L'amour, toujours l'amour. A la poursuite de l'amour - L'Amour dans un climat froid - Le Cher Ange - Pas un un mot à l'ambassadeur

Nancy et la saga Mitford

Aux yeux des Français, la famille Mitford, dont le nom remonte à la conquête normande, est parée de toutes les qualités qu’ils prêtent à la vieille aristocratie anglaise : un mélange de tradition et d’excentricité.

Il y a tout d’abord le père. Né en 1878, David Bertram Ogilvy Freeman-Mitford, deuxième baron Redesdale, était un personnage haut en  couleur. Ce gentleman campagnard aimait la vie au grand air, la chasse et les chevaux, détestait les mondanités, méprisait les activités intellectuelles et avait pour l’école – et l’éducation en général – une méfiance qui remontait à l’enfance. Il se vantait de n’avoir lu qu’un seul livre, Croc-Blanc, de Jack London ; il l’avait apprécié et avait décidé de rester sur cette impression. Nancy fera de lui un portrait savoureux sous les traits de l’oncle Matthew dans À la poursuite de l’amour : on le voit tyrannique, colérique au point d’user plusieurs dentiers par an, et infiniment attachant.

Il se maria début 1904 avec Sydney Bowles (fille du fondateur de la revue Vanity Fair) et en novembre de la même année naquit leur premier enfant, une fille, Nancy, la future romancière. Le baron, en bon aristocrate réactionnaire, aurait souhaité une descendance dominée par les mâles ; il eut un seul garçon, Thomas, qui naquit en 1909 et trouva la mort en 1945 sur le front de Birmanie – et cinq autres filles, à sa grande désolation. Comme si l’extravagance était un trait familial, les six sœurs Mitford eurent chacune un destin singulier. La deuxième fille, Pamela, née en 1907, fut la seule à connaître une existence à peu près paisible. Elle épousa en 1936 Derek Jackson, un brillant physicien et cavalier émérite qui courut à plusieurs reprises le Grand National. Ils vécurent en Irlande, entourés de chevaux et de chiens, jusqu’à leur divorce en 1951. La nature et les animaux furent la grande passion de Pamela jusqu’à sa mort en 1994. Elle sera le symbole de la raison dans l’œuvre de Nancy.

Ses sœurs eurent une vie beaucoup plus mouvementée. Diana (1910-2003) épousa en 1929 Bryan Guinness, héritier des brasseries du même nom et immensément riche, avec lequel elle mena une vie mondaine fastueuse. Elle divorça en 1933, après sa rencontre avec Oswald Mosley, le chef du parti fasciste britannique, qu’elle épousa discrètement en 1936, en Allemagne, devant Hitler et des dignitaires nazis (dont Goebbels), mariage qui fit grand bruit en Angleterre quand il fut révélé deux ans plus tard. Elle milita activement auprès de son mari et tous deux furent arrêtés en 1940 pour intelligence avec l’ennemi. Ils ne furent libérés qu’à la fin de l’année 1943. Après la guerre, ils s’exilèrent en Irlande, puis en France, sans renier leurs idées. Un de leurs deux fils, Max, sera président de la Fédération internationale de l’automobile.

Unity Valkyrie, née en 1914, avait accompagné sa sœur Diana au congrès de Nuremberg de 1933, la grand-messe annuelle du parti nazi. Elle y fit la connaissance d’Hitler, dont elle tomba amoureuse. D’un tempérament exalté et excessif, elle apprit la langue et s’installa en Allemagne en 1934, devint une intime d’Hitler et embrassa la cause du parti national-socialiste. En septembre 1939, la Grande-Bretagne déclara la guerre à l’Allemagne. Déchirée, Unity se rendit dans l’Englisher Garten de Munich et se tira une balle dans la tête avec un pistolet qu’Hitler lui avait offert. Elle survécut mais ne se remit jamais et mourut en 1948 des suites de sa blessure.