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Développement durable-Ecologie
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AVANT-PROPOS
Que s’est-il passé au juste sur Terre depuis un quart de millénaire ?
L’Anthropocène.
L’Anthropo-quoi ?
L’Anthropocène : nous y sommes déjà, alors autant apprivoiser ce mot barbare et ce dont il est le nom. C’est notre époque. Notre condition. Cette époque géologique est devenue notre histoire depuis deux siècles et quelques. L’Anthropocène, c’est le signe de notre puissance, mais aussi de notre impuissance. C’est une Terre dont l’atmosphère est altérée par les 1 400 milliards de tonnes de CO2 que nous y avons déversées en brûlant charbon et pétrole. C’est un tissu vivant appauvri et artificialisé, imprégné par une foule de nouvelles molécules chimiques de synthèse qui modifient jusqu’à notre descendance. C’est un monde plus chaud et plus lourd de risques et de catastrophes, avec un couvert glaciaire réduit, des mers plus hautes, des climats déréglés.
Proposé dans les années 2000 par des scientifiques spécialistes du « système Terre », l’Anthropocène est une prise de conscience essentielle pour comprendre ce qui nous arrive. Car ce qui nous arrive n’est pas une crise environnementale, c’est une révolution géologique d’origine humaine.
Ne jouons pas les vierges effarouchées : les entrepreneurs de la révolution industrielle qui nous ont fait entrer dans l’Anthropocène ont appelé de leurs vœux et activement façonné cette nouvelle époque. Saint-Simon, chantre de ce qui s’appelait déjà « l’industrialisme », affirmait ainsi dès les années 1820 que :
« l’objet de l’industrie est l’exploitation du globe, c’est-à-dire l’appropriation de ses produits aux besoins de l’homme, et comme, en accomplissant cette tâche, elle modifie le globe, le transforme, change graduellement les conditions de son existence, il en résulte que par elle, l’homme participe, en dehors de lui-même en quelque sorte, aux manifestations successives de la divinité, et continue ainsi l’œuvre de la création. De ce point de vue, l’Industrie devient le culte ».
Son pendant pessimiste, Eugène Huzar, prédisait en 1857 :
« Dans cent ou deux cents ans le monde, étant sillonné de chemins de fer, de bateaux à vapeur, étant couvert d’usines, de fabriques, dégagera des billions de mètres cubes d’acide carbonique et d’oxyde de carbone, et comme les forêts auront été détruites, ces centaines de billions d’acide carbonique et d’oxyde de carbone pourront bien troubler un peu l’harmonie du monde. »
Ce livre se propose de penser cette nouvelle époque à travers les récits que l’on peut en faire. Il appelle à de nouvelles humanités environnementales concourant à renouveler nos visions du monde et nos façons d’habiter ensemble la Terre. Les scientifiques accumulent des données et des modèles qui nous situent au-delà du point de non-retour à l’Holocène sur la carte des temps géologiques. Ils produisent des chiffres et des courbes qui désignent l’humanité comme une force géologique majeure. Mais ces courbes dramatiques, quel récit peut leur donner sens ?
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