La Très Sainte Inquisition fut inventée par un certain Thomas Torquemada aux alentours de la fin du XVe siècle. Parmi les motivations premières de cette institution, on peut imaginer aisément un goût prononcé pour la justice, étant donné qu’elle prit la forme d’un Tribunal, un certain élitisme puisque personne ne pouvait trouver à redire de ses pratiques et une attirance toute particulière pour la vérité. Celle de l’Inquisition s’entend, étant donné que durant une longue période il n’y en a pas eu beaucoup d’autres.
Cette page d’histoire étant posée, il convient de préciser au lecteur que Le gardien de l’Aube n’est pas un bon livre. Mais parce que justement l’Inquisition est enterrée, nous allons pouvoir étayer notre avis.
L’histoire se déroule en Inde, à la fin du XVIe siècle, où justement L’Inquisition fit ses premiers pas. Oui, un siècle, ce n’est rien à l’échelle du monde. Or, nul ne reprocherait à un enfant de tomber quand il apprend à marcher. Ainsi, il serait sinistre de reprocher à l’Inquisition d’avoir commis quelques impairs durant ses premières armes. Tiago Zarco est juif, vivant non loin de la capitale Goa, où l’Inquisition a ses quartiers de printemps, ainsi que les Portugais qui l’ont amenée avec eux.
Avec sa sœur Sofia, Tiago mène une vie tranquille, sereine, que leur père Bérékhia tente d’enjouer depuis la mort de leur mère. Cette disparition a certes renforcé l’affection des uns pour les autres, mais une brisure est nette, palpable. De l’autre côté, à Goa, vit le frère de Bérékhia, Isaac. Ancien juif, marié à une chrétienne pour sauver les apparences dans une ville où personne n’est à l’abri d’une dénonciation sordide, les deux familles se rencontrent de temps à autre, surtout depuis l’adoption de Wadi. Isaac et sa femme n’ont pas pu avoir d’enfants.
Et entre Wadi et Sofia vont se tisser des liens amoureux étroits, sources de bien des maux pour le père de Tiago.
Vient ensuite ce qui doit arriver : l’Inquisition va finir par s’intéresser à Bérékhia et l’enfermer dans les geôles dédiées aux invités de marque qui n’ont pas la bonne opinion, pour le torturer. On sait recevoir à l’Inquisition. Puis ce sera au tour de Tiago d’être enfermé. Et de renoncer à sa foi juive pour adopter celle des chrétiens soumis à la toute-puissance inquisitrice.
Pas un bon livre disions-nous donc. Si la narration est quelque peu bousculée par des retours en arrière, des souvenirs, des situations présentes et ainsi de suite, ce n’est pas là que réside tout le nœud qui fait de ce pavé – car 50 ou 100 pages de moins auraient largement participé à le rendre meilleur – un ouvrage qu’on peut éviter.
Si l’on se prend de temps à autre au jeu historique, finalement, l’Inde n’est qu’un prétexte à l’intrigue qui se noue. Hormis une cérémonie dans un village, et quelques divinités éparpillées çà et là, associés aux noms de village, il manque une réelle teneur géographique au livre.
D’ailleurs l’écriture ou du moins la traduction, est agréable, mais le côté historique semble encore une fois plus être un prétexte qu’un réel nœud du récit. En somme, ça aurait pu se dérouler n’importe où ailleurs et ne rien changer à l’ensemble du livre. La couleur locale ajoute une pointe d’exotisme qui s’apparente plus à un vernis léger qu’à une authentique dénonciation des méfaits de l’inquisition. Même si la démarche est loin d’être inutile.
Finalement, on n’accroche vraiment qu’au moment où Tiago décide de tout mettre en œuvre pour se venger de l’Inquisition et de celui qui l’a poussé à abjurer ses péchés : sauf qu’on est entré dans les 150 dernières pages du livre. Toute la mise en place d’un traquenard est elle bien plus passionnante que les histoires d’amour des uns et des autres, qui desservent le récit d’autant plus qu’elles constituent une part considérable des 250 premières pages.
En somme, à moins de n’avoir réellement rien d’autre à lire pour cet été, ne vous fiez pas à ce titre. Ou alors, attendez vraiment la version poche. D'ailleurs, si vous souhaitez réellement de l'inquisition, reportez-vous plutôt au commando Torquemada...