: L'arrêt déclaratif de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE), publié hier, a levé un vent de panique au sein de l'édition. La France, en appliquant un taux de TVA réduit au livre numérique, est bien en situation d'infraction, expliquait la Cour de Justice. Néanmoins, entre cet avis et une modification de la législation, ou même une amende, il reste un peu de marge.
Fleur Pellerin, en janvier dernier (ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Contacté par les services gouvernementaux, ActuaLitté est en mesure de confirmer que cet arrêt de la CJUE ne change pour l'instant pas grand-chose. Comme précisé hier dans nos articles, l'arrêt de la CJUE est déclaratif, et ne précise rien d'autre que la situation d'infraction dans laquelle s'est placée la France, en appliquant un taux de TVA réduit.
À présent, les services gouvernementaux attendent une demande d'informations de la Commission européenne. Autrement dit, maintenant que la situation légale de la France est connue, l'Union européenne lui demandera « Que comptez-vous faire, pour sortir de cette situation d'infraction ? » Rappelons que l'hypothèse d'une amende est encore lointaine, d'autant plus qu'elle ne serait pas rétroactive.
Cette demande d'informations peut intervenir d'ici une semaine, comme dans un an, et le gouvernement ne touchera pas à la législation avant d'avoir reçu cette demande d'informations de la part de la Commission européenne.
Et cette dernière demande d'informations ne devrait pas survenir avant un moment : « Il serait illogique, selon la France, que la Commission envoie sa demande d'informations pour une mise en conformité, attendu que la législation serait modifiée dans le cadre du paquet numérique, le 6 mai prochain », nous explique une source proche du dossier.
Le communiqué diffusé hier par le gouvernement français, rassemblant les signatures de Michel Sapin, ministre des Finances et des Comptes publics, Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, Harlem Désir, secrétaire d'État chargé des Affaires européennes, Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du Budget, et Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du Numérique, rendait déjà compte de cette stratégie.
En mai prochain, la Commission européenne présentera sa stratégie pour le marché unique numérique, le fameux paquet, et la France attend donc « des propositions dans le cadre de la stratégie pour le marché unique numérique pour introduire dans le droit européen un principe de neutralité permettant l'application du taux réduit pour tous les livres, quel que soit leur support ». Il s'agirait donc de saisir l'occasion d'un marché unique numérique européen pour amener la Commission à réfléchir à un taux réduit appliqué à l'ebook.
Rien ne garantit que la stratégie européenne pour un marché unique numérique contiendra des éléments sur la TVA du livre numérique, cela dit : Jean-Claude Juncker, actuel président de la Commission, n'en faisait pas mention dans son programme de mandat. Il évoquait plutôt la protection des données et des consommateurs, ainsi que la levée des barrières frontalières.
La menace, bien lointaine, d'une amende
Quand bien même la demande d'informations arriverait entre temps, la France pourra défendre son choix fiscal en exposant différents arguments : neutralité fiscale, développement de la lecture numérique, logique économique de soutien au secteur... Différents axes seront alors développés, avec le concours des autres pays qui ont mis en place une TVA réduite, le Luxembourg et l'Italie. Toutefois, si celui de la neutralité fiscale avait eu bonne presse auprès de la CJUE, il ne semble plus aussi persuasif depuis l'arrêt d'hier.
Si la France se débrouille bien, et parvient à convaincre la Commission, la procédure s'arrête ici. Dans le cas contraire, la Commission européenne introduira un second recours en manquement. Le premier recours avait conduit à la saisie de la CJUE, le second aboutira cette fois à un risque réel d'astreinte et d'amende. Si, et seulement si la procédure parvient à cette hypothèse, la France interviendra et modifiera sa législation, en relevant le taux de TVA sur le livre numérique, conformément aux règles européennes.
Mais la longueur des procédures pourrait jouer en faveur de la France, d'autant plus que le Luxembourg, allié sur la question de la TVA, va prendre la présidence du Conseil de l'Union européenne, en juillet 2015. Il sera suivi, dès janvier, par les Pays-Bas, qui sont eux aussi plutôt favorables à un régime fiscal non discriminatoire entre les formats de livres.