Préface
Marie-Christine Cabié
Certains pourraient être surpris par le thème même de cet ouvrage. En quoi les théories développées par Jean Piaget peuvent-elles être utiles dans les thérapies de couple ? Que peuvent-elles apporter sur le plan épistémologique à l’approche systémique ?
Voilà déjà une dizaine d’années, lors d’un trajet en train entre Neuchâtel et Genève, j’ai eu l’occasion d’écouter Olivier Real del Sarte parler de l’œuvre de Piaget, de la façon dont il l’utilisait dans sa pratique de thérapeute de famille et de couple d’orientation systémique. Son enthousiasme a su éveiller ma curiosité et mon intérêt pour toute une partie fondamentale et pourtant moins connue de l’œuvre de Piaget que ne le sont ses études sur le développement de l’enfant.
Par la suite, nos discussions théoriques et cliniques ont confirmé la pertinence de cet apport pour la compréhension des échanges au sein des familles et des couples, et pour la pratique clinique.
Au cours de notre parcours professionnel, nous avons tous été confrontés à des situations conflictuelles au sein des couples et des familles, situations qui nous ont semblé inextricables. Souvenez-vous… Chacun des protagonistes reste campé sur sa position, sur sa vision des difficultés, sur son bon droit. Rancœur et agressivité sont au premier plan. Il n’est pas possible de faire de place pour l’autre. Toute empathie a disparu. Le couple, la famille tente de nous mettre dans une position de juge, position impossible dans laquelle nous savons bien que nous ne pouvons qu’échouer.
Jacques et Laurence viennent pour une première consultation de thérapie de couple. Ils amènent avec eux leur fils Damien âgé de 3 ans. C’est Laurence qui prend la parole. Ils viennent sur les conseils de son psychiatre parce qu’ils n’arrivent plus à se parler. Elle est suivie depuis longtemps en psychiatrie pour des troubles bipolaires. Jacques est également suivi en psychiatrie en injonction de soins. Il est sorti de prison il y a un an. Il est présenté comme alcoolique, ancien toxicomane par Laurence.
Très rapidement, ils brossent le tableau suivant : le couple se connaît depuis environ cinq ans. Ils ont eu une relation pendant un an avant l’incarcération de Jacques. Ils ne vivaient pas ensemble. Au moment de l’incarcération de Jacques, Laurence s’est rendu compte qu’elle était enceinte alors qu’elle se pensait stérile. Elle a soutenu Jacques pendant toute la durée de sa détention. Elle a un bon souvenir des parloirs au cours desquels il se montrait affectueux avec elle.
Depuis qu’il est sorti, il ne montre plus d’affection à son égard. Ils vivent tous les trois dans un studio et ont peu d’espace pour leur couple. Les reproches sont au premier plan. Il a l’impression de ne rien faire correctement. Depuis un mois, il a bu à deux reprises et est revenu saoul au domicile, ce qu’elle ne supporte pas, ayant eu un père alcoolique.
Extraits
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