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Héloïse Simon

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Littérature française

Colonne

En août 1936, au début de la Guerre d'Espagne, la philosophe Simone Weil, qui n'a pas trente ans, part rallier le front d'Aragon et les brigades internationales de la colonne Durutti. Lors d'une offensive sur les bords de l'Ebre, elle se blesse en plongeant le pied dans une bassine d'huile brûlante. Rapatriée à l'arrière puis soignée à l'hôpital de Sitgès, elle rentre en France le 25 septembre accompagnée de ses parents. Elle passe quarante-huit jours en Espagne. De ce séjour, nous ne savons rien ou presque. Un passeport, des notes éparses d'un "Journal d'Espagne" portées sur un cahier dont il subsiste trente-quatre feuillets, des lettres et des photographies en uniforme. Agir, penser, écrire, serait une seule et même chose. Du mystère d'une vie brève, du tremblé affectif d'un engagement qui refuse autant le fascisme que le meurtre d'un petit phalangiste de seize ans, Adrien Bosc a tiré un roman aux phrases claires et lumineuses. Au milieu du chaos d'une guerre civile fratricide, il nous conte une existence intense et tragique, dont le combat en Espagne fut le point de bascule. Colonne, dernier volet d'une trilogie amorcée avec Constellation, puis Capitaine - raconte la collision de destins rassemblés en une communauté provisoire -faisceau de récits de vie qui éclatent en trajectoires contraires, séparées et pourtant réunies jusqu'à se confondre à l'infini. Des dates et des mots qui s'effacent, des courriers et des tombes qu'on oublie.

01/2022

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Philosophie

Le nouveau monde amoureux

Charles Fourier, avec Le Nouveau Monde amoureux (inédit sulfureux, cent cinquante ans sous le boisseau jusqu'à son édition critique par Simone Debout, en 1967) invente une classification systématique des passions, couronnement de son premier ouvrage Théorie des quatre mouvements et des destinées générales, digne du système botanique de Linné et d'une richesse "surprenante". L'individu est envisagé dans ses multiples relations aux autres et à lui-même, comme le lieu et l'enjeu d'une multitude de passions contradictoires. Jamais un tel tableau n'avait été proposé. Il renouvelle la Carte du tendre, dessinée par Honoré d'Urfé dans l'Astrée et dépasse, outrepasse Sade et Restif de la Bretonne. Visionnaire et utopien, Fourier imagine une société "ouverte", festive et ludique, fondée sur des échanges réciproques et l'émulation, où les nouvelles règles ne sont plus des interdits mais des protocoles de jeux sociaux, érotiques, esthétiques, les règles de jeux sont nécessaires et désirées mais jamais obligatoires. Il bouleverse l'économie de la domination et du profit et propose une économie de l'imagination fondée sur une autre éducation orientée par le désir et la motivation. Cette nouvelle société n'adviendra qu'avec l'émancipation de la femme et de l'enfant, délivrés du joug patriarcal et de la domination masculine. André Breton célèbre ce "rêveur absolu" dans son Ode à Fourier. Ce nouveau monde est une rêverie potentielle de l'EDEN terrestre, dont rêva Robert Filliou avec son "économie poétique" de la fiesta (dans 100 000 ans peut-être ? )

10/2013

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Droit

La loi et le genre. Etudes critiques de droit français

Concept mobilisé depuis de nombreuses années dans la plupart des sciences humaines et sociales, le genre n'a guère suscité l'intérêt des juristes français. Le contraste avec les pratiques étrangères étonne, d'autant plus qu'il est un outil fondamental pour l'étude du principe d'égalité qui innerve l'ensemble des branches du droit. L'objet de cet ouvrage est de passer des pans entiers du droit français au crible de l'analyse de genre afin d'identifier la place du droit dans la construction - ou la remise en question - des rapports sociaux de sexe. Le pouvoir, et son arme principale qu'est le droit, saisit, classe et discipline les individus. Le choix de prêter une attention particulière à la différence des sexes, et ce dès la naissance, par l'inscription à l'état civil - alors que d'autres catégorisations sont considérées comme non pertinentes sinon taboues - révèle la dimension culturellement construite et socialement performative du genre. Penser avec le concept de genre, c'est penser les mécanismes de pouvoir et de domination - et, pour le juriste, mesurer comment ils sont entérinés ou, au contraire, déjoués et corrigés, par la norme de droit. La persistance du plafond de verre et des inégalités salariales, l'appréciation du comportement de la victime d'un viol, de la responsabilité de la femme enceinte à l'égard du foetus qu'elle porte ou de la légitime défense invocable par une victime de violences domestiques, illustrent l'acuité et la complexité des enjeux.

09/2014

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Psychologie, psychanalyse

La traversée des sentiments. Un cadre pour l'histoire des émotions (1700-1850)

A partir d'une lecture critique de la recherche sur les émotions en psychologie cognitive et en anthropologie, William Reddy propose une approche des émotions qui évite à la fois le réductionnisme des conceptions psychologiques et l'image figée, en dehors du temps, de l'interprétation culturelle. Les documents historiques montrent sans la moindre ambiguïté que l'expression affective peut explorer et transformer les émotions en fonction du choix des expressions pour les "représenter". De ce fait, il découle que les groupes humains, des plus petites commutés aux plus grands Etats, peuvent et doivent chercher à gérer le vocabulaire, les expressions idiomatiques, tout le style adopté par les individus pour exprimer leurs émotions. La coopération nécessite de partager un style émotionnel, sinon la communication devient obscure, incertaine, voire impossible. Les émotifs (terme que l'auteur propose pour désigner ces expressions qui sondent et transforment les affects) revêtent évidemment une importance politique primordiale. Dans une seconde partie de cette étude, Reddy applique cette théorie à un tournant de l'histoire française. Peu d'épisodes historiques illustrent mieux que la Révolution française la manière dont les changements de style émotionnel peuvent accompagner et mime canaliser le cours de l'Histoire. De la sensibilité des Lumières à la vertu républicaine, au romantisme du début du XIXe siècle, les femmes et les hommes français ont cherché de nouvelles façons de s'exprimer, de découvrir et de gérer l'émotion, avec des répercussions sans précédent sur le monde réel de la politique et de la vie sociale.

09/2019

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Littérature française

L'Envol. Fragments de langue paternelle

"Son père lui était réapparu sur le tard, au terme d'une quête longtemps souterraine. Ainsi coule un deuil qui ne peut sourdre. Ses prouesses de bon élève et ses rêveries solitaires, ses eczémas d'apôtre et de militant, puis ses failles et saillies de père de famille ou de professeur qui "pensait à haute voix", tous ces devoirs d'excellence n'étaient peut-être que les avatars d'un long et patient décryptage des débris de sa langue paternelle. Le puzzle se reconstituait davantage à chaque bribe de souvenir, à chaque parole ressortie des alluvions. C'est comme les rhizomes, les mots, ça questionne par en dessous, ça s'organise à l'abri des vents et des ragots, ça se souvient des continents disparus; ça pousse des investigations de détective et soudain, quand le réseau est en place et que bande le printemps, ça crève l'asphalte. Il avait ainsi rassemblé et rajusté les tessons de sa petite enfance jusqu'à ce que, à force de rappels, de désir et de pardon, son père fût venu habiter le jardin secret de sa retraite." L'envol est un récit qui plonge dans l'enfance de l'auteur. II s'agit d'une enquête, d'une quête marquée au sceau de la langue - paternelle - qui émerge par bribes, par fragments, au fil du texte. Aucune chronologie réconfortante où s'accrocher, sinon un abécédaire rythmant le propos dont surgit une parole, une voix singulière qui prend son essor, son envol, au-delà des drames familiaux aux accents de tragédie.

06/2012

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Sports

Pourquoi ils vont voir des corridas

Pourquoi vont-ils voir des corridas ? Autant les motivations du cinéphile ou celles du mélomane ne font guère de mystère et ne se trouvent jamais discutées, autant la foule des arènes semble être sans visage, sans raison(s) et même sans coeur à tous ceux qui ne s’y sont jamais mêlés. Il était donc temps de connaître les motivations obscures ou rationnelles qui poussent chaque année deux millions de personnes vers des arènes françaises. Car il y a là une véritable société, aussi diverse que celle des amphithéâtres de droit commun. Marc Delon a rassemblé ici un nombre important de témoignages dont la variété langagière et sentimentale ne manquera pas de surprendre les curieux et les philistins. Certains s’émeuvent ainsi de la beauté du geste de toréer, d’autres puisent dans la corrida une représentation de la vie et de la mort, d’autres encore ne peuvent donner pour explication que celle des souvenirs. Quelle étonnante assemblée humaine que celle des arènes, où l’on trouverait presque, chaque après-midi de toros, de quoi remplir un dictionnaire des professions sinon un échantillon du peuple français. C’est ainsi que selon le prix de votre place et selon votre niveau de chance, vous vous trouverez assis à côté d’un brancardier, d’un notaire, d’un gardien de square, d’une anesthésiste, d’un faussaire ou d’une présentatrice météo. Un public aux voix dissonantes, et qu’une émotion soudainement unanime fait crier depuis un même fonds de gorge : "Olé !". Une arène, un public, des milliers de ténors.

06/2013

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Sociologie

Pierre Bourdieu. Une vie dédoublée

A guère moins d'une décennie de la disparition de son auteur, il devient envisageable d'établir un bilan, éloigné autant que faire se peut des hagiographies et des règlements de comptes, de l'oeuvre de Pierre Bourdieu, sociologue médiatisé comme aucun avant lui. La tâche était d'autant plus ardue qu'en préconisant une " sociologie de combat " Bourdieu a donné de lui et de la sociologie en général une image partisane et dominatrice, à laquelle Cornaton oppose une sociologie partagée, apaisée, de la main ouverte. Sa profonde originalité est d'avoir choisi de s'immerger dans l'oeuvre " en sympraxie plutôt qu'en sympathie ", pour reprendre une formule bourdieusienne. Le Bourdieu de Cornaton nous permet de découvrir deux hommes aux origines sociales communes, aux engagements fondamentaux identiques (l'Université, l'Algérie, les camps de regroupement, la recherche-action, la défense des opprimés, etc.) et, finalement, des choix de vie et des résultats de recherche différents sinon divergents. Une véritable analyse psycho-sociale comparée qui démonte, in vivo, la mécanique bourdieusienne de la prédestinée. Tout en présentant ses convergences et divergences sur les concepts et terrains du sociologue, à partir de textes moins connus, Michel Cornaton veut nous faire entendre aussi le combat intérieur douloureux de Pierre Bourdieu pour conjurer la schize qui, sa vie durant, l'a coupé en deux. Lorsque la sphère Bourdieu aura continué à se dégonfler et que l'oeuvre aura un peu plus perdu de son rayonnement on peut se demander ce qu'il en restera. Certainement une partie, mais laquelle ?

12/2010

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Histoire internationale

Guerres africaines et écritures historiques

Le présent ouvrage refuse les compromissions faciles à propos des guerres qui ravagent l'Afrique actuelle. L'auteur affronte les souffrances, au lieu de pressentir les abjections lorsqu'elles se déchaînent, jusqu'aux poings qui s'abattent. Les yeux ne pleurent plus des larmes de sang, mais ils se remplissent des flammes de la colère. Oui, la colère pour saisir, résister, se battre, parce que le limon est saturé de sang... La guerre : des millions de morts, des dizaines de milliers de "femmes violées", des centaines de milliers d'enfants orphelins, une "montagne de cadavres"... Le tribut des terreurs à payer aux bourreaux, aux usurpateurs, aux imposteurs comme aux marionnettes des pays voisins, la rançon des ressources minières au profit des armes de destruction. La guerre au Congo : une absurdité totale, parce qu'elle ne s'arrête plus, quatorze années, déjà... Comment conjurer le paradigme des dramaturgies de frayeurs et d'horreurs sans forcer les langages à se transformer en actes de libération, en rituels d'exorcisme et de "guérison" ? Partir de la duplicité des turpitudes politiques, avant de montrer que les efforts pour proscrire les douleurs d'un Peuple meurtri réussiront à suspendre la "catastrophe" et la tragédie d'un pays. L'Ecrivain engendré par les violences de la mort doit échapper aux pièges des redondances littéraires figées par la dénonciation. Les discours qu'il institue permettront l'émergence des mythologies de souveraineté afin de célébrer la "race des vainqueurs" ainsi que l'avènement d'une "terre nouvelle". La terre de la Liberté.

04/2011

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Religion

Pourquoi l'antisémitisme ?

La question du pourquoi de l'antisémitisme reste entière, qu'il s'agisse de l'antisémitisme passé et de son aboutissement : l'extermination des Juifs d'Europe, ou de l'antisémitisme récent qui assassine encore un peu partout dans le monde. On préfère décrire le comment, énumérer les crimes, expliquer les méthodes, les circonscrire dans le temps ou les traiter comme des extensions idéologiques des régimes totalitaires. En réalité, depuis plus de mille ans, ce désir de génocide n'a cessé, sous divers visages, de hanter l'Europe. En témoigne, au XIIe siècle, cette imprécation de Chrétien de Troyes, dans le Roman du Graal : " Les mauvais juifs, on devrait les tuer comme des chiens ", manifestation parmi bien d'autres de l'antisémitisme qui, dès l'origine, est au coeur de la chrétienté, notamment dans les Epîtres de Paul. Présent dans les Croisades, l'Inquisition, les pogromes, les expulsions, il réapparaîtra, sécularisé, sous la plume de Voltaire ; le brûlot sera ensuite transmis à gauche chez Marx, Proudhon, Bakounine, Fourier, et à droite chez les " chrétiens-germaniques " qui le livreront, prêt à l'emploi, aux nazis et à Hitler. Ce désir - manifeste dans l'islam - s'affirme dans les discours d'un Ahmadinejad et dans les actes d'un Mohamed Merah. A l'heure où la culture islamiste rencontre quelques complaisances sinon complicités dans les sociétés européennes, ressuscitant un irrationnel meurtrier que l'on croyait disparu, il est urgent de privilégier la réflexion sur " le pourquoi de l'antisémitisme " afin d'élucider le fantasme de " la solution finale " toujours actuel.

03/2013

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Critique littéraire

Poètes de l'amour

Les poétiques de l'amour étudiées dans ce recueil semblent traversées, d'une époque à l'autre et d'un poème à l'autre, par la question de la trace, de l'empreinte, de l'esquisse. Dessin presque évanoui de ce qui fut peut-être un amour avant d'être de la poésie. Ou tout autant, invention de ce qui aurait pu être un amour, de celle (celui) qu'on eût aimé(e). Pourtant ces poètes qui, tous, rencontrent, sinon la mort, du moins sa menace, son double, la trahison, l'éloignement, ne se veulent pas seulement poètes de la déploration. Il semble qu'ils soient, de ce fait même, inventeurs d'une histoire à travers un ordre précaire. La quête amoureuse est donc aussi celle d'une forme nouvelle, d'une poésie en rupture avec celle qui avait cours, d'un modèle qu'il faut parfois renouveler, quitte, parfois, à prétendre imiter... l'Orient par exemple. Car l'invention, chez ces poètes, comme le montrent savamment les contributeurs de ce recueil, ne va jamais sans la trace de ce qui s'écrivit avant, dans ces textes qui sont autant de réécritures d'autres textes. La blessure, si elle existe, se dit aussi en cherchant sa voix à travers d'autres voix. Ainsi, construire l'être aimé dans la juxtaposition de figures et de pièces éparses n'est pas cesser d'être un " poète de l'amour ", c'est bien chercher à saisir la silhouette du vers idéal.

11/2004

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Religion

Madeleine Delbrêl, une vie sans frontières

Où situer l'actualité de Madeleine Delbrêl (1904-1964), sinon dans son message spirituel d'incarnation, centré sur le quotidien et la vie des gens ordinaires ? Où trouver sa vérité, par-delà un itinéraire fascinant, hors des conventions et des étiquettes ? Dans cette biographie attachante, Charles F. Mann retrace son parcours. Après une adolescence aux allures émancipées, le passage par un athéisme radical et la conversion au catholicisme, Madeleine Delbrêl choisit d'aller vivre l'Évangile en pleine pâte humaine : son destin l'amène à Ivry, en banlieue parisienne. En étroit contact avec les militants communistes locaux, avec un sens profond de l'action humanitaire associé à son esprit contemplatif, elle vit l'amour de Dieu en pleine rue, dans les cafés, les métros et la foule de Paris. Chez Madeleine, esprit pétillant et sens de l'humour se conjuguent avec la défense des pauvres et des opprimés, le combat pour la justice sociale et le respect de la dignité humaine. Confrontée à la violence, aux procès politiques, aux emprisonnements injustes, au sort cruel des travailleurs, des sans-abri et de tous ceux qui ont faim, Madeleine Delbrêl a fait entrer toutes ces souffrances dans sa vie intérieure, vécue au jour le jour. Cette spiritualité, d'une portée impressionnante, explique pourquoi sa cause de béatification a été introduite à Rome, premier pas vers la reconnaissance de la sainteté. Se plonger dans la vie de cette " mystique laïque ", c'est entrer dans la découverte d'une foi profonde, d'une espérance indomptable et d'un amour sans limites...

08/2002

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Littérature française

Le mot amour

Le mot amour a, dans le langage, un statut très singulier c'est un mot qu'il est facile de prononcer, mais qu'il est difficile d'entendre, l'eût-on longtemps attendu. Il a le pouvoir de donner vie et mort, les deux parfois se confondant. Les quatre dialogues réunis ici mettent en scène quatre couples que hante une amitié amoureuse : Artemisia Gentileschi et Galilée, Julie Talma et Benjamin Constant, Eleonora Duse et Gahriele D'Annunzio, Maria Callas et Pier Paolo Pasolini. Les quatre femmes sont des artistes qui vécurent la passion sur scène ou sur la toile. Toutes les quatre en ont retiré des plaisirs incertains. Artemisia fut tentée d'abandonner les sujets sanglants de ses tableaux. Julie renonça très vite à sa carrière de comédienne pour assurer celle de son mari. La Duse, enfant de la balle, aurait souhaité pouvoir se passer du public et du théâtre, mais, à l'exception de quelques mois de silence, ne se permit aucune pause et mourut en tournée. La Callas perdit sa voix et crut, l'espace de quelques années, préférer la vie à la scène, avant de comprendre qu'elle n'avait d'existence que par son art qui l'avait abandonnée. Toutes les quatre ont été, par ailleurs, sinon de grandes amoureuses, du moins des femmes obsédées par la représentation narcissique de l'amour, dans sa violence tragique. Aucune ne fut fidèle, aucune n'inspira de fidélité amoureuse. Les quatre hommes qui furent leurs amis respectifs multiplièrent liaisons ou aventures. Aucun ne connut d'amour heureux.

09/2005

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Ethnologie

Histoire et Anthropologie N° 24/2002 : Mémoires, cultures et traditions

La mémoire est filante et se joue des lois ou des leçons de l'histoire. Trop d'exemples attestent du refus des hommes de voir le passé. La tradition, ancrée dans le tréfonds de notre inconscient, participe souvent à l'occultation des faits historiques. Ces derniers, même avérés, conservent une part maudite de doute qui entrave toute interprétation raisonnable et scientifique sinon objective du monde. D'aucuns défendent ainsi l'indéfendable sous prétexte que chacun fait usage de sa mémoire (et de celle des autres !) comme bon lui semble. C'est là une démarche aux antipodes de l'historien. Le cas le plus symptomatique et le plus inquiétant est celui des négationnistes, ces " chiffonniers de l'histoire " qui ont fait de leur terrible relecture de l'Holocauste un macabre fonds de commerce, aux finalités plus politiques que scientifiques. Là, tous les êtres sensés et de bonne volonté s'accordent pour reconnaître l'évidence, ce qui n'est absolument pas le cas pour quantité d'autres sujets : l'esclavage par exemple, comme l'a encore démontré le ramdam autour de la conférence de Durban en 2001 où l'on a pu constater, une fois de plus, que tout le monde ne peut pas tout dire. Loin de là. De même, la mémoire est prisonnière des démons de ceux qui la manipule ainsi que de ceux malheureusement, qui ont été manipulés, fut-ce par le déni de vérité ou l'absence d'information. Mémoire éclatée, mémoire occultée, le " passé qui ne passe pas ", le travail d'éducation est à faire.

09/2002

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Philosophie

Philosophie du vivre

"Vivre nous tend entre l'un et l'autre : il dit à la fois l'élémentaire de notre condition, être en vie, et l'absolu de notre aspiration : "Vivre enfin !" Car que pourrions-nous désirer d'autre que vivre ? Vivre est en quoi nous nous trouvons toujours déjà engagés en même temps que nous ne parvenons jamais, pleinement, à y accéder. Aussi la tentation de la philosophie, depuis les Grecs, a-t-elle été de le dédoubler : d'opposer au vivre répétitif, cantonné au biologique, ce qu'on appellera, le projetant dans l'Etre, la "vraie vie". Refusant ce report et circulant entre pensée extrême-orientale et philosophie, j'envisagerai ici quels concepts peuvent faire entrer dans une philosophie du vivre : le moment, l'essor opposé à l'étalement, l'entre et l'ambiguïté ; ou ce que j'appellerai enfin, prenant l'expression en Chine, la "transparence du matin". Je me demanderai, plus généralement, comment chaque concept, pour se saisir du vivre, doit s'ouvrir à son opposé. Car comment s'élever à l'ici et maintenant sans se laisser absorber dans cet immédiat, ni non plus le délaisser ? Ce qui impliquera de développer une stratégie du vivre en lieu et place de la morale. Le risque est sinon d'abandonner ce vivre aux truismes de la sagesse ; ou bien au grand marché du développement personnel comme au bazar de l'exotisme. Car cet entre-deux, entre santé et spiritualité, la philosophie ne l'a-t-elle pas, hélas ! , imprudemment laissé en friche ?" François Jullien.

03/2011

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Musique, danse

Boris Vian

Jazz, théâtre, prose, poésie, traductions, chansons, peinture… l’exposition consacrée à Boris Vian, présentée à la Bibliothèque nationale de France réunit les multiples facettes de son oeuvre afin d’en dégager l’unité et la richesse. Peu reconnu de son vivant, Boris Vian (1920-1959) est découvert de façon posthume quand Jean-Jacques Pauvert réédite L’Écume des jours en 1963. La postérité, fascinée par cet homme toujours jeune, créateur d’une langue originale et d’un univers foisonnant, en fait une légende. Diplômé de l’École centrale, Boris Vian n’exerce son métier d’ingénieur que quelques années et préfère se consacrer à l’écriture. Sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, il rédige J’irai cracher sur vos tombes, dans le style des romans noirs américains, en se faisant passer pour le traducteur. Bien que l’ouvrage, jugé scandaleux, soit censuré, trois autres titres de Vernon Sullivan voient le jour jusqu’en 1950. L’image de l’écrivain en pâtit : après L’Écume des jours, les romans signés de son véritable nom passent inaperçus. En 1953, devant l’échec de L’Arrache-coeur, il se détourne de l’écriture romanesque au profit de la chanson, en tant que parolier, chanteur et directeur artistique chez Philips. Il crée également pour le théâtre et le cabaret. Cet ouvrage, publié à l’occasion de l’exposition, emmène le visiteur sur les traces de Boris Vian, de Saint-Germain-des-Prés au Collège de Pataphysique, des clubs de jazz aux cafés fréquentés par les intellectuels engagés comme Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir.

10/2011

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Animaux, nature

Le frelon asiatique, un redoutable prédateur. Le connaître pour mieux le combattre

Le frelon asiatique Vespa velutina nigrithorax inquiète, interroge, voire passionne de nombreuses personnes. Ce frelon invasif venu de Chine pose des soucis en Europe : impacts négatifs sur les populations d'insectes européens, dont l'abeille, sur certaines activités économiques (secteur apicole, viticole, production de fruits, gestion des espaces verts...), et sur la santé humaine (risque d'accidents). Face à ces divers problèmes, que pouvons-nous faire ? Quel(s) comportement(s) adopter en sa présence ? Des solutions existent-elles ? Sinon, seront-elles bientôt disponibles ? Malgré cette vision inquiétante et les questions en terme de protection et de contrôle que beaucoup se posent, à raison, le frelon asiatique offre de nombreux sujets d'étonnement, via la construction de son nid (impressionnant de par sa taille, son architecture et sa localisation), la structure et le fonctionnement de ses sociétés, le comportement coopératif des ouvrières, la colonisation si rapide du territoire européen, ses interactions avec les espèces locales (pas toujours à son avantage d'ailleurs), etc. Toutefois, le frelon asiatique, comme bien d'autres espèces de guêpes et de frelons, reste encore fort méconnu du grand public, mais aussi de nombreux professionnels. Ce livre propose donc, par des textes accessibles au plus grand nombre, et de multiples photographies spectaculaires, un état des lieux de nos connaissances sur ce frelon, des recherches menées sur celui-ci et sur les outils de lutte efficaces et sélectifs bientôt disponibles. Il intéressera aussi bien les personnes confrontées au frelon asiatique (apiculteurs, désinsectiseurs, gestionnaires, entomologistes, scientifiques...) que celles tout simplement curieuses de connaître cet insecte passionnant.

10/2019

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Littérature française

Filature et tissage

Tous les chemins, dit-on, mènent à Rome. Pour Abel Bertona, la route de l'Italie passe par la Lorraine. Il a quitté les rivages de l'Atlantique et débarque, en compagnie de Sonia, sa jeune amie, et avec la ferme intention de lui en faire goûter les charmes, dans sa vieille ville natale. C'est alors que le miracle se produit : la découverte dans un square, sous un banc, d'un portefeuille. La Providence l'a bien garni. Mais une autre main y a glissé des papiers, appartenant au mari d'une ex-maîtresse, et une carte de visite, d'Albert Beau, détective privé, au dos de laquelle figurent le nom et l'adresse actuelle d'Abel. Entre les deux lieux, celui où habite maintenant Abel Bertona, et la vieille ville natale où il revient, sinon en vainqueur du moins en artiste, pour donner lecture de ses poèmes, il y a l'espace, l'errance. La forêt. Le labyrinthe de la folie. Albert Beau existe, Abel l'a rencontré. Il le rencontre partout. C'est le diable en personne, et il vous file. A moins qu'il ne soit celui que vous suivez, que vous poursuivez, le double idéal. Abel avait laissé des usines, les cités du textile. De tout cela il ne reste que les ruines. Des fragments, qui sont du poète les membres épars. Des traces, des ébauches. Ainsi retrouve-t-il la mémoire. Ainsi écrit-il son texte. Un texte qui n'est peut-être rien d'autre que le tissu serré de la paranoïa...

03/2000

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Policiers

Là-bas, se tient ton orphelin

L'inquiétant Man Mortimer vit sur les rives du lac Eagle dans le Mississippi. C'est un homme de l'ombre, à la fois dealer et mac. Il possède plusieurs maisons dans la région où il loge des prostituées. Il est influent car il semble connaître beaucoup de secrets. Au bord du lac évolue une étrange communauté. Il y a d'abord la belle Melanie, une magnifique veuve septuagénaire qui vit entourée de vieillards atypiques : Ulrich, vieux reclus malade vénérant les animaux, le Dr Harvard, veillant sur sa femme atteinte d'un cancer tandis qu'il aime Melanie en secret, Sidney, vicieux lunatique de la soixantaine qui attend avec impatience la mort de son père pour récupérer le magasin de pêche. Il y a aussi Raymond, l'ancien docteur saxophoniste, et sa femme cubaine, chanteuse enchanteresse. En face, sur le lac, on trouve enfin un orphelinat tenu par Gene et Penny, un couple mystérieux que la mort de leur enfant a failli faire sombrer dans la folie. Que dire de ce texte magnifique sinon qu'il achève de ranger Barry Hannah parmi les grands auteurs gothiques du Sud. En le lisant, on songe bien sûr à Caldwell, mais, par-dessus tout, la longue cadence de sa phrase fait penser à Faulkner et la manière unique avec laquelle il dissimule l'intrigue au cœur de ses personnages évoque irrésistiblement Flannery O'Connor. On ne s'étonnera pas que ces deux immenses écrivains aient toujours été les maîtres d'Hannah.

10/2004

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Histoire et Philosophiesophie

La bioéthique ou le juste milieu. Une quête de sens à l'usage du nihilisme technicien

La justification de ce qu'on appelle, depuis le début des années 1970, la bioéthique, réside dans l'inquiétude diffuse devant l'accélération des progrès techno-scientifiques qui, notamment dans le domaine biomédical, paraissent menacer l'humanité de l'homme. Les pouvoirs accrus nés des avancées du savoir biologique mettent en évidence la fragilité et la vulnérabilité de ce qui est humain, mais tout autant de ce qui relève du vivant en général. D'où le sentiment que la position de limites est d'une extrême urgence. La peur a conduit à la conscience d'une responsabilité nouvelle des hommes vis-à-vis de leur nature comme de la nature, c'est-à-dire de la biodiversité. Dans cet essai, Pierre-André Taguieff montre que la bioéthique illustre la quête contemporaine du consensus par la délibération et le compromis, en tant que mode de résolution des conflits. C'est pourquoi elle se présente idéalement comme un discours du juste milieu, à égale distance des thèses jugées extrémistes, issues soit de l'intransigeantisme religieux, soit du scientisme technophile. Mais peut-on trouver un compromis acceptable entre des positions incompatibles, sinon par des opérations rhétoriques plus ou moins réussies ? La bioéthique ne se confond pas avec l'éthique médicale. Elle doit être repensée comme éthique de la vie ou du vivant, et rejoindre ainsi le souci écologique. Loin de se réduire à une morale humaine, trop humaine, elle est vouée à s'accomplir dans une perception inséparablement éthique et esthétique de la nature.

05/2007

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Histoire de France

La Résistance sans de Gaulle. Politique et gaullisme de guerre

Pour arriver à l'image d'une France unie et réconciliée avec elle-même, que d'obstacles a-t-il fallu braver ! Que de combats franco-français a-t-il fallu affronter ! Que de rivalités ont dû être neutralisées ! Pour rallier les hommes de l'armée des ombres à son symbole et convertir les " féodaux " de la Résistance à une logique d'Etat, le chef de la France libre a dû surmonter des difficultés inouïes. Ceux-ci avaient eu leur propre cheminement et avaient couru les risques les plus extrêmes. Ils entendaient, une fois sortis du monde clandestin, constituer le pôle autour duquel s'organiserait la renaissance politique. Le retour en grâce des partis ne leur en a pas laissé la possibilité. Il faut ajouter que la résistance et la non-accommodation n'ont pas toujours, en France, dans l'Empire ou à l'étranger, emprunté la voie gaulliste et s'y sont parfois même opposées. Bien loin de l'image qu'il a donnée de lui après guerre, le gaullisme n'a pas pu absorber toutes les postures du refus. La Résistance s'est longtemps pensée sans de Gaulle, sinon contre lui. Et le Général a lui-même été conduit, pour restaurer la République, à penser son action sans la Résistance, alors que d'aucuns l'accusaient de préparer l'avènement d'une dictature. L'histoire de la Résistance nous conduit à examiner cette ultime et toujours actuelle question : comment une élite nouvelle peut-elle transformer une révolte morale en un fait politique ?

04/2006

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Critique littéraire

Malraux, mémoire et métamorphose

" Quels livres valent la peine d'être écrits, hormis les Mémoires ? " écrivait Malraux dès 1928. En dépit de ce que laissait présager ce geste de reconnaissance à l'égard d'un genre vieux de plus de cinq siècles - rien de moins que Le Miroir des limbes, composé des Antimémoires, puis de La Corde et les Souris -, la dimension mémoriale a sans doute été, de toute l'oeuvre d'André Malraux, si ce n'est la moins fréquentée, sûrement la moins explorée. L'étude que lui consacre aujourd'hui Jean-Louis Jeannelle ouvre les chemins de cette " odyssée de la mémoire", depuis le simple journal de bord jusqu'à l' " antipacte mémorial". L'auteur montre l'origine, la logique et la chronologie d'une composition très éclatée que le lecteur a, sans cela, du mal à percevoir. C'est là l'originalité profonde d'une démarche qui consiste à mettre en lumière la réflexion théorique sur un genre hérité d'une lignée apparue avec Commynes et à établir entre les Antimémoires de Malraux et les Mémoires de quelques autres - du général de Gaulle à Simone de Beauvoir -, ou encore entre Malraux et un auteur hanté par la mémoire comme Péguy, l'un de ces "dialogues au sommet" dont Malraux lui-même était coutumier. Livre en abyme, livre en rebonds, livre en facettes, livre en éclats: tout ce jeu de mémoire et de contre-mémoire constitue la meilleure des introductions à ce thème omniprésent dans toute l'œuvre d'André Malraux : la métamorphose.

03/2006

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Littérature française

Villa des orangers

Un Bleu Klein parisien. Et puis un jaune américain à la Newman. Une touche de vert à la Chagall vu depuis une fenêtre sur l'île de Bréhat. C'est étrange de retrouver naturellement ces couleurs tout au long d'une vie. Puis d'une autre... Le temps passe, les siècles laissent leurs témoignages et les hommes voyagent. Pour des femmes et des idées, pour l'art et la beauté. Pour Claudia et Maria-Maddalena, la rencontre qui bouleversera leurs vies se fera aussi autour de l'art. Claudia est conservatrice et restauratrice d'art au musée des Offices. Elle travaille sur une toile du peintre anglais préraphaélite, Anthony Frederick Sandys. Maria-Maddalena est une descendante de ce peintre. Dans un camaïeu riche de sentiments, de petites touches de couleurs en aplats magistraux, les deux femmes nouent une amitié hors norme dans la belle Toscane de la Villa des Orangers. De là, de verres de gin en éclats de rire, de larmes en souvenirs, elles voyageront pour des hommes, pour l'art et la beauté. Maria-Maddalena, dans une phase dépressive inconsciente va puiser en Claudia son élan de vie et son aptitude au bonheur. Quant à Claudia, que dire de cette femme, sinon, qu'elle est elle-même une invitation au voyage ? Ce livre parle d'art, d'art de vivre et de bien vivre. Il parle aussi d'amour, de tolérance et de fraternité. C'est un livre hédoniste, un livre qui prend son temps, une sorte d'hymne à la vie...

11/2020

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Critique littéraire

La sémiotique et son autre

Dans le prolongement de La Sémiotique en interface (Kimé, 2018), cet ouvrage se propose de faire dialoguer la sémiotique et d'autres domaines de recherche, avec une volonté accrue de mettre en avant la vie et les pratiques, voire l'empirie, à travers un grand nombre de terrains variés : les artefacts culturels, la lecture littéraire, l'image, le numérique, l'expertise financière, l'espace urbain, la santé, la psyché, etc. Une quarantaine de chercheurs réputés, issus d'une douzaine de pays, nous donnent concrètement à voir à quel point ces interactions sont fécondes, sinon inéluctables : la sémiotique est susceptible de fournir à ses consoeurs une rigueur méthodologique inédite, leur permettant d'affiner leurs concepts, de modéliser autrement leurs objets ou d'y découvrir des clartés insoupçonnées ; en retour, les autres secteurs s'avèrent une chance pour la sémiotique, car ils lui offrent l'opportunité de faire son autocritique, de réviser ses fondamentaux, d'interroger son champ de pertinence. En outre, ce livre montre que, si une synergie disciplinaire est requise pour affronter le monde complexe et mouvant dans lequel nous vivons, le rôle de médiateur pourrait être dévolu à la sémiotique, dans la mesure où elle semble être la mieux armée pour croiser et fédérer les points de vue de différentes disciplines. Somme toute, ce volume convie les chercheurs de tout domaine à se projeter hors de soi et à se doter de la lucidité nécessaire pour relever les grands défis actuels de l'homme et de la société.

05/2019

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Critique littéraire

Une vie de rencontres

Une vie peut être ordonnée par le don fait aux autres découverte, soins, inventions, leçons... Elle peut aussi prendre son sens dans le ou les cadeaux reçus d'autrui : amitié, art, exemples ou même greffe. Ainsi celle de Jean Lacouture, reporter, analyste, biographe, spectateur du monde, qui, d'innombrables rencontres, aura tiré le suc qui a donné plusieurs sens à son parcours d'homme. Du journalisme, découvert à 33 ans dans les rizières d'Indochine et appris ensuite de quelques maîtres, à l'édition où il fut guidé par un éminent chef de file, du portrait de presse l'évocation globale de quelques-uns des personnages de notre temps ou de plusieurs grands écrivains, cette longue carrière fut d'abord celle d'un " honune-reflet ". Du général Leclerc à Chou En-lai, de François Mauriac et Jean Cocteau à Robert Kennedy et de Pierre Mendès France à Simone Signoret, de Germaine Tillion à Alain Cuny, de François Mitterrand à Jeanne Blum et Yehudi Menuhin, notre homme aura fait des dizaines de rencontres, de hasard parfois, de profession souvent, de désir aussi. Il évoque ici ces personnages hors du commun en montrant de quelle manière il a été façonné par eux. S'il est très beau de donner, il n'est pas médiocre de recevoir et, de ce don, faire un autre don. Telle est l'ambition de ce livre. De cette riche galerie de portraits tirés d'une vie mouvementée, Jean Lacouture a su faire une évocation vivante du XXe siècle, de ses fièvres, de ses tragédies et de ses grâces.

05/2005

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Critique littéraire

Verlaine

Son masque de faune, aux yeux obliques, au nez camard et au menton broussailleux, jure étrangement avec les élans lyriques de sa poésie. Toute sa vie sera ainsi contraste. S'il a hérité de son enfance protégée le goût du confort bourgeois (fonctionnaire à l'Hôtel de Ville de Paris, il épousera, jà vingt-six ans, une jeune fille " comme il faut ", Mathilde Mauté de Fleurville), il est aussi familier des tripots et des maisons closes, friand de coucheries vénales et de soûleries à la " verte ". sublime de délicatesse quand une lumière d'en haut le visite, il est capable des pires brutalités sous l'effet de l'alcool. Au vrai, sa nature est si profondément androgyne qu'elle le pousse tantôt à s'enflammer pour sa femme inexpérimentée et acide, tantôt à céder au charme d'une Arthur Rimbaud. Avec lui, il connaît la pauvreté, la crasse, l'ivrognerie, les escapades à l'étranger, la tentative de meurtre, la prison, l'inévitable rupture. Gâchant toutes ses chances avec une obstination manique, il finira ses jours en mendiant, à la fois minable et mystique, ballotté entre deux putains qui le grugent chacune à sa manière, traînant sa jambe malade d'hôpital en garni, abandonné de tous, sinon d'un cercle d'écrivains qui déjà orchestrent sa gloire. Sans rien cacher des faiblesses de son héros, Henri Troyat nous plonge dans le cauchemar de cette existence déchue, dont les souffrances, les errements, les scandales sont autant de prétextes jà des chants d'une intemporelle pureté.

10/1993

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Philosophie

Ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue. De la pharmacologie

Qu'on l'admette ou qu'on le dénie, chacun sent bien qu'à présent l'avenir de la vie terrestre se trouve mis en jeu dans une urgence inouïe. Et chacun sait que, depuis la séquence historique qui s'est engagée en 2007 et qui paraît avoir déclenché ce qu'on appellerait en physique nucléaire une réaction en chaîne, chaque pas compte et semble se surcharger systémiquement de conséquences très difficilement réversibles - sinon absolument irréversibles. Cette crise est sans précédent d'abord en cela. Si krisis signifie bien et d'abord décision, elle est critique comme jamais : elle révèle que le destin humain - qui est un destin inéluctablement technique et technologique - est pharmacologique au sens où, en grec, le pharmakon est à la fois le remède et le poison. Le pharmakon est à la fois ce qui permet de prendre soin et ce dont il faut prendre soin - au sens où il faut y faire attention: c'est une puissance curative dans la mesure et la démesure où c'est une puissance destructrice. Tel est aussi le feu dans la mythologie grecque. Devenu technologie industrielle, le pharmakon est de nos jours hégémoniquement contrôlé par l'économie, c'est-à-dire par le marketing, et c'est une calamité. Cet état de fait, qui a installé une économie de l'incurie génératrice d'une bêtise systémique, signifie que la question du soin - que l'on appelle aussi le care - est une affaire d'économie politique, et non seulement d'éthique.

10/2010

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Sciences historiques

Les conférences de Morterolles, hiver 1895-1896. A l'écoute d'un monde disparu

"M. Beaumord était un instituteur zélé. Devançant un désir à peine formulé par ses supérieurs, il a, durant l'hiver 1895-1896, donné dans son école de Morterolles, petit village de la Haute-Vienne de 643 âmes, une série de dix conférences destinées aux adultes. M. Beaumord était un instituteur talentueux. A l'évidence, il passionnait son auditoire. Près d'une moitié des hommes et d'un quart des femmes de la commune sont venus l'entendre, sans que leur désir faiblisse au cours de cet hiver. M. Beaumord était un instituteur vaniteux ; sinon, il n'aurait pas éprouvé le besoin de publier, dans Le Nouvelliste de Bellac, les thèmes de ses dix conférences et l'effectif masculin et féminin de chacun de ses auditoires. Cela dit, M. Beaumord n'est pas l'objet de ce livre. Grâce à lui, nous pouvons tenter d'imaginer l'appétit de savoir qui poussait des cohortes obscures à venir l'entendre, dans les nuits froides de l'hiver." Au terme d'un minutieux travail d'archives, dans la lignée du Monde retrouvé de Louis-François Pinagot, Alain Corbin redonne vie à un cycle de conférences oubliées depuis plus d'un siècle. Partant sur les traces de l'orateur et de son auditoire, il reconstitue, pas à pas, ces soirées d'hiver où tout un village prenait le chemin de l'école pour s'instruire. En prêtant sa voix à un instituteur de la IIIe République, l'historien nous fait entendre l'écho d'un monde disparu.

03/2011

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Critique littéraire

Envois & Dédicaces

Envois et Dédicaces constitue une réflexion sur le don du livre, qu'il se manifeste par un ex-dono, un envoi manuscrit ou une dédicace imprimée. Si cette dernière a été étudiée à propos de tel ou tel auteur, il nous manquait encore une réflexion d'ensemble sur celle-ci. Quant à l'envoi, jugé marginal et mondain, il n'a guère été abordé, hormis par les bibliophiles. On en trouvera ici un " bref traité " qui en souligne toute la richesse. Pas plus qu'il n'existe d'éléments insignifiants dans la vie psychique, ainsi que Freud nous l'a appris, il n'existe dans le livre de détail dépourvu de valeur. La modernité s'est intéressée longuement à la signature, beaucoup moins à l'envoi et à la dédicace, parce qu'elle estimait la littérature intransitive. Elle transite cependant et s'adresse à quelqu'un. Et ce qui semble à première vue accessoire joue un rôle non négligeable, sinon capital, dans la constitution du sens d'un livre. Telle est l'hypothèse d'Envois et Dédicaces, et son pari. Sa première partie, " Perspective cavalière " s'interroge, entre autres, sur la position en tiers du lecteur ainsi que sur la place de la dédicace, premiers mots d'un livre qui se révèlent souvent aussi ses derniers mots. La seconde, " Couleurs locales ", examine la façon dont quelques auteurs se sont appropriés ce geste : un musicien, Bach, et cinq écrivains, Voltaire, Hugo, Baudelaire, Montherlant, Goffette, ce dernier nous offrant, en guise de conclusion, un poème inédit adressé " à ceux qui partent ".

06/2010

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Religion

Le désir de conversion

Pourquoi quitter sa religion pour une autre ? Un événement, une rencontre suffisent-ils à expliquer qu’on embrasse une foi qu’on n’a jamais pratiquée ? A travers l’itinéraire de cinq grandes figures du XXe siècle, Catherine Chalier interroge le sens et l’enjeu de la conversion. Comment pourrait-on venir à Dieu par ses propres forces s’il n’avait avec l’homme un lien ineffaçable, fût-il fragile et oublié ? Depuis l’Antiquité grecque et biblique, philosophes et spirituels ont médité cette interrogation pour penser la conversion. Au coeur de l’histoire tragique du XXe siècle, malgré l’impuissance du Dieu biblique à se manifester par des signes secourables, les penseurs étudiés dans ce livre ont continué de veiller sur ce lien. Se convertir, ce fut en effet pour eux résister à la fatalité du mal, à l’absurdité et à la défaite humaine. Que leur itinéraire soit essentiellement philosophique avant de s’ouvrir à la mystique (Henri Bergson), qu’il s’accompagne d’une méditation ininterrompue des livres juifs (Franz Rosenzweig) et chrétiens (Simone Weil, Thomas Merton) ou des deux (Etty Hillesum), ils ou elles discernent ainsi, peu à peu, comment le plus profond, l’âme ou le soi humain, est habité par le plus haut. Venir à Dieu serait donc bien revenir à Lui dont l’appel en chacun reste vivant, même quand il reste longtemps en souffrance. Dans l’optique biblique toutefois, ce revenir ne ressemble pas au retour philosophique de l’âme vers une patrie perdue : il se produit comme un advenir et une promesse.

01/2011

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Pléiades

Théâtre complet

De son premier grand amour, Musset a conclu que la faculté d'aimer lui serait à jamais étrangère ; d'où, peut-être, les caractéristiques de son théâtre : ce dégoût de la débauche, ce vain désir d'un bonheur simple, cette conviction que rien de pur ne sera plus offert à qui s'est une fois livré au plaisir. Sous cet éclairage, qu'est-ce que Lorenzaccio, sinon le drame de l'idéal absent, du scepticisme absolu et du désespoir qui saisit l'homme affronté à la perte d'un paradis ? S'il est réducteur de négliger chez Musset le versant de la fantaisie, qui inspire nombre de ses pièces, on se gardera d'oublier que l'auteur du Chandelier est aussi celui de La Matinée de don Juan, un court fragment dont le héros vieilli mène, par le truchement d'un Leporello sans illusions, la quête sans espoir, comme machinale, de l'idéal féminin. La nouvelle édition du Théâtre complet de Musset contient les quinze pièces rassemblées sous le titre de Comédies et proverbes et ici données à lire dans leur version originale, antérieure aux manipulations imposées par les contraintes de la scène. Elle procure également les ouvres dramatiques non recueillies par leur auteur ou publiées posthumes, ainsi que des fragments et des ébauches où l'on trouve du meilleur Musset. On découvrira en appendice les textes qui sont à la source de Lorenzaccio : le livre XV des Chroniques florentines de Varchi et la pièce de George Sand, Un conspiration en 1537.

03/1990