Bas les coeurs!
La guerre a été déclarée hier. La nouvelle en est parvenue à Versailles dans la soirée. M. Beaudrain, le professeur du lycée qui vient me donner des leçons tous les jours, de quatre heures et demie à six heures, m'a appris la chose dès son arrivée, en posant sa serviette sur la table. Il a eu tort. Moi qui suis à l'affût de tous les prétextes qui peuvent me permettre de ne rien faire, j'ai saisi avec empressement celui qui m'était offert. Ah ! la guerre est déclarée ! Estce qu'on va se battre bientôt, monsieur ? Pas avant quelques jours, a répondu M. Beaudrain avec suffisance. Un de mes amis, capitaine d'artillerie, que j'ai rencontré en venant ici, m'a dit que nous ne passerions guère le Rhin avant un huitaine de jours. Alors, nous allons passer le Rhin ? Naturellement. Il est nécessaire de franchir ce fleuve pour envahir la Prusse. Alors, nous envahirons la Prusse ? Naturellement, puisque nous avons 1813 et 1815 à venger. Ah ! oui, 1813 et 1815 ! Après Waterloo, n'estce pas, monsieur ? Quand Napoléon a été battu ? Napoléon n'a pas été battu. Il a été trahi, a fait M. Beaudrain en hochant la tête d'un air sombre. Mais donnezmoi donc votre devoir ; c'est un chapitre des Commentaires, je crois ?
07/2023