Un bon vieux Noël à l’ancienne
À chaque fête de Noël, tôt ou tard, alors même que tout se déroule au mieux, il y aura toujours quelqu’un pour fermer les yeux, pencher la tête en arrière et ronchonner à voix basse :
– Ah, quand même, ce n’est plus comme avant. On dirait bien que ces bons vieux Noëls d’antan ne reviendront plus.
Ce à quoi, de mon coin de la pièce, je réponds généralement :
– Tant mieux ! Ça me convient très bien !
Quant à savoir ce qu’il entend précisément par « bon vieux Noël d’antan », vous n’arriverez jamais à lui faire dire.
– Plein de neige, marmonne-t-il, et plein de nourriture.
Pourtant, si vous vous y prenez comme il faut, rien ne vous empêche aujourd’hui encore de vous procurer de la neige et de la nourriture en abondance. Enfin, au moins de la neige.
Et puis subsiste cette idée tenace qu’un bon vieux Noël à l’ancienne doit nécessairement se dérouler à la campagne. Que vous ayez réellement été élevé dans une ferme ou que votre fantasme d’un Noël rural provienne d’images glanées dans de vieux numéros de Harper’s Young People n’y change rien : vous ne pouvez vous empêcher d’expliquer aux gens que c’est dans cet environnement qu’enfant vous passiez vos vacances de Noël. Et que, à votre grand regret, ces jours bénis ont disparu à jamais !
Eh bien supposons qu’un jour votre vœu se réalise. Imaginons, par exemple, que la famille de votre femme, qui vit à East Russet, tout là-haut dans le Vermont, vous écrive pour vous inviter, avec les enfants, à venir passer ensemble un bon vieux Noël traditionnel, « pendant qu’on est tous encore là », ajoutent-ils gaiement, avec ce don qu’ils ont pour mettre tout le monde de bonne humeur.
Hourra ! Hourra ! On part à la campagne pour fêter Noël ! Fourrez dans les valises tous les vêtements chauds qui traînent dans la maison, parce que vous allez en avoir besoin ; là-haut, l’air est pur et glacé. Des raquettes pour marcher dans la neige ? Oui, prenez-les aussi… ou plutôt non, donnez-les à papa, il les portera. Quelle joie ! Prenez aussi des grelots à faire tinter au cas où il n’y en aurait pas assez sur le traîneau. Et du whisky pour soigner les engelures. À moins que le whisky ne soit pour les morsures de serpent, j’ai un doute… Qu’importe, emportez-en ! On est partis ! Au revoir, tout le monde ! Au revoir ! DING-DONG-DING-DONG-DING-DONG-ding-dong-ding-dong-ding-dong !
Pour vous rendre à East Russet, vous prenez le Vermont Central jusqu’à Twitchell’s Falls, puis vous effectuez le changement pour Torpid River Junction, où une voie secondaire vous conduit tout droit à Gormley. À Gormley, vous trouvez une carriole pour vous ramener à Torpid River Junction. Dans l’intervalle, un train ou autre chose s’est arrêté en gare, qui attend l’arrivée de l’omnibus en provenance de Besus. En attendant vous aussi le train local, vous aurez largement le temps d’envoyer votre petit garçon à l’école, de sorte qu’il puisse finir son année de CM1.
Extraits
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