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Hippolyte Auger

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Beaux arts

Picasso

A la fois biographique et réflexive, cette monographie cherche à répondre à un certain nombre de questions que soulèvent le tempérament artistique et l'oeuvre exceptionnelle de Picasso surgis à une époque non moins exceptionnelle. Picasso y est considéré en fonction de sa situation en son temps, au sens le plus large du mot, bien au-delà des amitiés et des rivalités strictement artistiques du milieu parisien et français. Lui-même par nombre de ses prises de position n'a-t-il pas affirmé qu'il refusait de s'enfermer dans l'atelier et se réservait le droit d'intervenir dans les affaires du monde - d'y réagir et de leur répondre ? C'est donc d'un Picasso résolument moderne parce que constamment et consciemment confronté à la modernité du monde qu'il s'agira de montrer : comment il laisse cette modernité pénétrer dans ses travaux - matériaux, images, techniques, inventions - et comment, en réaction contre elle, il donne forme picturale ou sculpturale à des archétypes - à des passions, à des pulsions- dont, à ses yeux en tout cas, la permanence atteste de l'intemporalité. Mouvement d'acceptation mouvement de refus : cette confrontation sans trêve est, peut-être, l'explication la plus satisfaisante que l'on puisse avancer de la volonté de changement qui l'a animé au point de laisser l'oeuvre la plus polymorphe et la plus diverse de toute l'histoire de l'art. La réflexion se développe ainsi en quatre mouvements. Le premier, qui s'achève peu avant que la Première Guerre Mondiale révèle la face terrible de la modernité scientifique et industrielle, est celui de l'ouverture à toutes les modernités. La traversée rapide des styles artistiques issus de la Renaissance - de ce qui a été l'art et son histoire jusqu'alors- conduit au moment critique par excellence : le primitivisme, qui peut être pensé comme la négation résolue du moderne, et le cubisme, qui apparaît à l'inverse comme son acceptation et la façon la plus radicale d'en tirer les conséquences plastiques. Le deuxième, dont la conjonction du cubisme et d'un dessin quasi ingresque à Avignon au début de l'été 14 marque le commencement et qui dure jusqu'au début des années 30, se caractérise à l'évidence par la simultanéité de pratiques et de styles si distincts qu'on peut les penser incompatibles, le post-cubisme qui ne disparaît pas, le "néo-classicisme" et l'invention d'une autre peinture encore. Cette période pourrait être dite celle de l'artiste "maître du monde" , puisque capable de donner à chaque sujet et à chaque sentiment sa forme visuelle la plus juste - maîtrise qui est aussi celle d'une "vedette" à la prospérité visible, soupçonnable d'embourgeoisement ; celle, en somme, d'un Picasso assuré de ses moyens et de sa logique, de sa position et de sa gloire. La troisième se place sous le signe des monstres, quand la maîtrise maintenue pendant une quinzaine d'années éclate sous la pression d'évènements publics et privés qui sont tous de l'ordre du désordre et du drame. Il n'y aura pas d'ordre, il n'aura que des tragédies. Il n'y a donc plus lieu de maintenir l'équilibre complémentaire entre plusieurs styles, mais de se précipiter dans l'expérimentation, du côté des terreurs et des crimes avec pour principaux compagnons les surréalistes et surtout André Breton. A moins que l'on ne veuille reconnaître dans l'oeuvre picassienne des années 30 et 40 quelque chose comme l'équivalent de l'analyse freudienne - celle du "malaise dans la civilisation" qui tourne à la catastrophe. Ces vérités montrées, que reste-t-il à faire ? D'une part à pousser à ses extrémités les plus affolantes l'expérience de la violence - ce qui a donné la "dernière période" de l'oeuvre selon les terminologies habituelles, longtemps la moins admise et la plus redoutée. Et d'autre part à démontrer par la reprise et la mise à nu de leurs toiles que les grands prédécesseurs de Picasso avaient donné de l'humanité des représentations qu'il suffit de durcir pour y reconnaître les scènes d'Eros et de Thanatos, les Femmes d'Alger et le Massacre des Innocents, le Déjeuner sur l'herbe et L'enlèvement des Sabines. Dans un monde occidental qui se glorifie de ses nouveautés et de sa prospérité, le vieux Picasso rappelle inlassablement - et non sans une cruauté désabusée- que l'histoire est vouée à finir par des désastres - y compris l'histoire de l'art du reste.

10/2008

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Sociologie

Pierre Bourdieu. Points de vue

Si la collection "Champ social" des éditions du Croquant réédite le n°47-48 de février -mars 2015 consacré à Pierre Bourdieu de la revue Regards sociologiques, c'est à la fois parce que ce numéro est devenu introuvable, mais surtout parce qu'il rassemble un dossier d'une grande diversité et d'une exceptionnelle densité. La revue Regards sociologiques avait consacré un numéro à Pierre Bourdieu pour honorer une dette symbolique à un chercheur dans lequel elle se reconnaissait et qui l'avait soutenue dès ses débuts, mais surtout parce qu'elle voyait, comme beaucoup d'autres, dans le travail de Bourdieu une contribution majeure au développement de la sociologie. Les contributions rassemblées dans cet ouvrage, agrémentées de l'oeuvre d'artistes qui se sont intéressés à Bourdieu, multiplient les perspectives sur son oeuvre : étude des conditions de production des enquêtes, des concepts et des modèles, développement des concepts-clés, construction d'un modèle cohérent de l'Etat, retour sur tel aspect de la domination masculine, explicitation de ce qu'implique un engagement politique réflexif, restitution de la vivacité de ses cours et de la cérémonie de remise de la médaille d'or du CNRS, exploration des rapports de Bourdieu avec l'oeuvre de Mauss, de Wittgenstein et de Marx, etc. Un premier ensemble d'articles montre dans quelles conditions Bourdieu réalise ses premiers travaux en Algérie où il est confronté aux effets du colonialisme, du racisme et de la guerre. La contribution d'Andrea Rapini retrace les déplacements de Bourdieu et de Sayad au cours de leur enquête sur Le Déracinement. Elle est complétée par un entretien de Tassadit Yacine avec Jacques Budin (un étudiant enquêteur de l'équipe de Bourdieu et de Sayad). Christian de Montlibert met en évidence un triple combat dans les travaux "algériens" de Bourdieu : contre la méconnaissance des cultures qui coexistent alors en Algérie, contre le mépris raciste et contre des conceptions politiques dont il pensait qu'elles risquaient d'obérer l'avenir. Dans le contexte des années 1980, Remi Lenoir s'interroge ensuite sur "le dit et l'écrit" dans l'oeuvre de Bourdieu : quel statut accorder aux transcriptions de ses cours et séminaires ? Comment restituer par écrit la vivacité verbale qui caractérisait Bourdieu enseignant ? A propos du discours qu'il prononce à l'occasion de la cérémonie de la remise de la médaille d'or du CNRS, Loïc Wacquant souligne l'accent qu'il met sur les tensions entre science, autorité et pouvoir, la puissance symbolique de l'Etat et les raisons qui conduisent le sociologue à s'engager dans le débat civique. Rémi Lenoir développe les différents niveaux impliqués dans le concept de capital social et montre l'importance qu'a eue pour Bourdieu l'oeuvre de Mauss. A propos du concept d'habitus Gaspard Fontbonne met en évidence les effets épistémologiques de la lecture de Wittgenstein. Quant à la domination masculine, Rose-Marie Lagrave éclaire les contradictions, paradoxes et malentendus engendrés par ce livre : il faut tenir compte, selon elle, du contexte scientifique et du rapport de Bourdieu aux recherches féministes. Un autre ensemble de travaux présente son modèle d'analyse de l'Etat et s'interroge sur l'engagement politique de Bourdieu. Patrick Champagne analyse le cheminement de Bourdieu pour penser la construction de l'Etat au fil d'un double processus de concentration des différentes espèces de capital dans un petit nombre de mains. En grande partie par le système scolaire, l'Etat unifie, homogénéise, standardise les manières de faire et de penser. A propos d'une intervention de Bourdieu sur la crise de l'Etat, Rémi Lenoir souligne l'importance qu'il attribuait aux transformations des représentations des agents dominants. Lucien Braun, alors directeur des Presses Universitaires de Strasbourg, questionne Bourdieu sur l'avenir de l'autonomie universitaire dans un contexte où l'édition universitaire est de plus en plus dépendante de groupes financiers. Cet ouvrage se clôture par des analyses de la dimension critique de la sociologie de Pierre Bourdieu qui n'a pas cessé d'insister sur la nécessité d'une démarche réflexive. Après avoir rappelé les prises de position "messianiques" de Marx sur l'avènement d'une société sans classes, Gérard Mauger souligne l'importance accordée par Bourdieu au "travail de représentation" dans toutes mobilisations collectives, à commencer par celle du "peuple" , objet de prédilection pour des intellectuels. Après avoir rappelé les confusions autour de l'appellation "sociologie critique" , Louis Pinto montre qu'elle n'est ni un accessoire, ni un abus de pouvoir, mais une sorte de nécessité qui conduit à s'interroger premièrement sur les pouvoirs, les limites et les prétentions de la connaissance, deuxièmement sur les capacités à dire le vrai des connaissances "indigènes" , troisièmement sur les effets de dévoilement de l'ordre social. Enfin ce livre est ponctué par le travail de deux artistes, Joëlle Labiche et Yves Carreau, qui offrent leurs interprétations des "regards" de Pierre Bourdieu : de ceux de prédécesseurs, de contemporains et de membres de ses équipes de travail.

10/2022

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Biographies

Charles de Foucauld, homme de science

Assassiné le 1er décembre 1916 alors qu'une insurrection de grande ampleur avait soulevé la majeure partie des populations du Sahara et du Sahel contre l'occupant français, Charles de Foucauld a inspiré dès avant sa mort les fabricants de littérature sulpicienne. Leur représentant le plus encombrant reste René Bazin, qui a publié en 1921 Charles de Foucauld, explorateur du Maroc, ermite au Sahara, monument de componctueuse et fate médiocrité dont Louis Massignon devait écrire dans une lettre du 16 septembre 1959 à Jean-François SixA : " Foucauld coule dans le gouffre de la bondieuserie S. A Sulpice. [... ] Il y a des jours où je regrette de n'avoir pas été réquisitionner pour sa "Vie" Louis Bertrand au lieu du mélibéen René Bazin. [... ] Il nous aurait épargné les bonbons de candi bénit de la rue de Sèvres. A " Le grand arabisant se faisait quelques illusions sur Louis Bertrand, si l'on en juge par un lamentable Saint Augustin publié en 1913. Quant à Jean-François Six, sirupeux et prolixe biographe de Foucauld, s'il a complaisamment rapporté la mise en garde de Massignon dans son Aventure de l'amour de Dieu (1993), il n'a pas su l'entendre. Le flot sulpicien ne s'est jamais tari jusqu'à aujourd'hui, charriant année après année des ouvrages qui ont épaissi plutôt qu'éclairci l'énigme d'une âme qu'on devine hantée par la mélancolie, la haine de soi, l'intransigeance et une sombre démesure. Quelques procureurs leur ont fait face, beaucoup moins nombreux mais pas plus respectueux des faits. On pouvait espérer que les choses changeraient une fois la béatification acquise, puisqu'il n'était dès lors plus besoin ni de défendre ni d'attaquer une cause désormais entendue, mais il n'en a rien été. La célébration du centenaire de sa mort a même transformé la cohorte des thuriféraires en une légion où le mélibéen a voisiné avec le savonarolesque. Plus récemment, les procureurs, jusque-là relativement discrets, ont vu leur zèle avivé par la vogue actuelle de déboulonnage de statues et la perspective de la canonisation prochaine de l'ermite de Tamanrasset. A en croire certains d'entre eux, Foucauld aurait été le " défenseur d'une guerre totale contre l'Allemagne lors de la Grande Guerre " ; pour d'autres, il aurait eu une " implication directe dans les opérations militaires coloniales contre les tribus rebellesA " et aurait été " l'auxiliaire incomparable " de Laperrine, commandant supérieur des territoires sahariens jusqu'en 1910. Il y a aussi ceux selon lesquels il aurait avancé des " idées en faveur d'une désorganisation des structures sociopolitiques touarèguesA ". Foucauld " défenseur de la guerre totale " ? Plaisante formule. Totale, la guerre l'était, et Foucauld ne pouvait qu'en prendre acte. Il est un fait qu'il envoyait des lettres exaltées à ses amis engagés sur le front, mais son exaltation restait épistolaire, car l'essentiel de son temps était consacré à la mise au net de ses travaux linguistiques. Ses journées de travail duraient souvent plus de onze heures, et le résultat en est une oeuvre dont il est difficile d'affirmer comme le font certains qu'elle est " indissociable de la conquête coloniale ". Car, dans les faits, elle s'en dissocie parfaitement. Ses lettres à ses amis sur le front, tout comme ses relations avec les officiers sahariens, font partie de l'époque et elles sont banales une fois remises dans leur contexte. En revanche, ses travaux linguistiques, c'est-à-dire, pour l'essentiel, les deux tomes de ses Poésies touarègues et les quatre tomes de son Dictionnaire touareg-français, sont encore une référence pour tous les spécialistes, y compris touaregs. C'est pour une bonne part à cette oeuvre qu'est consacrée le présent ouvrage. Quant à l'implication " directe " dans les opérations militaires, c'est une pure invention. Et les lettres à Laperrine ne justifient pas le qualificatif d'" auxiliaire incomparable " que Foucauld s'est vu décerner après leur parution. Surtout si l'on songe qu'elles datent d'un temps où Laperrine, revenu en France, n'avait plus aucune responsabilité au Sahara. L'ermite avait l'habitude d'informer ses amis officiers de la situation du Sahara, mais il n'était guère en cela qu'une sorte de gazetier dont les " renseignementsA ", qui mettaient plusieurs semaines à arriver à leurs destinataires, n'étaient ni exploitables ni d'un grand intérêt opérationnel. De plus, affirmer comme nous l'avons lu récemment que " ses renseignements fournis à l'armée coloniale ont influencé la stratégie de conquête du "pays touareg"A " est un anachronisme. Lorsque Foucauld atteint le pays touareg en février 1904, le chef et futur amenûkal Mûsa ag Amastan vient de signer un traité avec les militaires. En d'autres termes, la " conquête " était déjà chose faite avant même son arrivée sur place. Les seuls auxquels il est difficile de donner totalement tort sont ceux pour qui il aurait songé à désorganiser les structures sociopolitiques touarègues. Sauf à remarquer cependant, comme Paul Pandolfi le fait observer dans sa contribution, que les officiers qui seuls auraient été en mesure de procéder à cette réorganisation était d'un avis contraire, qui seul a prévalu. D'une manière générale, il n'avait guère d'influence sur ses amis militaires. Ainsi, le plan d'organisation de l'annexe du Tidikelt qu'il avait échafaudé est resté lettre morte, comme le remarque là encore Paul Pandolfi. De même, lorsque le sous-lieutenant Constant voulut donner suite aux propositions de Foucauld pour le réaménagement du fort Motylinski, il fut désavoué par son supérieur, le capitaine de La Roche, pour qui tout cela n'était qu'" hérésie tactique ". De même encore, la correspondance du lieutenant-colonel Meynier laisse deviner son scepticisme à propos de renseignements d'ailleurs très vagues transmis par Foucauld en août 1914. De toute façon, ni Foucauld ni ses supérieurs religieux n'avaient alors un quelconque pouvoir décisionnaire. Il ne pouvait que s'ouvrir de ses idées à ces intermédiaires, ces acteurs de terrain qu'étaient les officiers qui intervenaient alors dans l'Ahaggar. Mais, même dans les quelques cas où ces derniers relayèrent ses demandes, les autorités supérieures, tant à Alger qu'à Paris, y opposèrent une fin de non-recevoir. Voilà de quoi relativiser le rôle et l'influence politique de Foucauld. Voir en lui une sorte de maître à penser de la politique saharienne de la France et le lointain inspirateur de cette éphémère Organisation commune des régions sahariennes (OCRS) que la France créa en 1957 est manquer du sens des proportions. Pour ce qui est des idées coloniales, il les a assurément partagées. Mais ses avis tranchaient sur la bonne conscience alors de mise. C'est ainsi que, dans une lettre de 1912, il conseillait à Mûsa ag Amastan de faire apprendre le français aux siens, pour qu'ils " puissent, au bout d'un certain temps, jouir des mêmes droits que les Français, avoir les mêmes privilèges qu'eux, être représentés comme eux à la Chambre des députés, et être gouvernés en tout comme euxA ". Il ne concevait certes pas l'avenir des Touareg ailleurs que dans un ensemble français, mais au moins leur y assignait-il, à terme, celui de citoyens à part entière. En février 1956 encore, un président du Conseil s'est fait conspuer par les ultras d'Alger pour beaucoup moins que ça. Il écrivait aussi en cette même année 1912 : " Si, oublieux de l'amour du prochain commandé par Dieu, notre Père commun, et de la fraternité écrite sur tous nos murs, nous traitons ces peuples [colonisés] non en enfants, mais en matière d'exploitation, l'union que nous leur avons donnée se retournera contre nous et ils nous jetteront à la mer à la première difficulté européenne. A " Sans doute ne voit-il là dans les colonisés que des enfants, mais étaient-ils nombreux, en 1912, ceux qui considéraient que, même dans les colonies, la "fraternité écrite sur tous nos murs" ne devait pas rester un vain motA ? Que Foucauld ait été un homme de son temps, nul ne songe à le nier. Il est toujours utile de détailler ce trait du personnage, et les contributeurs du présent ouvrage, notamment Jean-Louis Marçot et Jacob Oliel, ne s'en sont pas faute. Mais en faire un " ultraA " de la colonisation est absurde. Foucauld avait pourtant suscité quelques authentiques travaux d'historiens, qui depuis deux ou trois décennies ont répandu de lui une image plus complexe et plus humaine que l'icône assez plate accréditée jusque-là par les tâcherons de l'hagiographie. De portées et d'inspirations très diverses, tous ces travaux s'accordent au moins à reconnaître que, quels que soient par ailleurs ses titres à l'admiration et même à la ferveur, quelles que soient également les réserves qu'ils puissent susciter aujourd'hui, cet homme dont l'oeuvre linguistique est utilisée aujourd'hui encore par tous les spécialistes aura été une figure majeure des études berbères. Parmi tous ces travaux, une place particulière doit être faite à ceux du regretté Antoine Chatelard. C'est pourquoi, avec l'aimable autorisation de la revue qui l'avait d'abord publié, nous avons choisi de republier ici (sous sa forme d'alors) un texte datant de 1995 et qu'on doit tenir pour fondateur puisque c'est le premier texte où le travail linguistique de Foucauld ait fait l'objet d'une étude proprement scientifique. Mentionnons également, du même Antoine Chatelard, La mort de Charles de Foucauld (2000) ouvrage où, d'une part, il s'efforçait de reconstituer les circonstances de la mort de Charles de Foucauld et où, d'autre part, il jetait une intéressante lumière sur la façon dont la légende de " Foucauld martyrA " avait pu se construire. Mentionnons aussi par ailleurs le livre sobre et remarquablement documenté de Pierre Sourisseau (Charles de Foucauld. Biographie, Paris, Salvator, 2016), dont on regrette seulement que les travaux linguistiques de Foucauld et ses interrelations avec les Touaregs n'y ont peut-être pas tout à fait la place qu'elles mériteraient. L'article d'Antoine Chatelard est suivi ici de deux textes où Dominique Casajus a tenté de le prolonger sur un ou deux points, tandis que, de son côté, Aurélia Dussere s'est attachée au travail de Foucauld comme explorateur du Maroc et que Marc Franconie propose un commentaire de quelques-uns des croquis qu'il a dressés au cours de son voyage d'exploration ainsi qu'un aperçu de son travail de météorologue. Le volume s'achève par deux contributions, dues à Emmanuel Alcaraz et à Dominique Casajus, qui entendent donner un aperçu de l'image, souvent infondée, que certains milieux se font aujourd'hui de Charles de Foucauld. L'étude historique du " casA " Foucauld doit se poursuivre, et le dossier présenté ici veut être une contribution à ce cette tâche. Et, en historiens que nous essayons d'être, notre rôle n'est pas de déboulonner des statues, ni, du reste, d'en édifier. Et l'image parfois floue que nous avons essayé de recomposer n'est ni tout à fait noire, ni tout à fait blanche.

10/2022