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Kapka Kassabova

Extraits

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Critique littéraire

L'atelier du roman N° 37 Mars 2004 : Dix ans d'atelier. Jean Giono

" L'œuvre d'Andrié nous ramène à la vérité, à nous-mêmes. Cette vérité est moins glorieuse que celle que nous servent les mégalomanes nationaux patentés avec leurs histoires sur la noblesse, la splendeur et la gloire de la cour serbe médiévale où, disait-on, on mangeaient avec des cuillères et des fourchettes en or. " Miroslav Karaulac " Ce sont les romanciers qui ont le mieux compris Giono. Je ne parle pas de quelques égarés qui imaginent imiter le maître en plantant des paysans dans la montagne de Lure, en cachant un cadavre et en distribuant larga manu les prénoms sacrés d'Angelo et de Pauline. " Paule Constant " Depuis 1958, j'ai lu ou relu tout Giono avec en arrière-plan, l'envie non de bâtir une théorie, mais de mettre en balance le positif et le négatif des êtres devant l'ennui, de comprendre aussi pourquoi les bouteilles, pour certains, seront toujours à moitié vides quoi qu'ils tentent ! " Christiane Baroche " Aussitôt, un par un, parfois à deux ou trois et se querellant entre eux et même avec lui, les personnages de sa vie imaginaire passent à travers les murs, traversent son bureau et se fondent dans la masse des livres qui composent la bibliothèque de Giono. " Michel Déon " Le panthéisme, si souvent reproché à Giono, j'affirme sans rougir qu'il m'a alors profondément remué. " Jean-Max Tixier " C'est notre cécité, cécité existentielle, qui rend le monde autour de nous si mystérieux. À sa façon discrète, Petr Kral écarte le voile. " Milan Kundera " Grégoire Samsa est un voyageur de commerce. Il n'est rien d'autre. Il ne vit dans aucun autre domaine en dehors du commerce. Kafka décrit l'univers de ce que les sociologues appellent depuis trois siècles " la société économique ". Stanko Cerovic " Le critique ne saurait trop se taire - affirme Alexandre Vialatte. Je suis comblé. " Michel Host

03/2004

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Thèmes picturaux

Univers imaginaires. Fantasy, fantastique et science-fiction

LE LIVRE Cre ation e ditoriale hors du commun, cette anthologie illustre e rassemble les genres du fantastique, de la fantasy, de la science- fiction. Autant d'oeuvres ayant pour point commun la volonte de s'affranchir du monde re el pour explorer les contre es de l'imaginaire, que cet imaginaire soit lie au surnaturel ou non, qu'il fasse intervenir la magie ou la super-science. Ces genres tre s populaires aujourd'hui ont une riche histoire, parfois fort ancienne - certaines oeuvres de l'Antiquite classique peuvent e tre rattache es au genre fantastique, la fantasy puise aux sources du merveilleux me die val et du conte populaire, et la science-fiction a pre s de deux sie cles d'existence. Au-dela de la classification par genre, le parti pris est ici celui d'une re partition des textes et des images par the mes, renvoyant au contenu des oeuvres pluto t qu'a leur identite litte raire. Des cre atures extraordinaires aux voyages a travers l'espace et le temps en passant par une plane te peuple e d'androi des, les antres des dieux et de mons, croisant la route de he ros surpuissants, sans omettre de parcourir de fabuleuses cite s, les douze chapitres enchai nent les re cits par association d'histoires, toutes relevant de la loi commune d'une imagination re solue a de clore l'ordre familier du monde. Des auteurs "historiques" (Shelley, Baudelaire, Carroll, Wilde, Stoker, Wells, Verne, Kafka, Borges...) aux incontournables (Orwell, Huxley, Bradbury, Ray, Asimov, Tolkien, Lovecraft, Barjavel, Dick, Le Guin...), sans oublier une myriade de contemporains (Martin, Damiaso, Brussolo, Bacigalupi, Ken Liu, Gaiman, Niogret...), ce livre-univers de ploie une constellation d'imaginaires, tanto t teinte s de subversion, tanto t pe tris d'humour, et toujours dote s d'une force narrative singulie re. Les cre ations visuelles de Goya, Blake, Siudmak, Giancola, Druillet, Nenezic... font e cho a la magie du verbe dans sa teneur la plus te ne breuse a ses sommets les plus fe eriques.

10/2022

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Littérature étrangère

Tu seras mon couteau

Tu seras mon couteau. " Si tu es celle que j'ai vue là-bas, les bras serrés autour de toi avec un léger sourire brisé, alors je pense que tu comprendras [...] je ne veux pas te rencontrer ni te déranger dans ta vie quotidienne, mais j'aimerais que tu acceptes de recevoir des lettres de moi. " C'est ainsi que commence la première lettre d'un inconnu à une inconnue. Il lui propose une histoire d'amour épistolaire absolue, fulgurante, limitée dans le temps, illimitée dans le pouvoir des mots qui veulent aller jusqu'au bout de ce chemin vers l'Autre. Cet Autre pour l'homme, c'est la femme. De ses réponses à elle, Myriam, nous ne savons que ce qui se dessine en filigrane dans ses lettres à lui, Yaïr. A mesure qu'avance ce monologue qui sert d'écrin à la voix d'une femme, l'homme qui en appelle à la complicité des lettres de Flaubert et de Kafka, se décompose et se défait. Rêves, orgueil, égoïsme, narcissisme, s'effritent pas à pas pour nous laisser découvrir à l'horizon le chemin qui mène un homme enfin nu vers la femme toujours nue et vulnérable. Pari exigeant et sublime superbement tenu par David Grossman qui, après avoir exploré la grammaire intérieure, s'engage ici dans la grammaire amoureuse et, au-delà, dans la possibilité même d'atteindre l'Autre par la parole et l'écriture. David Grossman, né à Jérusalem en 1954, est considéré comme l'écrivain israélien le plus doué de sa génération. Il est l'auteur de quatre autres romans, " Le Sourire de l'agneau ", " Voir ci-dessous : Amour ", " Le Livre de la grammaire intérieure ", " L'Enfant zigzag ", de deux récits documentaires courageux, " Le Vent jaune ", " Les Exilés de la Terre promise ", et d'une dizaine de livres pour la jeunesse. Traduits dans vingt-deux langues, ces ouvrages ont été distingués par de nombreux prix. " L'Enfant zigzag " a été couronné par le Premio Grinzane et le Premio Mondelo en Italie. David Grossman vit à Jérusalem avec sa femme et ses trois enfants.

08/2000

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Poésie

L'horizon d'un instant

" Tout dépend de l'instant. C'est lui qui détermine la vie. " C'est sous le signe de cette phrase fulgurante de Franz Kafka, le " Loup de Bohème " comme il le nomme, que se place L'Horizon d'un instant de Pierre Cendors. Cela dit une volonté d'intensifier chaque instant de notre vie errante à travers les bruissements cosmiques : " Ne cherchons pas à quitter l'instant avant que n'advienne son incandescence. Laissons en nous son gisement continûment s'accroître. " L'horizon d'un instant témoigne d'une grande attention aux présences terrestres, et d'un acte poétique incarné, jour après jour, durant plusieurs mois, dans un site montagneux, au contact des forces muettes du vivant. Muettes, bien que parlantes à qui se laisse traverser de leurs murmures sauvages. Cela demande un décentrement du regard et de l'écoute : " Prêter une intense écoute aux présences non humaines : celle des hordes nuageuses au-dessus des terres, celles des pierres, des sources et des forêts massées au sol, que cingle inépuisablement l'averse des lumières. " Pour laisser passer ces hordes nuageuses, ces averses lumineuses, ces nuits anciennes entre les lignes, Pierre Cendors joue avec l'étendue blanche des pages, qui devient une image de l'immensité silencieuse. Comme une lueur dans ces espaces vierges, un dialogue entre deux voix intérieures se noue. L'une murmure par exemple : " Une montagne blanchie par la nouvelle neige. L'ombre d'un nuage glissant sur un versant. Des vents errants s'entrecroisant sur la lande embrumée. " Et l'autre répond : " Seul nous parle ce qui est sans parole. " Pour saisir quelque chose des paroles sans paroles soufflées dans les espaces sauvages, la prose poétique de Pierre Cendors suit une ligne tremblante, errante, spiralée. Elle nous enseigne à ne rien attendre, ne rien prévoir, à tourbillonner, s'élever avec chaque instant libéré des logiques temporelles ordinaires : " Nous n'irons plus loin sans d'abord nous arrêter au pied des cimes de cet instant. Laissons l'instant, tout instant, se hausser à son altitude d'astre dans l'immobilité respirante d'une présence. "

09/2023

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Poésie

La source de lumière

Depuis plus de trente maintenant, grâce à ses très nombreuses publications, ouvrages analytiques, articles d'art spécialisés, et principalement recueils de poèmes, Nina Živancevic nous offre la sagesse de sa pensée, dans une créativité prolixe. Ses mots sont comme des rires, des cris qui soulagent au milieu des désespoirs et des sanglots quotidiens du monde. Sa poésie sonne et raisonne, elle prend l'intensité de la parole vraie qui parle au réel. Comme si elle inventait chaque fois une nouvelle langue au rythme imprévu de la réalité. Elle écrit comme elle vit dans la force du mouvement. Impromptue, surprenante, psychédélique et surtout émouvante, sa poésie ne finit pas de nous toucher au plus profond de notre être par la sincérité et la lucidité qui inspirent cette poétesse en permanence. Stavroula Bellos. Nina Živancevic poursuit dans son nouveau recueil de poésie La source de lumière le chemin de ses receuils précédents mais avec cette fois-ci avec un souffle politique semblable à celui d'Allen Ginsberg (dont elle fut l'assistante). En sa qualité de poète transnationale, elle évoque sa vie à Paris, marquée par la réalité française concernant la situation des migrants tout en se souvenant de son passé à Belgrade et de la Yougoslavie et de ses guerres civiles. Elle nous parle aussi de New York, des Etats-Unis confrontés à la question de la gentrification, mais aussi des évènements en Syrie et en Afghanistan. Nous sommes enfin émerveillés par ses pensées sur la Grèce Antique, sur les philosophes comme Nietzsche, Freud, Hannah Arendt, etc. Biljana D. Obradovi ? . Parfois poésie dit ‘didactique', parfois poésie-essai, parfois poésie d'images, parfois poésie du quotidien, presque toujours poésie dédiée à d'autres - l'écriture comme conversation, réponse, ouverture d'un dialogue futur. Cette compilation de textes par l'auteure Nina Zivancevic reflète une vie de rencontres intellectuelles, de rencontres produites à travers la musique (Lou Reed et John Cage) et des livres (Walter Benjamin ou de Kafka). Ses poèmes nous ouvrent sa porte, nous invitent à entrer et à voir et revoir ce que les livres, la musique, la cuisine, l'art plastique et les idées d'autres artistes ont légué à la poésie contemporaine. Jennifer K Dick. Illustration de couverture : Mihailo Stanisavac

09/2021

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Cuisine

La cuisine ayurvédique pour les Occidentaux. Cuisiner naturellement selon les principes de l'ayurvéda

Originaire de l'Inde, l'ayurvéda est un système de médecine naturelle et de prévention de la maladie qui veille à l'équilibre des trois humeurs dans le corps : kapha [eau], pitta [feu] et vata [air]. Cette "science de la vie" a traversé les siècles depuis plus de cinq mille ans et l'alimentation est l'un de ses principaux piliers. Se nourrir en fonction de sa constitution personnelle et physique est l'un des moyens de préserver son équilibre physique autant que mental. Amadea Morningstar est une nutritionniste américaine bienveillante et renommée, qui nous propose ici cette méthode d'alimentation en plus de 230 recettes, non seulement équilibrées, mais absolument délicieuses, digestes, et souvent très originales. Elle a aussi accordé une place à des programmes nutritionnels pour les allergies ou pour les végétaliens ("vegans"). Les personnes qui suivent les principes ayurvédiques pour des raisons de santé trouveront ici des recettes d'une précision inégalée, qui contribueront utilement et agréablement au rééquilibrage de leur constitution. Que l'on suive les préceptes de l'ayurvéda ou non, les recettes, qui couvrent tous les repas de la journée, pourront tout simplement servir de base à un menu qui régalera des convives de façon unique, tout en ménageant leur digestion. Ce volume propose plus particulièrement des recettes dont les ingrédients et la préparation sont issus de méthodes occidentales plutôt qu'indiennes. Le curry n'est pas la base de la nutrition ayurvédique ; comme celle-ci se fonde sur des principes d'équilibre, elle peut très librement inclure tous les aliments et ingrédients, quels que soient leur continent ou leur culture d'origine. "La cuisine ayurvédique pour les Occidentaux d'Amadea Morningstar est aujourd'hui un ouvrage de référence, devenu un classique. Elle a rédigé le livre de cuisine le plus important sur la façon d'adapter la méthodologie de la cuisine indienne aux aliments occidentaux. Même au bout de vingt-cinq ans, aucun autre auteur n'a proposé de livre de recettes aussi pertinentes en matière de cuisine ayurvédique. Chaque personne qui s'intéresse à l'ayurvéda devrait avoir chez elle ce livre essentiel." Vaidya Atreya Smith Directeur du European Institute of Vedic Studies

05/2019

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Critique littéraire

Jean-Jacques. Tome 2, Histoire d'une conscience

La matière romanesque de la vie de Jean-Jacques Rousseau est proprement extraordinaire. Cela commence comme un roman de Dostoïevski et finit comme un roman de Kafka. Ce fils de Genève, de la "nouvelle Sion", qui appartient à la "race des justes", est humilié dès sa jeunesse, obligé de "ramper" et de faire tous les métiers, au reste assez mal ; tour à tour graveur, laquais, maître à chanter, amant, précepteur, secrétaire d'ambassadeur, musicien, polygraphe. A travers les aventures, les échecs, les malheurs et les hontes, il se cherche jusqu'en 1749. Cette année-la, subitement, sur le chemin de Vincennes, après avoir lu dans le Mercure de France le sujet proposé pour le prix de l'Académie de Dijon, il "vit un autre univers et devint un autre homme". II éprouve une miraculeuse délivrance ; toutes les misères, les offenses s'abolissent dans le sentiment de sa propre valeur. Quelque chose qui avait été semé en lui dès l'enfance et qui ne pouvait pas mourir, en dépit de tout, venait enfin à la lumière. Pendant les dix années qui suivirent, Rousseau décide de se réformer. II a de la peine à devenir le Diogène du siècle. II vend sa montre, il gagne sa vie en se faisant copiste de musique, mais il se détache mal des grands. Sa vie à l'Ermitage, puis chez les Luxembourg, est confuse. Mais il compose son oeuvre contre le courant, il remet le monde à la fonte, "fait le Dieu", définit un homme nouveau. En 1762 la publication de l'Emile et du Contrat social ouvre l'histoire de ses malheurs. II est décrété de prise de corps. II fuit la France. Le voilà en Suisse, en Angleterre. II revient en France ; paitout où il va, il se sent en surveillance et proscrit. Le monde entier lui paraît ligué contre lui. Ce n'est pas un Rousseau que Jean Guéhenno a voulu écrire, mais bien un Jean-Jacques, "touché, nous dit-il, de la même et ironique tendresse avec laquelle ses contemporains firent de son prénom un refrain de chanson et que toujours sans doute on éprouve dès qu'on reconnaît un autre homme que soi-même".

10/1952

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Critique littéraire

Jean-Jacques. Histoire d'une conscience Tome 1, En marge des "Confessions" Roman et vérité

La matière romanesque de la vie de Jean-Jacques Rousseau est proprement extraordinaire. Cela commence comme un roman de Dostoïevski et finit comme un roman de Kafka. Ce fils de Genève, de la "nouvelle Sion", qui appartient à la "race des justes", est humilié dès sa jeunesse, obligé de "ramper" et de faire tous les métiers, au reste assez mal ; tour à tour graveur, laquais, maître à chanter, amant, précepteur, secrétaire d'ambassadeur, musicien, polygraphe. A travers les aventures, les échecs, les malheurs et les hontes, il se cherche jusqu'en 1749. Cette année-la, subitement, sur le chemin de Vincennes, après avoir lu dans le Mercure de France le sujet proposé pour le prix de l'Académie de Dijon, il "vit un autre univers et devint un autre homme". II éprouve une miraculeuse délivrance ; toutes les misères, les offenses s'abolissent dans le sentiment de sa propre valeur. Quelque chose qui avait été semé en lui dès l'enfance et qui ne pouvait pas mourir, en dépit de tout, venait enfin à la lumière. Pendant les dix années qui suivirent, Rousseau décide de se réformer. II a de la peine à devenir le Diogène du siècle. II vend sa montre, il gagne sa vie en se faisant copiste de musique, mais il se détache mal des grands. Sa vie à l'Ermitage, puis chez les Luxembourg, est confuse. Mais il compose son oeuvre contre le courant, il remet le monde à la fonte, "fait le Dieu", définit un homme nouveau. En 1762 la publication de l'Emile et du Contrat social ouvre l'histoire de ses malheurs. II est décrété de prise de corps. II fuit la France. Le voilà en Suisse, en Angleterre. II revient en France ; paitout où il va, il se sent en surveillance et proscrit. Le monde entier lui paraît ligué contre lui. Ce n'est pas un Rousseau que Jean Guéhenno a voulu écrire, mais bien un Jean-Jacques, "touché, nous dit-il, de la même et ironique tendresse avec laquelle ses contemporains firent de son prénom un refrain de chanson et que toujours sans doute on éprouve dès qu'on reconnaît un autre homme que soi-même".

10/1952

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Médecine ayurvédique

MANUEL DE CUISINE AYURVÉDIQUE. GUIDE PERSONNALISÉ POUR UNE ALIMENTATION ET UNE SANTÉ OPTIMALES

Nutritionnistes de grande renommée, Amadea Morningstar et Urmila Desai offrent dans le Manuel de cuisine ayurvédique, une perspective nouvelle et originale de cet art ancestral de l'autoguérison appelé ayurvéda, la "science de la vie". Plus de 250 recettes faciles et accessibles, ayant été testées et approuvées, ont été spécifiquement conçues pour équilibrer chaque constitution en toute simplicité et en respectant une harmonie nutritionnelle. Tout en proposant plusieurs recettes aux fragrances et saveurs parfois un peu plus indiennes que celles de La cuisine ayurvédique pour les Occidentaux, ce livre demeure cependant adapté au palais occidental : ni plats très pimentés ni clichés gastronomiques occidentaux ou orientaux, mais des recettes uniques, douces, digestes et colorées. Chaque constitution y trouvera une alimentation adaptée, que ce soit pour retrouver l'équilibre ou pour simplement le maintenir. Et, dans cette perspective, les auteures présentent d'abord les bases de la nutrition ayurvédique, puis une série de menus adaptés aux constitutions, à la période de la journée et aux saisons. Pour ce qui est des recettes, les petit-déjeuners vous font partir du bon pied ; les en-cas et autres boissons constituent de savoureux accompagnements ; la préparation des légumineuses préserve les intestins ; les plats à base de produits laitiers ouvrent de belles perspectives de santé ; les soupes font le plus grand bien ; les légumes, les céréales et les fruits révèlent leurs secrets nutritionnels ; les salades en enchantent plus d'un ; les desserts sont délicieux et la section consacrée aux currys et aux kitchadis permet de découvrir la finesse de la gastronomie ayurvédique indienne. Originaire de l'Inde, l'ayurvéda est un système de médecine naturelle et de prévention de la maladie qui veille à l'équilibre des trois humeurs principales du corps : le kapha [l'eau], le pitta [le feu] et le vata [l'air]. Cette "science de la vie" a traversé les siècles d'abord oralement puis dans différents écrits, sur plus de cinq mille ans. L'alimentation est l'un de ses principaux piliers. Se nourrir en fonction de sa constitution personnelle et physique est un moyen de préserver autant son équilibre physique que mental.

12/2022

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Humour

Chroniques de La Montagne 1952-1961

Alexandre Vialatte (1901-1971) a longtemps partagé le sort de Stendhal : il fut un auteur pour happy few. Si ses livres ne lui ont pas attiré des lecteurs en grand nombre, ils ont en revanche suscité l'admiration des meilleurs, tel Malraux, Edmond Jaloux ou Jean Paulhan. A vingt et un ans, il partit en Rhénanie comme traducteur civil dans les bureaux militaires. Il restera cinq ans à Spire et à Mayence. C'est l'époque de la découverte de Nietzsche, de Thomas Mann, de Brecht, et surtout de ce grand humoriste Kafka, qu'il est le premier à introduire en France. Mais il dirige aussi la Revue rhénane, lancée par le haut-commissaire de la République française dans le but de faire triompher l'idée que le Rhin ne sépare pas des voisins mais les unit. Rédacteur en chef et journaliste, il invente un genre littéraire, la chronique, qui lui convient si parfaitement qu'il le cultivera avec un bonheur exceptionnel pendant plus d'un demi-siècle. Ce romancier, ce traducteur est un chroniqueur de génie ayant donné des centaines de textes à des dizaines de périodiques : tantôt compte rendu de spectacle ou de lecture, tantôt récit d'une rencontre, tantôt observation des signes du temps (par exemple, la montée du nazisme en Allemagne), tantôt réflexion philosophique. Il y a des moments où le spectacle le plus banal peut devenir allégorie oui symbole, disait Baudelaire, flâneur par excellence, qui savait tirer de toute chose une moralité amère. Tel Alexandre Vialatte, grand moraliste du XXe siècle. " D'où sortent toutes ces choses ? D'un film ? De la mémoire ? On erre dans sa mémoire comme dans un vieux musée. On s'égare. Sur une petite place où clignote la lumière d'un restaurant jaunâtre, une statue s'élève sous les tilleuls, qu'on discerne mal dans cette ombre. On l'éclaire avec une lampe-torche. On retrouve le visage de son meilleur ami. Déjà... " Par la quantité de ses chroniques, par leur qualité, Vialatte s'impose comme un Socrate moderne. On trouvera ici, réunies pour la première fois, les 898 chroniques écrites pour La Montagne de 1958 à 1971. Un tiers n'a jamais été repris en volume. C'est là un monument qui a la valeur d'un inédit. ROBERT KOPP

10/2000

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Revues

Europe N° 1109-1110, septembre-octobre 2021 : Alexandre Vialatte

L'idéal d'Alexandre Valatte (1901-1971) était d'être "sobre, rapide dense comme le marbre, aérien comme le papillon". Sans oublier l'humour : "Il m'a toujours semblé, écrivait-il, qu'il y a une parenté entre les plus hauts moments de l'art et les raccourcis saugrenus qui déclenchent le rire." Par bonheur, son humour est aux antipodes de celui des amuseurs patentés. Il est fait de précision de rapidité, de poésie et d'apparente incongruité. "Je ne vois pas ce qui n'est pas fantaisie à commencer par la réalité", écrivait-il à son amie Ferny Besson. Même le tragique est traité chez lui avec le décalage du rire, cette politesse du coeur. Traducteur précoce de Kafka dès sa découverte du Château au milieu des années vingt, Vialatte considérait que le véritable artiste "est celui qui crée son monde, un univers à lui qui ne date que de son oeuvre". Il disait aussi : "Ecrire c'est courir après un sujet qui vous échappe, courir jusqu'au bout du vent. Mais où est le bout du vent ? "... Dans ses romans comme dans ses chroniques, le chatoiement de l'écriture vient souvent d'un jeu de lumière dans l'ironie qui en fait varier l'intensité. Férocité, dérision et tendresse se superposent dans le plissé de la phrase de cet écrivain qui a su éviter la lourdeur du sérieux pour dire des choses graves. Tanguy Viel : Romans, essais, récit de voyage à quatre mains, livret d'opéra, l'oeuvre de Tanguy Viel affirme sa cohérence à travers des cheminements et des dispositifs singuliers : c'est une attention, toujours vive et inquiète, à la puissance des formes. Le souci formel n'est pas pour cet écrivain une manière de styliser après coup le monde, mais l'impulsion même de sa découverte et de sa saisie. Une ligne de basse parcourt son oeuvre : la mélancolie. C'est elle qui donne une couleur à ses livres, empruntant volontiers au film noir ses codes, son atmosphère et sa tension. Cette mélancolie relève aussi d'un sentiment générationnel, celui de venir après : après l'époque lumineuse du récit sans ombre, ni soupçon ; après les expérimentations formelles et leurs dispositifs inventifs ; après le temps de la confiance dans l'Histoire. L'écrivain travaille avec ces ruines, les collectionne pour mieux leur redonner mouvement et énergie.

08/2021

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Philosophie

Le petit métaphysicien illustré

Jean-Charles Pichon (1920 - 2006), romancier, poète, auteur dramatique, dialoguiste, philosophe, fut l'homme du paradoxe : une soixantaine de ses ouvrages ont été publiés, il a reçu des prix littéraires, été reconnu comme un pair par Hervé Bazin, Albert Camus, Lévi Strauss... Et il demeure inconnu du grand public. C'est sans doute que sa pensée dérange. Son oeuvre métaphysique, qui se situe dans la lignée de celle de Mircéa Eliade, est basée sur l'étude des mythes et des croyances qui ont accompagné l'humanité depuis des millénaires. Il en a étudié les formes, les rythmes et les figures - leur naissance, leur apogée et leur déclin. Ce faisant, il a dénoncé les impostures des églises et - pis encore en notre époque - celles des rationalistes scientistes. Se fondant sur un savoir encyclopédique, son raisonnement d'une rigueur implacable nous fait porter un regard lucide sur l'histoire de l'humanité et sur son avenir. Ecrit de 1985 à 1988, avec une préface de 1977, Le Petit Métaphysicien illustré constitue un livre indispensable pour ceux qui veulent suivre cette route. Jean-Charles Pichon y développe des notions qu'il utilisera dans ses oeuvres postérieures (le PAT et le PAN, la Forme Vide, l'analemme, etc.). Il s'agit en réalité d'une sorte de "manuel du gay sçavoir", d'un "discours de la méthode" métaphysique, d'une "défense et illustration" des vocables précis qui permettent au mythologue de confondre les mythomanes. Sa machine y est décrite, basée sur les aspects de l'objet : vocable, nombre et figure. De nombreuses machines y sont également étudiées, notamment celles qui constituent Sindbad le marin ou l'Apocalypse, mais aussi celles écrites par Attar, Goethe, St Thomas d'Aquin, Joachim de Flore, St Jean de la Croix, Roussell, Kafka, Duchamp, Artaud ... Puisse ce guide vous aider dans votre propre cheminement. "C'est pourquoi je ne conclus pas ce livre. Ferme le, ami. Dors et rêve un poème. Je t'ai donné peu de chose, somme toute : un nombre magique et quelques sommations, un analemme qui fut une croix et la redevient sans cesse, le plus concis des vocabulaires : 6 dieux, vivants ou morts, recréant les 12. Mais ce peu est sûr. Où que tu ailles, quoi que tu fasses, quelle que soit la sentence qui te menace, tu peux l'emporter avec toi". (p. 331).

06/2014

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Décoration

Nuit sur l'Allemagne. 107 linogravures des années 1937-1938

Né à Coblence en mars 1903 Carl Meffert passe une partie de son enfance à l'Assistance publique d'où il fugue à plusieurs reprises et s'enfuit définitivement à 16 ans. Il écope ensuite de 40 mois de prison pour délits politiques. Il se marie en 1925, tombe veuf en 1930. Entre-temps il étudie la peinture, rencontre, parmi d'autres artistes amis, Käthe Kollwitz dont il devient l'élève passionné, s'inscrivant ainsi dans ce qu'il appelle une a tradition humaniste et sociale ". Il dessine alors pour la presse ouvrière et illustre un certain nombre de livres. En 1933, l'arrivée d'Hitler au pouvoir l'oblige à s'exiler en Suisse. Ayant perdu travaux et papiers, il y entre dans l'illégalité, prend le nom de Clément Moreau, et réussit deux ans plus tard à se réfugier en Argentine où il milite dans la presse contre la propagande nazie et pour les réfugiés politiques. C'est à cette époque qu'il commence la série de linogravures Nuit sur l'Allemagne où il exprime les souffrances et les atrocités subies par son ami Mühsam et par tous les prisonniers du régime hitlérien. II se remarie en 1935. L'arrivée de Perón au pouvoir en 1943 oblige le couple à s'éloigner de Buenos Aires. Il s'installe un temps dans les Andes puis se trouve déporté en Patagonie d'où il s'échappe vers l'Uruguay. Séjour en Europe en 1961. Retour en Argentine l'année suivante où le coup d'Etat militaire le force à un ultime retour en Suisse où Clément Moreau décédera fin décembre 1988. Celui qui disait exercer le t métier d'émigrant" a laissé, outre des centaines de dessins et gravures disséminés dans la presse suisse et argentine, une quinzaine de recueils de caricatures et de linogravures d'une qualité tout à fait exceptionnelle dans l'histoire de l'illustration libertaire. Il est au moins l'égal des Kupka, des Masereel, des Vallotton, des Veber, des Lébédeff, des Jossot et autres défenseurs de la liberté et il est inconnu en France des historiens du mouvement expressionniste et des éditeurs, dont un seul, Syros, donna en 1976 une édition du livre de caricatures inspiré par Mein Kam pf. C'est donc ici le premier livre de linogravures de Clément Moreau qui est offert au public français. C'est aussi une initiation à son oeuvre.

01/2018

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Revues

L'atelier du roman N° 111 : Adalbert Stifter. Avant que la nature disparaisse

Un numéro consacré à Adalbert Stifter (1805-1868) peut paraître surprenant vu l'intérêt de L'Atelier du roman pour les romanciers qui ont durablement marqué l'histoire et l'art du roman. Natif de Bohême, pays faisant à l'époque partie de l'Empire autrichien, Stifter a très peu voyagé. Et, étant Inspecteur des écoles primaires en Haute-Autriche, il a peu habité la Vienne cosmopolite. Peintre et prosateur, avec plusieurs romans et recueils de nouvelles à son actif, Stifter est resté très réfractaire aux grands bouleversements artistiques et culturels qui ont commencé à secouer l'Europe au milieu du XIXe siècle. Il est considéré, en général, comme l'un des initiateurs de l'esthétique biedermeier, esthétique magnifiant les valeurs de la famille et de la vie campagnarde. Ce qui ne l'a pas empêché d'obtenir l'approbation de ses contemporains, ainsi que des grands écrivains de tous bords allant de Nietzsche à Kafka et de Walser à Kundera. Signalons de surcroît que l'oeuvre de Stifter continue à être traduite et à fasciner un grand nombre de lecteurs. Comment expliquer cet intérêt pour une oeuvre à première vue si résolument tournée vers le passé ? Difficile d'y répondre si on juge les écrivains selon le seul critère du progrès. Mais le dilemme chez Stifter n'est pas de choisir entre le progrès et l'immobilisme, mais entre l'accélération tous azimuts prônée par la science contemporaine et la lenteur qu'impose le rythme de la nature. Toute sa littérature, déployée sur fond de la grande nature, est un effort minutieux et permanent pour empêcher nos sens d'être engloutis par le timing scientifique. Observer, encore et toujours observer. S'émerveiller devant le miracle infini de la nature. Certes, Stifter n'a pas marqué l'histoire du roman. Mais il a marqué, d'une manière inimitable, l'histoire de l'humaine condition : l'homme qui ne s'émerveille pas devant une fleur sauvage est perdu tant pour la nature que pour le savoir. Dans le reste de la matière, à part nos chroniques venues du Québec, des Etats-Unis et de l'Allemagne, et les pages de critique littéraire, signalons l'article de Riccardo Pineri sur le mythe des origines et celui de Fernando Arrabal sur les vertus pédagogiques des grands-mères. Et comme dans chaque livraison, l'ensemble accompagné des dessins humoristiques de Jean-Jacques Sempé.

12/2022

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Littérature française

Le Labyrinthe du caméléon

Andréas, après un rêve prémonitoire, rencontre à La Paz un mystérieux chaman, qui lui révèle qu'il fut jadis Luna, prêtresse d'un temple de la Lune, sur le lac Titi-kaka, l'amante de Fils de Inti. A Cuzco, la réalité de cette existence se confirme. La certitude absolue s'impose lorsque Andréas, avec sa compagne Noémie, visite le Temple du Soleil, puis le Temple de la lune, sur les îles du lac. Des coïncidences troublantes lui prouvent qu'ils se croisèrent dans maintes autres incarnations. Ainsi fut-il Iljir, gitan amoureux de la belle Sûrya, indienne qui fut jadis Fils de Inti. Iljir dut fuir le continent indien et partit avec toutes les tribus gitanes dans la grande migration qui les mena jusqu'en Andalousie. Mais il mourut en chemin du chagrin qui fut le sien en abandonnant Sûrya. Alors il découvre que tous les pays où il a vécu ou qu'il a visités dans cette existence, il les a connus en d'autres temps et qu'il y a toujours croisé les mêmes personnes qu'il connaît maintenant... Et le roman nous mène tour à tour dans les forêts froides de Russie où il fut moujik, dans la France du Moyen Age où il fut proxénète. Parti enseigner au Bénin, il découvre la certitude d'avoir vécu dans ce royaume, d'y avoir été réduit en esclavage et déporté dans les bayous de l'embouchure du Mississipi et de là dans l'île de Karukera, l'actuelle Guadeloupe. Et maintes autres aventures surprenantes, maints événements dramatiques au cours desquels il croisa Sûrya, Noémie et d'autres personnes encore : son actuelle épouse Carmen, qu'il connut jadis en Grèce, le Cheik au turban vert connu à la mosquée de Cordoue, Axelle la yoruba blanche dont il fut le frère sous le nom de Yago, Astrid qui fut sa compagne lorsqu'il était chamelier berbère... Et d'autres personnages hauts en couleur. Jusqu'à la métamorphose finale, le baptême de l'Eau et du Feu, enfin l'ouverture de la Porte du Soleil...

09/2013

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Littérature étrangère

Journal. Tome 2, 1964-1980, La conscience attelée à la chair

Ce deuxième des trois volumes des journaux de Susan Sontag commence là où s’achevait Renaître, au milieu des années 1960. On y suit le parcours et l’évolution de Susan Sontag dans les mouvementées années 1960, jusqu’au moment où elle acquiert une renommée mondiale en tant qu’essayiste de premier plan, devenant une figure incontournable dans le monde des idées avec la parution de Against interpretation en 1966. Comme Renaître, ce volume mêle notes du quotidien et réflexions sur sa vie intime, sur le monde, la peinture, la musique, le cinéma, et avant tout sur l'écriture, le processus de création, sur ses doutes. Ceci à l'époque de la Beat Generation et de la révolution sexuelle. Ayant abandonné sa carrière académique, Susan Sontag a en effet consacré la période de 30 à 40 ans à écrire et absorber la culture new-yorkaise : elle regarde de nombreux films, assiste à des happenings, visite les ateliers de ses amis Robert Rauschenberg, Paul Thek et Jasper Johns…Susan Sontag relate par ailleurs ses voyages : à Tanger ; à Paris où elle s’installe un temps, rencontre les intellectuels de l’époque, va quotidiennement au cinéma et se passionne pour la Nouvelle Vague ; Prague ; Venise; le Vietnam, où elle part avec une délégation d'activistes contre la guerre : "J'accomplis des actions militantes, dit-elle, sans éprouver de sentiment militant". Ce journal accorde aussi une large place à des développements plus intimes, qui portent la marque de ses échanges avec sa psy, Diana Kennedy. Susan Sontag a en effet été très affectée par sa rupture avec la metteur en scène cubaine Maria Irene Fornes. Elle se lie alors avec "Carlotta", une femme dont elle admire l’indépendance, mais avec laquelle elle ne se sent pas totalement à l’aise…Davantage encore, Susan Sontag ne cesse de s’interroger sur la création. Elle évoque, au fil de notes et de listes, ses lectures (Kafka, Robbe-Grillet, Simone Weil, Roland Barthes…), ses projets de livres, ses déceptions, ses difficultés. Elle rappelle aussi son expérience théâtrale dans l'atelier de Peter Brook et de Grotowski à Londres, et la réalisation de ses premières productions cinématographiques en Suède. Cet ouvrage constitue un inestimable document, au sein duquel sont progressivement dévoilés les rouages de la pensée d’une des intellectuelles les plus curieuses de son époque, l’une de celles qui a le plus cherché à analyser, décortiquer le monde qui l’entoure, au moment où sa renommée atteignait son apogée. Il s’agit également d’un remarquable document qui témoigne de la prise de conscience morale et politique d’un individu.

05/2013

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Poches Littérature internation

Le grand romancier américain et autres nouvelles

Dès les premiers mots des nouvelles de Tzvi Fishman nous savons que la destinée de ses personnages va nous faire pénétrer au coeur des contradictions de notre temps. L ancien scénariste à succès de Hollywood n a rien perdu de sa faculté de susciter en quelques phrases le mouvement grâce auquel toute l histoire va être racontée. Quand il décrit comment « Le Grand Romancier Américain » devient la coqueluche du Vatican, nous avons déjà compris que cette célébrité a « un véritable génie pour se maintenir dans la presse », et lorsqu’il lance sa fameuse « Campagne pour la paix » prônant d’enlever les implantations juives d’Israël « tout entier », il nous montre à l’oeuvre avec justesse la drôle logique de bien des personnages connus. Fishman lui-même s était trouvé assez doué pour pouvoir envisager ce genre de destinée : « Je peux être un tout aussi bon Juif à New York sans léser d’autres populations ». Cependant il y a trente ans il décida a contrario de ne plus cultiver qu’à Jérusalem son écriture et son accent américains. Les cinq nouvelles présentées ici proviennent d’un recueil, Days of Maschiach, qui avec son roman Touvia en terre promise a valu à Tzvi Fishman le prix du ministère israélien de l’Éducation pour la littérature et la culture juive. Ces « métaphores sur les errances du peuple juif dans des contrées étrangères » ne se contentent donc pas de raconter des histoires empêtrées dans une terre sainte imaginaire, elles y conduisent. Fishman sait expliquer en quelques mots à tous les non initiés que nous sommes la complexité des situations politiques en Israël. En racontant ce pays à sa manière, il décrit les faiblesses et les fautes de tout le monde : ce n est pas pour accabler les pauvres hommes du XXIe siècle que nous sommes, mais pour leur donner enfin une chance de vivre. De la première à la cinquième nouvelle l’écrivain israélien passe ainsi de la manière d’un Woody Allen récalcitrant à celle de Franz Kafka, mais s’il précipite son lecteur dans l’embarras, il lui donne en même temps la clé pour le résoudre. La sûreté philosophique et politique de Tzvi Fishman consiste en effet à pousser jusqu’au bout la loi des petites défaillances logiques dont se nourrissent tous les succès, et à révéler ainsi la mécanique de ces légères compromissions qui sont les nôtres : en nous permettant de rire de bien graves sujets, il réussit sans complaisance mais sans cruauté à nous inculquer des vérités solides.

03/2012

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Spécialités médicales

Oeuvres complètes. Tome 5, 1983-1984

Dans ce tome 5 sont abordés des sujets fondamentaux envisagés tant sur le plan pratique que sur le plan théorique. Celui-ci se termine par des photos rares, la plupart recueillies lors de rencontres scientifiques. Arthur Tatossian convie le lecteur à réfléchir sur des problèmes de la vie de tous les jours et les contacts avec Autrui, la mémoire et la crainte engendrée par ses troubles, les évènements biographiques et leurs conséquences d'une part chez le sujet exempt de troubles psychiques par exemple en cas de Deuil et, d'autre part, chez le sujet malade, ici l'alcoolique chronique, dont sont évoqués les rapports avec ses proches et avec son ou ses médecins. Les notions de réalité et de temps vécu, l'approche des psychoses et de leur décompensation éventuelle sont présentées de façon simple permettant de comprendre ce qu'est la phénoménologie et ce qu'elle peut apporter au praticien pour aider son patient. Sur un plan plus théorique, une remarquable présentation de la phénoménologie de la schizophrénie confirme l'intérêt du point de vue phénoménologique tant sur le plan théorique que pratique. L'étude de la quotidienneté, en hommage à Guiseppe Campailla, met en évidence que "le problème de la quotidienneté est la référence constante de la pensée phénoménologique" et que le lebenswelt du Husserl tardif révèle le rôle majeur que joue l'intersubjectivité dans la réalité quotidienne. Une étude comparative très intéressante des Pratiques traditionnelles en cas de maladies mentales — en Afrique et à la Réunion — et des méthodes utilisées en psychiatrie en Occident permet à A. Tatossian de revenir sur un thème qui lui est cher, celui de la chronicisation de la maladie mentale, et de montrer que les conceptions sur l'origine du trouble mental dans ces sociétés, la bonne tolérance du malade par celles-ci, le soutien du malade par le groupe auquel il appartient, permettent, dans une large mesure, d'éviter le passage à la chronicité. L'auteur estime que l'utilisation de certaines de ces pratiques traditionnelles, adaptées à nos méthodes, peuvent être très efficaces puisque, comme il l'a toujours préconisé, elles permettent d'utiliser au maximum le potentiel qui reste au malade, et il en reste toujours. Quelques réflexions sur la grève de la faim permettent de distinguer les motivations non pathologiques des motivations discutables, souvent pathologiques. Le vécu du sujet cancéreux adolescent est présenté par Tatossian, à titre d'introduction, aux Journées de l'Association Psychologie et cancer de 1984. Pour terminer l'auteur nous entraîne dans une brillante étude comparative de l'OEdipe dans les oeuvres de Kafka, Musil et Freud qui ne peut qu'inciter à lire ou relire les textes de ces auteurs.

12/2020

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Critique

Dictionnaire Cervantès

Parmi tous les écrivains espagnols dont le nom est connu en France, Cervantès occupe sans conteste la première place, au point d'incarner parfois à lui seul l'éclat des lettres hispaniques. Il a fait, comme il se doit, l'objet de plusieurs biographies. Mais, pour le lecteur qui ne veut pas s'accommoder d'un récit soumis aux contraintes de la chronologie, il est apparu qu'un dictionnaire serait à même de lui faciliter un libre parcours, pour ne pas dire un vagabondage, qui lui appartienne en propre. Le voici désormais à sa disposition, sous la forme d'un ensemble de quelque cent trente articles qui lui permettront, si l'envie lui en prend, de privilégier telle perspective de son choix : le milieu familial de l'écrivain ; les villes où il a séjourné ; ses campagnes militaires et sa captivité à Alger ; son expérience de munitionnaire et de collecteurs d'impôts en Andalousie, au service de l'Etat ; sa formation intellectuelle ; son regard sur le monde et sur l'Espagne de son temps, en fonction des multiples aspects d'une personnalité dont la complexité se dérobe souvent à nous ; sa production littéraire (Galatée, poésies, théâtre, Nouvelles exemplaires, Don Quichotte, Persilès, Voyage au Parnasse) ; et, finalement, sa postérité et sa renommée posthume. La fascination que Cervantès continue d'exercer sur nos contemporains, au terme de plus de quatre siècles, ne tient pas seulement, tant s'en faut, aux péripéties d'une existence mouvementée, et elle n'aurait pas été aussi forte s'il ne nous avait laissé que ses poésies, ses nouvelles et son théâtre. Elle est due avant tout à Don Quichotte, ce qui explique le nombre d'articles qui lui sont ici consacrés. Sans mésestimer l'intérêt que soulèvent les questions relatives à sa vie et au reste de sa production, j'ai jugé essentiel d'accorder à son chef-d'oeuvre toute la place qu'il mérite, ainsi qu'à la réception qui lui a été réservée dans le monde entier : réception artistique, qui s'observe chez Coypel, Goya, Daumier, Doré, Dalí, Picasso, Garouste ; réception musicale, dont témoignent Purcell, Telemann, Massenet, Richard Strauss, Manuel de Falla, Jacques Brel ou Cristóbal Hallfter ; réception cinématographique, depuis George Pabst jusqu'à Orson Welles et Manuel Gutiérrez Aragón ; réception critique qu'attestent Unamuno, Ortega y Gasset, Freud, Thomas Mann, René Girard, Marthe Robert, Michel Foucault ; mais aussi réception littéraire que déclinent, chacun à sa manière, Marivaux, Fielding, Sterne, Diderot, Dickens, Flaubert, Dostoïevski, Melville, Tourgueniev, Kafka, Borges et, plus généralement, tous ceux qui, depuis le XVIIIe siècle, ont médité non seulement l'exemple que leur offraient les aventures d'un héros comique transfiguré par les romantiques en un chevalier d'idéal, mais aussi un texte fondateur, tenu souvent pour le premier roman moderne.

09/2021

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Littérature Espagnole

Journal. Premiers cahiers 1954-1960

L'immense Journal d'Alejandra Pizarnik, texte majeur d'une oeuvre aussi nécessaire que fatale, sera enfin traduit et publié entièrement en France. Il s'agit de 19 cahiers qui forment un ensemble de 1104 pages dans l'édition espagnole de référence : Diarios1954-1972 (Lumen, 2013). Projet assez titanesque, il sera réalisé en deux temps, nous présentons aujourd'hui le premier tome qui est complétement inédit en français. Il est composé des neufs premiers cahiers qui datent de fin septembre 1954 à août 1960. Alejandra Flora Pizarnik a 18 ans, quand elle commence son Journal, mais il est évident tout de suite qu'il ne s'agit pas d'un simple document ou d'un témoignage en marge de l'oeuvre poétique de la future écrivaine (elle publie son premier livre en 1955), ce sera une oeuvre à part entière, puissante, nécessaire. D'ailleurs, Alejandra Pizarnik s'inscrit elle-même volontairement dans le genre littéraire du journal, des écrits autobiographiques, en citant clairement ses références, du Journal de Katherine Mansfield et de Virginia Woolf en passant par les Journaux de Kafka (qui venait de paraître en Argentine traduits par J. R. Wilcock et qui fut un livre de chevet pendant des années pour Pizarnik), et les écrits autobiographiques de Baudelaire (Fusées, Mon coeur mis à nu). De façon plus large, Pizarnik définit d'emblée son projet littéraire en le plaçant dans la lignée de l'écriture introspective, une écriture du moi, ou du je, entre deux pôles qui seraient, pour l'écriture du moi la Recherche du temps perdu de Proust, et pour l'écriture du je, Une saison en enfer de Rimbaud. Mais au-delà des références données par la jeune écrivaine, aspirant dès le début à la postérité littéraire ("peut-être ma plume explorera-t-elle des lisières inconnues, peut-être mon oiseau sera-t-il glorieux, peut-être mon nom aura-il droit à son auréole, peut-être ma mort sera-t-elle ma naissance".), ce qui construit la trame de son Journal est une quête éperdue de vérité, à travers le langage. Quête cernée en permanence par l'attrait de la mort et l'angoisse de la disparition : "J'aspire à la lucidité. J'ai peur de ne jamais l'atteindre". . C'est cette quête qui fait du Journal d'Alejandra Pizarnik bien plus qu'une succession de prises de notes au fil des jours, pour se transformer en une oeuvre-monstre, miroir déformant ou fleuve en crue, faisant déborder le texte de toutes parts, oscillant entre fulgurances poétiques, scènes de la vie artistique à Buenos Aires (puis à Paris), envolées lyriques, diatribes, récits de rêves, fragments de nouvelles ou de romans abandonnés, croquis humoristiques, confessions, etc.

04/2021

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Notions

Des indésirables. Quatre manières de traiter un embarras

Sous le titre Des indésirables sont étudiées et confrontées des situations différentes mais présentant des points communs ou des analogies. C'est, d'abord, un détail de la législation de Vichy de 1940 ; l' "embarras" , ici, ce sont les Juifs : il faut les faire tout simplement disparaître. Quelques mots paraissent suffire à cette opération. Il s'agit, ensuite, du rejet du protestantisme, au début du XIXe siècle, de la part de Joseph de Maistre avec son équivalent chez Novalis ; terrain propice au développement d'un certain théologico-politique "à la française" . Le troisième chapitre évoque la réflexion d'Edgar Quinet (et, à sa suite, Simone Weil) sur la continuité entre les Grecs de l'époque classique et le christianisme ; le judaïsme est donc l'absent de la civilisation, les Grecs sont d'emblée déjà-chrétiens. Le dernier chapitre reprend une analyse de Péguy qui montre comment la pédagogie moderne réduit l'enfant pour le faire accéder à l'état adulte, le rendant proprement inexistant. Dans ces quatre cas, c'est un objet indésirable qui est effectivement façonné, qui est désigné en tant qu'embarras. On croit donner ainsi toutes les raisons de le faire disparaître, et ce, définitivement. Ce sont là des façons de fabriquer du non-être pour pouvoir rapidement s'en défaire. Le paradoxe est, ici, que la haine s'en prend à des formes imaginaires qu'elle contribue à former continuellement. Quatre institutions sont évoquées par ce biais, en vue de cerner cette logique singulière d'exclusion et de destitution : l'Etat, l'Eglise, l'Histoire, l'Education. Accommoder le temps et réduire la langue à quelques vocables ou à des mots d'ordre, ce sont, aux yeux de l'Institution, des manières de faire qui doivent permettre une éviction réussie de ce qui gêne foncièrement, voire une épuration rassurante, et qui fournissent, également, en quelques phrases, un surcroît de narcissisme à un "nous" fabriqué de toutes pièces. Ces quatre modalités d'éjection sont, selon l'auteur, constitutives de notre modernité. Elles appartiennent à l'histoire française récente et, pour certaines, contiennent de véritables germes de guerre civile. Rien ne dit qu'elles aient disparu. Jean-Michel Rey est né à janvier 1942 à Paris. Il a enseigné la philosophie et l'esthétique à l'Université de Paris VIII de 1969 à 2008. Il a fondé et dirigé avec Marie Moscovici la revue L'Ecrit dutemps (1982-1988) aux éditions de Minuit. Il a été directeur de programme au Collège International de Philosophie de 1992 à 1998. Il est l'auteur d'une vingtaine de livres sur Nietzsche, Freud, Kafka, Valéry, Péguy, Artaud, Thomas Mann. Jean-Michel Rey pense donc, de longue date, que philosophie et littérature sont indissociables, et qu'entre le politique et la philosophie les liens sont étroits.

04/2023

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Pléiades

Romans, nouvelles et récits. Volume 2

Au sommaire de cette édition figurent toutes les nouvelles connues à ce jour, dans l'ordre de leur rédaction ou de leur première publication. Ce corpus est complété par l'unique roman de Zweig publié de son vivant, Impatience du cour - célèbre en France sous le titre La Pitié dangereuse - et par ses deux romans inachevés, Ivresse de la métamorphose et Clarissa, qui révèlent un Zweig s'essayant à une écriture nouvelle, plus soucieux des facteurs sociaux et des conséquences morales de la Grande Guerre. À ces fictions s'ajoutent deux ouvrages de nature également narrative, sinon fictionnelle : d'une part les miniatures historiques réunies (en plusieurs étapes) sous le titre Sternstunden der Menschheit, Grandes heures de l'humanité ; de l'autre, Le Monde d'hier, témoignage personnel sur la première moitié du XXe siècle, somme autobiographique qui se présente comme la nécrologie d'une Europe disparue ou en train de disparaître, celle qui fut le cadre de l'existence de Zweig et d'une bonne part de ses fictions. La popularité planétaire de l'ouvre de Zweig doit sans doute beaucoup au regard d'anthropologue étonné et curieux que porte l'écrivain sur ce «monde d'hier». Les événements de sa vie personnelle coïncident avec les dates charnières d'un siècle tristement mémorable ; il a vingt ans ou presque en 1900, il assiste en témoin à la Première Guerre mondiale, ses livres sont jetés sur les bûchers dès 1933, on lui interdit de publier en Allemagne puis en Autriche, et il partage, sans la déportation ni l'extermination, mais dans l'exil, l'existence persécutée des juifs d'Europe. Son ouvre projette sur ce monde stupéfiant de nouveauté l'effarement de l'enfant d'un univers disparu. Il reste jusqu'à la fin le citoyen nostalgique de l'Empire austro-hongrois : bien élevé, affable, attentif aux formes, écrivant tout d'une plume appliquée, gardant vivante dans la plupart de ses nouvelles la mémoire d'un monde magnifié par la catastrophe de celui qui l'a brutalement aboli et supplanté. Ses lecteurs le devinent sensible, attentif, mélancolique et passionné, capable de fantaisie et d'aventures, mystérieusement intelligent, secret, parfois même inquiétant. Il apparaît comme par essence rétif aux révolutions, il résiste aux ruptures, aux dépassements, à la négativité - mais il les perçoit et donne à percevoir dans ses livres. Il eut trop de succès pour n'être pas critiqué. Son excès de notoriété s'accompagne parfois d'un déni de grandeur. Il n'est pas facile d'être le contemporain de Rilke, Kafka, Musil, Schnitzler, Joseph Roth, Hermann Broch. Mais, quelque jugement que l'on porte sur elle, son ouvre de fiction ne fut jamais un simple divertissement. Plus qu'ailleurs s'y révèle son être libéré du regard d'autrui, ambigu, contradictoire, authentique. Qui ne verrait en Zweig qu'un auteur à succès passerait à côté d'un phénomène unique, auquel cette édition voudrait.

04/2013

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Pléiades

Romans et nouvelles (1959-1977)

Vivement controversé à ses débuts, Philip Roth s'est peu à peu imposé aux Etats-Unis comme l'un des plus grands auteurs de sa génération. Les cinq livres réunis ici témoignent déjà de ce qui deviendra sa marque de fabrique : richesse de l'imagination, verdeur, vigueur de l'ironie, selon un alliage très particulier d'oralité et d'élégance, d'exubérance et de délicatesse. Cest à cette époque-là, et avec ces ouvrages, que Roth devient Roth. Goodbye, Columbus (1959), l'extraordinaire recueil de nouvelles qu'il publie à vingt-six ans, et bien plus encore la très iconoclaste Plainte de Portnoy (Portnoy et son complexe, 1969) ont fait scandale, l'un au sein de la communauté juive, que les décapants récits de Roth se soucient peu de flatter, l'autre bien au-delà : la chronique familiale, psychologique et sociale dessinée au vitriol par Portnoy va de pair avec un langage où rivalisent le loufoque, la gouaille et une outrancière crudité. Le roman, qualifié de magistrale "orchestration de voix" et d'allègre "festival linguistique" , est un véritable jalon culturel des années 1960. Tel un ventriloque, le protagoniste fait dialoguer sur le divan de son analyste les voix contradictoires qui l'habitent. Dans un torrent d'imprécations et de lamentations sont données à entendre la voix de l'enfant, celle de l'adolescent, celle de l'adulte torturé. Le plus souvent aux prises avec sa yiddishe mame grotesquement castratrice, Portnoy dialogue aussi avec son père humble et soumis, et avec ses maîtresses, de séduisantes shikses (jeunes filles non juives, en principe interdites), en qui il voit les incarnations de l'Amérique qu'il entend conquérir. Multipliant les identités et les masques comme un acteur multiplie les rôles, c'est ensuite David Kepesh que Roth introduit sur la scène de son oeuvre. Ce professeur de littérature se voit transformé en une gigantesque glande mammaire dans Le Sein (1972), fable kafkaïenne à la fois fantastique et burlesque, tandis que Professeur de désir (1977) retrace son enfance en famille, son exploration effrénée de la liberté sexuelle pendant ses études, puis les expériences féminines contrastées de sa maturité. Malgré l'apparence "sage" de ce schéma biographique, la pratique de la fiction est toujours aussi affranchie et ludique - en témoigne, entre autres, l'épisode désopilant de la visite faite en rêve à la "putain de Kafka" . Enfin apparaît Nathan Zuckerman, qui accompagnera Roth jusqu'en 2007. Dans Ma vie d'homme (1974), il essaie de se libérer d'un mariage désastreux. La structure narrative, emboîtée et miroitante, du récit se complexifie, au point que Milan Kundera qualifia le livre de "chef-d'oeuvre de baroque" . On a dit de Nathan qu'il était le travesti littéraire de Philip. Mais comme le souligne Philippe Jaworski dans sa préface, "la présence de "l'auteur" dans ses écrits de fiction ressortira toujours à une réalité de fiction" . Au reste, "la réalité de l'écrivain pourrait tout aussi bien dériver de l'existence de son personnage" .

10/2017

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Pléiades

Romans, nouvelles et récits. Volume 1

Au sommaire de cette édition figurent toutes les nouvelles connues à ce jour, dans l'ordre de leur rédaction ou de leur première publication. Ce corpus est complété par l'unique roman de Zweig publié de son vivant, Impatience du cour - célèbre en France sous le titre La Pitié dangereuse - et par ses deux romans inachevés, Ivresse de la métamorphose et Clarissa, qui révèlent un Zweig s'essayant à une écriture nouvelle, plus soucieux des facteurs sociaux et des conséquences morales de la Grande Guerre. À ces fictions s'ajoutent deux ouvrages de nature également narrative, sinon fictionnelle : d'une part les miniatures historiques réunies (en plusieurs étapes) sous le titre Sternstunden der Menschheit, Grandes heures de l'humanité ; de l'autre, Le Monde d'hier, témoignage personnel sur la première moitié du XXe siècle, somme autobiographique qui se présente comme la nécrologie d'une Europe disparue ou en train de disparaître, celle qui fut le cadre de l'existence de Zweig et d'une bonne part de ses fictions. La popularité planétaire de l'ouvre de Zweig doit sans doute beaucoup au regard d'anthropologue étonné et curieux que porte l'écrivain sur ce «monde d'hier». Les événements de sa vie personnelle coïncident avec les dates charnières d'un siècle tristement mémorable ; il a vingt ans ou presque en 1900, il assiste en témoin à la Première Guerre mondiale, ses livres sont jetés sur les bûchers dès 1933, on lui interdit de publier en Allemagne puis en Autriche, et il partage, sans la déportation ni l'extermination, mais dans l'exil, l'existence persécutée des juifs d'Europe. Son ouvre projette sur ce monde stupéfiant de nouveauté l'effarement de l'enfant d'un univers disparu. Il reste jusqu'à la fin le citoyen nostalgique de l'Empire austro-hongrois : bien élevé, affable, attentif aux formes, écrivant tout d'une plume appliquée, gardant vivante dans la plupart de ses nouvelles la mémoire d'un monde magnifié par la catastrophe de celui qui l'a brutalement aboli et supplanté. Ses lecteurs le devinent sensible, attentif, mélancolique et passionné, capable de fantaisie et d'aventures, mystérieusement intelligent, secret, parfois même inquiétant. Il apparaît comme par essence rétif aux révolutions, il résiste aux ruptures, aux dépassements, à la négativité - mais il les perçoit et donne à percevoir dans ses livres. Il eut trop de succès pour n'être pas critiqué. Son excès de notoriété s'accompagne parfois d'un déni de grandeur. Il n'est pas facile d'être le contemporain de Rilke, Kafka, Musil, Schnitzler, Joseph Roth, Hermann Broch. Mais, quelque jugement que l'on porte sur elle, son ouvre de fiction ne fut jamais un simple divertissement. Plus qu'ailleurs s'y révèle son être libéré du regard d'autrui, ambigu, contradictoire, authentique. Qui ne verrait en Zweig qu'un auteur à succès passerait à côté d'un phénomène unique, auquel cette édition voudrait.

04/2013

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Pléiades

Histoire de ma vie. Volume 1

Vénitien, beau parleur, imposteur, séducteur, homme de lettres, Casanova est apparemment l'une de ces figures d'aventuriers qui traversent le XVIIIe siècle. Voyageur infatigable, parfois pourchassé par la police, il franchit les frontières, change d'apparence selon les circonstances, et même de nom : Eupolemo Pantaxeno, Paralis lorsqu'il pratique l'occultisme et la magie, M de Farussi lors de son voyage en Russie, Antonio Pratolini lorsqu'il devient "mouchard" au service des inquisiteurs de Venise, ceux-là mêmes qui l'emprisonnent sous les Plombs, ou encore chevalier de Seingalt, titre dont il signe l'Histoire de ma vie. Sa dernière aventure - celle qui le rend à jamais mémorable - est en effet l'écriture de ses mémoires, kaléidoscope offrant le portrait fragmenté de l'homme "le plus vivant de tous les vivants" (Zweig). Né dans la ville du théâtre et du carnaval, fils de comédien, Casanova s'y fait le metteur en scène de sa propre vie. Dans un français teinté d'italien, langue chatoyante dans laquelle il voyait la "physionomie" propre de son style, il y exhorte à un hédonisme jouisseur. À sa mort, il laisse un manuscrit de quelque 3 700 feuillets. Acquis en 1821 par l'éditeur F-A Brockhaus, celui-ci sera jugé scandaleux ou, à tout le moins, impubliable en l'état, et ne sera livré au public qu'une fois traduit, révisé, amendé. Si l'Histoire de ma vie a séduit Stendhal, Musset, Kafka, jusqu'à Cendrars qui y voyait "la véritable Encyclopédie du XVIIIe siècle", des générations de lecteurs n'ont rencontré Casanova qu'à travers le prisme déformant d'éditions tronquées. Le manuscrit autographe, désormais conservé à la Bibliothèque nationale de France, est longtemps demeuré inaccessible. Il ne fut publié qu'en 1960. Mais sa composition un peu primesautière, parfois déroutante (tomes de longueur inégale, découpage tantôt en chapitres, tantôt en fragments), toujours soucieuse pourtant de la cohérence du récit, est encore inconnue du public. Elle est ici proposée sans remaniements, pour la première fois. On en donne une transcription aussi fidèle que possible, en conservant la disposition, la ponctuation et, bien entendu, les italianismes de Casanova. Des notes de bas de page fournissent la "traduction" des mots ou des passages pouvant faire difficulté, ainsi que la version française des citations latines (ou autres) insérées dans le texte. C'est aussi en bas de page que figurent les principaux repentirs de Casanova, qui portent témoignage de son travail d'écrivain et livrent, parfois, le fond de sa pensée. Il s'agissait, en somme, de respecter une oeuvre longtemps malmenée. On espère par là renouveler l'image de Casanova : au-delà des représentations mythiques qui firent sa fortune, montrer le témoin précieux, extraordinairement vivant, de son siècle, l'intellectuel pénétré de la pensée des Anciens comme de celle de son temps, l'écrivain nourri de littérature, l'éblouissant conteur.

03/2013

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Critique littéraire

Pourquoi ce monde. Clarice Lispector, une biographie

Argumentée par des années de recherche, de consultation de manuscrits inédits et de correspondance privée, d’entretiens avec des proches de l’écrivaine, la biographie de Clarice Lispector par Benjamin Moser est à la fois un témoignage et un roman. Déjà traduite en portugais et publiée au Brésil, elle paraît pour la première fois en français aux éditions Des femmes-Antoinette Fouque, qui ont entrepris depuis les années 1980 de publier l’intégralité de l’œuvre de Clarice Lispector (1920-1977) et ont permis de faire connaître en France celle qui compte parmi les plus grands écrivains du xxe siècle, à l’égal de Joyce, Rilke ou Kafka. À sa mort, Clarice Lispector, bien que peu connue en Europe, était depuis longtemps devenue l’une des figures mythiques du Brésil, le « Sphinx de Rio de Janeiro », une femme qui fascinait ses compatriotes depuis son adolescence et la publication de son premier roman, Près du cœur sauvage. Avec ce portrait de femme aussi passionnant, élégant et divers que son modèle, Benjamin Moser rend compte de la troublante identité de cette écrivaine qui pouvait dire : « Je suis si mystérieuse que je ne me comprends pas moi-même », sans jamais altérer le mystère de la personnalité de cet être d’élection, ni de son écriture si singulière. Par touches subtiles autant que précises, il se tient au côté de la petite fille née en Ukraine, dans les atrocités d’une épouvantable guerre civile et dont les racines plongeaient dans un monde de violence et de pauvreté, comme de la femme de diplomate qui tiendra pendant des années ce rôle à la perfection, voyageant d’un continent à l’autre. Mais elle ne se reconnaissait qu’une patrie, le Brésil, qu’une langue, le portugais. De l’enfant qui inventait des histoires magiques à l’écrivaine pour qui la question des noms et de la nomination domine toute l’œuvre, Clarice Lispector ne cessa jamais de s’approprier les mots et d’en faire ressortir toute l’étrangeté jusqu’à devenir la « princesse de la langue portugaise ». Âme ardente, amoureuse de la vie, ayant une conscience aiguë de la mort, toujours en révolte, contre le monde autant que contre son propre mythe, proche de la mystique juive, politiquement engagée, sûre de sa valeur et assaillie de doutes, elle a exprimé toute la gamme des sentiments et de l’expérience humaine à travers les multiples facettes de son oeuvre, dans les romans, les nouvelles, la correspondance, le journalisme. Femme, épouse, mère, écrivaine : Benjamin Moser s’attache à toutes les expressions d’une personnalité unique et exceptionnelle, tout en mettant en lumière le contexte historique et culturel, en Europe comme au Brésil, qui sous-tend cette destinée particulière. Les nombreuses citations d’une œuvre qui fut peut-être, selon lui, la « plus grande autobiographie spirituelle du xxe siècle », nous invitent à lire ou relire, inlassablement, la prose splendide de Clarice Lispector. « Il sera très difficile pour quiconque d’écrire ma biographie », écrivait-elle. Le défi a été relevé avec succès, entre ce que Pourquoi ce monde donne à lire et ce qu’il laisse le lecteur imaginer.

03/2012

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Poésie

Contemporaine

Ce livre traite de ce que l'auteure appelle les " lieux Janus ", ces lieux où l'horreur et la beauté se sont côtoyées dans le même temps. Ces lieux sont comme irradiés par un traumatisme majeur survenu dans notre passé. Et si c'était la poésie d'avant Auschwitz qui était " barbare " après Auschwitz ? Et si la poésie contemporaine était celle de l'Après-Auschwitz ? Le texte Contemporaine, entrepris lors d'une résidence d'écriture en 2013 autour de l'ancienne gare de déportation de Bobigny en 2013, et finalisé en 2018, traite de ce que l'auteure appelle les " lieux Janus ", ces lieux où l'horreur et la beauté se sont côtoyées dans le même temps. Aujourd'hui encore, ces lieux sont comme irradiés par un traumatisme majeur survenu dans notre passé. Ces lieux qu'Annie Zadek a investis (non sans risque) pour nourrir ce texte ont une très grande importance. Voici ce qu'elle en dit : " La Maison des Enfants d'Izieu fut pour moi le lieu augural de ce sentiment d'insurmontable aporie entre la douceur des paysages du Bugey, la grâce émanant de ces photographies d'enfants, la tendresse des lettres adressées à leurs parents, et leur destin lamentable. Son écho ne cessera de se répercuter lors de mes déambulations dans l'ancienne gare de déportation de Bobigny, à la Cité de la Muette, au mémorial de la Shoah de Drancy, à Auschwitz-Birkenau, l'autre face de la lumineuse Cracovie - encore imprégnée de la présence de Tadeusz Kantor -, à Terezin, le " camp des Artistes " ! Si près, si loin du Prague de Kafka ". Traversés par les figures de divers créateurs - dont la cinéaste Marceline Loridan-Ivens - ces lieux sont questionnés ici pour ce qu'ils nous disent sur la possibilité de la transmission, de la résilience, et peut-être même surtout de l'art et de la littérature, dans notre temporalité de l'Après-Auschwitz. Contemporaine est ainsi le lieu d'une réflexion sur nos rapports aux images. Celles que traversent les textes des romans-photo, des écrans de cinéma sous-titrés et des plateaux de théâtre surtitrés ; celles aussi du continent en dérive des productions vernaculaires, modestes, que sont les images orphelines, les albums de famille et les " légendes " qui quelquefois les accompagnent. Contemporaine a surtout pour ambition d'interroger, une fois encore, le doute émis par Adorno sur la poésie d'après Auschwitz (Dialectique négative, 1978) : " Je suis prêt à concéder que, tout comme j'ai dit que, après Auschwitz, on ne pouvait plus écrire de poèmes - formule par laquelle je voulais indiquer que la culture ressuscitée me semblait creuse -, on doit dire par ailleurs qu'il faut écrire des poèmes, au sens où Hegel explique, dans l'Esthétique, que, aussi longtemps qu'il existe une conscience de la souffrance parmi les hommes, il doit aussi exister de l'art comme forme objective de cette conscience ". Et si c'était la poésie d'avant Auschwitz qui était " barbare " après Auschwitz ? Et si la poésie contemporaine était celle de l'Après-Auschwitz ?

06/2019

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Littérature Espagnole

Don Quichotte de la Manche

Don Quichotte lui-même, au seuil de la "Seconde partie" (1615), n'en croit pas ses oreilles : "Il est donc vrai qu'il y a une histoire sur moi ?" C'est vrai, lui répond le bachelier Samson Carrasco, et cette histoire – la "Première partie" du Quichotte, publiée dix ans plus tôt –, "les enfants la feuillettent, les jeunes gens la lisent, les adultes la comprennent et les vieillards la célèbrent". Bref, en une décennie, le roman de Cervantès est devenu l'objet de son propre récit et commence à envahir le monde réel. Aperçoit-on un cheval trop maigre ? Rossinante ! Quatre cents ans plus tard, cela reste vrai. Rossinante et Dulcinée ont pris place dans la langue française, qui leur a ôté leur majuscule. L'ingénieux hidalgo qui fut le cavalier de l'une et le chevalier de l'autre est un membre éminent du club des personnages de fiction ayant échappé à leur créateur, à leur livre et à leur temps, pour jouir à jamais d'une notoriété propre et universelle. Mais non figée : chaque époque réinvente Don Quichotte. Au XVIIe siècle, le roman est surtout perçu comme le parcours burlesque d'un héros comique. En 1720, une Lettre persane y découvre l'indice de la décadence espagnole. L'Espagne des Lumières se défend. Cervantès devient bientôt l'écrivain par excellence du pays, comme le sont chez eux Dante, Shakespeare et Goethe. Dans ce qui leur apparaît comme une odyssée symbolique, A.W. Schlegel voit la lutte de la prose (Sancho) et de la poésie (Quichotte), et Schelling celle du réel et de l'idéal. Flaubert – dont l'Emma Bovary sera qualifiée de Quichotte en jupons par Ortega y Gasset – déclare : c'est "le livre que je savais par coeur avant de savoir lire". Ce livre, Dostoïevski le salue comme le plus grand et le plus triste de tous. Nietzsche trouve bien amères les avanies subies par le héros. Kafka, fasciné, écrit "la vérité sur Sancho Pança". Au moment où Freud l'évoque dans Le Mot d'esprit, le roman est trois fois centenaire, et les érudits continuent de s'interroger sur ce qu'a voulu y "mettre" Cervantès. "Ce qui est vivant, c'est ce que j'y découvre, que Cervantès l'y ait mis ou non", leur répond Unamuno. Puis vient Borges, avec "Pierre Ménard, auteur du Quichotte" : l'identité de l'oeuvre, à quoi tient-elle donc ? à la lecture que l'on en fait ? Il est un peu tôt pour dire quelles lectures fera le XXIe siècle de Don Quichotte. Jamais trop tôt, en revanche, pour éprouver la puissance contagieuse de la littérature. Don Quichotte a fait cette expérience à ses dépens. N'ayant pas lu Foucault, il croyait que les livres disaient vrai, que les mots et les choses devaient se ressembler. Nous n'avons plus cette illusion. Mais nous en avons d'autres, et ce sont elles, peut-être – nos moulins à vent à nous –, qui continuent à faire des aventures de l'ingénieux hidalgo une expérience de lecture véritablement inoubliable.

09/2015

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Musicologie

Fragmente-Stille, an Diotima de Luigi Nono

Luigi Nono (1924-1990) est l'un des compositeurs les plus importants de l'après-guerre. Aux côtés de Boulez et de Stockhausen, il participe à une véritable reconstruction de la musique en s'appuyant sur l'héritage sériel de l'école de Vienne. Sa singularité au sein de l'avant-garde musicale de l'époque tient à ses engagements éthiques et politiques, qui le conduisent à adhérer au Parti Communiste Italien, dont il devient une figure dominante. Ses oeuvres se veulent "engagées" , au sens sartrien du terme : elles témoignent d'événements historiques tragiques comme le nazisme (Il canto sospeso), la Shoah (Ricorda cosa ti hanno fatto in Auschwitz), l'arme atomique (Sul ponte di Hiroshima), la guerre du Vietnam (A floresta é jovem e chesa de vida), et bien d'autres encore. Cet engagement l'éloigne des scènes musicales institutionnelles et le conduisent à se tourner vers les moyens électro-acoustiques. La musique de Luigi Nono est chargée d'une expressivité intense et cherche en même temps des voies nouvelles, aussi bien musicales que dans l'alliance avec d'autres arts (notamment dans ses deux opéras), et dans sa présentation : il organise de nombreux concerts dans les usines ou sur les places publiques, qui se terminent par de longs échanges avec les auditeurs. Au milieu des années 1970, il se remet profondément en question, ce qui l'amène vers d'autres sources d'inspiration et vers l'exploration des moyens nouveaux fournis par la live-electronics, tout en maintenant ses exigences musicales, éthiques et politiques. Le quatuor à cordes Fragmente-Stille, an Diotima est l'oeuvre qui inaugure cette nouvelle période créatrice. Présentée le 2 juin 1980 à Bonn par le Quatuor LaSalle, qui l'avait commandée, l'oeuvre modifie radicalement l'idée que l'on se faisait du compositeur ; elle a un fort impact sur les jeunes compositeurs et est souvent jouée par de nombreux quatuors. L'oeuvre est une immense méditation traversée de gestes éruptifs, une suite de moments (Fragmente) dans lesquels le silence (Stille) joue un rôle essentiel. La Diotima du titre renvoie à une figure du roman par lettres Hypérion de Friedrich Hölderlin et au nom qu'il donna à la femme aimée en secret. La partition comporte, sous les portées, des fragments de poèmes de Hölderlin que les musiciens doivent lire de façon muette tout en jouant. Au plus profond de l'intime, Nono interroge la nature du son et du silence, sa relation à l'époque, qui fait écho à celle vécue par Hölderlin. Chaque sonorité est ciselée, prolongée sur des durées inhabituelles, prise dans des relations énigmatiques et fascinantes, qui confèrent à l'oeuvre un caractère de cérémoniel, loin de la tradition du genre. La richesse sonore du quatuor répond à une richesse sémantique foisonnante : outre les écrits de Hölderlin, Nono fait référence à Maïakovski et Lili Brick, Kafka, Beethoven, Verdi, Scherchen, Maderna... Laurent Feneyrou démêle tous ces fils tissés les uns avec les autres, comme il démêle ceux de la construction musicale, retraçant la genèse de composition en s'appuyant sur toute une série d'esquisses et de documents publiés ou inédits. Il replace ce quatuor dans le contexte politique de l'époque et approfondit le lien à Hölderlin. Ainsi éclaire-t-il l'oeuvre de l'intérieur dans une approche à la fois historique, esthétique et analytique. C'est le premier livre en français sur cette oeuvre.

11/2021

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Histoire internationale

Dans l'ombre de l'Occident et autres propos / Les Arabes peuvent-ils parler ?

Avec Yasser Arafat et Mahmoud Darwich, Edward W. Saïd est sans doute l'un des trois palestiniens les plus célèbre du XXe siècle. Bien que la plupart de ses textes soient traduits en français, la pensée de ce Palestinien de nationalité américaine, dont Tzvetan Todorov disait qu'il était l'un des intellectuels les plus influents du monde, est encore peu connue du public non académique francophone. À l'heure où éclatent les révolutions arabes, où les nationalismes s'affirment sans fard un peu partout en Europe, où la France est en proie aux polémiques sur « l'identité nationale », la pensée d'Edward Saïd s'impose dans toute sa puissance, son acuité politique, et permet de porter un regard critique sur l'actualité occidentale ; manière, en somme, de regarder sous le tapis d'un occidentalo-centrisme décadent. Blackjack éditions publie ainsi Dans L'ombre de l'Occident, titre générique d'un recueil de trois entretiens, inédits en français (extraits du recueil Power, politics and culture, interviews with Edward W. Saïd, publié en 2004 par Bloomsbury) qui offrent une approche transversale de l'univers d'Edward Saïd et permettent de comprendre comment le statut d'exilé est intrinsèquement lié au développement de cette réflexion originale. Edward Saïd parle depuis l'exil, sa parole est « entre mondes ». Et c'est de cette position qu'il critique les systèmes de représentations, la manière dont l'Occident construit des images de l'Orient, du Moyen-Orient. Il discerne, par extension, la manière dont l'Occident construit son rapport à l'Autre. Ces constructions se révèlent radicalement politiques, directement dominatrices. Edward Saïd montre ainsi comment la culture, dans son ensemble, est travaillée par les rapports de forces et d'instrumentalisation. Émanciper l'altérité au sein même des représentations, introduire la parole d'un Autre qui ne serait pas réductible ou manipulable, tel est sans doute l'enjeu majeur de l'oeuvre de Saïd dont il est question dans ces entretiens. « Pris entre “salamalecs” et “charabia”, les Arabes n'intéressent pas “le monde”. Les musulmans non plus. Si l'islam retient politiquement l'attention, le “monde arabe” est décor et paysage ». À travers ce texte au titre provocateur, Seloua Luste Boulbina, philosophe et politiste, ne se demande bien sûr pas si les Arabes sont, dans l'absolu, en capacité de parole, mais cherche des territoires où les paroles des Arabes peuvent trouver des résonances singulières dans une culture occidentale historiquement dominatrice. « Les frontières coloniales, écrit-elle encore, ne sont pas géographiques, elles sont avant tout humaines ». Dès lors, les « entre-mondes », concept forgé par Edward Saïd, ces lieux de l'art et de la littérature, deviennent un fil conducteur pour dire les déplacements et les migrations qui permettent de construire un langage commun et d'instaurer une réelle esthétique de la parole. Dans Les Arabes peuvent-ils parler ?, Seloua Luste Boulbina engage des dialogues, met en écho des voix aussi diverses que celles de Frantz Fanon, Sigmund Freud, Joseph Conrad, Edward Saïd, Hannah Arendt, Henri Michaux, Mallarmé, Arjun Appaduraï, Jean Josh Rabearivelo, Victor Segalen, Jacques Derrida, Frantz Kafka, Yoko Ogawa, Theodor Adorno, René Descartes, Samuel Beckett, Michel Foucault, Gilles Deleuze, Mahmoud Darwich, Sayed Kashua, Marcel Detienne, Amin Maalouf, Nietzsche, Joyce, Clément Rosset, Edgar Poe, Charles Baudelaire, Alexis de Tocqueville, Roland Barthes ou encore d'Ovide. La diversité des figures de l'exil met alors en question anciennes divisions coloniales et stéréotypes contemporains. Ici, les Arabes sortent de l'ombre, trouvent place dans l'expérience commune. Les philosophes, écrivains, poètes, artistes, exilés dans leur propre langue, seraient-ils tous des Arabes se demandant en français s'ils peuvent parler ? Entre esthétique et politique, le texte de Seloua Luste Boulbina est comme une respiration, au style précis, organique : il nous invite à tendre l'oreille.

11/2011