Certaines facultés sont restées bloquées jusqu’à cinq semaines par les étudiants en grève. Ce conflit est né en réaction de la loi votée cet été sur la réforme des universités. Cette loi vise à donner plus d’indépendance aux universités et à faciliter l’entrée de fonds privés dans le budget des campus. De telles propositions ont fait ressortir des craintes toujours latentes chez les étudiants : hausse des frais d’inscription, disparitions programmées de filières dites « non rentables » et soumission des enseignements universitaires aux demandes des entreprises privées.
Valérie Pécresse n’a pas souhaité entrer dans de véritables négociations sur un changement de fond de la réforme. Ce conflit a été aussi nettement moins présent que celui généré par le C.P.E. sur la scène médiatique, ce qui a fortement contribué à le rendre inopérant.
Néanmoins, après le retour au travail des étudiants, la ministre a tenu à présenter un plan de réussite qui se veut être comme une sorte de contrepartie à l’acceptation de la précédente réforme.
Appelé « Réussir en licence », il vise à s’attaquer au problème de l’échec des étudiants en première année. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 52% des 280000 étudiants qui entrent à l’université échouent à l’issue de la première année.
C’est un problème qui revient sans cesse sur la table depuis des années, et déjà lorsque François Bayrou avait été ministre de l’Éducation Nationale et de l’Enseignement supérieur lors du gouvernement d’Alain Juppé (du 18 mai au 7 novembre 1995), un système de tutorat avait été mis en place : les élèves de licence aidaient les premières années à mieux s’organiser.
J'ai deux amours, le tutorat et les programmes...
Pour sa part, Valérie Pécresse revient sur le principe du tutorat mais en le renforçant. Ainsi, chaque étudiant pourra bénéficier de cinq heures hebdomadaires d’encadrement pédagogique supplémentaire. Cela afin de pallier le premier problème de la transition lycée - université : les élèves se retrouvant livrés à eux-mêmes n’arrivent pas à se gérer correctement ni à utiliser les bonnes méthodes de travail.
Autre volet du programme : instaurer « un contrat de réussite » entre l’étudiant et son professeur, ce dernier pouvant faire office de « tuteur » en cas de besoin. Les étudiants auront accès à des cours de soutien, en petits groupes, donnés par des étudiants en master et rémunérés pour l’occasion.
Les contenus des programmes sont également révisés. La première année, baptisée « fondamentale », sera pluridisciplinaire, avec davantage de culture générale, de cours de langue, d’économie et d’initiation aux techniques d’information. La deuxième année sera alors une étape de consolidation des connaissances permettant à l’étudiant de s’orienter vers une spécialisation.
Cette évolution des programmes n’est pas une nouveauté en soi. Cela fait depuis l’instauration de la semestrialisation (réforme Bayrou de l’université en 1995) que la première partie de l’année d’entrée à l’université est pluridisciplinaire. L’étudiant choisit ainsi sa spécialisation à l’issue du premier semestre (dit « d’orientation ») au vu des résultats obtenus dans les différentes matières. Valérie Pécresse propose d’étendre le système à l’ensemble de la première année. Néanmoins, le risque d’une telle réforme, risque qui était déjà présent dans la précédente, c’est d’éloigner encore davantage le moment où l’étudiant entre dans le vif de l’apprentissage du domaine de connaissances choisi.
Enfin, les bacheliers technologiques et professionnels ne sont pas oubliés ; ils auront la priorité pour l’accès aux IUT et aux STS (ex-BTS). Un "bonus financier" sera alloué aux établissements qui recruteront ces élèves.
« Diviser par deux le taux d’échec »
La ministre se donne pour objectif de « diviser par deux le taux d’échec » en première année d’université. 730 millions d’euros seront débloqués pour la période 2008-2012. Certaines des mesures proposées pourront entrée en vigueur dès février prochain (tutorat, heures de cours dédiées à l’encadrement pédagogique).
Voici donc une énième réforme qui vise à tenter d’endiguer le taux d’échec des étudiants en première année. On peut tout de même s’étonner du traitement de ce problème de façon déconnectée à la fois d’une vue d’ensemble du cursus scolaire (de l’école primaire au supérieur) et d’une analyse approfondie des attentes du marché du travail. Et pourtant, ce n’est que se voiler la face devant le fond du problème.
On peut toujours endiguer l’échec scolaire en première année de psychologie (pour ne citer que cette matière qui est cependant révélatrice d’un fonctionnement autarcique de l’université)…mais ce n’est que reculer l’échéance, car à la fin de leur cursus, ces étudiants se retrouveront avec un bagage universitaire décoté car acquis par un trop grand nombre par rapport à la demande du marché du travail. Ce problème est d’ailleurs depuis bien longtemps d’actualité. Beaucoup d’étudiants se plaignent d’arriver sur le marché du travail avec un master, voire deux, et de ne pas trouver de travail. Il existe ainsi des courants de pensées qui, a contrario de certains mouvements estudiantins, demandent à l’université de bien plus se tourner vers des formations réellement professionnalisantes…
La place est bonne
Si l’on s’amuse à interroger un échantillon représentatif d’étudiants inscrits en première année, on se rend compte aussi qu’un certain nombre est là pour se donner le temps de réfléchir, pour se chercher. Être étudiant leur donne un statut et des droits dont ils auraient bien tort de se passer (sécurité sociale, mutuelles, logements spécifiques, bourses, réductions diverses obtenues grâce à la carte étudiant). Inutile de dire qu’eux ne se sentent pas vraiment concernés par des cours de soutien.
Le problème initial est celui de l’orientation, et d’une orientation réaliste, qui se fonde aussi sur une écoute attentive des besoins du marché du travail. A quoi bon diplômer en masters peu recherchés par les employeurs des dizaines d’étudiants aux frais de l’État alors qu’on manque de personnes compétentes dans l’artisanat ou dans certaines branches de la santé et qu’on finit par être obligé de les faire venir de l’étranger à grands renforts de primes…
Le Monde donnait à lire il y a quelques jours, les réflexions de Jean Fabbri (secrétaire général du Snesup-FSU) sur une autre réforme possible. Je vous invite à aller découvrir son point de vue sur la réforme des universités de cet été.