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Kévin Boucaud-Victoire

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Actualité et médias

L'appel de Mbidi Kiluba, un réveil de conscience du peuple Luba

L'ère est à la constitution des grands ensembles (Union Européenne, Union Africaine, etc.) pour s'affirmer, se maintenir, prospérer, dominer : un dessein noble et flatteur certes, mais pas également possible. L'Europe est un modèle des peuples dilués depuis des siècles dans divers "artifices" religieux, philosophiques et moraux, se forgeant assidûment des attitudes, des habitudes et des aptitudes pour réussir une vie de mixture controversée. L'Afrique au contraire, est restée linéaire face au lien sanguin : bon nombre des choix sont victimes en dernier ressort de la mesure implacable de l'origine des peuples. Or, ces peuples, fondement décisionnel, ont été tronçonnés et parfois disséminés sur plusieurs pays par les vagues colonialistes, et ainsi rendus inattentifs à une réorganisation sérieuse nécessaire à la rationalisation collective des choix aux fins d'un devenir radieux. L'étude proposée ici a une double finalité. La première est pédagogique : la connaissance de la communauté luba est une nécessité et une utilité. La connaissance est une condition de l'existence historique d'un organisme biologique et social. La connaissance de soi ou en soi précède la connaissance pour soi. Or l'existence historique est celle qui résulte de la connaissance d'un groupe qui découvre et partage un espace-temps et un espace-lieu avec les autres. Cependant, vivre avec d'autres groupes sur un espace c'est devoir vivre en concurrence, mieux en compétition, et parfois une compétition féroce pour la vie ou pour la mort du groupe. Or, il n'ya jamais des victoires en dehors de la connaissance en soi et de la connaissance pour soi, et il n'y a pas des meilleures connaissances pour soi qui ne soient précédées par une connaissance de soi. La revendication du rapport Luba en Egypte pharaonique n'est pas une invention mais une réalité historique, biologique et culturelle confirmée par l'histoire, l'anthropologie et la théologie. Et c'est là que réside l'autre finalité de cet essai ; une finalité philosophique et sociopolitique. L'Afrique et le Congo vivront et survivront grâce à l'intégration et à l'unité. Or, l'éloge de la connaissance et de la réalité Luba est une contribution à cette intégration car, le phénomène Luba dépasse le fait tribal Luba. Il est un phénomène supra-tribal et en tant que tel, il est un étage supérieur dans le processus de l'unité du Congo qui est elle-même un étage vers l'unité de l'Afrique. Le devenir d'un peuple se calque durablement sur ses valeurs intimes. L'incitation à la reconsidération des noyaux démographiques à base des origines des peuples en est une représentation conforme tout comme L'Appel de Mbidi Kiluba, un modèle éloquent prenant appui sur l'ethnicité Luba désignée par la praxis "Lubaïté" (Lubaîté), destiné à restaurer cette homogénéité naturelle inexistante dans toutes les acquisitions et capable de concourir à un développement réellement intégré.

12/2013

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Egypte

Moi, Toutankhamon, ma vie de pharaon

Voici l'histoire de Toutankhamon, écrite par lui-même ! - Son quotidien, ses relations avec sa famille, sa vie de Pharaon, ses obligations, l'aspect géographique de l'Egypte de l'époque, ses relations avec ses paysans, les prêtres, les Dieux, ses conquêtes... - Tous les grands thèmes classiques sont abordés mais traités par l'angle de vue de Pharaon. - De sa jeunesse à sa mort prématurée, son enterrement, son oubli et la redécouverte de sa tombe, Toutankhamon se "raconte" dans un style parlé qui le démystifie et lui confère une proximité originale et peu vue. - Une presentation très illustrée à base de cases BD, de dialogues et de grandes images légendées qui apportent plein d'infos en supplément. - à chaque page, un petit jeu (rébus, devinette...) permet de pointer une information supplémentaire. Sommaire Mes premiers souvenirs Je suis prince d'Egypte, j'ai six ans et j'aime les promenades en famille. Une rude journée au palais Pour devenir un bon pharaon, je dois m'instruire et me préparer physiquement à la guerre. Mes chers hiéroglyphes Trop difficiles et trop nombreux, j'ai appris à les lire et les écrire peu à peu. Mes soirées préférées Après de longue réunion, je regagne mes appartements et m'endors en rêvant au banquet du soir et au bon plat du cuisinier. Mes promenades sur le Nil Sans le Nil, l'Egypte ne serait qu'un désert. Heureusement, il nous offre de l'eau pour boire, nous laver, arroser nos cultures et abreuver nos troupeaux. Un tout petit village Mes villages sont construits à la limite du désert. J'admire l'énergie de mes paysans qui s'occupent de leurs champs aussi bien que de leurs animaux. Mes chasses dans le désert Cet immense désert fait partie de mon royaume. Ici, le soleil est brûlant, l'ombre rare, le danger est partout. Des animaux sauvages et des fuyards s'y cachent. Mes chasses dans les marais Les animaux des marais sont aussi dangereux que ceux du désert... Mes rêves de victoire Ce matin, j'inspection de mes troupes avec le général Horemheb ; je suis fier. Mes dieux et mes déesses Les dieux et déesses d'Egypte sont nombreux, puissants et redoutables. Ils ont des chairs d'or, des os d'argent, des têtes humaines ou animales. Il faut les respecter. Des temples par dizaines En tant que Pharaon, j'ai le devoir de construire des temples et de prier et faire des offrandes à nos dieux et à nos déesses. Prêtre et Pharaon à la fois En bon Pharaon, je dois servir les dieux et les déesses tous les jours dans tous leurs temples ! Comme je ne peux pas être partout à la fois, des centaines de prêtres me remplacent. Mes artisans sont des artistes Depuis des siècles, les artisans égyptiens font des merveilles ! J'admire ces hommes qui travaillent aussi bien la pierre et le bois que l'or ou l'argent. Me voilà momie ! C'est l'accident ! Un faux pas, une chute, un genou cassé, une vilaine plaie. Mes médecins réduisent ma fracture. Hélas, leurs remèdes ne peuvent rien contre l'infection. Vite, une tombe pour moi Pour ma tombe, j'avais choisi un modèle creusé dans la montagne désertique, pas une pyramide : les pyramides ne sont plus à la mode Un bel au revoir Après une longue marche, mon cortège se rassemble devant mes sarcophages dressés à l'entrée de ma tombe. On s'inquiète de la fragilité de la vie. On me plaint d'être mort si jeune. Après l'oubli, la redécouverte Je suis quasiment oublié quand, le 4 novembre 1922, un ouvrier trouve deux marches de pierre au coeur de la Vallée des Rois qui s'enfoncent dans un rocher. Howard Carter, est plein d'espoir. Un vrai trésor ! Aujourd'hui, je suis mort depuis des années et je suis célèbre. Il reste dans ma tombe de belles peintures, mon sarcophage de pierre et ma momie.

10/2022

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Sciences historiques

L'encyclopédie des sous-marins français. Tome 3, L'apogée des classiques

L'Encyclopédie des sous-marins en six tomes. Réalisée au rythme d'un tome par an, une nouvelle Encyclopédie des sous-marins voit le jour. Oeuvre majeure, de réalisation collective, elle traite de tous les aspects qui constituent ce monde, fait de machines, de procédures, de stratégies, d'armes, mais aussi et surtout de mer, de bateaux et d'équipages. En réalité, cette encyclopédie est leur livre, elle leur est dédiée. A travers elle, ils vous expliquent qui ils sont et ce que sont ces sous-marins qui vous intriguent tant... Le premier tome (Naissance d'une arme nouvelle) court des origines aux lendemains de la Première Guerre. Les hommes inventent le sous-marin à partir d'un rêve ancestral, car les techniques commencent à le permettre. L'imagination, le talent, la témérité sont les ferments de cette extraordinaire bouffée de création et de créativité qui marque la fin du XIXe et le début du XXe siècle dans notre pays. Un nouveau venu dans les flottes de combat va prendre place. Il va faire ses preuves pendant la Première Guerre mondiale. Le tome 2 (D'une guerre à l'autre) traite d'une période terrible, celle de l'entre-deux-guerres, celle des débuts douloureux de la Deuxième Guerre mondiale. Les progrès nécessaires sont accomplis pour transformer l'essai de la Première Guerre. Le sous-marin, à l'image du Casabianca, le plus célèbre des 1500 tonnes, est prêt en qualité, en performances et en nombre pour aborder des hostilités qui s'annoncent inévitables. Mais l'armistice, dans la brutalité de ses suites, va broyer ce bel outil, et seuls quelques héros vont survivre. Le tome 3 (L'Apogée des classiques), qui va de 1943, l'année du début du reflux adverse, à 1972, départ en patrouille du Redoutable, montre quel essor fantastique est accompli dans ces trente années : participation à la victoire, décolonisation et guerres correspondantes, mais aussi maîtrise de l'atome, propulsion nucléaire et arme atomique. Pendant cette période, les sous-marins classiques Narval, Aréthuse et Daphné forment le coeur de la flotte sous-marine française, qui connaît là un des moments les plus hauts en couleur de son histoire. Avec le tome 4 (La Fin de la guerre froide), qui va de 1972 à 1990, la Marine est presque tout entière tournée vers la stratégie de dissuasion nucléaire du pays. Une part belle est faite aux SNLE (sous-marins lanceurs d'engins). Leurs équipages, ceux des moyens de surface, sous-marins et aériens veillant à la sûreté de leur environnement, ainsi que le personnel des arsenaux et des industries de défense, tous sont soumis à Line forte pression pour que l'excellence soit permanente dans tous les domaines. il en va de la crédibilité de la dissuasion. Le tome 5 est celui de La Période contemporaine. Le mur de Berlin est tombé, mais les missions demeurent. La compréhension du poids politique essentiel de la force de dissuasion se fait plus vive. Les déploiements des SNA (sous-marins nucléaires d'attaque), maintenant au nombre de six, révèlent leur capacité militaire irremplaçable dans une Marine française dont la vocation mondiale ne se dément pas. Les modernisations restent indispensables et motivantes, les équipages abordent le présent et l'avenir avec le même enthousiasme que leurs grands anciens. L'approche du tome 6 est différente. La Construction d'un sous-marin donne la parole à tous les acteurs de la construction. L'Etat, qui définit le besoin, passe la commande et assure la maîtrise d'ouvrage, les industriels, qui répondent, innovent et proposent des solutions originales dans tous les domaines : la coque, la propulsion, la manoeuvrabilité, les systèmes d'armes, le missile stratégique, l'habitabilité et tout ce qui permet au sous-marin de se mouvoir et de combattre, renseigner, menacer et surtout dissuader.

01/2012

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Sports

Coups de poing et points à la ligne

Ce livre aurait pu s'intituler la boxe dans la ville. Il est une chronique de la vie perpignanaise dans ses rapports avec le noble art de 1885, date à laquelle la boxe anglaise fait son apparition, à la fin du XXe où elle peut fêter plus d'un siècle d'existence. Cet ouvrage est tout à la fois une histoire des boxeurs, des clubs et des prévôts, des dirigeants mais aussi des quartiers, des rues, des cafés... car cette vie sportive s'est inscrite dans des lieux familiers encore visibles qui ne sont plus que hantés par les gants de cuir rouge, les coups de gong et des hommes sur des rings parfois improvisés. L'ancien Alcazar, devenu cinéma Familia et son parc ont disparu, mais l'ancien hôpital militaire avec ce qui fut le siège du Foyer Léo-Lagrange est toujours là, gardien des souvenirs, des sons, des odeurs... aujourd'hui encore en longeant ses hauts murs on voit passer les ombres des cogneurs, des stylistes, des encaisseurs tragiques de coups fabuleux, des k.o. techniques. Dans une soirée, le drame pouvait côtoyer la comédie et le tragique avoir sa part de ridicule devant un public le plus souvent féroce. Le Casal Catala et le Théâtre de Verdure aux Platanes, le Nouveau Théâtre, le Vélodrome ont aussi rejoint le Paradis des constructions festives perdues mais le Centro Espagnol est encore là même si depuis bien longtemps, il n'accueille plus les puncheurs venus de Barcelone et il n'y a plus de combat au Théâtre Municipal.... Il reste les bars, les cafés et il existe le Palais des Congrès. Ce livre fait revivre dans le contexte urbain des figures tutélaires presque mythiques du sport roussillonnais, de la boxe catalane, les héros oubliés : ils sont tous dans ce livre... petits ou grands, amateurs ou professionels... Admirable carrière de Biosca, des salles parisiennes à celles de Madrid, Barcelone, Milan, Alger... Nos boxeurs voyageaient et l'Indépendant donnait parfois de leurs nouvelles. Ils sont tous ou presque dans ce livre avec leurs clubs, leurs dirigeants emblématiques et souvent pittoresques, toujours passionnés : " Napoleon Orliac ", Gaetano, on ne peut les citer... Les petits clubs, les groupements éphémères, ont eux aussi droit au chapitre au même titre que les grands, les omni-sports : l'U.S.A.P. et le Foyer Léo-Lagrange qui eurent encore, vers les années 1960 de formidables équipes de boxeurs. Cette chronique n'oublie pas combien la boxe et le rugby furent proches. Les villes et villages du département, où il y eut des clubs (Rivesaltes, Port-Vendres, Ille sur Têt, Bages...) qui défendaient les couleurs de leur coin de Roussillon. Les jours heureux et les jours noirs, dans la ville qui bouge avant guerre, après guerre qui s'agrandit... L'histoire de la boxe se mélange avec une chronique des grands jours de joies, de fêtes. Chronique contemporaine de ceux qui montent sur un ring pour échanger des coups avec un inconnu et n'ont que quelques minutes pour montrer leur courage et souvent leur limites tant physiques que morales, ceux qui le lendemain reprenaient leur travail à l'usine, aux abattoirs, au nettoiement des rues, aux écuries du faubourg, à la gare, employés, ouvriers, ceux qui après défaite ou victoire, reprenaient l'entraînement amenaient femmes et enfants le dimanche, voir Lord Jim au cinéma ; leurs pères étaient allés voir le cirque Pinder où Carpentier rejouait avec application son match contre Dempsey... ceux là aussi méritaient quelques pages. Perpignan a ses " rugby ", son Castillet, la Sardane, et, grâce à Dalí, le centre du monde.... avec ce livre les Perpignanais n'oublieront pas que des coups de gong ont accompagné son histoire.

04/2012

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Histoire internationale

Géopolitique de la Côte d'Ivoire

Le 21 mai 2011 à Yamoussoukro, se tenait la cérémonie d'investiture du Président ivoirien Alassane Ouattara en présence d'une vingtaine de chefs d'Etat dont Nicolas Sarkozy et de Ban Ki-moon, Sécrétaire général de l'ONU. Cet événement qui symbolise le retour à la démocratie en Côte d'Ivoire intervenait après dix années d'une crise qui, d'économique était devenue politique puis globale, car au cours de ces deux dernières années on avait pu constater l'effondrement du pays dans pratiquement tous les domaines. Le refus pendant cinq ans de Laurent Gbagbo d'organiser des élections présidentielles puis sa volonté par la suite d'en ignorer le verdict parce qu'il lui était défavorable, laissera sans aucun doute pour longtemps des traces profondes et traumatiques dans ce pays qui avait été le phare de l'Afrique noire francophone au lendemain des indépendances. Faut-il rappeler que cette ancienne vitrine de la coopération française est encore aujourd'hui confrontée aux problèmes du sous-développement, en même temps qu'elle doit relancer une économie tombée au plus bas et rasséréner des esprits encore choqués par des souvenirs de pillages, d'exactions, de déplacements de population. Certes, le milieu naturel ivoirien est riche. Mais il est aussi en danger. Certes, la population du pays est jeune, dynamique, de plus en plus citadinisée. Mais elle est demeurée un puzzle d'ethnies encore trop souvent rivales, comme l'a montré la guerre civile qui a ravagé ces dernières années les espaces et les esprits. Pourtant, le père de la nation, Félix Houphouët-Boigny avait su en faire un pays en plein essor en choisissant dès le début de l'indépendance l'économie de marché alors que plusieurs de ses voisins s'enlisaient dans les déboires d'un socialisme à l'africaine, disparu aujourd'hui. De fait, ce sont des turbulences économiques qui ont provoqué peu après la mort du " vieux " la fin du " miracle ivoirien ", et ce, parce que le pays était sans doute trop dépendant des cultures de rente. Cette dégradation a eu pour conséquence une lente désagrégation des structures politiques de la nation qui s'est parallèlement traduite par l'émergence d'une forte hostilité vis-à-vis des étrangers. Le pays allait même jusqu'à connaître la guerre civile, la partition et le jeu de pouvoirs factieux. Cela est d'autant plus étonnant que la tolérance politique et religieuse avait auparavant facilité l'installation sur le sol ivoirien de plus de 4 millions d'immigrés. On a pu croire un moment, à partir des années 2007, que la reprise économique était au rendez-vous dans un contexte national et international apaisé. Il n'en fut rien et ces deux dernières années furent sans doute les plus mauvaises que les Ivoiriens aient connues depuis l'indépendance, malgré les efforts développés par le gouvernement d'Union nationale dans l'attente d'élections présidentielles sans cesse repoussées. Enfin organisées, elles donnèrent la victoire à Alassane Ouattara. Les troubles qui s'en suivirent menèrent la crise à son paroxysme. L'arrestation de l'ancien chef d'Etat donna un coup d'arrêt à cette descente aux enfers. Exsangue aujourd'hui, la Côte d'Ivoire devra se relever, panser ses plaies tant physiques que morales et retrouver son unité. C'est la tâche ardue qui attend le Président Alassane Ouattara. Il reste aussi à espérer que revenue à la démocratie, la Côte d'Ivoire puisse, aidée par des pays amis et les institutions internationales, reprendre en matière économique sa place de " poumon vital " de l'Afrique de l'Ouest. Le pari est difficile. Il peut être tenu.

06/2011

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Histoire militaire

De la guerre N° 1, été 2021 : Hitler a-t-il eu une chance de l'emporter ?

De la guerre : le premier Mook d'histoire militaire Le meilleur de Perrin et de Guerres & Histoire en librairie et en kiosque Du magazine, le Mook hérite de la variété des sujets et de leur traitement. De la guerre propose ainsi de voyager à travers les conflits de l'Antiquité à nos jours, de s'intéresser à la théorie, aux bataille, aux uniformes, aux armes, aux grands chefs, aux combattants, à l'action psychologique. De la guerre fait flèche de tout bois : interviews croisés, interviews posthumes, archives sonores, infographie, cartographie, photographie, illustrations d'époque. Du livre, le mook reçoit la clarté de la mise en page, le temps de la lecture longue, la qualité de l'écriture, la profondeur de la réflexion, la fréquentation des meilleurs historiens. De la guerre ne se jette pas après lecture : c'est un vrai livre qui se conserve, auquel s'ajouteront, deux fois par an, d'autres encore, qui feront collection. En 168 pages, De la guerre offre une belle palette historique. Hitler a-t-il eu une chance de gagner ? Telle est la question du dossier central autour de laquelle s'empoignent Jean Lopez, Benoist Bihan, Nicolas Aubin et deux grands historiens britanniques, Richard Overy et Andrew Roberts. Si ce dossier est copieux (30 pages), il ne relègue pas dans l'ombre les autres articles. Une archive sonore du capitaine Paul-Alain léger -un véritable personnage de roman-, donne à comprendre les ressorts profonds de la plus incroyable opération d'intoxication jamais menée : la " bleuite " durant la guerre d'Algérie. Le plus talentuteux des infographistes français, Nicolas Guillerat, offre une comparaison graphique inédite entre les trois grandes batailles de la Guerre de Cent ans : Crécy, Poitiers, Azincourt, et tout devient lumineux. Chine et Inde s'affrontent dans l'Himalaya en 1962, et un des plus grands photo-reporters de guerre, Larry Burrows, capte les images d'une guerre en atmosphère raréfiée : c'est l'objet d'un magnifique portfolio. Le maréchal Grouchy, interviewé par un journaliste du Monde, s'explique en personne sur les raisons de son fiasco à Waterloo : " Soudain, joyeux, il dit : "Grouchy ! " - C'était Blücher". On attribue l'expression "brouillard de la guerre" à Clausewitz, mais en réalité elle est issue d'une fausse interprétation qui cache une grave méprise dont les Etats-Unis ont payé le prix, et nous avec : c'est l'objet de cette rubrique "concept" rédigée par Benoist Bihan. Comment et pourquoi entre le XVe et le XVIIe siècle, le soldat reçoit un uniforme précis, chargé de symboles et de fonctions particulière : c'est cette révolution de l'apparence que décrypte Dominique Prévot, conservateur au Musée de l'armée. " Si Dieu nous fait la grâce de perdre encore une pareille bataille, Votre Majesté peut compter que ses ennemis sont détruits ". Ainsi s'exprimait le maréchal de Villars devant le Roi Soleil, au soir de la bataille de Malplaquet. D'une plume alerte, Clément Oury raconte comment une énième défaite concédée devant Marlborough sauve en réalité le royaume. Le professeur François Cadiou nous régale des portraits croisés d'Hannibal et de Scipion et, au travers de la vie de ces deux maîtres de guerre, démonte les deux moteurs de la lutte à mort entre Rome et Carthage. Dans une uchronie tirée au cordeau, Emmanuel Hecht se demande si le destin de la France n'aurait pas été complètement chamboulé par la victoire de la Fronde. Enfin, Thierry Lentz et Jean Lopez s'effordent, dans une interview croisée, de montrer en quoi la campagne de Russie de Napoléon et celle d'Hitler se ressemblent, et en quoi elles différent. De la guerre s'achève par une série d'interviews d'auteurs qui présentent leurs travaux à paraître dans le second semestre de 2021 : histoire militaire, roman et polar historique, BD d'Histoire...

06/2021

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Sports

L'année du rugby 2015

Enfin, ils ont imposé leur marque noire sur la planète ovale. Jusqu'à cette édition anglaise, la Nouvelle-Zélande, c'était un peu "je t'aime, moi non plus" avec la Coupe du monde, l'éternel favori souvent surpris, la meilleure équipe plus d'une fois déçue. Elle avait bien conquis deux fois le trophée mais c'était chez elle, dans son Eden Park, en 1987 comme en 2011. Cette fois, les All Blacks étaient là où tout le monde les attendait, seuls sur le tôt du monde, dans une compétition qu'ils ont dominée avec éclat, joueurs quand on le leur permet, féroces quand il le faut, impitoyables, toujours. Avec une génération incomparable qui tire là sa révérence internationale des monstres désormais sacrés comme le capitaine Richie McCaw, le cerveau Dan Carter ou le monstrueux Ma'a Nonu, et de riches promesses, avec les jeune ; Aaron Smith, Brodie Retallick ou Nehe Milner-Skudder, voilà la Nouvelle. Zélande seule nation sacrée trois fois championne du monde. Et déjà lancé vers le Mondial 2019, au Japon, avec un temps d'avance sur tout le monde. Ces All Blacks-là ont redéfini le rugby, et, dans leur sillage, on a vu d nombreuses équipes chercher à jouer, à se faire plaisir : l'Australie, bien sûr, la finaliste malheureuse, elle aussi portée vers le grand large, l'Argentine toujours plus vive, mais aussi ce surprenant Japon sans complexes, cette petit Namibie qui ose, cette vaillante Géorgie qui donne tout... A l'opposé, pour la France, cette campagne aura été la pire depuis 1991, avec une sortie en quarts de finale. Elle aura surtout consacré quatre ans d'échecs au cours desquels Philippe Saint-André et son staff ne sont pas parvenus à donner aux Bleus une identité, et souligné que le projet de jeu, établi dans l'urgence quelques mois avant la Coupe du monde – une ode déplacée à h préparation physique, un hymne restrictif à la puissance – était anachronique Avec, en point d'orgue, cette mémorable démission contre la Nouvelle-Zélande où la France, dépassée, s'est laissé marcher dessus. Reste que le rugby français, en cette année noire, possède toujours ses clubs pour retrouver un semblant de sourire. Car, encore une fois – la troisième consécutive –, Toulon a régné en maître sur la Coupe d'Europe. Le RCT et son modèle unique de stars chevronnées, rompues à toutes les victoires mais toujours portées vers l'excellence, ont eux aussi, dans leur genre, créé un nouveau standard. Les Varois n'ont pu réitérer leur doublé de l'année précédente, mais, en enlevant le Top 14, le Stade Français a fait souffler un vent d'air frais sur le Brennus. Les hommes de Gonzalo Quesada ont lutté en phase régulière, pour devenir de plus en plus irrésistibles au fur et à mesure que le rendez-vous du Stade de France se rapprochait. En finale, ils ont fait la même victime que Toulon, Clermont-Ferrand. Des Auvergnats présents sur tous les fronts, mais qui durent se contenter des places d'honneur, rappelant que, si le rugby mondial a consacré cette année un vainqueur charismatique, il peut aussi laisser vivre un perdant magnifique.

11/2015

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Géopolitique

Mon cher Lula. Lettres à un président en détention

Au cours de sa détention, entre avril 2018 et octobre 2019, l'ancien président brésilien Lula a reçu près de 25 000 lettres de soutien de citoyens ordinaires. Avec une ferveur inouïe, ces " millions de Lula " solidaires témoignent de l'invention d'un Etat providence. Cette parole populaire exprime et incarne un rapport sensible à la politique. Dans cet ouvrage est présentée une sélection d'une quarantaine de lettres, accompagnées d'articles et d'analyses d'un collectif d'historiens brésiliens sous la direction de Maud Chirio, et d'environ 70 fac-similés de cette archive extraordinaire. Témoignages de solidarité, d'affection, de foi, de certitude de l'innocence de Lula dans l'affaire de corruption pour laquelle il a été condamné, ce récit choral est signé le plus souvent de personnes d'extraction très modeste qui n'écrivent jamais, travailleurs ruraux, ouvriers, femmes de ménage, retraités. Ces récits de vie chargés de solennité et d'émotion se situent dans une lignée qui dresse le portrait d'un demi-siècle d'histoire brésilienne. Les trajectoires de vie font écho à celle de Lula lui-même, par une migration, une ascension sociale, le fait d'avoir connu la faim, survécu à la misère, de s'être battu et d'avoir obtenu quelques victoires ; une façon de dire aussi ce que les combats et réalisations de l'ancien président ont changé à leur existence. La solidarité et l'aide (même matérielle : beaucoup de personnes envoient des vêtements, des livres, des couvertures, des objets religieux) apparaissent ainsi comme une rétribution de ce que l'ancien chef de l'Etat a, à leurs yeux, fait pour eux. (" Lula : Je suis, comme vous, fils de la pauvreté et nordestin. Conçu et élevé dans la souffrance "comme Dieu a conçu la patate", comme mon père avait l'habitude de dire. ") Malgré le très grand respect et la reconnaissance qui transparaissent dans les lettres, personne ou presque ne vouvoie le président. Qu'elle soit le fait de personnes d'origine extrêmement populaire, alphabétisées depuis peu, ou de professeurs, d'étudiants, de travailleurs sociaux, de militants du Parti des travailleurs ou de lointains sympathisants, cette parole témoigne d'une relation commune à Lula, faite de familiarité, d'intimité et d'affection (ainsi cette adolescente qui lui écrit pour lui dire qu'elle le trouve " trop beau "). Jusque dans les détails de la vie concrète, beaucoup parlent de nourriture, de ventre vide, ventre plein (" Je quittais cette maison, où on était habitué à prendre le petit déjeuner avec un aliment à base de tapioca ou de la patate douce, du couscous ou du manioc. "). Ce sont aussi les premiers emplois, l'aide à l'accession à la propriété (" et moi, ce péquenaud de l'intérieur, cet idiot du village, j'ai pu acheter un appartement ! "), le prêt social pour l'achat de sa " voiture du pauvre ", et la bourse qui a permis à un frère de poursuivre des études et bientôt d'obtenir un doctorat. Ces voix se font ainsi porteuses d'une histoire populaire du Brésil, des dernières décennies à aujourd'hui. En outre, cette proximité affective avec un homme d'Etat, largement étrangère à la sensibilité politique française, met au jour un autre rapport à la politique. Lula ne représente pas seulement les catégories populaires, aux yeux de ceux qui écrivent, par ses idées et ses discours, mais par son corps (son doigt mutilé par une machine-outil à 18 ans). Il incarne en plus de défendre.

03/2022

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Littérature française

Dans l'ombre de la lumière

Dans l’ombre se tient Elissa dont le prénom (équivalent phénicien de Didon) semblait prédestiné : comme l’héroïne de Virgile, elle a été abandonnée par l’homme qu’elle aimait. Un quart de siècle plus tôt, à Carthage où désormais elle vit, elle a rencontré ce jeune homme féru de rhétorique : Augustinus. Il n’était pas encore l’auteur de très fameux sermons, ni adepte de la religion bientôt officielle : le christianisme. Tous deux pratiquaient la foi manichéenne, favorisant, dans leur hygiène de vie et leur conduite, la victoire de la lumière sur l’obscurité. Très vite Elissa lui a donné un fils, Adeodatus. Puis elle a partagé l’existence quotidienne d’Augustinus, ses débuts dans sa carrière. Elle l’a suivi à Thagaste, a connu sa mère, Monnica, catholique qui tenait le manichéisme pour une hérésie. Ce fut ensuite le long séjour en Italie, où la mère a fini par les rejoindre. Augustinus semble alors traverser une période d’interrogation profonde. Brusquement, il annonce à Elissa son projet de mariage avec une jeune patricienne. Quand Elissa prend la parole, aux premières pages de ce livre, presque douze ans après sa “répudiation”, elle est revenue vivre chez sa soeur et son beau-frère, potier à Carthage. Adeodatus est mort à la fin de l’adolescence, loin d’elle. Partout le manichéisme (auquel elle est restée fidèle) ou les dévotions aux dieux anciens (phéniciens, carthaginois) sont persécutés. Elissa s’est liée d’amitié avec un couple dont le mari infirme, Silvanus, a pour métier de copier sur des parchemins les discours de rhéteurs, d’avocats, ou de l’évêque de Carthage. Par Silvanus et son épouse Victoria, elle apprend le passage prochain à Carthage du nouvel évêque d’Hippo Regius, le très réputé Augustinus. Claude Pujade-Renaud, avec l’habileté qu’on lui connaît, s’attache à subjectiver, par la voix d’un témoin “privilégié”, ce que l’Histoire a pu passer sous silence. Empathie et documentation précise ont été nécessaires à l’élaboration de ce livre qui ne se veut ni roman historique ni pure improvisation fictionnelle : Elissa a bel et bien existé. Sur le mystère que constitue la vie de cette femme après la “rupture”, la romancière déploie toutes les variations que suggère la polysémie du titre. De celui qui a accueilli la révélation de “la lumière divine”, Elissa incarne la part d’ombre. Mais par sa fidélité et sa constance amoureuse elle est à bien des égards, si ignorée qu’elle soit, plus lumineuse que l’homme qui, en quelque sorte sous ses yeux, va rédiger ses Confessions. Par l’entremise du copiste Silvanus, qui ne sait rien de son passé, elle grappille en effet tout ce qu’elle peut apprendre au sujet de cette oeuvre en cours, devenant pour ainsi dire une de ses premières et plus concernées lectrices. Le roman les rend donc indissociables, et sans leur inventer d’improbables retrouvailles, il réfléchit une vie dans et réciproquement par l’autre. Il s’agit bien sûr aussi, pour la romancière comme pour son héroïne, de démêler la trame des motivations (ambition, stratégie, carriérisme) et des influences (la mainmise de la mère sur le destin d’Augustinus) dans un contexte historique qui est tout sauf religieusement neutre. Le roman se construit entre les lignes des mémoires augustiniennes, accompagne les grandes étapes de l’oeuvre du prédicateur sur fond de durcissement de l’intolérance, et aussi de menaces multiples : la vie d’Elissa se poursuit au-delà de la chute de Rome, alors qu’elle-même a accueilli chez elle deux réfugiées, et que le futur saint Augustin prononce son célèbre sermon. Une fois de plus, guettant les moindres traces, interprétant les silences ou les aveux à demi-mots, pressentant les non-dits, déchiffrant le subtil pouvoir du lien maternel, évoquant le corporel, les habitudes, le comportement intime, Claude Pujade-Renaud parvient à élucider ce que seules les femmes (amantes, épouses ou mères) peuvent nous apprendre de ce qu’a négligé l’historiographie des “chers disparus”.

01/2013

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Littérature française

Les Déracinés Edition intégrale 1921-2013 : Coffret en 2 volumes : Volume 1, 1921-1964 ; Volume 2, 1964-2013. Edition collector

Après le succès phénoménal des Déracinés, retrouvez les quatre tomes de la saga réunis dans une magnifique édition collector. Des cafés viennois des années 1930 aux plages des Caraïbes, découvrez une formidable histoire d'amour et d'exil. Fondée sur des faits réels, cette fresque au souffle admirable révèle un pan méconnu de notre histoire. Tome 1 - Les Déracinés Vienne, 1932. Au milieu du joyeux tumulte des cafés, Wilhelm, journaliste, rencontre Almah, libre et radieuse. Mais la montée de l'antisémitisme vient assombrir leur idylle. Au bout de quelques années, ils n'auront plus le choix ; les voilà condamnés à l'exil. Commence alors une longue errance de pays en pays, d'illusions en désillusions. Jusqu'à ce qu'on leur fasse une proposition inattendue : fonder une colonie en République dominicaine. Là, au milieu de la jungle étouffante, tout est à construire : leur ville, leur vie. Tome 2 - L'Américaine Septembre 1961. Depuis le pont du bateau sur lequel elle a embarqué, Ruth, la fille d'Almah et Wilhelm, tourne le dos à son île natale, la République dominicaine. En ligne de mire : New York, l'université, un stage au Times. Une nouvelle vie... Elle n'en doute pas, bientôt elle sera journaliste comme l'était son père. Ruth devient très vite une véritable New-Yorkaise et vit au rythme du rock, de l'amitié et des amours. Des bouleversements du temps aussi : l'assassinat de Kennedy, la marche pour les droits civiques, les frémissements de la contre-culture, l'opposition de la jeunesse à la guerre du Viêt Nam... Mais Ruth, qui a laissé derrière elle les siens dans un pays gangrené par la dictature où la guerre civile fait rage, s'interroge et se cherche. Tome 3 - Et la vie reprit son cours Jour après jour, Ruth se félicite d'avoir écouté sa petite voix intérieure : c'est en effet en République dominicaine, chez elle, qu'il lui fallait poser ses valises. Il lui suffit de regarder Gaya, sa fille. A la voir faire ses premiers pas et grandir aux côtés de ses cousines, elle se sent sereine, apaisée. En retrouvant la terre de son enfance, elle retrouve aussi Almah, sa mère, l'héroïne des Déracinés. Petit à petit, la vie reprend son cours et Ruth - tout comme Arturo et Nathan - sème les graines de sa nouvelle vie. Jusqu'au jour où Lizzie, son amie d'enfance, retrouve le chemin de Sosúa dans des conditions douloureuses. Roman des amours et de l'amitié, Et la vie reprit son cours raconte les chemins de traverse qu'emprunte la vie, de défaites en victoires, de retrouvailles en abandons. Tome 4 - Un invincible été Depuis son retour à Sosúa, en République dominicaine, Ruth se bat aux côtés d'Almah pour les siens et pour la mémoire de sa communauté, alors que les touristes commencent à déferler sur l'île. Gaya, sa fille, affirme son indépendance et part aux Etats-Unis, où Arturo et Nathan mènent leurs vies d'artistes. Comme sa mère, elle livre son propre combat à l'aune de ses passions. La tribu Rosenheck-Soteras a fait sienne la maxime de la poétesse Salomé Urena : " C'est en continuant à nous battre pour créer le pays dont nous rêvons que nous ferons une patrie de la terre qui est sous nos pieds. " Mais l'histoire, comme toujours, les rattrapera. De l'attentat du World Trade Center au terrible séisme de 2010 en Haïti, en passant par les émeutes en République dominicaine, chacun tracera son chemin, malgré les obstacles et la folie du monde. Roman de l'engagement et de la résilience, Un invincible été clôt avec éclat une fresque romanesque impressionnante.

10/2021

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Religion

Une brève histoire du christianisme

1/ Une belle histoire : Il s'appelait Jésus, ce qui, en hébreu, signifie "Dieu sauve". Un nom couramment choisi par les gens de son peuple dont l'histoire était riche, trop riche peut-être, de guerres saintes et de luttes religieuses, d'actes de bravoure et de crimes sordides, tous accomplis au nom d'un Dieu dont personne n'osait plus prononcer le nom de crainte de le souiller, et encore moins désirer voir sa face de peur de mourir. 2/ Babel, la séduisante : Babel. En hébreu, la porte de Dieu, l'accès au divin. Le rêve de tout croyant pour lequel il est prêt à entamer la quête la plus approfondie et le pèlerinage le plus éprouvant, à consacrer l'ardeur de sa foi et les ressources de son intelligence, à sacrifier les bonheurs promis par l'existence sur Terre... et, parfois aussi, la vie de ses congénères. 3/ Nicéphore, ora pro nobis : Un peu plus de dix siècles les séparent, mais ils portent le même prénom, à la fière racine grecque : Nicéphore, autrement dit le victorieux. L'un était patriarche de Constantinople, au début du XIe siècle ; l'autre a mené sa carrière d'inventeur en Bourgogne. Depuis sa chaire d'évêque, le premier a déclaré : "Si l'on supprime l'image, ce n'est pas le Christ mais l'univers entier qui disparaît" ; le second, nommé Niépce, est le pionnier de l'art photographique. Fidèles à leur prénom, les deux hommes ont mené le même combat, remporté la même victoire, celle de l'image, l'un sur le champ de l'idéologie, l'autre sur celui de la technique. 4/ Schismes, réformes et vieilles querelles Si le mot dogma signifie opinion et celui de dokéô paraître, penser ou croire, le terme de dogme a reçu dans l'histoire des idées une définition significativement plus réduite, celle d'une affirmation considérée comme fondamentale, incontestable, intangible, au point de pouvoir être imposée par une autorité religieuse ou philosophique, politique ou scientifique. 5/ Au-delà du bout du monde : Dans la nuit du 11 au 12 octobre 1492, alors qu'il tente de rejoindre le Japon et les Indes par une voie maritime occidentale, Christophe Colomb aperçoit, enfin, une côte. Lorsqu'il comprend que ses trois caravelles n'ont pas abordé l'Asie mais un monde inconnu des navigateurs, il se prend à rêver : aurait-il retrouvé le paradis terrestre dont les ancêtres de l'humanité, Adam et Eve, avaient été chassés ? 6/ Requiem pour Darwin : Charles Darwin a été considéré par beaucoup de chrétiens comme leur ennemi public n° 1, de son vivant comme après sa mort. Pourtant, le champ, plein d'ornières, de tranchées, de chausse-trapes, qui est celui des relations entre les sciences et le christianisme lui doit beaucoup et, pour le moins, un requiem. 7/ In God we trust : "Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu." La leçon de Jésus est simple : le règne spirituel que le prophète de Palestine annonce ne prend pas la place des règnes temporels ; il les surpasse, les surplombe. Les apôtres donc invitent les chrétiens à obéir aux autorités politiques, à payer l'impôt. Que devient toutefois cet enseignement lorsque le revers des pièces est frappé du symbole de la croix ou, mieux encore, lorsqu'en 692 Justinien fait frapper sa monnaie d'un buste du Christ ? 8/ Dieu se met au vert : Le 26 décembre 1966, Lynn White, historien médiéviste de l'université de Californie, est invité à parler devant une assemblée de l'American Association for the Advancement of Science ; il choisit le titre suivant : The Historical Roots of Our Ecologic Crisis - Les racines historiques de notre crise écologique. White n'y va pas par quatre chemins : il accuse purement et simplement le christianisme occidental, l'arrogance humaine qu'il encourage, la prééminence qu'il confère à l'esprit scientifique sur celui des arts, la place accordée à l'idée de progrès, bref ce qui est communément appelé l'anthropocentrisme chrétien, d'être le principal responsable de la dégradation avancée de l'environnement terrestre, de la crise écologique qui touche notre planète. 9/ Demain, l'Apocalypse : Quel goût une histoire du christianisme, aussi brève et inachevée soit-elle, laissera-telle dans la bouche et les entrailles de son lecteur ? Difficile de la conclure d'un happy end : tour à tour amères et douces, trop nombreuses restent ses pages qui paraissent faire écho à celles écrites par Jean et qui constituent le dernier des livres de la Bible, celui qui porte le nom d'Apocalypse. N'en demeure pas moins le témoignage des croyants qui, chacun à leur mesure, ont vécu une belle histoire, celle d'une intrusion et d'une expérience de la transcendance. Malgré les faux départs, les errements, les impasses, sans ignorer les audaces récompensées, les succès, l'histoire du christianisme apparaît alors comme une suite de commencements à laquelle il convient, pour l'heure, de ne pas apposer le mot de fin et de donner pour seul nom celui de révélation. D'apocalypse.

10/2012

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Sciences politiques

Le socialisme et la guerre

Qui ne voudrait, une fois pour toutes, débarrasser l'humanité de la guerre ? Depuis toujours, les hommes rêvent de se libérer de ce fléau, mais la guerre a également eu, dans l'histoire, un rôle important. Il est impossible de nier que, aux carrefours de l'histoire, la voie du progrès humain soit souvent passée par des conflits militaires. La bourgeoisie française, par exemple, a dû défendre les conquêtes de sa révolution contre les assauts de la réaction européenne dans une série de guerres révolutionnaires. En battant les Prussiens à Valmy, l'armée révolutionnaire française a ouvert une brèche décisive dans le mur dressé par les vieilles classes féodales sur la voie de l'histoire. Les communistes ne sont pas pacifistes. Ils évaluent les guerres selon le rôle concret qu'elles ont tenu – ou qu'elles tiennent – sur le chemin très long et très accidenté que l'humanité a parcouru, et qui doit la conduire hors de la condition animale originelle dont elle est issue. Quant aux guerres de notre époque, les communistes nourrissent deux convictions. La première est que, étant donné leur contenu, elles n'ont plus aucun caractère progressiste. Quel que soit le prétexte qui les motive – presque toujours hautement "humanitaire" – le moteur ultime des guerres contemporaines est la concurrence que se livrent des colosses économico-financiers. Ceux-ci s'affrontent de façon permanente, par des moyens tantôt pacifiques, tantôt violents, pour se partager le monde. Les guerres d'aujourd'hui sont des guerres impérialistes. Quelle qu'en soit l'issue, quels qu'en soient le vainqueur et le vaincu, sur les tombes et les décombres que ces guerres laissent derrière elles, la lutte de concurrence reprend, plus âpre et virulente qu'avant, jusqu'à précipiter encore l'humanité dans le mas-sacre et la destruction. La deuxième conviction des communistes est que cette terrible spirale peut être brisée. Le prolétariat est par nature international. S'il réussit à faire valoir cette supériorité historique "naturelle", le prolétariat peut trouver précisément dans la guerre, la pire des catastrophes engendrées par le capitalisme, le passage pour imposer sa forme supérieure de société. La guerre impérialiste peut être transformée en une révolution communiste. La brève anthologie Le Socialisme et la guerre illustre ces deux convictions. Elle ne contient pas de textes théoriques, encore moins académiques : il s'agit d'écrits politiques à travers lesquels la bataille pour transformer une guerre impérialiste en révolution a été, pour la première fois, menée et remportée. Bien qu'elle ne recueille qu'une toute petite partie du matériel produit dans cette lutte gigantesque, cette anthologie couvre toute la période de son déroulement. Elle s'ouvre avec la dénonciation du caractère impérialiste de la guerre lorsqu'elle éclate en 1914, et se conclut avec les actes formels du gouvernement prolétarien russe. A peine celui-ci prend-il le pouvoir avec la révolution d'Octobre 1917 qu'il propose aux "gouvernements et aux peuples de tous les pays belligérants" la fin immédiate du massacre. Près d'un siècle s'est écoulé depuis, mais les caractères fondamentaux de la question "du socialisme et de la guerre" n'ont pas changé. Nous vivons, comme Lénine, dans l'époque historique de "guerres et de révolutions" qui marque le passage de l'impérialisme, stade suprême du capitalisme, au communisme. Mais depuis l'époque de Lénine, certes, beaucoup de choses ont changé. Il faut en tenir compte pour être à même d'en tirer les enseignements essentiels. A commencer par le terme "socialisme", qui figure dans le titre de l'anthologie, parce que Lénine l'emploie encore durant toute la durée de la guerre, et qui doit être remplacé par "communisme". C'est Lénine lui-même qui propose le changement, pour séparer, y compris dans leur appellation, les révolutionnaires de la multitude de soi-disant "socia-listes" qui avaient accepté ou même justifié le massacre de la Première Guerre mondiale. En deuxième lieu, la forme de l'impérialisme a changé. Le monde, écrivait Lénine, est partagé entre les ""potentats du capital", ou sous forme de colonies ou en enserrant les pays étrangers dans les filets de l'exploitation financière". Aujourd'hui, la forme coloniale a été définitivement supplantée par les "filets" financiers, sans que la substance de l'impérialisme n'ait été modifiée en quoi que ce soit. En troisième lieu, la Chine qui, dans ces écrits, figure comme objet du partage, est aujourd'hui protagoniste de la lutte, en tant que nouvelle puissance impérialiste. Avec son irrésistible ascension, elle se porte candidate au rôle de destructrice de l'ordre international actuel, un rôle qui fut celui de l'Allemagne, du Japon et des Etats-Unis au xxe siècle, avec les résultats tragiques que l'on sait. Une dernière observation. Lénine, en polémique contre ceux qui voulaient s'opposer à la guerre à travers le mot d'ordre des Etats-Unis d'Europe, soutenait que concrètement "les Etats-Unis d'Europe sont, en régime capitaliste, ou bien impossibles, ou bien réactionnaires". L'unique base réaliste pour une union entre Etats impérialistes européens aurait été la perspective d'une exploitation conjointe de l'Asie. Il s'agissait alors d'une hypothèse abstraite : l'"impossibilité" concrète prévalait, sous la forme du massacre impérialiste qui ravageait le Vieux Continent. Aujourd'hui, la rapide émergence de l'Asie a contraint les impérialistes européens à tenter de s'unir. La dynamique prévue par Lénine est en plein déroulement. Dans ses formes particulières et historiquement inédites, elle est déjà arrivée à l'unification fédérale du pouvoir monétaire. La deuxième moitié du jugement de Lénine devient fondamentale : le processus d'unification européenne, dans la mesure où il cesse d'être "impossible", devient "réactionnaire". C'est dans ce passage que réside, résumée, la continuité de la stratégie léniniste face au changement concret des conditions historiques de l'impérialisme. Le refus des "impossibles" Etats-Unis d'Europe conduisit Lénine au mot d'ordre de la transformation de la Première Guerre mondiale en révolution communiste internationale. La dénonciation du caractère réactionnaire du processus d'unification européenne est à la base de la tentative inédite d'enraciner dans le coeur de l'impérialisme européen une solide minorité internationaliste. Lénine trouva les hommes qui surent développer la stratégie révolutionnaire jusqu'à la victoire d'Octobre. La présente brochure s'adresse en particulier à ces jeunes qui veulent s'engager pour rendre tout aussi concrète et victorieuse la stratégie de l'opposition internationaliste à l'impérialisme européen.

02/2013

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Irlande

Irlande

DUBLIN Et ses six cents pubs, rendez-vous de la bohème où la bière a la couleur de l'encre. CONNEMARA : la région la plus âpre et la plus romantique du pays. CASHEL : Sur une éminence stratégique. L'acropole de l'Irlande. LE BURREN : Un impressionnant plateau karstique au nord du Comté de Clare. ILES D'ARAN : Inishmore, Inishman, Inisheer, véritables " vaisseaux de pierre " ennoblis de puissants forts. RING OF KERRY : Célèbre route panoramique qui longe une côte découpée et dentelée à l'infini. CHAUSSEE DES GEANTS : Merveille des merveilles que ce berceau de basalte d'un géant légendaire. MEGALITHES : Ils sont plus d'un millier, esseulés ou regroupés en immenses nécropoles. ENLUMINURES : Dans les scriptoria naquit le Livre de Kells " le plus beau livre du monde ". PRATIQUE : VOUS AVEZ DIT PRATIQUE : Mille et un détails utiles. Une sélection d'hôtels et de restaurants.

12/1949

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Sociologie du travail

Revue Salariat n° 1. Droit à l'emploi, droit au salaire ?

Pourquoi la revue SalariatA ? Nicolas Castel Mathieu Grégoire Jean-Pascal Higelé Maud Simonet Le salariat a longtemps eu mauvaise presse. Au milieu des années 1860, dans un chapitre inédit du Capital, Karl Marx écritA : " Dès que les individus se font face comme des personnes libres, sans salariat pas de production de survaleur, sans production de survaleur pas de production capitaliste, donc pas de capital et pas de capitaliste ! Capital et travail salarié (c'est ainsi que nous appelons le travail du travailleur qui vend sa propre capacité de travail) n'expriment que les deux facteurs d'un seul et même rapportA ". Qui dit salariat dit capitalisme et inversement. Marx invite ainsi les travailleurs et les travailleuses réuni·es dans la Première internationale, à substituer au slogan " un salaire équitable pour une journée de travail équitable ", le mot d'ordre : " Abolition du salariatA ! A ". Près d'un siècle et demi plus tard non seulement le salariat n'a pas été aboli, mais il est devenu désirable pour nombre d'individus et d'organisations syndicales. Cela ne fait guère mystère : le salariat observé par Marx et ses contemporains n'est plus celui que nous observons aujourd'hui. En tant que rapport social, le salariat a été un champ de bataille. Il a donné lieu à des stratégies d'émancipation qui se sont parfois - souventA ! - traduites en victoires et en conquêtes. Les institutions du salariat que nous connaissons aujourd'hui sont les buttes témoins de ces batailles passées. La revue Salariat nait d'un questionnementA : les sciences sociales ont-elles pris la mesure d'une telle transformationA ? Certes, l'idée d'une bascule dans l'appréciation du salariat - de condition honnie à statut désiré - est largement partagée : l'inscription puis le retrait de la revendication " d'abolition du salariatA " dans les statuts de la Confédération générale du travail sont souvent mobilisés comme manifestation de ce mouvement historique. Mais on peut se demander si la façon dont les sciences sociales conçoivent le salariat a, parallèlement, évolué en prenant toute la mesure de ses transformations historiques qui, précisément, expliquent ce basculement radical d'appréciation. C'est en partant de l'explicitation de ce paradoxe que nous souhaitons introduire le projet intellectuel de la revue Salariat. Pourquoi questionner le " salariatA "A ? Le salariat du xixe siècle n'est pas le salariat du xxe siècle et ne sera pas, on peut en faire l'hypothèse, celui du xxie siècle. Si au premier abord, il s'agit d'un rapport social consubstantiel au capitalisme, on aurait tort d'arrêter là l'analyse : le salariat s'est transformé en devenant, par certains aspects, plus complexe et, par d'autres, plus simple. Le salariat est d'abord devenu plus complexe car le rapport social salariés/employeurs ne s'exprime plus à la seule échelle de la fabrique ou de l'entreprise, ni à celle d'un face à face entre un ou des travailleurs et un capitaliste. Ce rapport se joue à plusieurs échelles comme par exemple la branche et l'échelon interprofessionnel. Il s'est par ailleurs cristallisé dans des institutions et dans le droit. Mais le salariat est aussi devenu plus simple car dans la première partie du xxe siècle, il est encore possible d'associer le rapport salarial à une classe sociale parmi d'autres, la classe ouvrière, dont les luttes, les représentations syndicales, les institutions et le droit, n'engagent pas nécessairement ou pas directement les autres classes sociales. Les paysans, les employés, les professions intellectuelles par exemple peuvent ainsi encore s'imaginer un futur dans lequel - à l'instar des ouvriers mais à côté d'eux - ils pourront construire un droit spécifique, des protections sociales spécifiques et ce, grâce à des organisations syndicales spécifiques. Près d'un siècle plus tard, le salariat s'est généralisé numériquement et la catégorie de salariat a solidarisé des segments de travailleurs et de travailleusesA : au groupe social " ouvrierA " sont venus s'ajouter le groupe social " employéA " ainsi que les " cadresA " dont il faut noter que leur intégration au salariat fut un retournement de l'histoire particulièrement significatif. Qui plus est, ces segments de travailleurs et de travailleuses ont été solidarisés dans un même rapport social qui les oppose à des employeurs de façon plus universelle, plus simple et plus claire que par le passé. Ironie de l'histoire ou diversion, c'est précisément au moment où cette confrontation entre deux classes prend sa forme la plus évidente que la lutte des classes est déclarée obsolète. Il nous semble donc qu'au lieu de prendre toute la mesure de ces profondes transformations sociohistoriques du salariat, l'usage de cette notion par les sciences sociales s'est singulièrement appauvri. Pour Marx et ses contemporains - quelle que soit par ailleurs leur sensibilité -, le salariat est d'abord une notion forgée pour identifier, décrire et expliquer une relation économique, un rapport social très androcentré qui apparaît central dans la société du xixe siècle. Pour le dire dans un vocabulaire anachronique, c'est donc avant tout un concept des sciences sociales qui donne lieu à des controverses, des interrogations. Philosophes, économistes, sociologues s'en saisissent comme d'un outil pour décrire le réel qu'ils ont sous les yeux. Un siècle et demi plus tard, force est de constater que le terme salariat n'est plus questionné. Il est très souvent, pour les sciences sociales, une simple réalité juridico-administrative, une " donnée " ne posant pas question et au mieux une catégorie mais rarement un concept. Chacun ou chacune est ou n'est pas juridiquement " salariéA " tandis que, statistiquement, l'Insee comptabilise un nombre de " salariésA " et un nombre d'" indépendantsA " puis mesure l'évolution de leur part respective. Que les sciences sociales prennent en considération le fait d'être ou non juridiquement " salariéA ", par exemple lorsqu'on étudie la condition des travailleurs et des travailleuses des plateformes, est certes important et utile. Mais, à l'instar de ce que pratiquent paradoxalement de nombreux juristes, c'est à un usage plus réflexif de la notion de salariat - qui ne se réduit pas à une catégorie molle - que nous appelons. Cette approche réductrice du salariat comme " donnée " non interrogée s'explique certainement par un mécanisme assez paradoxalA : cette forme juridique, salariale donc, est le fruit d'une histoire qui a vu un concept et des théories s'incarner dans le droit9. En effet, ce concept analytique a infusé le droit jusqu'à structurer une grande part des réalités du travail et de ses " régulationsA " dans une bonne partie de l'Europe continentale, au Japon, aux Etats-Unis et ailleurs. Cependant, cette cristallisation dans le droit s'est accompagnée d'une baisse du pouvoir analytique du concept, voire d'une neutralisation scientifique d'un concept qui n'est qu'à de rares exceptions10 interrogé. La cristallisation dans le droit s'est ainsi accompagnée d'une vitrification conceptuelle. Dans quels termes a-t-on arrêté de penser la question salariale ? Dans une définition-essentialisationA : le salariat c'est la subordination. Et cette définition-essentialisation est sous-tendue par une théorie implicite : celle de l'échange d'une subordination contre une protection. Ce " compromisA " - fordien ou autre -, est devenu un cela va de soi ou un implicite théorique, presque un récit mythique des sciences sociales. Les analyses de Robert Castel dans Les métamorphoses de la question sociale sont à ce titre souvent mobilisées pour opposer diamétralement deux périodes historiques. Dans la première, le salariat de la révolution industrielle serait profondément asymétrique, l'égalité formelle des parties donnant lieu à une inégalité de fait et au paupérisme. Dans la seconde, un droit du travail et des droits sociaux octroyés par l'Etat seraient venus compenser cette asymétrie initiale et rééquilibrer l'échange salarial11A : subordination contre protection, " compromis fordiste ", " Trente glorieusesA " et " plein-emploiA " comme nouvelle étape d'un rapport salarial enfin rééquilibré. L'état de " compromisA " peut alors plus ou moins implicitement être conçu comme un climax, un optimum indépassable. Dans un tel cadre d'analyse, on sera tendantiellement conduit à ne penser que des reculs - l'" effritement de la A société salariale " - et ce, dans la nostalgie d'un passé glorieux mais malheureusement révolu. Droits octroyés et équilibre de l'échange retrouvéA : dans une telle perspective théorique, on le voit, l'univers des possibles du salariat est relativement bien borné par cet état d'harmonie sociale et d'intégration de la classe ouvrière que l'on prête à la période d'après-guerre. Or, pleine de conflits, de conquêtes, d'émancipations, la réalité sociohistorique sur plus d'un siècle dépasse les termes de l'échange et du compromis. Penser ainsi non pas en termes de compromis mais en termes de luttes et d'émancipation, évite de présumer des définitions et limites du salariat. La réalité du salariat a changé parce que des batailles relatives au travail et/ou à la citoyenneté économique et politique ont été gagnées. Oui, le salariat est consubstantiel au capitalisme mais il est traversé en permanence, par des formes de subversion de la logique capitaliste. Le rapport salarial, en ses contradictions et ses puissances, est le point nodal de la lutte des classes et, en la matière, la messe n'est pas dite tant au point de vue des structures objectives que des structures subjectivesA : rien ne permet de conclure que ce rapport social n'est qu'enrôlement au désir-maître capitaliste12. Si le régime de désir est bien celui de désirer selon l'ordre des choses capitalistes (i. A e. une épithumè capitaliste13), il n'en demeure pas moins que depuis la théorisation produite par Marx, tout un maillage institutionnel de droits salariaux subversifs du capitalisme a pris forme au coeur du rapport salarial (sécurité sociale, cotisations sociales, conventions collectives, minima salariaux, droit du travail, statuts de la fonction publique et des entreprises publiques, etc.). En matière de salariat, on ne peut donc en rester à la théorie implicite du xixe siècle et son acquis d'une protection contre une subordination. Ce n'est pas une simple donnée juridique incontestable (être ou ne pas être " salariéA ") mais un concept qui doit être discuté, débattu, interrogé, mis en question, caractérisé et caractérisé à nouveau, au fil du temps et des luttes sociales qui s'y rattachent. Si domination, exploitation, aliénation, invisibilisation il y a, il s'agit aussi de comprendre ce qui se joue dans le salariat en termes d'émancipation des femmes et des hommes. Certes, le salariat n'est pas qu'émancipation. Et on peut songer à d'autres possibles pour les travailleurs et les travailleuses que ceux qui s'organisent à l'échelle du salariat. Mais cette dimension émancipatrice ne doit pas faire l'objet d'une occultation. Il nous parait donc nécessaire de saisir le salariat dans son épaisseur sociohistorique, dans les contradictions qui le traversent, les luttes qui le définissent et le redéfinissent, pour éclairer la question du travail aussi bien dans sa dimension abstraite que concrète. On l'aura compris, il s'agit donc ici d'interroger le salariat en lui redonnant toute sa force historique, heuristique et polémique. Le salariat, nous l'avons dit, est devenu un rapport social qui s'exprime à de multiples échelles et qui dépassent de beaucoup le simple face à face évoqué dans la deuxième section du Capital dans laquelle un employeur, " l'homme aux écusA ", se tient devant un salarié ne pouvant s'attendre " qu'à être tannéA "14. Chacune de ces échelles constitue un champ de bataille, avec ses contraintes et ses stratégies d'émancipation spécifiques. A chacune de ces échelles, le rapport social salarial s'exprime dans des collectifs, dans des solidarités et des conflictualités articulées les unes aux autres. A l'échelle de l'entreprise se jouent par exemple de nombreuses luttes pour l'emploi. A celui de la branche, par le biais des conventions collectives, se joue notamment le contrôle de la concurrence sur les salaires entre entreprises d'un même secteur. A l'échelon interprofessionnel et national se jouent l'essentiel du droit du travail et des mécanismes de socialisation du salaire propres à la sécurité sociale ou à l'assurance chômage. Le salariat est donc bien loin de la rémunération marchande de la force de travail du xixe siècle. Les champs de bataille se sont démultipliés tout en s'articulant les uns aux autres. Qu'on pense à l'importance des conventions collectives en termes de salaire et de conditions de travail pour articuler les combats dans l'entreprise et dans la branche. Qu'on pense au rôle d'activation ou au contraire d'éradication des logiques d'armée de réserve que peut jouer un mécanisme d'assurance chômage sur le marché du travail. Qu'on pense également aux mécanismes de sécurité sociale en matière de santé et de retraites en France. Ces derniers se sont constitués en salaire socialisé engageant dans une relation l'ensemble des employeurs et l'ensemble des salarié·es à l'échelle interprofessionnelle là où, dans un pays comme les Etats-Unis, la protection contre ces " risquesA " est demeurée liée à la politique salariale d'un employeur à travers des benefits par un salaire indirect mais non socialisé15. Qu'on pense également au salaire à la qualification personnelle qui émancipe largement les fonctionnaires des logiques de marché du travail. Comprendre ce que vit individuellement un salarié ou une salariée hic et nunc, suppose de prendre en considération l'ensemble de ces dimensions collectives articulées, les dynamiques historiques, les luttes, les stratégies et la façon dont l'état des rapports de force sur chacun de ces champs de bataille s'est cristallisé dans des institutions. S'il est un objet qui nous rappelle tous les mois que ce rapport social se joue à plusieurs échelles, c'est bien la fiche de paye. Elle est une symbolisation d'un salaire dit " individuelA " ou " directA " en même temps que le lieu d'un " salaire collectifA " et ce, à plusieurs égards. En effet, quant à sa détermination, le salaire est particulièrement redevable au collectif. Les forfaits salariaux négociés dans les grilles de classification des conventions collectives de branches et au niveau de l'entreprise ou encore les grades et échelons de la fonction publique sont des éléments structurants du salaire. A cet " individuelA " s'ajoute une autre dimension collective dont la fiche de paye fait état, c'est la part directement socialisée du salaire à une échelle nationale et interprofessionnelle via des cotisations ou des impôts. Ces échelles et institutions plurielles ne sont pas réductibles à une fonction de protection légitimée par une subordination mais sont beaucoup plus largement le produit des dimensions collectives et conflictuelles du salaire. Et l'on voit là, pour le dire en passant, ce qu'a d'inepte la lecture marchande et purement calculatoire du salaire, économicisme malheureusement dominant. Derrière la plus ou moins grande socialisation des salaires, c'est la question des modes de valorisation du travail qui se pose : à travers la qualification et la cotisation, le salaire n'a plus grand-chose à voir avec la fiction du prix du travail (cf. infra). Enfin, derrière la maîtrise ou non de cette socialisation, c'est aussi la bataille pour la maîtrise du travail concret qui se joue : c'est-à-dire maîtriser ses finalités, maîtriser la définition de ce qui doit être produit ou pas, maîtriser les moyens et les conditions de la production. Voilà tout ce qu'une lecture en termes de conflictualité et d'émancipation, et non seulement de protection/subordination, s'autorise à penser. Pourquoi une revue ? La revue Salariat est la poursuite du projet intellectuel et éditorial que l'Institut Européen du Salariat (IES) porte depuis sa création en 2008. La revue vise donc à accueillir des contributions qui prendront au sérieux les enjeux du salariat de façon ouverte et contradictoire. Il s'agit de promouvoir des analyses du salariat issues des sciences sociales au sens large (sociologie, science politique, histoire, économie, droit...) mais aussi des débats ou des controverses qui ne s'interdisent pas de tirer des conclusions politiques de ces analyses scientifiques16. La revue est ainsi largement ouverte à diverses disciplines et à une pluralité de registres de scientificité. Les travaux empiriques pourront ainsi côtoyer des réflexions théoriques. Des textes fondés sur un registre très descriptif pourront dialoguer avec des approches plus politiques défendant telle ou telle stratégie d'émancipation. Grâce à ce dialogue qu'on espère fécond, nous entendons mettre la production intellectuelle de la recherche au service du débat public et des luttes politiques et sociales qui se déploient dans les domaines du travail concret et de sa valorisation. Notre revue souhaite ainsi faire vivre le débat intellectuel, le dialogue interdisciplinaire et constituer un espace de liberté scientifique en autorisant des approches diverses et non formatées, ce qui suppose en particulier que le débat puisse s'épanouir le plus possible à l'abri - voire même en dehors - des enjeux relatifs au " marché du travailA " académique. Si la revue entend publier des articles d'auteurs et d'autrices dont on apprécie les qualités de chercheurs et de chercheuses, elle dénonce avec d'autres17 la fonction d'évaluation et in fine de classement des recherches et des chercheurs et chercheuses que les politiques de l'enseignement supérieur et de la recherche tendent de plus en plus à assigner aux revues. Nous souhaiterions - autant que possible - ne pas constituer un outil de légitimation supplémentaire d'un " marché du travailA " académique dans lequel de jeunes chercheurs et chercheuses - de moins en moins jeunes en réalité... - font face à une pénurie extrême de postes et sont soumis à la loi du " publish or perishA " ainsi qu'à l'inflation bibliométrique qui, paradoxalement, nuit à la qualité de la production scientifique. Cela signifie en pratique et entre autres, que nous voudrions rester en dehors de cette logique de " classementA " des revues et donc ne pas figurer dans les listes officielles des revues dans lesquelles il conviendrait pour les candidats et les candidates à la carrière académique de publier, les critères bibliométriques permettant aux évaluateurs et aux évaluatrices de se passer d'un travail de discussion sur le fond. Cela signifie également que la composition du comité de rédaction de la revue n'est pas dépendante du statut sous lequel les membres exercent leur qualité de chercheur·se : doctorant·e, titulaire ou non titulaire, chercheur·se dans ou hors des institutions de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous nous concevons ainsi comme un groupe ouvert à toutes celles et tous ceux qui souhaitent travailler à un projet intellectuel et proposer aux lecteurs et aux lectrices un contenu de qualité, intéressant à la fois d'un point de vue scientifique et d'un point de vue politique. En ce sens, nous proposons plusieurs rubriques pour apporter divers éclairages ou points d'entrée d'un même questionnement puisque nous avons l'objectif de structurer chaque numéro annuel autour d'une problématique commune. La rubrique Arrêt sur image invite à décrypter les enjeux derrière une image choisie, la rubrique Lectures et débats ouvre à la discussion avec des publications académiques ou littéraires et la rubrique Brut est un espace de mise en valeur de données empiriques diverses. Ces manières d'aborder la problématique générale du numéro sont complétées par des articles dans une rubrique plus généraliste, Notes et analyses. Mais ces rubriques, plus largement présentées sur le site web de la revue18, ne doivent pas constituer des carcans et elles sont elles-mêmes susceptibles d'évoluer. Droit à l'emploi ou droit au salaire ? Ce premier numéro est ainsi l'occasion de tester l'intérêt ou la validité de notre parti-pris analytique consistant à penser le salariat comme un concept de sciences sociales à vocation heuristique en dévoilant ses contradictions et ce faisant, des chemins possibles d'émancipation. La question générale que nous posons dans ce numéro est la suivante : qu'est-il préférable de garantir, un droit à l'emploi ou un droit au salaire ? Pour celles et ceux qui restent indifférent·es à une réflexion de fond sur les institutions salariales, cette question n'a pas lieu d'être car " qui dit emploi dit salaire et qui dit salaire dit emploi, garantir l'un, revient donc à garantir l'autre ". Une telle remarque passerait pourtant à côté d'un enjeu essentiel car il y a là - en première analyse et pour la période qui nous occupe, à savoir fin du xxe siècle et début du xxie siècle - deux voies d'émancipation salariale structurées autour de deux grandes familles de stratégies possiblesA : celles qui concourent à promouvoir l'emploi et notamment le plein-emploi et celles qui s'en départissent et promeuvent un droit au salaire ou font du droit au salaire un préalable. Ce débat, s'il est contemporain, n'est pas totalement nouveau et deux grandes organisations syndicales, la CGT et la CFDT s'en sont emparé avec leurs projets respectifs de sécurité sociale professionnelle ou de sécurisation des parcours professionnels. Il s'agit bien de projets différents dans lesquels l'emploi et le salaire ne recouvrent pas une même réalité. " EmploiA ", voire même " plein-emploiA " peuvent prendre des sens différents et leur éventuelle garantie ne dit rien de la nécessité du salaire ou de ressources au-delà de l'emploi précisément. La question posée dans le présent numéro est donc loin d'être anodine et c'est pourquoi nous y réfléchissons depuis une dizaine d'années19 et la remettons aujourd'hui sur le métier. Et de ce point de vue, l'expérience du confinement a été particulièrement révélatrice de ce que les différentes formes d'institutions du travail produisent en termes de droits salariaux, comme le met en lumière Jean-Pascal Higelé dans une note - révisée - de l'IES que nous publions ici.

10/2022