#Roman francophone

Les fabuleuses tribulations d'Arthur Pepper

Phaedra Patrick

Aujourd'hui, tout lui semblait plus lent. Arthur sentait bien que ses genoux grinçaient, et il aurait juré qu'il commençait à se tasser. Ses cheveux bruns avaient désormais la blancheur des colombes et le bout de son nez rougissait de jour en jour. Quand le jeune homme d'antan s'était-il métamorphosé en vieillard ? Il aurait été bien en peine de le dire. Comme tout Anglais qui se respecte, Arthur boit son thé à heure fixe. Mais depuis qu'il a perdu sa femme, rien ne va plus. Il se calfeutre chez lui et essaie d'échapper aux visites de son envahissante voisine, qui, faute de pouvoir le réconforter s'est mis en tête de le nourrir. Lorsqu'il consent enfin à se séparer des affaires de sa défunte épouse, Arthur trouve un bracelet qu'il n'avait jamais vu auparavant. Les charmes suspendus à ce bijou constituent autant d'énigmes qui lui donnent envie de mener l'enquête. Que sait-il vraiment de celle qui a partagé sa vie pendant plus de quarante ans ? En entreprenant ce fabuleux voyage sur les traces de sa femme, Arthur va au-devant de surprenantes révélations.

Par Phaedra Patrick
Chez Milady

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Editeur

Milady

Genre

Littérature érotique et sentim

Pour Oliver

 

 

Chapitre premier

 

UNE SURPRISE DANS L’ARMOIRE


Arthur se levait chaque matin à 7 heures, comme lorsque sa femme, Miriam, était encore en vie. Il se douchait, enfilait le pantalon gris, la chemise bleu clair et le pull-over moutarde sans manches qu’il avait mis de côté la veille, se rasait, puis descendait au rez-de-chaussée.

À 8 heures, il se préparait un petit déjeuner en piochant parmi les restes dans son réfrigérateur, puis s’asseyait à la table en pin campagnarde qui, au lieu des six convives qu’elle pouvait accueillir, ne se faisait plus l’hôte que de lui seul. À 8 h 30, il s’occupait de sa vaisselle, puis essuyait son plan de travail de la paume, avant de le briquer à l’aide de deux lingettes antibactériennes Cif parfumées au citron. Sa journée pouvait alors commencer.

Tout autre matin ensoleillé de mai, il se serait réjoui de voir le soleil déjà radieux : quelle meilleure opportunité pour désherber et bêcher le jardin, les rayons du jour réchauffant sa nuque et léchant son cuir chevelu dégarni jusqu’à ce qu’il rosît et le picotât agréablement ? Voilà qui lui aurait rappelé qu’il respirait encore et poursuivait sur cette Terre son petit bonhomme de chemin.

Mais aujourd’hui, le 15 de ce mois, la donne était toute différente : le jour s’était levé sur cet anniversaire qu’il appréhendait depuis des semaines, cette commémoration dont la date le dévisageait chaque fois qu’il passait près de son calendrier « Envoûtant Scarborough ». Il la défiait du regard quelques secondes, puis s’efforçait de se trouver quelque menue besogne pour ne plus y penser : arroser sa fougère, Frederica, ou ouvrir la fenêtre de sa cuisine pour déloger d’un « Ouste là ! » les matous des voisins occupés à reconvertir en litière les gravillons de son jardin minéral.

Cela faisait un an, jour pour jour, que sa femme était morte.

Les gens préféraient dire d’elle qu’elle était « partie », comme si le mot « morte » avait quelque chose de blasphématoire. « Partie ». Arthur ne supportait pas cette formulation. Elle avait quelque chose de doux, de délicat : une péniche voguant, paisible, sur l’onde frémissante d’un canal ou une bulle de savon flottant dans la lumière d’une journée sans nuages, oui, c’était délicat, mais la mort de sa femme n’avait rien eu de cette douceur-là.

Après plus de quarante ans de mariage, voilà qu’il se retrouvait seul dans cette maison de trois chambres avec cette salle d’eau que leurs adultes d’enfants, Lucy et Dan, leur avaient conseillé de faire installer avec l’argent de leur pension. La cuisine en hêtre véritable, refaite à neuf, disposait d’une cuisinière qui, avec ses boutons et autres options futuristes, aurait tout aussi bien pu avoir été dérobée à la NASA ; d’ailleurs, Arthur ne l’utilisait jamais, de peur de voir la maison filer droit vers la Lune. Comme les rires lui manquaient, ici… Les bruits de pas dans l’escalier, aussi, et même les claquements de portes ; il aurait tant aimé redécouvrir des piles de vaisselle sur le plan de travail et trébucher dans l’entrée sur des bottes en caoutchouc couvertes de gadoue. Les « bottes à patouille », comme les appelaient les enfants… Le silence de sa solitude était plus assourdissant que la somme entière du chaos sonore familial qui, autrefois, lui tirait des grognements.

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23/09/2016 320 pages 18,20 €
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