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Beaux arts

Tu sais où je suis et je sais où tu es

Gary Hill a rencontré Martin Cothren alors qu'il cherchait des figurants pour son installation vidéo Viewer, en 1996. La rencontre fortuite entre cet Américain californien blanc - artiste dont l'oeuvre est exposée dans les plus grands musées internationaux - et cet Indien américain - ouvrier pêcheur à Seattle - s'est transformée, au cours de leurs échanges sur une vingtaine d'années, en une amitié ambivalente dans son rapport à l'autre, englobant la frustration, la paranoïa, la générosité, le pardon et la profonde tristesse. Une relation dont le secret est peut-être dans le non-dit. Néanmoins, dans l'espace de ce livre, cette "rencontre" prend la forme d'un jeu de piste non linéaire surgi d'une mémoire encore vivante, construisant un espace fluctuant fait de dessins et de lettres manuscrites qu'ils se sont échangés et où s'intercalent désormais des textes en prose de Gary Hill. Une manière de perpétuer cet échange dans lequel deux êtres singuliers apparemment dissemblables ne cessent de manifester leur parenté. La traduction s'est attachée à restituer le ton des lettres de Martin Cothren en conservant les fautes d'orthographe, le mot à mot, les espaces entre les phrases, la ponctuation (où son absence), selon le souhait de Gary Hill. "Je n'aurais jamais imaginé me lier d'amitié avec quelqu'un comme Martin. Selon ses propres termes - et c'est un peu ironique - c'était un taulard, un escroc, un voyou, un délinquant, un sans-abri solitaire, un "copin" toujours fauché, mon "bro". Cette amitié ne pouvait s'expliquer simplement par le fait que nous avions travaillé ensemble, car notre collaboration n'avait duré que très peu de temps - une journée, voire même en réalité quelques heures. Deux mois plus tard, il partait en prison. Il serait facile de mettre cela sur le compte du destin, mais je me suis retrouvé au fil des années à remuer ciel et terre jusqu'au dernier grain de sable dans l'espoir de trouver un indice qui m'aiderait à comprendre ce qui me tenait attaché à cet "Indien"... Est-ce qu'il y a un fond de vérité dans le proverbe "Qui se ressemble s'assemble" ? Est-ce que nous étions, pour ainsi dire, les deux faces d'une même pièce que je n'ai pas encore découverte ? " Gary Hill

01/2021

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Littérature étrangère

Le choix de Martin Brenner

A la mort de sa mère Maria, Martin Brenner ressent certes de la douleur mais s'interroge aussi : il ne s'est jamais vraiment senti très proche d'elle. Il procède à la dispersion des cendres en suivant ses dernières volontés, met sa maison en vente, puis il compte reprendre le cours de sa vie, entouré par son épouse Cristina et sa fille Sara. Brenner est généticien et directeur d'un laboratoire, un homme discret et plutôt solitaire. Il s'estime heureux dans la vie. Mais lorsqu'un avocat l'appelle pour lui annoncer que sa mère était juive et survivante des camps, sa vie prend un tournant imprévu. Petit à petit, les révélations contenues dans une lettre laissée par sa mère et les informations que lui fournissent l'avocat et le rabbin de la ville où il habite le poussent à faire des recherches sur l'identité juive. Il croise ses lectures personnelles sur le sujet avec les recherches en génétique qu'il mène - touchant à la question de l'appartenance religieuse et ethnique, vue par la science. Il décide de n'en parler à personne - pas même à son épouse - avant de parvenir à une décision quant à sa judéité : il refuse l'idée qu'il doive assumer le fait d'être juif seulement parce que sa mère l'avait été. Mais lors d'un colloque scientifique à Montréal, il est pris à parti dans un débat et alors qu'on l'accuse d'antisémitisme, il révèle sa judéité... Le piège s'est renfermé sur lui, et le château de cartes qu'était devenu sa vie s'effondre : sa femme Cristina, ignorant tout de sa réflexion, se sent trahie, puis quand lui et sa fille deviennent la cible d'ignobles attaques antisémites, son épouse le quitte. Il perd son travail, son meilleur ami se détourne de lui, seul le rabbin Golder maintient le contact. Il fait alors appel à un écrivain célèbre et lui demande de raconter son histoire... Le choix de Martin Brenner nous fait vivre de l'intérieur la descente aux enfers d'un homme aux prises avec la question identitaire. Le roman nous propose ainsi une interrogation sur le libre-arbitre. Comment savoir qui nous voulons être dans notre vie intime et aux yeux de la société ? Comment rester libre dans ce choix ? Traduit du suédois par Hélène Hervieu

11/2020

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Montagne

Toujours y croire. La mère d'Alex Honnold raconte

Epouse et mère. Professeure et musicienne. Marathonienne et grimpeuse. A soixante-six ans, la mère d'Alex Honnold, Dierdre Wolownick, est devenue la femme la plus âgée à gravir la paroi d'El Capitan dans le Yosemite. Dans ce récit autobiographique où elle raconte son voyage intime, cette performance sportive apparaît comme le fruit d'une longue histoire de courage et de persévérance. Elevée sous l'oeil vigilant d'une mère autoritaire, Dierdre comprend très tôt que les projets formés par ses parents pour son avenir ne sont pas ce à quoi elle aspire. Plus tard, elle croit trouver une échappatoire dans une histoire d'amour romantique, riche de nouvelles expériences qui lui ouvrent les yeux sur le monde. Hélas, elle découvre bientôt que son mari n'est pas l'homme doué pour le bonheur qu'il semblait être au premier abord. S'adaptant de son mieux, Dierdre jongle entre son métier et l'éducation de ses deux jeunes enfants, chez qui elle encourage la hardiesse et la confiance en soi. Elle se réjouit de voir que Stasia, sa " petite dame ", se donne pour mission de veiller sur son petit frère et observe avec stupéfaction qu'Alex commence à grimper avant même de marcher à quatre pattes. Après des années d'un mariage éprouvant, conclues par un divorce, Dierdre trouve l'inspiration dans les passions de ses enfants, désormais adultes, et découvre en elle-même des ressources insoupçonnées. A l'instigation de Stasia, elle se met à la course à pied à l'âge de cinquante-quatre ans et prend part à plusieurs marathons. Quatre ans plus tard, Alex l'emmène faire ses premières voies de rocher. Ce sera une révélation. Dans ce nouvel univers, elle trouve amitié et soutien au sein de sa " tribu " de grimpeurs et s'adonne à sa nouvelle passion jusqu'à son ascension record d'El Cap avec son fils. La jeune épouse désorientée et la mère débordée mais solitaire est devenue une sportive d'âge mûr et sûre de soi. En narrant son parcours, Dierdre entraîne le lecteur dans les grands espaces où elle a puisé une force nouvelle, renoué avec le bonheur et découvert un sentiment de communauté - pour entamer une vie d'apprentissage, d'acceptation et d'enthousiasme.

10/2020

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Littérature française

Supplément à la vie de Barbara Loden

Plusieurs destins s'entrelacent dans ce nouveau récit de Nathalie Léger. Ils se nouent autour d'un film, Wanda, réalisé en 1970 par Barbara Loden, un film admiré par Marguerite Duras, une œuvre majeure du cinéma d'avant-garde américain. Il s’agit du seul film de Barbara Loden. Elle écrit, réalise et interprète le rôle de Wanda à partir d'un fait divers : l'errance désastreuse d'une jeune femme embarquée dans un hold up, et qui remercie le juge de sa condamnation. Barbara Loden est Wanda, comme on dit au cinéma. Son souvenir accompagne la narratrice dans une recherche qui interroge tout autant l'énigme d'une déambulation solitaire que le pouvoir (ou l'impuissance) de l'écriture romanesque à conduire cette enquête. Il y a d'abord l'errance de cette femme, Wanda, apparemment sans attaches et sans désirs ; il y a ensuite la recherche de Barbara Loden, une actrice rare, une cinéaste inspirée, une femme secrètement blessée, et qui cherche la vérité de son existence à travers un fait divers ; il y a enfin l'enquête de la narratrice. Trois destins entremêlés pour une même recherche sans objet, une même façon d'esquiver ou d'affronter la réalité. Wanda/Barbara : qu'est-ce que l'une cherche à travers l'autre, et qu'est-ce que la narratrice cherche à travers elles ? Barbara Loden est née en 1932, six ans après Marilyn Monroe, la même année qu'Elizabeth Taylor, Delphine Seyrig et Anouk Aimée. Elle a trente-huit ans lorsqu'elle réalise et interprète Wanda en 1970. Elle est la seconde femme d'Elia Kazan. Elle a joué dans Le Fleuve sauvage et dans La Fièvre dans le sang. Elle devait jouer dans The Swimmer avec Burt Lancaster, mais ce fut Janet Landgare qui eut le rôle ; elle devait jouer dans L'Arrangement avec Kirk Douglas, mais ce fut Faye Dunaway qui eut le rôle. Elle est morte jeune, à 48 ans. Wanda est son premier et son dernier film. Quoi d'autre ? Comment la décrire, comment décrire un corps et une présence inconnus ? La narratrice lit des témoignages, regarde des images, décrit le film, tente de s'approprier un visage, de découvrir un corps sous un autre, elle cherche à reconstituer les bribes d'une vie pour la tirer un instant de l'oubli, et revenir sur sa propre amnésie.

01/2012

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Science-fiction

Nous sommes Bob Tome 1 : Nous sommes Légion (nous sommes Bob)

Bob Johansson vient de vendre son entreprise d'informatique et a hâte de pouvoir enfin profiter de la vie. Tant de lieux à visiter, de livres à lire et de films à voir... Il est donc un peu injuste qu'il se fasse écraser en traversant la rue. Lorsque Bob revient à lui, un siècle plus tard, c'est pour découvrir que les " congelés " n'ont aucun droit, et qu'il appartient désormais au gouvernement. Téléchargé dans un ordinateur, il est pressenti pour devenir l'IA aux commandes d'une sonde interstellaire destinée à la recherche de planètes habitables. Les enjeux sont considérables. S'il refuse cet honneur, on l'éteindra, et un autre prendra sa place. S'il accepte, il deviendra une cible de choix. Au moins trois autres puissances tentent d'être les premières à envoyer leur sonde, et tous les coups sont permis. Pour Bob, l'endroit le plus sûr, c'est dans l'espace, le plus loin possible de la Terre. C'est du moins ce qu'il croit. Parce que l'univers regorge de mauvaises surprises, et les intrus sont mal vus. Très mal vus... " Sans fard et pleine d'autodérision, la voix de Bob est l'âme de ce palpitant récit, qui rappelle celui de Mark Watney dans Seul sur Mars. Un trait d'esprit à chaque occasion, un cerveau d'ingénieur super-rationnel et créatif et un optimisme increvable en toutes circonstances. Un héros que le lecteur aura envie de soutenir jusqu'au bout ! " Fantasy Literature " Un livre conçu pour plaire à tous les amateurs de science-fiction, avec une intrigue qui présente une série de problèmes techniques à résoudre comme Seul sur Mars d'Andy Weir et une multitude de références à la culture geek comme Ready Player One d'Ernest Cline. " BookRiot " Un roman au point de départ original, qui tient ses promesses avec brio. Taylor a fait un travail fantastique en imaginant des situations passionnantes qui mettent en scène des personnages formidables, entre Bob et toutes ses copies. Hautement recommandé. " Walker of Worlds " Dennis E. Taylor a transformé ce qui aurait pu être l'histoire tragique d'un explorateur spatial solitaire en une expérience hilarante et divertissante, dotée d'une galerie de personnalités variées. Car chacune des versions de Bob est un individu bien distinct, qui présente un aspect différent de l'original. " The BiblioSanctum

06/2018

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Beaux arts

Van Gogh

Voici LA grande biographie de Van Gogh, complète, magistrale et définitive, qui, malgré la somme de livres et de films qui lui sont consacrés, se lit avec un plaisir tout neuf. On y retrouve la figure fascinante du peintre maudit à l'oreille coupée, la vie d'écorché vif d'un génie solitaire et incompris, qui mourra à 37 ans d'une balle dans la poitrine. Mais pas seulement, et pas tout de suite : c'est là l'une des grandes qualités du livre. Contrairement à Pialat, par exemple, qui se focalisait sur les derniers mois de la vie du peintre, Naifeh et Smith commencent par le commencement. Sans céder pour autant à l'illusion rétrospective (où l'enfance expliquerait tout), ils nous montrent qui était Vincent avant d'être Van Gogh : le mythe (et le carcan) familial, les années de pensionnat vécues comme un rejet insupportable, la passion et la rivalité envers Theo, la première confrontation au monde de l'art, dans l'atelier de son oncle et la constitution d'un musée imaginaire, l'exil à Londres, la tentation mystique... La fin du livre a fait "scoop" lors de sa parution, les auteurs remettant en cause la thèse du suicide de l'artiste. Après dix ans de recherches, en un tissage exemplaire de la narration et des citations, des événements et de la psychologie, du contexte historique et d'analyse de tableaux, les auteurs nous ouvrent les clés de la constitution d'une personnalité et d'une oeuvre. Quelques grands thèmes prennent tout leur sens : l'abandon, la solitude, l'échec, la recherche éternelle d'une famille, d'une appartenance par Van Gogh, tandis que la disgrâce des siens s'installe et se creuse, les figures du voyageur, du semeur, du fils prodigue... Les images, d'ailleurs, se superposent à la lecture et l'on garde en tête comme un portrait du peintre pour chaque époque : le gamin revêche, tignasse rousse, souliers défaits et filet de pêche à la main ; le jeune commis élégant et chapeauté, un carton d'estampe sous le bras ; le fou malade, amaigri, asocial de la fin... Jamais bavard, d'une rigueur et d'une précision absolues, à juste distance du sujet (ni empathie excessive ni froide objectivité), c'est là le formidable récit d'un destin génial et tragique.

10/2013

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Romans historiques

Sapiens Au matin du Monde Tome 2 : Par-delà les montagnes de la lune

Fuyant la haine de certains chefs et chamans de leur ancienne tribu, un petit groupe de jeunes humains s'avance en terre inconnue. Ils ont échappé à leurs poursuivants. Ils ont affronté les dangers de la nature, les bêtes sauvages, les torrents furieux. Ils ont bravé la neige et le froid, franchi des sommets noyés de brouillard et balayés par le vent. Devant eux, des collines, des vallées, des forêts s'étalent à perte de vue. Que vont-ils y découvrir ? Des animaux qu'ils n'ont jamais côtoyés ? D'autres clans ? hostiles ou amicaux. Un territoire où s'installer ? Parviendront-ils jusqu'au paradis mythique de leurs ancêtres ? Le clan semble bien faible face à la terrifiante puissance des éléments et ses membres se sentent tout petits en contemplant l'immensité de Ga'Hé. Ils n'ont que quelques armes de pierre à opposer aux multiples prédateurs qui hantent ces contrées inexplorées. Ils n'ont pas de fourrure pour leur tenir chaud, pas de crocs ni de griffes pour mordre et lacérer, ils ne courent pas assez vite pour attraper une proie ou échapper à un fauve mais ils possèdent un atout unique et formidable : leur cerveau. Grâce à cet organe mystérieusement alambiqué, ils ont développé les facultés essentielles à leur survie. Ils sont solidaires, ils prévoient l'avenir, ils coopèrent dans les tâches quotidiennes, ils créent, ils communiquent, ils inventent. Dans ce deuxième volet de la saga Sapiens, nous accompagnons ce petit clan dans sa quête de la terre promise. Lancés dans cette folle aventure semée d'embûches ils peuvent compter sur le courage et la pugnacité d'Aakin, le dévouement et les dons de Chahin, les médecines et l'oreille attentive d'Hozimi et Uhiri, les conseils avisés de Jocal, l'imagination débordante de Dahik. Ils profitent des talents de chasseurs de Sa'lou, iazin, Misukaï ou Odhran, de ceux des femmes qui ont en charge la vie du clan, de l'aptitude de Brago a apprivoiser les animaux. Thanyr et Meiko taillent des armes et des outils dans le silex salutaire. Ka ja, Dahik, Brago apprivoisent l'Art. Ils agrémentent les objets usuels de sculptures et de motifs qui les rendent agréables à regarder. Ils découvrent la notion du beau et le plaisir qu'elle engendre.

03/2012

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Histoire internationale

Histoire des Togolais, Des origines aux années 1960. Tome 1, De l'histoire des origines à l'histoire du peuplement

L'objectif des auteurs du présent ouvrage est de procéder à une relecture de l'histoire des peuples du Togo à travers l'image que les gens en ont gardée, image qui doit être révisée à la lumière des techniques modernes de critique des sources utilisées. Il ne s'agit donc plus d'écrire une histoire des Européens au Togo ou d'une histoire du Togo vue par des Européens. Robert Cornevin a eu certes l'immense mérite d'avoir mis à la disposition du public un ouvrage qui fit, fait et fera encore référence pendant longtemps. Mais il s'agit pour nous de tourner une page, et d'apprendre aux Togolais à se sentir togolais, malgré les nombreux clivages accentués - ou parfois artificiellement créés - au cours des années. Au lieu d'une étude chronologique fondée sur la division géographique du pays - le clivage entre une région méridionale, dominée par l'aire culturelle ajatado, relativement homogène, et une région septentrionale aux groupes humains plus éclatés, avec une histoire multiforme -, nous avons privilégié une approche synchronique qui regroupe les éléments en grandes périodes historiques. Elle nous semble plus conforme aux objectifs qui doivent être assignés à l'histoire, en particulier dans l'enseignement scolaire : faire que les Togolais se sentent d'une même patrie, solidaires de la vie de leur nation en devenir. C'est à ce prix que, pensons-nous, seront abolis, au fil du temps, les maux qui rongent nos sociétés et qui ont pour noms régionalisme, tribalisme, ignorance et refus de l'autre... Plusieurs leçons se dégagent de cette histoire des Togolais : il n'y a jamais eu de peuple ethniquement "pur". Chacun des groupes a été constitué (qu'il en ait gardé le souvenir ou non) par des apports successifs qui se sont fondus plus ou moins totalement dans une nouvelle identité. Qu'elles se soient choisies ou simplement tolérées, ces communautés juxtaposées ont appris à vivre ensemble, presque toujours pacifiquement, quelles qu'aient pu être leurs différences. Pour les groupes humains qui sont devenus les peuples du Togo, celui-ci a été bien plus qu'un refuge : avant tout, un espace de liberté. Cohabitation pacifique, liberté, tolérance, équilibre, harmonie politique. N'y a-t-il pas là bien des leçons qui pourraient encore avoir leur valeur dans l'avenir ?

06/2011

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Littérature étrangère

L'ombre

Alors que la dictature est encore debout dans son pays de l'Est européen, le personnage principal, un cinéaste plus ou moins raté, bénéficie de temps à autre du privilège d'être envoyé en mission à Paris. A chacun de ses retours de la Ville-Lumière, il est tenu de rendre des comptes à ses amis restés, eux, en deçà des cercles de l'enfer. Cette métaphore dantesque n'est pas déplacée, s'agissant du contenu de l'oeuvre, mais aussi et d'abord de son destin : rédigé dans une version semi-codée en 1984-86, le manuscrit fut déposé dans un coffre de banque à Paris, ordre étant donné à l'éditeur de le publier aussitôt en cas d'" accident " survenu à l'écrivain. D'une certaine façon, l'oeuvre avait franchi la frontière de l'enfer en lieu et place de son auteur. Mais le roman ne se limite pas aux variations sur ce premier argument. En Occident, le narrateur découvre de manière graduelle qu'il n'appartient pas vraiment au monde des vivants, qu'il est " gelé " par la mort dont le royaume s'étend à l'Est. La brièveté et les conditions de son séjour, l'angoisse du retour ne lui permettent pas le réchauffement espéré : il lui faut repartir s'enfermer dans son pays, regagner son cercueil, comme les personnages des ballades anciennes (on pense à Konstantin et à sa soeur Doruntine dont le thème devient de plus en plus présent au fil des pages). Ce roman est le roman du franchissement de l'impossible frontière : dépassement de la mort, rêve de réincarnation _ aspirations qui ont obsédé l'humanité depuis les origines. A ceci près qu'elles sont traitées ici dans le décor de la vie moderne : avions, cafés, boîtes de nuit, ambassades, soirées mondaines, rues, chambres d'hôtel, téléphone, etc _, tout en conservant la dimension tragique des schémas narratifs d'autrefois, quand les héros remontaient des enfers entre les serres d'un aigle, et non pas à bord d'un vol Tirana-Paris... Le thème de l'isolement d'un pays, de ses habitants, de l'artiste doublement solitaire, est traité ici dans une dimension quasi cosmique, majestueuse, qui n'est pas sans évoquer, au fur et à mesure que le roman s'élève de la quotidienneté, certains accents bibliques.

12/1994

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Affirmation de soi

Petit traité d'autolouange. Renforcer la confiance en soi, l'estime de soi et de l'autre

L'autolouange n'est pas promotion égotique des anecdotes qui tissent notre vie. Nous n'y dressons pas le palmarès de nos plus ou moins "hauts faits" , de nos titres et acquisitions. Elle ne vise pas à monter en épingle nos petites conquêtes et à transformer nos accomplissements en une épopée digne de transmission. L'autolouange est une quête qui place son auteur à l'écoute de ce que Christiane Singer appelait "le fil de la merveille" . Il vibre en chacun de nous selon des modalités individuelles. Nous sommes tous différents et tous habités d'un même élan de vie, d'une même dignité, d'une même source pour notre "anima" . Dans l'autolouange il s'agit avant tout d'être à l'écoute de ce qui monte du coeur à la plume. Faire le vide en soi pour percevoir ce pétillement de bulles de Soi qui nous informent de qui nous sommes, bien au-delà de toutes nos constructions mentales. En chacun de nous il y a un trésor d'informations que nous négligeons trop souvent en laissant le gouvernail de nos vies à nos pensées, voire à nos réactions programmées par notre famille, notre culture, notre environnement, les expériences de notre parcours... L'auteure ne critique pas ici ce qui fait de nous des êtres sociaux. Elle met en évidence, que l'autolouange vient informer, et enrichir chacun de nous d'une dimension autonome, intrinsèque, incompressible, primitive, à la source de nous-mêmes et souvent ignorée ou rendue inaudible par nos modes de fonctionnement quotidiens. L'écouter c'est rendre nos vies plus riches, plus créatives, plus singulières, plus solidaires aussi. Lors de la proclamation d'une autolouange il s'agit d'habiter chaque mot et d'être à l'écoute de ce "je" qui m'informe de moi-même. "Allo mon âme" : en direct, branché. e à la source de moi-même, je suis informée de qui je suis. Instant trop précieux pour s'en cacher derrière la performance de s'être mis au service du support. Instant douloureux aussi, parfois, car clairement dans une effraction culturelle : me donner la place d'être entendu. e, accepter qu'il y a en moi une source digne d'être proclamée et entendue, accepter de prendre ma place, toute ma place n'est pas conforme à l'histoire de dévalorisation ou au prescrit de modestie socialement convenu.

01/2023

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Littérature française

L'homme qui voulait otrechoze

"Tout a commencé il y a deux ans, avec ce cahier à dessin sur lequel je n'écrivais qu'une seule phrase par page. Puis il y eut ces notes vocales prises à la volée sur mon téléphone mobile, entre deux rendez-vous, en voiture, toujours en mouvement vers un ailleurs. Jusqu'au moment où j'ai ressenti un appel si puissant qu'il m'a été impossible de différer plus longtemps ce travail d'introspection en solitaire. Je me sentais comme conduit vers l'écriture de ce que jamais je n'aurais imaginé comme un aussi beau voyage". C'est une histoire vraie. Une histoire à la fois simple et dense, futile et profonde, mélancolique et pleine d'espoir. Celle d'un homme né à la fin des années 70 en Normandie qui se retrouve un peu par hasard en école hôtelière. Commence alors pour lui une course folle, en France et ailleurs, dans le tourbillon de la restauration d'excellence. En filigrane l'animent la passion du théâtre et l'envie inavouée de mettre son insatiable créativité au service du spectacle... Voilà pourquoi vous êtes ici aujourd'hui : pour assister à la mise en scène qu'il a voulu faire de sa vie, de ses expériences heureuses et moins heureuses et de tous les secrets qu'il en a retirés. Secrets autour des choix de vie, des limites, de l'audace, de la spiritualité, de la solitude, de la mort, de la vie... C'est l'histoire d'un homme qui voulait autre chose et qui croyait en la capacité de se renouveler... encore et toujours. Franck Archimbaud est né en 1967 à Barentin. Diplômé de l'Ecole Hôtelière de l'Avalasse, il fait ses armes au sein de grandes maisons parisiennes avant d'élargir son expérience à l'étranger. Cadre au sein d'une multinationale durant plus de dix ans, il continue de nourrir pour le monde du spectacle une passion née dès l'enfance. En 2004, il décide de rassembler ses compétences en créant OTRECHOZE, concept novateur éco-responsable au carrefour de la restauration et de l'événementiel, qu'il développe et décline désormais dans toutes les branches de son entreprise. Ce livre est le récit de son parcours de vie, le témoignage d'une incessante quête prenant racine au coeur de l'intime.

02/2021

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Beaux arts

Monet. Une vie dans le paysage

Claude Monet, le plus connu, le plus aimé de tous les peintres, il semble au lecteur, à la fin de ce livre, qu’il ne le connaissait pas. Les débuts difficiles, le travail sur les motifs, les séries, le vieillard à la barbe blanche, le jardin de Giverny – on retrouvera tout cela ici, certes, mais forcé lumineusement au-delà du cliché, le long de 34 chapitres qui s’enchaînent comme autant de stances d’une expérience unique et bouleversante. Fruit d’un long travail de reconstruction, le livre suit le peintre pas à pas et parfois heure par heure, mais jamais ici la biographie n’a la distance équivoque d’un récit linéaire rétablissant les faits après coup : elle épouse les errements et les embardées de la vie, elle avance auprès du peintre dans ce paysage qu’il finira par trouer, basculant presque malgré lui au-delà du motif. Que le texte évoque “l’extraordinaire volonté qu’à Monet de maintenir l’informe”, qu’il retrace avec une minutie exemplaire le caractère épique des “campagnes de peintures” ou qu’il s’ouvre fraternellement à l’éternelle satisfaction d’un artiste bien conscient de chercher l’impossible, ce qui le conduit et l’éclaire, c’est avant tout le travail secret de l’œuvre, son mouvement anxieux, son tourment. Ainsi est-ce un Monet perpétuellement tendu – tous le contraire de la facilité et des bonheurs qu’on imagine – qui traverse ces pages. De Boudin à Jongkind, de Manet à Pissarro, de Renoir à Cézanne à Whistler ou Sargent, mais aussi des proches des marchands, de Mirbeau à Mallarmé, de Zola à Clémenceau, le livre fait bien sûr défiler tous ceux qui ont joué un rôle dans la vie de Monet. Témoins, ils ne sont là pourtant que pour éclairer d’un certain jour l’aventure au fond si solitaire du peintre des Cathédrales, des Meules ou des Nymphéas. Roman de formation, mais d’une formation sans fin recommencée où, de crise en crise, l’expérience ricoche, trébuche et s’exalte, ce livre donne accès à l’égarement même du procès créatif – et dans une proximité telle que, le temps d’une lecture, le lecteur pourra se redire ce que se disait Mallarmé : “Une chose dont je suis heureux, c’est de vivre à la même époque que Monet”.

03/2010

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Actualité politique France

Le Monde d'Après

Pendant de longues décennies, le déchaînement capitaliste a été camouflé à travers la machine réformatrice. Désormais c'est à tombeaux ouverts que la classe dirigeante écrase tout sur son passage. Les chiffres de la précarité explosent. C'est une hécatombe pour celles et ceux qui subissent l'impact. Si la question se posait de connaître "le coût du capital" , la crise "Covid" le rend désormais vérifiable, palpable et quantifiable : que ce soit dans le privé comme dans le public, la pression managériale est partout : mépris, vies brisées, fatigues, dépressions, jeunesse déprimée, culture en danger, explosion des troubles musculosquelettiques, surcharges de travail, manque de personnel et emplois précarisés, manque de moyens, captation financière redirigée vers les grandes fortunes, réduction drastique des services publics, dégradation de la prise en charge santé, gel des salaires, augmentation du temps de travail, casse des contrats de travail, licenciements, autoritarisme et violences légalisés, pouvoir des banques... etc. Et dans un même temps, le versement des dividendes aux grands actionnaires bat des records. Voilà la facture du capitalisme ! Cette pièce est une contribution supplémentaire pour sortir du schéma sombre de la concurrence en surrégime sur tous les plans : sociaux, économiques et écologiques. Comme s'il n'existait plus aucune solution pour faire autrement, cette catastrophe sociale est bercée par le ronronnement soporifique et médiatique général des peurs entretenues comme une "culture" par nos dirigeants. Pourtant, ensemble nous pouvons nous sortir de ce piège ! Le document "Plan de sortie de crise" signé par de très nombreux syndicats et associations, qui a inspiré cette pièce, propose la vision différente d'une société transformée qui ouvre l'espoir. Cet espoir, les organisations progressistes le portent comme un phare, une éducation humaine à perpétuer pour en faire un modèle. La pièce écrite à partir du document prend volontairement l'angle humoristique pour promouvoir l'espérance de ce monde humainement harmonieux dont nous rêvons toutes et tous. Car la lutte doit être porteuse de l'expression digne de celles et ceux qui tentent de relever les corps, nous devons en faire une fête. Véritable locomotive, la culture artistique nous met sur les rails de la réflexion pour penser l'après en projets et en progrès social partagés. C'est en tout cas le voeu de l'intersyndicale du Gers : CGT, FSU, Solidaires et du collectif Laïcité 32.

09/2021

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Littérature française

Comment trouver l'amour à cinquante ans quand on est parisienne (et autres questions capitales)

Comment fait-on à 18, 30, 40 ou 50 ans, pour changer le cours de sa vie insatisfaisante, et conquérir l’apaisement, peut-être même le bonheur et l’amour ? Ainsi pourrait-on résumer, de façon simple mais juste, le foisonnant et lumineux roman de Pascal Morin. Avec grande maîtrise, l’auteur nous entraîne dans une "ronde" d’une petite dizaine de personnages, d’âges et de conditions sociales et raciales différentes, tous saisis à un moment de questionnement et de basculement vers un avenir meilleur. Voici tout d’abord Catherine Tournant, professeur de français à Aulnay-sous-Bois, à la cinquantaine solitaire, élégante et cultivée, enfermée dans sa routine. Une femme plutôt perfectionniste mais chaleureuse avec ses élèves souvent médiocres, à l’avenir déjà socialement bouché, à l’image de cette Natacha Jackowska, dont la mère, obèse et au RSA, vient de mourir. Lors de travaux dans son appartement, entre ensuite en scène un jeune plombier d’origine africaine, Dimitri Diop, que sa copine vient de larguer par sms, puis son père, Robert, veuf très séduisant. Mais aussi Jérémie Lesdiguières, 38 ans, couturier branché et homosexuel, Eve-Marie Saada, psychanalyste fragilisée par la quarantaine. De scène en scène, ils viennent sur le plateau s’interroger sur eux-mêmes et le monde qui les entoure, et surtout se rencontrer, au-delà de tout ce qui pourrait les séparer. Catherine, par exemple, pourra-t-elle dépasser ses préjugés, en dépit de son antiracisme d’intellectuelle de gauche, pour tomber amoureuse de Robert, si attirant mais noir de peau ? Pascal Morin nous prend par la main dans ce conte moral d’un bel optimiste. Renversant les clichés (la prof de banlieue, le jeune black, la lycéenne paumée, etc.), il donne vie à des personnages profonds, chaleureux et convaincants, dans une langue agréable et fluide. C’est aussi, au-delà du plaisir de lecture que l’on prend à cet entremêlement de destins, un très beau roman sur Paris et les Parisiens, tous déracinés, exilés de province ou du Sénégal, sur la solitude contemporaine mais aussi la liberté que donne l’absence d’attaches, sur la différence et sa séduction, les rencontres qui nous construisent et nous amènent à devenir autres. Avec ce cinquième roman, Pascal Morin atteint une maturité… séduisante !

01/2013

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Beaux arts

Hokusai. Les trente-six vues du mont Fuji

L'intégrale des 36 vues du Mont Fuji, comprenant les dix estampes supplémentaires commandées par l'éditeur d'Hokusai suite au succès de cette série. "Si seulement les cieux pouvaient m'accorder encore dix ans... Si seulement les cieux pouvaient m'accorder encore cinq ans, je deviendrais un grand artiste". En formulant ainsi ces voeux à la fin de sa vie, Hokusai (1760-1849), aujourd'hui considéré comme le plus célèbre artiste de son époque, exprime son éternel quête de la perfection. Au début des années 1830, il entreprend sa suite colorée des Trente-six vues du mont Fuji, et parvient ainsi à l'apogée de sa carrière. Consacrée tout entière au paysage, la série présente le mont Fuji selon une multitude de points de vue et de cadrages. Voyageur infatigable, Hokusai, passionné de nature, explore toutes les facettes du volcan. Parfois solitaire et majestueuse, ou esquissée dans un horizon lointain, en grande spectatrice du monde des hommes, la montagne sacrée est inébranlable malgré les saisons et le temps. Mais elle n'est pas le seul élément d'observation : le peuple, dans toute sa diversité, s'affaire, occupé à toute sorte d'activités quotidiennes, parfois en symbiose avec son environnement, paisible et bienfaisant, ou au contraire, en prise avec une nature souveraine, magnifique et impitoyable, comme pour La Grande Vague de Kanagawa. Il capture dès lors l'instantané, l'éphémère, mais également l'éternel. La nature, quant à elle, demeure et se renouvelle sans cesse sous l'égide de son grand souverain, l'immuable mont Fuji à la cime enneigée. Créatif, Hokusai joue avec la couleur, et notamment avec le bleu de Prusse, pigment artificiel importé de Hollande depuis peu, plus intense et profond que les bleus naturels traditionnellement utilisés. Le maître s'amuse des effets d'atmosphère, de l'anecdotique, et allie la tradition picturale japonaise, largement influencée par le modèle chinois, à la perspective occidentale. Le succès de ces estampes est considérable et popularise le genre du paysage. Dès lors, l'éditeur d'Hokusai lui commande dix nouvelles planches, Le Fuji vu de l'autre côté. C'est donc une intégrale de quarante-six estampes au total qui est reproduite dans ce coffret, accompagné d'un livret explicatif décrivant chacune des estampes de la suite la plus célèbre du grand maître japonais.

11/2018

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Science-fiction

La complainte des ombres Tome 1 : Le maître horloger

Descendant d'une longue lignée de maîtres horlogers, le jeune Elvin Rivière semble tout indiqué pour reprendre l'affaire familiale. Pourtant, derrière ce métier en apparence banal, son père exerce une activité bien plus obscure dont Elvin semble être le seul à ignorer la nature. Pourquoi tous les habitants de Vilelune semblent-ils convaincus qu'Emeric Rivière est un sorcier ? A quels sombres desseins s'adonne-t-il, chaque soir, derrière la porte close de son atelier ? Rejeté de tous en raison des mystères qui entourent son père, le fils de l'horloger vit une enfance solitaire jusqu'à sa rencontre avec un garçon tout aussi énigmatique que lui, accompagné d'une ombre étrange qui semble animée d'une volonté propre... Cependant, tandis qu'Elvin consume ses plus belles années, il ignore qu'une sombre réalité viendra bientôt bouleverser son existence. En effet, il pourrait bien devenir l'héritier d'un savoir ancestral inestimable pour lequel d'aucuns seraient prêts à tuer. Que peut alors faire Elvin quand une silhouette inquiétante commence à suivre sa route et que se dessinent en lui les premiers symptômes de l'Obsession ? Et surtout, que pourra-t-il faire le jour où la mort viendra frapper à sa porte ? Dans ce diptyque étonnant, Florian Paret plonge le lecteur dans la vie d'un homme bon, mais obsédé par sa quête. L'auteur nous offre un roman saisissant de réflexion sur la course du temps, l'amour, la mort et les regrets. Une aventure dont on ne ressort pas indemne. Florian Paret est né en 1991 dans les Alpes de Haute-Provence. Passionné de lecture depuis les premières histoires qui ont bercé son enfance, il découvre le frisson de l'écriture à l'aube de son adolescence. Cette passion ne le quittera pas et les années passant, il dessinera peu à peu les contours d'un univers sombre où perce toujours, parfois de façon inattendue, une lueur d'optimisme et de foi en l'être humain. De cet univers naîtra un premier roman, La complainte des Ombres. Toujours en quête de magie, Florian Paret vit à la campagne où il continue à écrire tout en s'adonnant à ses autres passions : la lecture, le cinéma, le Qi Gong, mais aussi l'étude de la médecine traditionnelle chinoise et de l'hypnose.

10/2020

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Philosophie

Correspondance. Tome 3, Janvier 1875-décembre 1879

Ce troisième volume de la correspondance de Nietzsche couvre la période qui va de janvier 1875 à décembre 1879 : cinq années décisives, intenses et douloureuses, marquées par la maladie, la découverte de l'Italie, la rupture avec Wagner et la publication des aphorismes libérateurs et lucides d'Humain, trop humain. Pareille évolution aurait-elle été possible, cependant, sans la présence de plus en plus marquée dans la vie de Nietzsche d'une maladie aux causes obscures, mais sans cesse plus cruelle, qui oblige Nietzsche à renoncer progressivement à son enseignement de la littérature grecque à Bâle et à chercher sans relâche le climat le moins défavorable à sa santé, dans une quête qui le conduira notamment dans l'Oberland et en Engadine ? La découverte de l'Italie lors du séjour à Sorrente, grâce à la sollicitude maternelle de Malwida von Meysenbug, dans l'hiver 1876-1877, constitue une sorte de parenthèse lumineuse et amicale, riche en lectures et en réflexions communes qui trouveront un écho dans les notations d'Humain, trop humain. Mais cette période charnière est dominée par les effets terribles de la rupture avec Wagner : si Nietzsche analyse encore avec enthousiasme l'œuvre et les projets du musicien dans " Richard Wagner à Bayreuth " (1876), la dernière des Considérations inactuelles, la déception que suscite le festival cette même année constitue un des grands tournants de la vie et de la pensée de Nietzsche, désormais penseur libre, indépendant, souverain. Mais aussi solitaire. Quelques amis seulement l'entourent et le drame intellectuel de première grandeur qui se déroule au fil de cette correspondance est d'autant plus bouleversant que nous le voyons se jouer dans un tout petit cercle : le fidèle Overbeck ; Paul Rée, le libre penseur ; le musicien Köselitz, " Peter Gast " ; la douce et délicate Marie Baumgartner, sa première traductrice ; le distingué Carl von Gersdorff ; Malwida von Meysenbug, " l'idéaliste " ; Elisabeth Nietzsche, qui n'est encore à cette époque qu'une sœur aimante qui songe au mariage pour elle et pour son frère. Enrichie par des extraits des lettres de ses correspondants, la correspondance de Nietzsche, arrachée le plus souvent à des moments de terrible souffrance, brille pourtant de tout son talent de styliste ; plus que jamais, même quand elle fait entendre une longue plainte, sa voix est portée par une étrange énergie, l'expression d'une confiance : la conviction d'être un penseur d'exception. Celui du " gai savoir " à venir.

10/2008

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Religion

PASCAL ET JEAN DE LA CROIX

Si le génie pascalien brille toujours d'un éclat intact, la plupart des vêtements dans lesquels l'avait enserré le romantisme ont cédé à l'usure du temps. Une meilleure connaissance des textes et de l'époque nous a restitué le Pascal rieur et ardent qui a composé les Provinciales, le Pascal engagé dans le mouvement des sciences et lié à nombre de mathématiciens et de physiciens, et un Pascal écrivain dont le style apparaît désormais comme la réussite d'une ample tradition esthétique, celle des parlementaires gallicans, tout opposée au style "jésuite" . Loin d'être un solitaire, l'inventeur de la machine à calculer appartenait à toutes sortes de riches réseaux. On a aussi cru longtemps que l'auteur des Provinciales et des Pensées manquait de culture religieuse : les théologiens de Port-Royal, un Antoine Arnauld ou un Pierre Nicole, répétait-on après les pamphlétaires jésuites du XVIIè siècle, lui fournissaient les matériaux que ce jeune homme au coup de plume facile mettait en forme. Pascal s'est -il nourri de la théologie mystique de saint Jean de la Croix ? A cette délicate question les réponses restaient aussi rapides que contradictoires. Les prises de position n'étaient en fait étayées par aucune véritable enquête. Le savant ouvrage de M. André Bord comble donc une lacune. Voici enfin les pièces du dossier. Et dans quel débat ! Il s'agit pas ici de deux auteurs mineurs, mais de deux écrivains théologiens dont l'envergure n'échappe à personne. Avant d'en venir aux textes eux-mêmes, M. Bord a su s'inscrire dans un courant très vivant des recherches littéraires : la reconstitution des milieux et des réseaux à l'intérieur desquels se tissent peu à peu les oeuvres singulières. Cette géographie littéraire et spirituelle, déjà pratiquée avec bonheur par M. Jean Mesnard, en particulier à propos des mais de Port-Royal, nous met en présence d'échanges si intenses entre l'entourage de pascal et la Carmel que, de la part du premier, une ignorance totale des écrits de Jean de la Croix perd toute vraisemblance. Illusion donc de s'imaginer que sur Pascal tout est dit, et que l'on vient trop tard ! L'ouvrage de M. Bord atteste que des enquêtes ambitieuses peuvent toujours renouveler notre lecture du théologien de Port-Royal. Quand on referme ce Pascal et Jean de la Croix, les textes pascaliens viennent de gagner encore en densité. Extraits de la Préface

09/1987

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BD tout public

Lucarne

Dans ce recueil de 5 histoires, certaines précédemment publiées dans la revue éponyme de Breakdown Press, Joe Kessler dépeint un monde riche en quêtes, en sensations, en surprises. Les couleurs, franches voire flamboyantes, épaulent la narration d'un point de vue subjectif : l'environnement apparaît et disparaît en fonction de ce que vivent les personnages. Les odeurs, la peur, le plaisir, l'urgence sont représentées comme autant d'explosions chromatiques. Windowpane, soit "carreau de fenêtre" ou "lucarne" en français, mêle le récit de l'auteur et la perception de ses protagonistes. Lucarne, c'est aussi la vision depuis une case de bande dessinée. Une narration innovante et envoutante, qui mérite plusieurs lectures, pour dépasser l'émerveillement esthétique qu'il suscite la première fois. Lauréat en 2017 du prix Audience Award à l'East London Comics & Arts Festival, Joe Kessler vit et travaille en Grande Bretagne. Dans un paysage rural, un chien erre au gré des odeurs qu'il croise. Il finit par rencontrer, enfin, sur le bord d'une fenêtre, l'objet comestible et inanimé qu'il cherchait : une tourte. En visite chez sa tante, une petite fille et son cousin partent explorer la propriété voisine. A travers la fenêtre, ils assistent à une projection d'images de guerre et de violence. De retour au calme, dans la solitude de la nuit, ces images la hante et elle prend peur pour ses parents. Spontanément, elle prend la route pour les rejoindre. Constatant le mauvais état de sa porte d'entrée, un homme rend visite à son propriétaire. Il se trouve alors pris dans un tourbillon de magie, qui l'emmènera jusqu'à un rivage lointain où se trouve, comme dans tout bon conte de fées, une jeune fille prisonnière d'une tour. Un marin complexé et la riche et solitaire propriétaire de la compagnie maritime pour laquelle il travaille vivent une aventure érotique intense avant qu'il ne reparte en mer, paré de cadeaux étranges. Un fugitif, aidé par des amis, est mis à l'abri puis trahi par ses hébergeurs. Traqué, il est finalement recueilli par une artiste qui vit dans une maison isolée. Ils tombent amoureux mais sont rattrapés par ceux qu'il fuit. Par une ultime création, elle parvient à sauver leur union.

03/2019

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Théâtre - Pièces

Fracasse

Il n'y a qu'au théâtre qu'on pleure sans raison autre que celle de pleurer au théâtre, et "mieux" même que "dans la réalité" . Les pleurs de l'actrice sont, disons-le pour aller vite, les pleurs d'un spectre en elle (en nous), et non ceux d'une femme qui en imiterait une autre. J'ai laissé le plaisir, et l'effort, chaque fois récompensé par de nouvelles surprises, de seulement lire et relire Le Capitaine Fracasse pour un texte, plus aventureux, plus solitaire, plus acide aussi sans doute, d'écrire moi-même en ses trames et ses marges ! ... Et j'ai voulu, infidèle, que le spectre qui lentement se profilait dans l'encre et la brume, et qui, visible enfin, se présentait presque tout entier cousu, comme au théâtre, d'étranges dialogues, gardât mémoire, et célébrât, comme par une manière de politesse, quelque chose de ce qu'il devait à ce qui donc l'avait permis : quelque chose, précisément, de l'histoire du théâtre, d'une certaine histoire du théâtre. Celle, par leur art, qu'ont "écrite sur le sable" , comme disait le metteur en scène Antoine Vitez, les plus grands acteurs français depuis le XVIIe siècle. Et c'est ainsi que la troupe de comédiens du roman a tourné, ici, à l'Association de spectres... J'ai voulu aussi - surtout - qu'on entendît, avec la fiction - sous elle, derrière elle, et peut-être en elle - quelque chose qu'on pourrait dire une philosophie du théâtre. Qui n'est, je le crains, que la mienne, et bien loin, sans doute, d'être aujourd'hui majoritaire... Pire : deux fois infidèle, j'ai écrit en me laissant séduire, dès qu'elles se mettaient à chanter à mes oreilles, c'est-à-dire souvent, par d'aussi brèves qu'irrésistibles réminiscences d'autres chefs-d'oeuvre : depuis les fictions de Shakespeare l'incontournable - qui m'a ici tenu la main pour deux scènes au moins - à celles d'Hélène Cixous - que je lis et relis depuis si longtemps déjà -, en passant par, que sais-je, les textes de Racine, Artaud, Montaigne, Baudelaire, Claudel, Proust, Aragon, Verlaine, Rimbaud ou Borges... De tous ces textes, les traces, certes, ne sont plus ici, elles aussi, que spectrales, et presque toujours maquillées ou gauchies, mais un lecteur ludique, amoureux - et obstiné - parviendrait sans doute, à de certaines lumières, à en faire chatoyer les formes et les reflets... D. M.

10/2022

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Littérature française

Les douces choses

Les Douces Choses sont une partition à deux voix, où s'entremêlent avec grâce deux parcours de vie, où la magie de l'enfance perdue, l'attachement aux maisons de famille, le poids quelquefois insurmontable de la solitude, se répondent de façon troublante. Nous découvrons deux femmes qui finissent par se retrouver sur ce qui fait l'essentiel d'une vie : la fidélité à soi-même. La narratrice pose ses bagages dans une nouvelle maison. C'est le début de quelque chose et l'occasion de faire le point sur la vie écoulée qui l'a menée là. L'endroit n'a pas été choisi par hasard : le salon bleu fut le signe de l'évidence. Il faisait écho à un autre salon bleu, plus connu celui-là, celui de Verrières où Louise de Vilmorin vécut les dernières années de sa vie. Ce serait cette maison et pas une autre. Louise, cette amie de littérature et de détresse, disparue quelques jours après la naissance de la narratrice, mais qui deviendra pourtant un repère, une présence tutélaire et protectrice ; Louise et sa vie fantasque, romanesque à souhait mais solitaire aussi, sera le fil rêvé de ce beau récit littéraire. Les Douces Choses sont une partition à deux voix, où s'entremêlent avec grâce deux parcours de vie, où la magie de l'enfance perdue, l'attachement aux maisons de famille, le poids quelquefois insurmontable de la solitude, se répondent de façon troublante. Je suis tombée sous le charme de sa bonne éducation, de son élégance désuète, de sa singularité et de ses facéties, qui masquaient tant de doute et d'insécurité. Et je me suis attachée à elle, comme à une compagne de mélancolie, comme à une soeur de douleur. Tout est dit, sur cette affinité élective qui éclaire d'une lumière particulière ce récit où l'on croise une famille aux origines hollandaises, un moulin perdu dans un village de la Brie, la maison de Verrières, une perse bleue de chez Le Manach, des trèfles à quatre feuilles, mais aussi André Malraux, Roger Nimier, une petite fille en ciré bleu marine, et même Orson Welles. Alice Dekker dessine à l'estompe, avec une élégance toujours tenue, un double portrait. Et nous découvrons deux femmes qui, loin, même très loin l'une de l'autre, finissent par se retrouver sur ce qui fait l'essentiel d'une vie : la fidélité à soi-même.

04/2022

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Cancer

Dire le cancer, nos mots sur des maux. L'expérience du cancer du sein : une annonce, une traversée, une épreuve

Une envie de dire, de faire savoir, de partager... Ce livre est le fruit d'un long chemin parcouru par des femmes dont la trajectoire de vie a été un jour percutée par le cancer. De la suspicion au diagnostic jusqu'aux soins et à la reconstruction, l'expérience vécue est à la fois singulière et partagée avec d'autres femmes concernées de la même façon. Le cancer du sein embarque les femmes concernées dans une " aventure " où elles sont mises au défi de faire face, de supporter des traitements parfois lourds et de mobiliser leurs ressources pour combattre la maladie, aux côtés des soignants. Les femmes pénètrent alors dans un " monde " nouveau, qu'elles doivent découvrir, appréhender et comprendre. A travers cette expérience, elles mobilisent des ressources et des compétences jusqu'alors insoupçonnées. Cependant la traversée du cancer est aussi une aventure solitaire, dans la mesure où la peur, l'angoisse de la mort, la douleur, les états de fatigue ne peuvent être appréhendés par l'entourage des personnes. Plus encore cette confrontation à la maladie sévère bouscule ces femmes dans leurs habitudes de vie, et génère parfois un questionnement fondamental sur le sens de l'existence. Des remaniements du fonctionnement au quotidien, des relations avec les proches, de l'identité profonde s'expriment parfois tout au long de la maladie et du parcours de soin. Les femmes engagées dans le processus d'écriture ont toutes fait l'expérience de la difficulté de communiquer avec leur entourage à certains moments, d'un sentiment de ne pas être comprises, ni par la famille, ni par les amis, ni par les soignants, à certains égards, malgré la volonté de soutenir. Elles ont fait l'expérience de la difficulté pour ces proches d' être présents, de façon juste et adaptée, du fait de leurs peurs et de leur souffrance. Car ce ne sont pas que les malades qui souffrent mais également ceux qui cherchent à demeurer auprès d'eux au fil de la maladie. A travers cet ouvrage, elles cherchent à faire connaître leur expérience et à donner des clefs de compréhension aux proches de personnes atteintes du cancer et aux soignants qui les accompagnent. Pour que l'expérience du cancer puisse être vécue ensemble de la façon la plus apaisée possible.

10/2023

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Pensée positive

L'enfant intérieur blessé. Dix étapes pour devenir son parent réparateur

L'enfant intérieur est ce qu'il y a de plus précieux en soi. Aller à sa rencontre est incontournable pour se lever des blessures profondes de l'abandon, du rejet et de l'humiliation, tout comme se défaire des schémas de survie mis en place inconsciemment à la suite de nos traumas, tels le schéma de fuite, le besoin de contrôler, d'être dépendant et tout donner pour l'autre jusqu'à se sacrifier soi-même. La clé principale de sortie de la dépendance affective est d'agir en parent réparateur, aimant, sécurisant, enseignant et guide. Réparer son enfant intérieur et le sécuriser tout en l'accompagnant à l'autonomie affective, ne peut que venir de soi. Personne d'autre ne pourra combler ce vide en vous, et vous amener à l'estime et à la confiance en votre valeur. Inutile donc de continuer à troquer ce deal avec l'autre qui est : " je m'occupe de toi et tu t'occupes de moi ! "... pour finalement passer à côté de ses potentiels. L'adulte que vous êtes devenu et l'enfant qui est là en vous, pour toujours, doivent avancer ensemble. Ils sont intimement liés, reliés et solidaires. C'est en vous que se trouvent les leviers pour vous prendre en mains de façon autonome, savoir quoi faire pour sortir du subir et des schémas de dépendance qui influencent votre vie d'adulte, jusqu'à la saboter. Alors n'ignorez plus les blessures et les besoins de votre enfant intérieur ! Dans ce livre, Geneviève Krebs vient vous parler de parentalité réparatrice, non pas au service de l'autre, mais pour soi, pour votre enfant intérieur. La première partie vous permettra de comprendre le fonctionnement de ces parties en vous et des enjeux pour votre vie actuelle. Elle pose aussi les grands axes de la mission du parent réparateur de votre enfant intérieur. La deuxième partie, au travers de dix fiches d'actions et d'instrospection, vous accompagne pas à pas dans le travail concret à mener. Geneviève Krebs, psychopraticienne en thérapie brève, spécialiste reconnue et renommée de la dépendance affective depuis 1997 est auteure de toute une série d'ouvrages à propos de la souffrance d'abandon, d'humiliation et de rejet, parus chez Eyrolles, et notamment le best-seller : Dépendance affective : six étapes pour se prendre en mains et agir, paru en 2018, et Combler ce vide en nous, paru en 2019.

10/2021

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Essais

La psychanalyse : l'indifférence en matière de politique ?

Après "La méthode clinique", publié en 2019 et qui a déjà donné lieu à plusieurs rééditions, La Petite Librairie fait le choix de proposer un recueil de textes inédits de Michel Lapeyre, prononcés ici ou là en France lors de "vraies" rencontres, ce qui n'est pas si courant, avec un homme témoignant de son rapport à la psychanalyse et de la subjectivité de notre époque à travers une ouverture éthique permettant de penser le monde : ceux qui l'ont rencontré se souviennent de son style. Michel LAPEYRE est un passeur. Psychanalyse, politique et création étaient ses domaines privilégiés : il pouvait à l'occasion envisager une psychanalyse comme une écriture et les écrivains comme des précurseurs. Sous ce titre provocateur, il nous montre encore et toujours qu'on peut avoir un rapport à la psychanalyse suffisamment libre pour pouvoir penser avec elle et au-delà d'elle la "substance humaine" tout en nous invitant à ne pas nous couper du monde. Le psychanalyste avec Michel LAPEYRE est tout sauf indifférent, notamment en matière de politique, lorsqu'il le définit comme celui qui aurait à organiser la perte du pouvoir, de tout pouvoir sur l'autre ! Sont abordés dans ce recueil les thèmes très actuels de la honte de vivre, de la question du mal, de la fraternité, de la logique collective et du féminin, en passant par Mauss, Marx, Freud et Lacan. Dans la première conférence, qui donne le La de ce recueil, il nous montre un Freud politique lorsqu'il indique qu'il n'y a pas de reconnaissance de l'inconscient qui ne vienne se heurter à ce qui ne cesse de la remettre en cause soit l'irréductibilité de la pulsion de mort. Une psychanalyse doit permettre au sujet de prendre position dans ce conflit ! Dans la dernière intervention, il prend à bras le corps la question du mal, non seulement pour mettre à jour ce qui, du mal, est toujours dénié, mais pour en remonter le fil. Si la science permet l'extension du mal, et que la religion traite le mal essentiellement par la culpabilité, la psychanalyse doit permettre au sujet de savoir de quoi son mal est fait, ce qui, de lui, il veut tuer dans l'autre ; ce qui est notre lot à tous : sur cet universel Michel LAPEYRE en appelle à Antonin ARTAUD et Bertolt BRECHT comme éclaireurs. Entre ces deux textes phares nous trouvons entre-autres un formidable coup de gueule anticapitaliste dans lequel il revendique avec Lacan le respect dû à tout homme, dans sa singularité, un questionnement qui fut le sien sur le lien social et la fraternité, et un texte fondamental sur la honte de vivre qu'il replace à coté de l'angoisse, cet affect qui ne trompe pas. Michel LAPEYRE envisage l'avenir de la psychanalyse avec lucidité : elle disparaitra peut-être mais rien ne doit nous faire renoncer à nous appliquer à rejoindre la subjectivité de notre époque, en participant aux solutions et conclusions que la psychanalyse est amenée à (se) forger, quitte à payer de notre personne en faisant valoir sans relâche, à son instar, le discours de l'analyste comme celui de la singularité. "Il s'agit de faire valoir ce que la psychanalyse apporte mais par quoi elle est aussi traversée, voire dépassée, de part en part : le lien humain ou interhumain (où subjectif et social sont et demeurent indissociables) n'est fait et refait que de désir et de symptôme" (p. 132). D'où son voeu sur une association possible "entre frères humains", par le symptôme de chacun, "un entre autres"...

11/2021

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Histoire militaire

De la guerre N° 1, été 2021 : Hitler a-t-il eu une chance de l'emporter ?

De la guerre : le premier Mook d'histoire militaire Le meilleur de Perrin et de Guerres & Histoire en librairie et en kiosque Du magazine, le Mook hérite de la variété des sujets et de leur traitement. De la guerre propose ainsi de voyager à travers les conflits de l'Antiquité à nos jours, de s'intéresser à la théorie, aux bataille, aux uniformes, aux armes, aux grands chefs, aux combattants, à l'action psychologique. De la guerre fait flèche de tout bois : interviews croisés, interviews posthumes, archives sonores, infographie, cartographie, photographie, illustrations d'époque. Du livre, le mook reçoit la clarté de la mise en page, le temps de la lecture longue, la qualité de l'écriture, la profondeur de la réflexion, la fréquentation des meilleurs historiens. De la guerre ne se jette pas après lecture : c'est un vrai livre qui se conserve, auquel s'ajouteront, deux fois par an, d'autres encore, qui feront collection. En 168 pages, De la guerre offre une belle palette historique. Hitler a-t-il eu une chance de gagner ? Telle est la question du dossier central autour de laquelle s'empoignent Jean Lopez, Benoist Bihan, Nicolas Aubin et deux grands historiens britanniques, Richard Overy et Andrew Roberts. Si ce dossier est copieux (30 pages), il ne relègue pas dans l'ombre les autres articles. Une archive sonore du capitaine Paul-Alain léger -un véritable personnage de roman-, donne à comprendre les ressorts profonds de la plus incroyable opération d'intoxication jamais menée : la " bleuite " durant la guerre d'Algérie. Le plus talentuteux des infographistes français, Nicolas Guillerat, offre une comparaison graphique inédite entre les trois grandes batailles de la Guerre de Cent ans : Crécy, Poitiers, Azincourt, et tout devient lumineux. Chine et Inde s'affrontent dans l'Himalaya en 1962, et un des plus grands photo-reporters de guerre, Larry Burrows, capte les images d'une guerre en atmosphère raréfiée : c'est l'objet d'un magnifique portfolio. Le maréchal Grouchy, interviewé par un journaliste du Monde, s'explique en personne sur les raisons de son fiasco à Waterloo : " Soudain, joyeux, il dit : "Grouchy ! " - C'était Blücher". On attribue l'expression "brouillard de la guerre" à Clausewitz, mais en réalité elle est issue d'une fausse interprétation qui cache une grave méprise dont les Etats-Unis ont payé le prix, et nous avec : c'est l'objet de cette rubrique "concept" rédigée par Benoist Bihan. Comment et pourquoi entre le XVe et le XVIIe siècle, le soldat reçoit un uniforme précis, chargé de symboles et de fonctions particulière : c'est cette révolution de l'apparence que décrypte Dominique Prévot, conservateur au Musée de l'armée. " Si Dieu nous fait la grâce de perdre encore une pareille bataille, Votre Majesté peut compter que ses ennemis sont détruits ". Ainsi s'exprimait le maréchal de Villars devant le Roi Soleil, au soir de la bataille de Malplaquet. D'une plume alerte, Clément Oury raconte comment une énième défaite concédée devant Marlborough sauve en réalité le royaume. Le professeur François Cadiou nous régale des portraits croisés d'Hannibal et de Scipion et, au travers de la vie de ces deux maîtres de guerre, démonte les deux moteurs de la lutte à mort entre Rome et Carthage. Dans une uchronie tirée au cordeau, Emmanuel Hecht se demande si le destin de la France n'aurait pas été complètement chamboulé par la victoire de la Fronde. Enfin, Thierry Lentz et Jean Lopez s'effordent, dans une interview croisée, de montrer en quoi la campagne de Russie de Napoléon et celle d'Hitler se ressemblent, et en quoi elles différent. De la guerre s'achève par une série d'interviews d'auteurs qui présentent leurs travaux à paraître dans le second semestre de 2021 : histoire militaire, roman et polar historique, BD d'Histoire...

06/2021

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Poissons, crustacés

Mémoire et cuisine des gens de mer. Parc naturel marin du golfe du lion

Depuis plusieurs années, le Parc naturel marin du golfe du Lion collecte la mémoire vivante des gens de mer, sur le littoral du Parc (de Leucate à Cerbère). Ce projet est né du constat, que les anciens pêcheurs, et plus largement les gens de mer de ce territoire détenaient une part importante de notre mémoire collective. Mémoire qu'il fallait préserver et partager. Petit Louis, Claude, Colette, Suzette, Jeanine, Aimé, nos gens de mer sont pêcheurs, pêcheurs-vignerons ou pêcheurs-dockers, pêcheurs d'étang et de mer, saleuses, fileyeuses, ouvrières d'usine, transbordeuses d'oranges ou encore travailleurs du port, femme ou fille de pêcheur. Les témoignages recueillis font apparaître de nombreuses thématiques liées à la mer et à la vie quotidienne de nos anciens : ils parlent d'expériences, d'observations de la nature, de traditions de superstitions, mais aussi de savoir-faire et de cuisine. Ces femmes et ces hommes, qui vivaient de la mer, ont acquis une grande expérience des espèces. Ils connaissent le meilleur moment pour les consommer et les nombreuses façons de les cuisiner. Ils savent les saveurs, ils savent les saisons de la mer. Chacun nous offre une ou plusieurs recettes, avec toujours, un conseil ou quelques informations utiles. Deux pêcheurs qui sont aujourd'hui encore en activité témoignent dans ce livre, Georges et Vincent, tissant un lien entre les pratiques d'hier et celles d'aujourd'hui. Ce livre, bien plus qu'un kaléidoscope de portraits et de recettes, se veut le reflet d'une histoire collective. Une histoire qui se poursuit avec nos gens de mer d'aujourd'hui, qui vit et se transforme, s'adapte, se réécrit tous les jours. Un témoignage sur la richesse et la diversité de notre mémoire collective et vivante et de notre littoral. Le Parc naturel marin du golfe du Lion est une aire marine protégée, espace délimité en mer qui répond à des objectifs de protection de la nature à long terme en intégrant tous les acteurs concernés dans une gouvernance locale. Sa vocation est la gestion intégrée de l'espace marin : la connaissance, la protection du milieu marin, le développement durable des activités maritimes. Créé par décret le 11 octobre 2011, il couvre plus de 4 000 km d'espace marin au large des Pyrénées-Orientales et de l'Aude. Il comprend douze communes littorales sur plus de 100 kilomètres de côte. Sa limite atteint au large 35 milles nautiques, soit plus de 60 km. Le Parc naturel marin, dans ses missions, agit aussi pour la valorisation du patrimoine culturel maritime, matériel et immatériel. La France compte en tout huit parcs naturels marins : six en métropole, dont deux en Méditerranée et deux dans les Outre-mer. Le Parc est rattaché à l'Office français de la biodiversité, établissement public sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et solidaire et du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, dont la vocation première est de répondre aux enjeux de préservation du vivant.

08/2021

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Droit

Revue méditerranéenne de droit public N° 9 : Liberté(s) ! En Turquie ? En Méditerranée !

La Revue Méditerranéenne de Droit Public, née en 2013 au sein du Collectif l'Unité du Droit, met en avant les travaux du Laboratoire méditerranéen de Droit Public. "Vivre comme un arbre, seul et libre. Vivre en frères comme les arbres d'une forêt" ainsi que nous avait engagé à le vivre le poète Nâzim Hikmet. Le présent ouvrage est un cri d'alarme(s) et de détresse(s) à destination de tous les citoyens, décideurs politiques et membres de la Communauté universitaire en France mais aussi et surtout autour du bassin méditerranéen. Matérialisé en urgence au mois de juin 2018 et publié le jour des élections présidentielles et législatives turques alors que la situation de plusieurs collègues turcs a attiré l'attention de nombreux réseaux académiques dont le Laboratoire méditerranéen de Droit Public, il a été décidé d'offrir un témoignage d'amitié et de fraternité aux membres de la Communauté universitaire de Turquie, menacée de privation(s) de liberté(s) par le régime du Président Erdogan. En particulier, l'ouvrage est adressé à notre ami le professeur Ibrahim O Kaboglu, directeur de l'équipe turque du Laboratoire méditerraneen de Droit Public. L'opus résolument tourné vers l'espoir, le Droit et les libertés, se compose de trois parties : la première revendique davantage de libertés d'expression(s) pour nos collègues turcs et offre au lecteur plusieurs points de vues comparés sur les libertés académiques en Méditerranée (Partie I). Par suite, le livre propose de façon militante et assumée des analyses et propositions en faveur du droit constitutionnel et des libertés en Turquie (Partie Il) et en Méditerranée (Partie Ill). Comme l'espère le président Jean-Paul Costa dans son avant-propos, "puisse cet ouvrage collectif, cet hommage solidaire, dépasser le seul symbole ; puissent les témoignages de ces femmes et de ces hommes influer quelque peu sur le cours des choses ! Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre : il fallait en tout cas essayer". Ce livre comprend une trentaine de contributions auxquelles ont participé plus de quarante contributeurs depuis plusieurs pays méditerranéens (Espagne, France, Italie, Liban, Maroc, Turquie) : M le Président Costa, Mmes et MM les professeurs Afroukh, Basilien-Gainche, Bockel, Bonnet, Fontaine, Freixes, Gaillet, Groppi, Iannello, Larralde, Laval, Malaret, Marcou, Mathieu, Maus, Prieur, Rousseau, Starck, Touzeil-Divina & Turk ainsi que Mmes Abderemane, Elshoud, Espagno-Abadie, Eude, Fassi de Magalhaes, Gaboriau, Mestari, Perlo, Rota, Schmitz & MM Altinel, Barrue-Belou, Bin, Degirmenci, Friedrich, Gelblat, Makki, Meyer, Ozenc & Sales. L'image de première de couverture a été réalisée, à Beirut, par Mme Sara Makki. Le présent ouvrage a reçu le généreux soutien du Collectif L'Unité du Droit (CLUD), du Laboratoire méditerranéen de Droit Public (LMDP), de l'Association francaise de Droit Constitutionnel (AFDC) & de L'Association internationale de Droit Constitutionnel (AIDC). Réunies par M le professeur Touzeil-Divina, les présentes contributions parues le jour des élections présidentielles & législatives turques sont un cri d'alarme et un message de fraternité envoyés aux membres de la Communauté universitaire de Turquie.

08/2018

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Histoire de France

Mesurer et analyser l'économie sociale. L'apport de l'ADDES depuis 1980

La période de l'entre-deux-guerres, plus que d'autres, est tout à la fois marquée par une combativité et une solidarité ouvrières intenses, dont le Front populaire constitue le point culminant, et une poussée nationaliste et xénophobe dont les travailleurs immigrés sont en grande partie la cible sur fond de crise économique. Dans ce livre, Maria Grazia Meriggi s'efforce de montrer comment cette double réalité trouve à s'articuler sur le lieu du travail, le terrain d'observation qu'elle a fait le choix –qui se révèle judicieux – de privilégier. S'appuyant sur un impressionnant travail de dépouillement d'archives (des archives syndicales aux archives de police), le résultat étonne par sa richesse. L'analyse des grèves en région parisienne (mais aussi dans le Nord) au cours des années 1920 et 1930, dans des secteurs parfois peu étudiés jusqu'alors, l'énergie déployée par certaines organisations syndicales en faveur d'une égalité de traitement entre ouvriers français et étrangers, l'action des sections "ethniques" de la MOI (Main-d'oeuvre immigrée), la propagande xénophobe et antisémite des "jaunes" et des ligues nationalistes sont autant de thèmes que l'auteure aborde ici avec une grande justesse. Surtout, cette analyse "par en bas" ne se fait jamais au détriment du contexte national et international qui est toujours parfaitement restitué dans ce livre auquel la montée des populismes donne hélas une actualité certaine. Peu de temps après la résurgence du concept d'économie sociale en France à la fin des années 1970, ses promoteurs – acteurs et chercheurs – constatent l'absence d'outils statistiques adaptés, rendant impossible toute mesure du poids réel de ce secteur économique. Convaincus que "tout ce qui ne se compte pas ne compte pas", ils fondent l'Association pour le développement des données sur l'économie sociale (ADDES) en 1983, avec pour mission première de peser en faveur de la création d'un compte satellite de l'économie sociale. L'organisation d'un colloque annuel contribue de manière décisive à la mise en réseau des principaux spécialistes de cette économie sociale devenue un objet d'études à part entière. Si, depuis cette date, l'ADDES a connu des évolutions – l'accentuation de son caractère interdisciplinaire (sociologues, gestionnaires et historiens se sont ajoutés aux économistes et statisticiens qui composaient ses premières instances), la création de deux prix de thèse et de mémoire en économie sociale, l'organisation de séminaires –, elle est restée fidèle à ses ambitions initiales et n'a jamais cessé d'être un lieu d'échanges au service de la reconnaissance de l'économie sociale, notamment au plan statistique. Dans cet ouvrage, Patricia Toucas-Truyen nous propose une histoire intellectuelle de ce laboratoire d'idées qu'est l'ADDES. En analysant les débats qui l'ont traversée, elle s'attache à retracer les problématiques et identifier les enjeux à l'oeuvre depuis trente-cinq ans dans ce champ aux frontières mouvantes renouvelé par l'économie solidaire et l'entrepreneuriat social.

10/2018

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Immobilier, droit de la constr

Pratique du droit de la construction. Marchés publics et privés, 10e édition

A la lumière de la NF P 03-001, de l'ordonnance du 6 juin 2005 et de ses modifications, du Code des marchés publics de 2006 et de ses modifications successives en 2008, 2009 et 2010, de l'ordonnance du 7 mai 2009 et de ses textes d'application, sans oublier l'entrée en vigueur du CCAG Travaux 2009 et l'évolution de la jurisprudence dans tous les domaines : - Quel est le rôle de chacun des intervenants à l'acte de construire ? d'un pouvoir adjudicateur ? d'une entité adjudicatrice ? du maître d'ouvrage délégué ? du conducteur d'opération ? d'un AMO ? du coordonnateur SPS ? et du maître d'oeuvre ? - Qu'est-ce qu'un groupement conjoint ? un groupement solidaire ? - Comment sous-traiter son marché ? Quelles précautions prendre en cas de sous-traitance ? Qu'est-ce qu'un sous-traitant direct ? un sous-traitant indirect ? Quelle est l'évolution de la jurisprudence ? - Quelles règles connaître pour passer un marché de maîtrise d'oeuvre ou un marché de travaux ? Qu'est-ce qu'une procédure adaptée ? Comment répondre à un appel d'offres ? - Quid de la dématérialisation des procédures de passation des marchés ? Qu'est-ce qu'une signature électronique ? Une copie de sauvegarde ? - Quelles garanties fournir ou recevoir lorsque l'on est maître d'ouvrage, entrepreneur ou sous-traitant ? - Quel est le régime des cautions ? Quand demander une garantie de paiement ? - Comment gérer les inévitables incidents en cours d'exécution de chantier ? Quelles sont les obligations des entreprises ? Qu'est-ce que le devoir de conseil ? Quand faire une lettre de réserve ? Quid des travaux supplémentaires dans un marché forfaitaire ? Quel est le régime des avenants ? - Comment prendre en compte le coût du traitement des déchets ? - Que mettre dans le compte prorata ? Comment le gérer ? - Quel formalisme respecter lors de la réception de l'ouvrage ? Pourquoi faut-il un procès-verbal de réception ? Quels sont les changements intervenus avec le CCAG Travaux 2009 ? - Comment se faire payer le montant des travaux ? Quel est le formalisme du paiement du solde d'un marché soumis à la norme NF P 03-001, au CCAG Travaux 76 ou au CCAG Travaux 2009 ? Qu'est-ce qu'un DGD ? Comment faire une réclamation ? Quelle est l'évolution de la jurisprudence ? - Qu'est-ce qu'un référé précontractuel ? un déféré préfectoral ? Quelles sont les conséquences de l'arrêt Smirgeomes ? Qu'est-ce qu'un référé contractuel ? un recours Tropic Travaux ? ou un recours devant le CCRA ? - Quid du référé provision ? de la procédure de mandatement d'office ? de l'inscription d'office ? - Qu'est-ce qu'un contrat de partenariat (PPP) ? Un BEA ? Un BEH ? Une AOT ? Les praticiens des marchés de travaux - juristes ou non juristes, techniciens ou ingénieurs, maîtres d'ouvrage publics ou privés, architectes, coordonnateurs SPS, entrepreneurs - trouveront dans cet ouvrage tous les éléments juridiques permettant de mener à bien une opération de construction.

04/2024

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Histoire de France

Edouard Daladier (1884-1970)

Affligé d'une réputation suspecte _ en particulier à cause de sa passivité à la conférence de Munich où les démocraties abandonnèrent la Tchécoslovaquie _, Edouard Daladier, président du Conseil de la IIIe République à plusieurs reprises, ministre de la Guerre au cours des années cruciales qui ont précédé la Seconde Guerre mondiale, demeure pour beaucoup de nos contemporains un simple nom dans les ouvrages d'histoire. Ce qui est un peu court pour juger un homme et son action. La carrière de ce boursier de la République, fils d'un boulanger de Carpentras, agrégé d'histoire, profondément républicain et dirigeant éminent du Parti radical, a pourtant connu de multiples moments forts : le Cartel des gauches en 1924, le 6 février 1934, la constitution du Rassemblement de Front populaire, Munich, bien sûr, en septembre 1938, la déclaration de guerre, l'expédition de Norvège, l'inique procès de Riom intenté par Vichy pour le charger, avec quelques autres, de tous les péchés supposés avoir causé la défaite. Peut-être Daladier a-t-il été parfois écrasé par l'ampleur de ses tâches et de ses responsabilités gouvernementales, peut-être a-t-il mal supporté le caractère nécessairement solitaire de l'exercice du pouvoir dans des circonstances dramatiques, mais on ne peut dénier à cette figure complexe, énigmatique, secrète de grandes qualités intellectuelles et morales, une lucidité et une énergie manifestes. Son attitude de 1938 à 1940, en tant que président du Conseil et que responsable du réarmement, où ces qualités firent merveille en dépit d'oppositions jusque dans son propre gouvernement, le montre bien. Quand il dut abandonner le pouvoir (en mars 1940), il pouvait à juste titre considérer qu'il avait provoqué un sursaut spectaculaire dans la diplomatie, dans la préparation économique à la guerre, dans le réarmement et même dans les esprits. C'est aller un peu vite en besogne que de le rendre responsable de la défaite. S'appuyant sur un considérable travail d'archives en France et à l'étranger, et sur de très nombreux témoignages, Elisabeth du Réau éclaire voire modifie l'idée que l'on se fait du rôle de Daladier. Sans laisser ses faiblesses ou ses carences dans l'ombre, elle fait justice d'une légende noire que les faits et gestes de son personnage ne confirment pas. Elisabeth du Réau, spécialiste de l'étude des relations internationales, est professeur d'histoire contemporaine à l'université du Maine et enseigne également à l'Institut d'études politiques de Paris.

05/1993