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Chaud-froid

Il l’avait repérée au rayon plats cuisinés. La blouse obligatoire se tendait agréablement sur ses hanches quand elle se penchait dans les bacs. Lui trimbalait des chariots entiers de surgelés entre la réserve et le magasin. Bientôt, ils échangèrent des regards, se mirent à discuter de la pluie et du beau temps, du film d’hier soir. Elle était si appétissante avec son décolleté bien garni que les clients du magasin s’attardaient quand elle tenait la caisse. Un après-midi de désœuvrement, elle lui demanda de l’aider à accrocher des affiches de promo au mur. Apercevoir le haut de ses cuisses crémeuses moulées dans des Dim Up en haut de l’escabeau le rendit fou. À la pause, il l’embrassa sans préambule, dans le local réservé aux employés. Elle lui rendit un baiser mentholé par son chewing-gum et ils se caressèrent à travers leurs habits, tremblants à l’idée d’être découverts par le directeur du magasin qui jouait les dic- tateurs nord-coréens. Pourtant ils s’enhardirent et firent l’amour où ils pouvaient. Dans le local déserté, à la hussarde, sur les bacs quand le magasin fermait. Il lui fit découvrir la réserve à moins 18. On y pénétrait avec une parka, un bonnet, des gants. Cela ne semblait pas refroidir ses ardeurs même si, forcément, dans ce climat sibérien, il rencontrait quelques difficultés. Ils s’arrangèrent autrement. Elle le surprit un jour avec une boîte d’esquimaux. Tout employé qui se nourrissait dans l’établissement risquait le renvoi immédiat. Mais la coquine avait d’autres projets. Avec les glaces, elle lui agaça le bas du dos, la pointe des seins, le creux de l’oreille. Le contraste avec la chaleur de son corps l’excitait. Il lui rendit la pareille avec des asperges vertes, des canapés apéritifs, des mini- glaçons de gaspacho qu’il s’amusait à glisser dans son soutien-gorge. Ils sortaient de leurs joutes érotico-alimentaires tout tachés, mouillés et gloussant comme des lycéens.

Puis elle lui annonça avoir trouvé un autre poste, dans un grand magasin. C’était quand même mieux que de s’abîmer les mains à manipuler des steaks surgelés ! Ils se verraient chez elle, ou chez lui, voilà tout. Quand il pénétra dans son studio couleur tarama, les peluches et les coussins Hello Kitty, les bougies au parfum lourd l’embarrassèrent. 

Dans le lit tout rose, il perdit ses moyens. Elle aussi semblait s’ennuyer, fixant le plafond. Ils essayèrent bien de s’aimer près du petit frigo, mais cela ne marchait pas. D’un commun accord, ils déci- dèrent de se séparer. Tempérées, les températures avaient eu raison de leur amour.