#Polar

Rouge grenade

Gérard de Villiers

La cabine était plongée dans l'obscurité. Malko fit un pas en avant. La lumière jaillit du plafonnier. Un grand Noir assis sur la couchette, torse nu, braquait sur lui un pistolet automatique qui lui parut énorme...

Par Gérard de Villiers
Chez Gérard de Villiers

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Genre

Policiers

CHAPITRE PREMIER

Santiago Gimenez glissait silencieusement sur le sol cimenté du couloir desservant les huit cellules secrètes creusées dans le sous-sol de la prison de Richmond Hill. Ses copains du G 21 l’avaient surnommé « King-Kong » à cause de sa taille et de sa carrure impressionnantes. Les cheveux ras, toujours impeccablement rasé, il cultivait son incarnation de la force brutale. Sa chemise fleurie à manches courtes semblait prête à éclater sous la pression de ses muscles. Le pantalon de toile moulait des cuisses monstrueuses, mais grâce à ses baskets, il se déplaçait avec légèreté dans le boyau violemment éclairé. Tous les cinq mètres, une forte ampoule nue jetait une lumière crue, la porte desservant cette « Division Spéciale » était en permanence fermée à clef et seuls, Santiago Gimenez et ses hommes y avaient accès. Elle était gardée par un soldat grenadin armé d’une Kalachnikov, uniquement là pour empêcher les gardiens de la prison « normale » de s’intéresser à cette division à la réputation sinistre. Les prisonniers de la Division Spéciale n’étaient pas enregistrés, arrivaient et repartaient de nuit, anonymes, enroulés dans des couvertures au fond des véhicules du G 2 grenadin. L’un d’entre eux était resté emprisonné deux ans, avant d’être exécuté. Aucun membre de sa famille n’avait la moindre idée de ce qu’il était devenu.

King-Kong Gimenez s’arrêta devant la porte de la cellule numéro 7, et colla son œil contre le judas.

Ironie du sort, ces cellules avaient été construites sur l’ordre d’Éric Gairy, le dictateur renversé par la révolution procubaine du 13 mars 1979. Afin d’y enfermer les membres du mouvement « New Jewel »2, organisateurs du coup d’État. En dépit des signes avant-coureurs inquiétants, Éric Gairy, légèrement dérangé, avait préféré se ruer aux Nations Unies afin d’y faire une communication sur les soucoupes volantes, sa marotte, laissant ses adversaires s’emparer du pouvoir... Depuis, ceux de ses partisans qui n’avaient pu s’enfuir à Trinidad ou aux USA croupissaient dans les cellules de Richmond Hill, avec une vue magnifique sur la rade de Saint-George’s, comme le faisaient remarquer cyniquement leurs gardiens. En effet la prison, bâtie au bord d’une falaise de plusieurs centaines de mètres, dominait le port et la petite capitale.Les détenus de la Division Spéciale, eux, ne profitaient pas de la vue. Leurs cachots avaient été taillés dans le roc, sans aucune ouverture vers l’extérieur.Trois mètres sur deux mètres cinquante, un seau hygiénique et une paillasse.

À travers l’œilleton, King-Kong observait attentivement le prisonnier. Un Blanc, vêtu d’un short jadis beige, taché et déchiré, la barbe poivre et sel envahissant ses joues creuses, les cheveux collés par la crasse comme ceux d’un Rasta, en longues tresses marron. Son corps pendait du plafond, les pieds ne touchant pas le sol. Son menton reposait sur sa poitrine et ses bras étaient ligotés derrière son dos. Une corde nouée à celle qui liait ses poignets était suspendue à un crochet du plafond, ce qui lui tirait les bras, désarticulant les clavicules et causant une douleur ininterrompue qui le maintenait dans une torpeur comateuse. Après trois semaines de tortures, de privations, Malcolm Siddeley n’avait plus qu’une toute petite lueur de volonté. Suffisante pour résister à ses bourreaux. Il n’était plus tout jeune : Soixante-deux ans, mais il avait été à la bonne école, celle de la Gestapo... Dans ses moments de lucidité, il se disait que si les Allemands n’avaient pu le faire céder, une bande de nègres cruels n’y arriveraient pas...

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18/02/2016 288 pages 7,95 €
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