Editeur
Genre
Développement durable-Ecologie
AVANT-PROPOS
Ma première rencontre avec Vandana Shiva m’a fait l’effet d’une douche froide. Un matin d’avril 2010, je la rejoignais à l’occasion d’un procès très suivi par les médias indiens. Son accueil pressé et sans chaleur, son mépris manifeste de notre emploi du temps m’avaient exaspéré. Chaque jour, à l’heure prévue pour notre entretien, elle était absente ou sautait sous mon nez à l’arrière d’une voiture et disparaissait sans prévenir. Il arrivait qu’une demi-heure plus tard, je voie son visage surgir sur les écrans de télévision. Sur le plateau de CNN, altière et impeccable dans son sari, posant un regard déterminé sur ses interlocuteurs et déroulant ses démonstrations implacables. Au bout de trois jours, j’ai menacé de rentrer en France. Après un silence, le comportement de Vandana a changé radicalement. Cette femme aime la franchise et ne hait rien autant que l’affabilité. Depuis, nos relations n’ont pas cessé de s’améliorer au point de se transformer, au fil de nos rencontres, en amitié.
J’ai compris par la suite ma méprise des débuts : la défense de l’environnement en Inde s’est muée ces dernières années en un conflit d’une violence inouïe, avec son lot de villages brûlés, d’enlèvements, de déplacements de populations et de tortures. À Delhi, le bureau de Vandana Shiva est un camp retranché dont les mondanités et le bavardage sont exclus. La guerre des matières premières qui sévit dans le Centre de l’Inde a déjà fait plusieurs milliers de morts. Plus à l’ouest, une nouvelle vague de suicides s’abat chaque année sur la ceinture cotonnière du sous-continent, où un nombre croissant de fermiers accablés par les dettes finissent par se donner la mort (plus de 284 000 entre 1995 et 2012), souvent en buvant les pesticides qui les ont ruinés. La réalité quotidienne de Vandana Shiva relève donc d’un engagement total dans un combat où chaque heure se compte en hectares de terres pillées, en familles expropriées ou ruinées, et finalement en vies humaines. Où chaque année perdue profite aux lobbys et nous rapproche d’un point de non-retour, tant pour le dérèglement du climat qu’en matière de biodiversité ou d’épuisement des ressources.
Aujourd’hui, entre deux conférences, procès ou manifestations, Vandana ne s’étonne plus de me trouver assis à ses côtés dans un avion, un train ou lorsqu’elle croit trouver refuge, une tasse de tchaï à la main, sur la terrasse de son centre écologique. Avec un regard amusé, elle me réprimande par avance pour mon interview trop longue dans son emploi du temps. Elle m’accueille pourtant d’un sourire complice, prête à écouter mes questions, engager la conversation et m’ouvrir les portes de sa vie et de son entourage familial, professionnel et politique. Puisse cette personnalité hors norme vous fasciner autant que moi.
PRÉFACE :
SOUVERAINETÉ ALIMENTAIREET AGROÉCOLOGIE
Extraits
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