Présentation
On désigne par le mot « Lumières » un mouvement culturel européen du xviiie siècle1, caractérisé par la valorisation de l’esprit critique et la lutte contre les préjugés, et dont les représentants les plus significatifs en France sont certainement Montesquieu, Voltaire, Rousseau et Diderot. Appliquée à ce mouvement, l’image de la « lumière » renvoie à son combat contre l’obscurantisme, auquel sont opposées les exigences du rationalisme, la recherche de la liberté et celle du bonheur.
Entretien d’un père avec ses enfants traduit la vigueur du questionnement auquel les écrivains et philosophes des Lumières soumettent les principes moraux, politiques et religieux les plus communément admis. Partiellement publiée en mars 1771 dans la Correspondance littéraire, périodique de Grimm dont la diffusion est confidentielle, l’œuvre paraît en volume en 1773, dans Contes moraux et nouvelles idylles de D… et Salomon Gessner, avec des textes du poète, peintre et graveur Salomon Gessner et un conte que Diderot vient d’achever (Les Deux Amis de Bourbonne). Elle est constituée d’une série de récits, qui peuvent apparaître comme autant de contes très brefs, enchâssés dans une structure de dialogue. Dans une forme littéraire libre et originale, oscillant entre le genre du conte et celui du dialogue moral et philosophique, elle s’intéresse aux rapports qu’entretiennent morale et exigences sociales. Les débats contradictoires mis en scène par ses nombreux protagonistes sont sous-tendus par une même question : la loi doit-elle être respectée, même lorsqu’elle est injuste ou lorsqu’elle favorise l’injustice ?
L’esprit des Lumières
Le rationalisme et l’esprit d’examen
Pour bien comprendre les enjeux du texte, replaçons-le dans son contexte de création, celui des Lumières.
Les philosophes des Lumières croient en l’importance de la raison et de l’expérimentation scientifique, face aux vérités révélées et aux explications du monde que la religion s’efforce d’imposer. Ils considèrent que les progrès de la connaissance sont susceptibles de faire accéder les hommes au bonheur terrestre. Les nombreuses avancées techniques et scientifiques de l’époque donnent une réalité à cette pensée. Au xviiie siècle, la physique, la biologie, la botanique et la médecine font l’objet de découvertes importantes, qui circulent dans les sociétés savantes, de plus en plus nombreuses. Par exemple, c’est en 1749 que Buffon publie son Histoire naturelle, et en 1789 que Lavoisier fait paraître son Traité de chimie. Au regard de ces ouvrages, les textes sacrés ne sont plus la seule référence pour rendre compte du fonctionnement du monde. L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et métiers, publiée sous la direction de Diderot et de d’Alembert entre 1751 et 1772, se propose de réunir tous les savoirs et de se faire l’expression de la pensée humaine enfin « éclairée ».
Extraits
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