la mort de Lénine, évincée dès les années 1920 au profit d'une génération plus jeune et séduite par la radicalité politique du PCF bolchévisé. Au coeur même de la guerre froide, Fay refuse obstinément "la fausse alternative entre la démocratie bourgeoise et le monolithisme stalinien" pour rechercher, infatigablement, les moyens d'accès à la démocratie directe ouvrière. Victor Fay est un personnage si ce n'est emblématique du moins représentatif des aspirations et des vicissitudes de la gauche française au XXe siècle, à l'époque où "la gauche et le socialisme se vivaient comme des avenirs nécessaires et bientôt victorieux" . Il fait l'expérience des différents conflits qui divisent le mouvement ouvrier et social français et l'empêchent tout le long du siècle de former un bloc uni contre la droite. L'étude de son itinéraire, qui s'inscrit dans l'histoire de la gauche socialiste française, du mouvement communiste international et de ses dissidences, constitue un "indispensable complément de l'analyse des structures sociales et des comportements collectifs" du mouvement ouvrier et social français. L'objectif cet ouvrage, tiré de mon mémoire de Master, n'est pas de faire une biographie de Victor Fay au sens strict mais de rendre compte de la construction des différentes cultures politiques qui composent la gauche française du siècle dernier à travers l'itinéraire politique d'un militant ayant fait successivement l'expérience du Parti communiste, de la SFIO, du PSU et de leurs oppositions. En ce sens, la biographie est capable de montrer la signification historique générale d'une vie individuelle. Il s'agit également de valoriser le fonds d'archives déposé par sa fille à La contemporaine (ex BDIC) qui conserve essentiellement les écrits, publiés ou non, de Fay, des journaux et des revues militantes sur une période allant de 1936 jusqu'aux années 198010. Ce fonds ne comprend que peu de sources concernant les relations familiales et amicales de Fay et les témoignages ou la correspondance datant d'avant 1945 sont rares. La grande majorité de ses archives a été saisie par les nazis à son domicile en 194011. En raison de ces lacunes archivistiques, auxquelles ne remédie que partiellement l'autobiographie de Fay, sa vie privée pendant l'entre-deux-guerres demeure difficilement accessible à l'historien. Son itinéraire de militant communiste, au sein des Jeunesses communistes en Pologne puis à la SFIC en France de 1925 à 1936, est mieux connu, mais les sources demeurent lacunaires. Il est difficile d'inventorier ses écrits durant cette période parce qu'il écrivait sous divers pseudonymes utilisés par d'autres militants. Il figurait sur le fichier "Antifa" sur la base duquel les Allemands ont opéré les premières perquisitions. Créé en 1938, ce fichier recensait des réfugiés fuyant l'Allemagne nazie et des militants antifascistes de différentes nationalités13. Le PCF a par ailleurs cherché à reléguer dans l'ombre cet opposant communiste : sa rupture n'a jamais été officialisée, le parti ayant préféré nier son existence. Ainsi explique-t-il dans ses mémoires : "Du jour au lendemain, mon nom disparut du parti. Je n'existais plus, je n'avais jamais existé". En effet son nom n'apparaît nulle part dans les archives du PCF.

10/2023

ActuaLitté

Histoire internationale

Impérialisme, guerre et lutte de classes en Allemagne 1914-1918

Paul Frölich avait conçu ce livre comme la première partie d'une oeuvre plus importante (10 Jahre Krieg und Bürgerkrieg.I. Der Krieg, " Dix ans de guerre et de guerre civile. I. La guerre "), qui aurait dû s'occuper des événements intervenus en Allemagne pendant et après la Première Guerre mondiale. Toutefois, il ne réussit à terminer que le premier volume (Der Krieg, " La guerre ") que nous présentons ici dans sa première édition française. Le livre s'ouvre sur les événements d'août 1914, qui représentent un tournant. Le capitalisme entre dans le XXe siècle ayant épuisé la phase de développement progressif des forces productives et ayant atteint le stade de l'impérialisme. Le déclenchement de la Première Guerre mondiale transforme les rythmes insouciants de la Belle Epoque en détonations meurtrières. Comme l'écrit Erich Maria Remarque (A l'Ouest, rien de nouveau), " une génération a été détruite par la guerre, même si elle a réussi à échapper aux obus ". Cette guerre représente le commencement dramatique de ce que Lénine appela " l'époque des guerres e des révolutions ". Il ne s'agit plus de guerres bourgeoises pour la formation de marchés, mais de guerres impérialistes pour le partage de marchés et du monde tout entier en sphères d'influence. La lutte de la Bosnie pour son indépendance de l'Autriche, qui constitue le casus belli, ne change pas le caractère essentiellement impérialiste de la guerre. L'impuissance de la bourgeoisie à résoudre les causes de l'instabilité et les conflits de l'époque impérialiste est démontrée par le fait que l'effondrement des deux Empires – l'Ottoman, et l'Austro-hongrois – a ouvert, au carrefour entre Europe, Asie, Afrique, un arc de crise encore existant, allant des Balkans jusqu'au Moyen-Orient. Remarque avait raison : la destruction n'a pas été exclusivement physique. Le conflit emporte comme un ouragan les classes exploitées. D'autant plus que, en quelques jours à peine, l'édifice politique que les travailleurs avaient construit avec leurs luttes, grâce aux efforts et aux sacrifices de beaucoup – l'Internationale socialiste – a fondu comme neige au soleil. Après les grands discours, les affirmations solennelles et les ordres du jour, la plupart des partis socialistes se rangent du côté de leurs bourgeoisies respectives, allant jusqu'à théoriser que l'Internationale doit être considérée comme un instrument pour les périodes de paix, et " suspendue " en temps de guerre. C'est la plus flagrante trahison des aspirations de la classe ouvrière. Selon certaines sources, Lénine lui-même, à l'annonce du vote en faveur des crédits de guerre par la social-démocratie allemande – jusque là point de repère de l'ensemble du prolétariat européen – aurait exprimé son étonnement et son incrédulité. Un grand rendez-vous historique est manqué. Le désarroi des masses est énorme. Les courants internationalistes restent isolés et dans l'impossibilité de renverser la situation. A l'exception de la Russie. En effet, " quelque chose de nouveau " entre en scène " à l'est ". La Révolution d'octobre et les épisodes de fraternisation entre les troupes sur le front oriental deviennent l'exemple à suivre. Ce n'est pas un hasard. L'exception russe était due à la rupture précoce de Lénine et des bolcheviks d'avec les réformistes. Son analyse de l'impérialisme, du social-impérialisme et ses bases sociales dans l'aristocratie ouvrière – corrompue par les miettes de superprofits – explique la dynamique objective de la trahison social-démocrate. Le retard de la rupture avec les réformistes empêche les internationalistes allemands et de l'Europe de l'ouest de suivre l'exemple russe. La révolution reste isolée. Sur le côté oriental, elle accélère objectivement le développement de l'Asie, en amorçant les luttes de libération nationale dans les pays arriérés. Sur le côté occidental, elle ne trouve pas l'alliance naturelle avec le prolétariat le plus important et le plus avancé politiquement du monde : le prolétariat allemand. Pour cette raison, en Occident, la révolution doit reculer devant une contre-révolution interne qui, malheureusement, en vole traîtreusement le langage, les symboles et les drapeaux : le stalinisme. Pendant des décennies, le capitalisme d'Etat oriental se présente comme socialisme voire comme communisme. Mais finalement l'histoire a réclamé des comptes. La " rupture du maillon le plus faible de la chaîne impérialiste " se réfère à l'immense " crise de déséquilibre " représentée par une super-structure encore tsariste du développement capitaliste en Russie. En effet, la social-démocratie n'a même pas essayé de limer le maillon le plus fort, le maillon allemand ; au contraire, elle l'a renforcé, en déployant le prolétariat aux côtés de sa propre bourgeoisie. C'est là l'échec historique du réformisme, un échec qui n'admet pas d'appel. La question historique et politique centrale demeure la trahison de la social-démocratie en 1914. Comment cela a pu se produire ? Quelles en ont été les conditions ? Quelle la dynamique ? Comment peut-elle justifier sa trahison devant les masses ? C'est en répondant à ces questions que le travail de Paul Frölich prend toute son épaisseur. Internationaliste, connu pour sa superbe biographie de Rosa Luxemburg, Frölich nous offre une chronique politique autant sévère que documentée de ces événements. Depuis les causes de la guerre (l'impérialisme, le colonialisme, le militarisme) et les positions internationalistes et antimilitaristes de la IIe Internationale, jusqu'au " triomphe de la folie " déclenché le 28 juin 1914, à Sarajevo, par l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand, héritier du trône autrichien, par les nationalistes bosniaques. De la social-démocratie impériale du 4 août (date du premier vote au Reichstag sur les crédits de guerre), à la paix sociale imposée grâce aux syndicats et à la suspension des lois de protection des travailleurs. Sur ce terrain, les dirigeants sociaux-démocrates vont même au-delà des requêtes du patronat, allant jusqu'à abolir les célébrations du Premier mai. Depuis les luttes de classe qui ont eu lieu en dépit de tout cela, au courage de Karl Liebknecht qui, lors du procès politique contre lui, s'érige en juge du gouvernement et de la bourgeoisie allemands. Liebknecht est condamné à quatre ans et un mois de prison et à six ans de privation des droits politiques. Une condamnation qui contribue à faire pousser des ailes aux radicaux de gauche et au groupe Spartakus, malgré l'emprisonnement à plusieurs reprises d'autres dirigeants du calibre de Rosa Luxemburg et Franz Mehring. On en arrive ainsi à la crise finale et aux révoltes de masse, à savoir à la débâcle politique et militaire de l'impérialisme allemand. Dans son travail, l'auteur ne saisit pas toujours entièrement les limites de l'action politique de la gauche social-démocrate (voir chapitre 3, l'allusion à " la grève générale politique de masse ", une thèse chère à Rosa Luxemburg). Dans le même chapitre, Frölich fait référence à la " thèse erronée d'Engels " contre l'insurrection et en faveur d'une action respectueuse des lois. De toute évidence, il ne savait pas que l'introduction de 1895 d'Engels aux Luttes de classe en France de 1848 à 1850, de Marx, avait été grossièrement falsifiée par l'élimination de plusieurs morceaux, et qu'elle avait été publiée à l'époque sous cette forme domestiquée dans le Vorwärts. C'est Karl Kautsky qui avait refusé à Engels la publication du texte complet. Mais, dans l'ensemble, le texte de Frölich est très valable. C'est une fresque fascinante du grand drame historique dans lequel les masses anonymes, trahies et trompées, sont envoyées à l'abattoir. Un massacre que l'auteur estime à hauteur d'environ 35 millions de victimes, en comptant, dans les différents pays, la chute de la natalité, les morts au front et les victimes des famines et des difficultés de toutes sortes à l'intérieur. Nous sommes certains que, en parcourant ces pages, aujourd'hui encore, même le lecteur politiquement engagé et non dépourvu de culture historique sera pris d'étonnement, d'indignation et, peut-être, de colère. C'est bien qu'il en soit ainsi. La force que la social-démocratie allemande aurait pu déployer contre la guerre et contre sa propre bourgeoisie est impressionnante : des centaines de milliers de membres du Parti, quatre millions d'électeurs, 110 représentants au Parlement ainsi que de nombreux journaux ayant une large diffusion parmi le prolétariat, ce à quoi il faut encore ajouter les organisations syndicales et les coopératives. Mais Frölich documente la progressive diffusion – dès avant le déclenchement du conflit – de positions opportunistes, social-impérialistes et colonialistes au sein du Parti et parmi ses cadres syndicaux. Il en analyse aussi ponctuellement les formulations et les prétentions théoriques, souvent basées sur la " défense des intérêts nationaux ". A une époque telle que la nôtre, caractérisées par des processus de renationalisation, par le localisme et le racisme, il s'agit là d'une leçon précieuse. Le bruit de la campagne en faveur de la guerre est assourdissant. Les journaux surchauffent les esprits. La chasse à l'étranger est lancée. Les chants de guerre accompagnent le départ des troupes : " A chaque balle, un Russe / A chaque coup de baïonnette, un Français / A chaque coup de pied, un Britannique ! " Parmi ceux qui vocifèrent, il y a aussi de nombreux travailleurs socialistes, entraînés dans le tourbillon. Une autre leçon à retenir. Le chapitre sur la guerre en tant qu'" affaire " est instructif. " Business as usual ", écrit Frölich au tout début du chapitre. Il explique les diverses méthodes par lesquelles " l'or était distillé à partir du sang humain ". Il documente aussi l'extraordinaire multiplication généralisée des profits, la grande arnaque financière de Daimler Motoren Werke à Stuttgart, les menaces de sabotage de cette même Daimler, les dons intéressés à la Croix-Rouge, les sociétés par actions de la bienfaisance. Parmi les autres exemples, le libéralisme commercial paradoxal et effronté de Thyssen qui, en pleine guerre, vend des boucliers à l'armée allemande à 117 reichsmarks la pièce, et à 68 reichsmarks au gouvernement néerlandais. Les hommes de confiance des grands industriels deviennent les conseillers des bureaux gouvernementaux. Les épisodes d'escroquerie que relate Frölich sont nombreux. Les impôts de guerre se répercutent principalement sur la consommation de masse. Le livre contient beaucoup d'affirmations qui font réfléchir. Rappelons-en deux. " Regardez le monde tel qu'il était avant la guerre, et vous verrez que c'était un monde qui était fait pour la guerre ", écrit Frölich au début du texte. Il parle d'économie mondiale, de concentration du capital, de blocs de puissances, d'armements, de partage des marchés... Si l'on fait une comparaison, comment le monde d'aujourd'hui se présente-t-il ? " Pour nous, aujourd'hui, il est clair que les deux questions que constituaient le maintien de la paix et la révolution, n'en faisaient qu'une. Lutte contre la guerre voulait dire lutte de pouvoir contre la bourgeoisie dans tous les pays, autrement dit lutte révolutionnaire. Aujourd'hui, il est tout aussi clair pour nous que la lutte révolutionnaire présuppose certaines conditions spirituelles, morales et organisationnelles. " Et encore : " Le désarmement était une utopie. A tout moment, il était possible d'en contourner les effets en créant de nouveaux moyens de guerre. " La critique de Frölich à l'égard des positions de Karl Kautsky est ponctuelle. Ce dernier imaginait un capitalisme sans l'impérialisme et sans politique de puissance. Une lutte véritable pour la paix et contre le militarisme n'est possible qu'à la condition d'être une lutte contre le capitalisme. En conclusion de son livre, Frölich affirme qu'il ne voit pas la paix dans l'avenir de l'Europe : " Certains Etats se sont effondrés. Sous les ruines de la guerre mondiale gisent les cendres des vieilles monarchies. Le monde a été partagé de manière différente. La France se considère comme la première puissance du continent européen, les Etats-Unis comme la première puissance du monde. Certains Etats impérialistes ont été détrônés. Les colonies ont fait un grand pas en avant sur la voie de leur libération. L'Allemagne et l'Autriche sont devenues elles-mêmes des colonies. ... Les peuples se sont laissés entraîner au massacre de masse dans le but de renverser le militarisme allemand qui menaçait tout le monde. Ce but "élevé" est atteint, et le monde, plus sinistre que jamais, regorge d'armements. Avant la guerre, les armées comptaient sept millions d'hommes ; elles en comptent onze millions après la guerre. ... On dit que ce sera la dernière guerre. La Société des Nations existe désormais. Les tribunaux d'arbitrage sont mis à contribution. Les peuples sont unis sur le papier par de sacro-saints traités qui n'engagent à rien. En vue de la prochaine guerre, les techniciens et les chimistes se mettent au travail et les Etats s'arment. ... Et pourtant ! La bourgeoisie s'est elle-même porté le coup le plus terrible en déclarant cette guerre. Dans l'immense empire de l'Est, la classe de l'avenir a déjà triomphé. Les vieilles puissances capitalistes sont grosses de la révolution. Et si aujourd'hui la bourgeoisie, dix ans après ce maudit 4 août, cherche encore une fois à prêcher la conciliation des classes en vue de l'extermination des peuples, alors retentira le cri de Karl Liebknecht, répété par des millions de voix : Contre la guerre, révolution ! " Les choses ne sont pas allées comme Frölich l'espérait. L'erreur de 1914-1918, sous d'autres formes, a déjà été répétée en 1939-1945. Elle ne doit plus se répéter. Voilà pourquoi elle doit être connue.

05/2014