#Essais

La Guerre d'Algérie expliquée à tous

Benjamin Stora

La guerre d’Algérie (1954-1962) fut le grand épisode traumatique de l’histoire de la France des Trente Glorieuses. Et les blessures ouvertes alors ne sont pas encore refermées, comme en témoignent les polémiques mémorielles récurrentes qu’elle continue de soulever. Né à Constantine en Algérie, l’historien Benjamin Stora raconte ici cette guerre longtemps restée "sans nom", ses épisodes majeurs (des massacres de Sétif à la politique de terreur de l’OAS, en passant par le putsch des généraux et la répression en métropole) et ses acteurs principaux, français comme algériens. Il restitue cette histoire dans toute sa complexité en rendant compte des acquis et débats de la recherche historique la plus récente, par exemple en racontant comment la guerre fut vécue du côté algérien. Enfin, il revient sur les séquelles politiques et mémorielles de cette guerre de huit ans des deux côtés de la Méditerranée.

Par Benjamin Stora
Chez Seuil

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Editeur

Seuil

Genre

Histoire de France

 

 

 

 

– Tu avais quel âge au moment de la guerre d’Algérie ? En as-tu des souvenirs ?

 

– Je suis né en Algérie en 1950. J’ai donc grandi pendant cette guerre. Elle s’est déroulée quand j’avais entre 4 et 11 ans. J’ai beaucoup de souvenirs de cette période, certains très vifs, d’autres plus flous, comme le sont parfois les souvenirs d’enfance. Je garde en mémoire des sensations, des émotions, des odeurs, la délicieuse tfina (le plat des Juifs de Constantine, ma ville de naissance), les pique-niques sur la plage de Stora… Mais aussi des souvenirs plus douloureux, comme les drames qui ont touché ma famille. Je me souviens particulièrement du moment où nous avons quitté l’Algérie avec mes parents et ma sœur, en juin 1962.

 

 

 

– Pourquoi êtes-vous partis ?

 

– Nous sommes partis parce que nous étions des Français d’Algérie et, lorsque l’Algérie est devenue indépendante, nous avons « suivi la France ». Nous sommes venus vivre en métropole, c’est-à-dire le territoire français au sens strict du terme. Mais cela n’a pas été facile. Mes parents étaient déchirés. Fallait-il rester ? Partir ? Ils ont hésité jusqu’au bout. Partir signifiait abandonner la terre de leurs ancêtres, l’endroit où ils vivaient et travaillaient. Finalement, je pense qu’ils ont quitté l’Algérie parce que tous les autres – leurs amis, leurs connaissances – partaient. Ils ont suivi le mouvement, avec beaucoup de chagrin. Moi, j’étais un enfant et je savais que c’était un exil sans retour, que je laissais derrière moi le pays qui m’avait vu naître.

Mais aujourd’hui, mon travail d’historien, c’est de prendre de la distance par rapport à mes souvenirs personnels, mon cas individuel, pour raconter une histoire beaucoup plus large. Une histoire qui concerne les peuples de France et d’Algérie, et qui a encore de fortes répercussions aujourd’hui. J’essaye de comprendre, et de faire partager mes connaissances sur cette guerre, qui a arraché des gens à leur terre natale et qui a permis aux Algériens d’arracher leur indépendance. Je pense que ce mot « arrachement » est l’un de ceux qui permettent de définir la guerre d’Algérie.

 

 

 

– Quand la guerre d’Algérie a-t-elle commencé ?

 

– La date que l’on retient généralement pour le déclenchement de la guerre est le 1er novembre 1954. Cette nuit-là, 30 attentats sont commis contre des postes de police ou des casernes militaires, symboles de la présence coloniale française, en plusieurs endroits du territoire algérien. L’insurrection entraîne la mort de 7 personnes, parmi lesquelles un instituteur et un Caïd (chef musulman représentant l’autorité française). Les journalistes français qui relatent cette nuit de violence la surnomment alors la « Toussaint rouge ». Bien sûr, le fait que ces attentats (explosions, incendies, attaques de commandos) soient commis presque au même moment indique qu’il s’agit d’une action concertée, organisée par un même groupe d’hommes.

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23/02/2012 144 pages 8,90 €
Scannez le code barre 9782020812436
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