Cluquet n’est même pas un village, juste un hameau même si, un jour, il a eu son église et sa mairie.
D’ailleurs, c’est dans cette mairie que le premier des Gueudespin s’est fait inscrire dans les registres aux premières années du XXème siècle naissant. Un faux que le Maire d’alors n’a pas eu le cran de refuser à ce grand gaillard à l’allure un peu sauvage qui a, un jour, décidé de planter ses racines là, dans le Bois du Loup Gris, sur la dune qui fait face à l’océan qui vient déverser ses rouleaux devant l’alignement infini de la forêt des Landes.
Elébotham fut le premier, puis après lui Osmin, son fils, puis Jaguen, le fils de son fils et enfin Audric, le fils de ce dernier. Une généalogie d’hommes singuliers qui, tous, ont eu une histoire au moins aussi singulière qu’eux. Seul Audric, devenu enseignant, aurait pu rentrer dans le rang mais le conformisme et l’incompréhension de ses collègues l’ont rejeté vers la solitude de la maison familiale, près des rouleaux de l’Océan, sous les frondaisons de la forêt.
C’est l’histoire conjuguée de ces quatre générations que raconte ce livre.
J’avais adoré « En Territoire Auriaba » du même. Je suis entré tête baissée dans ce roman qui produit le même rythme, la même clarté, le même plaisir de lecture, dès les premières pages.
C’est la même fluidité d’écriture qui distille des tranches de vie atypiques pour ces hommes dont les pieds sont enracinés dans cette terre des Landes avec la même force que ces arbres qui les couvrent de leur ombre.
Encore une fois, c’est cette communion un peu surnaturelle, magique, mystique avec le milieu qui fait de ces êtres de chair, aussi, des êtres des rêve. Rêves fous d’une proximité avec la Nature qui inquiète leurs contemporains respectifs même s’ils ne rebutent pas, au contraire, celles qui les aiment au point de les suivre là où tous refusent de les accompagner. Mais ils sont la justification unique de cette fusion amoureuse que leur disparition dissipe : la solitude et l’isolement de la maison sur la dune, la forêt immense, sans ces hommes, redeviennent insoutenables pour ces femmes jusqu’alors sous le charme.
Tous les thèmes qui explosent dans le « Territoire Auriaba » sont déjà présents dans ce livre plus ancien ; la nature, le surf, la liberté, la forêt, une certaine aversion pour l’espèce humaine en général et pour les flics en particulier, un penchant avéré pour le surnaturel, pour les capacités proches de la magie, etc., Tout cela commence déjà à prendre forme dans ces lignes et c’est tout le talent de Jérôme LAFARGUE d’entraîner son lecteur sur cette pente avec délicatesse enthousiasme et conviction.
J’avoue cependant avoir été dérouté par une chute qui m’a fait tomber de mon nuage.
Je ne regrette cependant rien car les quelques dernières page dans lesquelles je n’ai plus vraiment accroché n’ont pas pu obérer le plaisir jusqu’alors pris dans la lecture de toutes celles qui m’avaient enchanté jusque là.