Nécessité d'écrire comme de respirer, besoin de se mettre en mots, exercice de style : ainsi peut-on définir ce livre, qui est avant tout le journal intime d'une conscience (et de ce qui la combat), au cours d'une année. Ce qui semble fragmenté crée aussi l'unité qu'aimerait dire et redire une convulsion de l'esprit aux aguets. Ni la réflexion ni la mémoire ni la volonté ne sont linéaires : elles procèdent par à-coups. Je n'ai pas voulu concilier les éléments inconciliables de mon grand âge : ce qui se perd, ce qui annonce le néant, l'explosion poétique, la joie qui tempère une lucidité en apparence guettée par le cynisme. Parfois des velléités surviennent : un roman qu'on résume au lieu de le rédiger, un plongeon dans la philosophie, un constant désaccord avec le siècle, un éclat de rire aussi banal que la réplique d'un vaudeville. Un écrivain s'émiette et se recrée, tant bien que mal, entouré de mille pièges que lui pose la maladie : cet autoportrait ne vaut que si on veut accepter la diversité ou, plus humblement, le jeu d'une imagination souffrant d'être elle-même.
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