L’auto-édition : un marché protéiforme en constant mouvement

Quand on parle d’auto-édition, on avance souvent l’exemple de Marcel Proust comme illustrant le fait que même les meilleurs, les plus grands, ont pu commencer par une publication à compte d’auteur, faute d’être immédiatement reconnus par de grandes maisons. Mais quand est-il réellement ?

Le 07/06/2022 à 10:38 par Victor De Sepausy

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Publié le :

07/06/2022 à 10:38

Victor De Sepausy

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En termes d’édition, les possibilités sont multiples, voire aujourd’hui démultipliées avec le développement des supports numériques qui permettent d’éviter l’impression de dizaines de livres qui ne seront jamais vendus. A côté des maisons d’édition à compte d’éditeur, des plus connues  aux plus petites structures plus confidentielles, une myriade d’entités a progressivement émergé durant les dernières décennies. Et les modèles économiques et commerciaux sont devenus pluriels.

On ne peut plus parler simplement d’une distinction pure entre les maisons qui publient à compte d’éditeur et celles qui publient à compte d’auteur. Le terme auto-édition est d’ailleurs aujourd’hui utilisé également pour caractériser des modèles qui sont en réalité très divers. Cela peut aller de l’édition à compte d’auteur classique à la création de sa propre maison, en passant par des modèles hybrides où une structure prend en charge une partie des services que l’on attend des maisons qui travaillent à compte d’éditeur.

Deux modèles que tout oppose ?

Les critiques des écrivains existent d’ailleurs envers les deux grands types de modèles. Pour certains, dans les grandes maisons, on ne s’occupe de communiquer qu’autour des productions des pointures qui vendent les livres par centaines de milliers. Et les auteurs plus confidentiels doivent se contenter d’une poignée de services de presse et d’un plan de communication des plus succincts. Quant aux revenus, l’écrivain, qui fait le gros du travail, se contenterait des miettes laissées par l’éditeur, le diffuseur et le vendeur… 

Pour d’autres, les boutiques qui proposent une édition à compte d’auteur ne sont là que pour tirer profit des recalés du grand marché, ceux dont les manuscrits n’ont pas été distingués par les grands noms de la place parisienne. Il s’agirait alors simplement d’un miroir aux alouettes. Et toute une stratégie commerciale serait mise en oeuvre pour faire croire à ces écrivains en herbe qu’ils vont enfin sortir de l’ombre grâce à leurs propres moyens et que, rapidement, la magie va opérer. Enfin, leur talent sera reconnu. Proust est à l’esprit de tous. 

Des succès nés dans l'auto-édition

Cependant, entre ces deux tableaux, la réalité paraît plus complexe. On connaît aujourd’hui de nombreux écrivains qui sont nés d’un premier succès sur les réseaux, à partir de publications très singulières, avant d’être repérés et publiés par une grande maison. L’histoire d’Agnès Martin-Lugand a de quoi faire rêver. Elle fait le choix de la plate-forme Kindle pour publier son premier roman, Les gens heureux lisent et boivent du café fin 2012. Des blogueurs littéraires la repèrent rapidement et ce sont les éditions Michel Lafon qui prennent la suite avec le succès que l’on sait. 

Dans le monde de l’auto-édition, on a toujours des structures qui proposent la possibilité la plus simple : la mise en page de votre manuscrit et l’impression d’un certain nombre d’ouvrages au format papier. A vous ensuite de chercher à les distribuer à vos amis et d’en placer dans les librairies qui vous entourent. Le succès viendra ou ne viendra pas.

Etre édité sans avoir à en payer le prix

Mais, avec le développement du numérique, les offres se sont multipliées, complexifiées même. Amazon occupe une place de choix dans l’édition au format numérique. Toutefois, d’autres acteurs sont présents sur le marché, comme les Editions du net qui se sont fait connaître avec un slogan accrocheur (« Editez votre livre gratuitement en quelques clics »). Pas de publicité mensongère : il s’agit d’une interface simple et on gagne de l’argent dès le premier livre vendu, une commission étant prise par la structure, mais uniquement en cas de vente.

D’autres structures proposent des packs différents, du plus simple au plus fourni, qui peut comprendre un accompagnement dans la mise en page, dans l’écriture, ou encore dans la communication. A chacun de déterminer ce qui lui correspond, ce qu’il souhaite prendre en charge ou déléguer. Quand on sait que douze millions de Français aimeraient écrire un livre, selon un sondage Odoxa, le marché paraît considérable. Même si, en réalité, ils ne seraient que 5 % à concrétiser leur rêve. 

Créer sa propre maison d'éditions 

Autre choix possible : faire le chemin inverse de celui parcouru par Agnès Martin-Lugan. C’est l’expérience conduite par Joël Dicker, un des écrivains francophones les plus lus, avec des ouvrages écoulés régulièrement à plus de cinq cent mille exemplaires. La Vérité sur l’affaire Harry Quebert, sorti en 2012, culmine même à cinq millions d’exemplaires. 

Pourtant, pour publier son dernier titre, L’Affaire Alaska Sanders, l’auteur genevois n’a pas hésité, en quittant les éditions de Fallois, à faire un choix iconoclaste. Il lance sa propre maison d’édition, dénommée Editions Rosie & Wolfe, en empruntant là le prénom de sa femme et le nom d’un de ses grands-pères. Suivant le précepte qui dit qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, Joël Dicker cultive ainsi une forme d’indépendance.

C'est aussi ce qu'a fait Marc-Edouard Nabe, après le long conflit qui l'a opposé à son éditeur, les éditions du Rocher. L'écrivain, adepte des polémiques, ne s'est pas privé de tirer à boulets rouges sur l'édition classique, en créant en 2010 une plateforme internet et le terme d'"anti-édition" qu'il s'amuse à définir comme "une auto-édition pour un auteur déjà connu".

Entre entreprise et association, mon coeur balance

Mais c’est aussi un choix fait par de jeunes écrivains qui, n’arrivant pas à accéder à de grandes maisons, choisissent de créer leur propre structure d’édition, tout en fédérant autour d’eux quelques autres écrivains qui peuvent ainsi aussi bénéficier des services mis en place.

C’est parfois sous la forme d’une association, au cadre moins contraignant que celui d’une entreprise, que la maison fait ses premiers pas, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes. En effet, sur le marché, on retrouve en concurrence des livres édités dans un cadre associatif et d’autres, relevant de structures commerciales. 

Crédits illustration Pexels CC 0

 
 
 
 
 
 
 
 

2 Commentaires

 

Rieg Davan

08/06/2022 à 02:48

C'est une très bonne chose que l'auto-édition (Impossible Jones / Sparrow / Stud and the Bloodblade / Chronoctis Express) ou les très petits éditeurs comme Vault Comics.

Doubroff

14/06/2022 à 13:45

Conscient du nombre de livres écrits, parmi lesquels certain justifiant une audience, conscient également du fait qu'ecrire est un acte assez vertigineux qui tente de prendre "la vie en main" par des mots et des histoires qui chacune ne la prenne que partiellement (la vie), je crois qu'il est lucide de savoir que l'on écrit d'abord pour soi (sauf ceux qui n'ont pas compris le vertige et qui, pourquoi pas, préfèrent l'étude de marché )...les écrivains se retrouvent alors comme de simples mais vaillants chanteurs des rues (ce que je suis aussi) en quête de possibles ami (e)s et plus exactement correspondant qui donnent une même définition au mot "vertige". Mot qui souffre la répétition. Je ne me relis pas et laisse ce mini texte en l'état...celui d'un baiser volé

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