Préface
Jean-Claude Benoit
Edith, Muriel, Bernard et tous les autres… Sœurs et frères ? Une fratrie ? Un groupe en majorité « sororal ». Dans les sciences humaines, le familial et le féminin coévoluent bien.
Psychologues ou psychiatres, ces thérapeutes soulignent les ressources familiales des fratries, autour du jeune patient identifié, ou placé, ou handicapé, ou dans les familles recomposées, ou émigrées, toutes celles du « temps qui court », si vite, postmoderne. Comme l’aide possible aux adultes en soin.
Lectrice, lecteur, quelle est votre « constellation fraternelle » ? Si vous êtes intervenant familial, voire thérapeute, ouvert aux arcanes systémiques, vous avez présenté votre génogramme au groupe et aux formateurs. Walter Toman – ce fidèle complice de Murray Bowen – vous éclaire sur votre statut d’aîné ou votre place de cadet(te), voire de benjamin(e). Ou sur le jeu du deuxième frère parmi quatre, dans une discontinuité qui crée des « grands » et des « petits ». Si vous êtes l’un de ces quatre garçons, vous ne saurez pas bien ce qu’est une grande ou une petite sœur. Etc.
À un cadet, Toman conseille comme conjointe une sœur aînée. Gregory Bateson dirait que ce couple bénéficie d’une complémentarité par deutéro-apprentissage relationnel ancien. Par contre, des tensions symétriques animeront les couples créés par deux cadets ou deux aînés. Voilà l’éco-systémie. Ou encore, le benjamin apprend à la grande sœur ses ressources futures de mère, voire de grand-mère, etc.
La fratrie enregistre les bonheurs et les malheurs de l’éthologie familiale. Les strates larges des périodes heureuses sont interrompues par les zones fibreuses et sensibles des deuils ou des séparations, des échecs, des recompositions délicates. Tout est collectif et personnel à la fois. La fratrie paraît souvent se distendre, parfois se fuir. Le groupe des pairs, telle est en général la solution.
Ce livre-ci montre combien chacun exige « à la maison » sa part d’affectivité durable, notamment un amour fraternel idéal, ou idéalisé, voire impossible. De fait, une capacité soutenue de croissance collective aide aux solutions personnelles. Un jour, dans de grandes familles, quelqu’un construit un arbre généalogique, ou l’on convoque pour une grande journée générale, frères, sœurs, cousins, cousines, oncles et tantes, enfants et gens âgés. Et chacun pense que ce jour fut trop court…
Ici, il est plutôt question de l’enfant malheureux parmi les siens. Les premières générations systémiciennes ont décrit son rôle de bouc émissaire, de go-between, de patient identifié, désigné – et même surdésigné quand l’institution le prend. Elles nous permettent de comprendre la passivité déprimée, l’agressivité passage à l’acte, le symptôme énurésie, anorexie, boulimie, retard scolaire, etc. Certains professionnels sérieux et compétents haussent les épaules, mais les familles réunies avec nous le montrent chaque fois.
Extraits
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