Recherche

Maelstrom

Extraits

ActuaLitté

Poésie

Ultimatum

Paru en 1917, Ultimatum est le dernier poème que Fernando Pessoa écrit sous le nom d'Alvaro de Campos avant de plonger son hétéronyme dans un long silence qui prendra fin avec notamment la parution du célèbre Bureau de tabac en 1928. Dans ce réquisitoire féroce, Alvaro de Campos livre une charge violente contre son époque plongée dans la dégénérescence de la politique, de la religion et de l'art. "Epoque de laquais" dit-il, ravagée par la guerre qui déchire l'Europe, sur laquelle règne la médiocrité et la bassesse dans un "maëlstrom de thé tiède" . Dans un même élan, sont jetés à la poubelle de l'histoire aussi bien d'Annunzio que Bergson, Maeterlinck, Kipling, Yeats, Rostand, Shaw, Wells... mais aussi les révolutionnaires prolétaires, les eugénistes, les végétariens et plus généralement tout l'occident à qui est adressé cet Ultimatum sonore et salvateur contre une Europe en mal de vision, de poésie et de grandeur. "L'Europe en a assez de n'être que le faubourg d'elle-même" écrit Alvaro de Campos, qui réclame un Homère pour cette ère des machines qui le fascine, lui l'ingénieur mécanique et naval et qui en appelle à une ambition de civilisation nouvelle, certes "imparfaite" mais magnifique, une aspiration à la "taille exacte du possible" . Que l'homme soit à la hauteur de son époque qui ouvre sur des possibles infinis. C'est que l'humain n'a pas su adapter sa sensibilité à cette nouvelle ère de progrès et d'invention, et l'avatar de Pessoa d'en appeler à une adaptation artificielle, par un acte de "chirurgie sociologique" , visant à éliminer les acquis du christianisme : dogme de l'individualité et de l'objectivisme personnel. Dans un mouvement surprenant, Pessoa semble faire ici en creux l'éloge des hétéronymes - exhortant les poètes à passer de "je suis moi" à "je suis tous les autres" - tout autant qu'il en appelle à une esthétique nouvelle à l'opposé même des aspirations lyriques d'Alvaro de Campos à l'oeuvre dans ses Odes. Renverser les démocraties épuisées, désavouer la vérité philosophique, les convictions intimes, la liberté d'expression, au profit de l'expression d'une moyenne entre tous les hommes, prônant l'avènement fiévreux d'une "monarchie scientifique" , et d'une "humanité mathématique et parfaite" . Le regard tourné vers l'Atlantique, Alvaro de Campos adresse aux hommes et aux nations dans cet Ultimatum qui est son "chant du cygne" comme le souligne Pierre Hourcade dans sa préface, un "merde" tonitruant, provocateur, et profondément salvateur.

05/2023

ActuaLitté

Littérature française

L'homme deshumanise a la recherche de son coeur perdu

L'homme déshumanisé ou sur le point de l'être, est porté pour quelque temps encore, par la dernière salve d'un humanisme détourné, ses 3 valeurs "liberté égalité fraternité" n'ont plus la force de leur magie originelle unificatrice, pour redevenir unifiante, et donc opérante dans les esprits de nos contemporains. Cet humanisme devenu passéiste, se voit chahuter par une nouvelle doctrine appelée transhumanisme prônant de faire le grand saut de civilisation, alors que peu se sentent prêts à se convertir ou à devoir se sacrifier au vu d'une promesse de grand remplacement. L'homme se déshumanise avec son accord implicite, par son laisser faire ! Sommes-nous à la veille d'un retournement salutaire, ou bien à la veille d'une mutation sociale ? Le tableau brossé est-il si noir, ou seulement là, pour donner crédit à la thèse de la déshumanisation de l'homme, dont on ne peut nier l'évidence. Les jeunes générations refusent aux anciennes de "prendre en charge‘' leur passé, tel qu'elles voudraient le leur transmettre. Il y a là une scission de transmission, préjudiciable à la pérennisation de la condition de vie humaine, telle qu'humanisée jusqu'à présent, sauf à la reformater. L'homme aurait-il oublié qu'il avait un coeur ? L'entrisme de l'IA dans sa vie intime en plus de celle publique, et le transformisme annoncé, le perturbent. Ce post humanisme prépare sa déshumanisation, ne percevant pas qu'il pourrait bientôt être pris pour ‘'une machine biologique'' perdue au sein du maelstrom mondial submergé de lois et d'interdits, lequel ne prend plus le temps de le considérer comme un être vivant, plutôt comme un numéro fiché epsilon (le fameux E grec ! ) qu'il faudra améliorer, en tous cas modifier. Sans la reconquête de son coeur perdu, l'aidant à se rééquilibrer, l'humain court à sa perte, dévoré par ses technosciences lesquelles lui tiennent lieu de finalité. L'humanité lorsqu'elle ne vivra plus que d'expédients scientifiques et technologiques, tandis que submergée de bouches à nourrir et embarrassée par celles qui la dérangent, débouchant sur un vivre sans transcendance, courra inévitablement à déshumaniser ses membres, éliminant les faibles et les difficilement adaptables, amenant le rejet des humanismes vécus. Quels projets annoncés pour les remplacer et conquérir le futur ? Ce sera l'objet de mes Propos Saturniens. Outre l'équivalent d'un déluge ou de tout autre cataclysme, que des technosciences générées par des humains à leur demande, soient capables de tout détruire si l'homo dit sapiens décide d'en user contre son semblable homo sapiens, telle l'arme nucléaire, qu'une telle synchronicité se produise... et tout recommence ! Ressaisissons-nous !

04/2024

ActuaLitté

Sciences politiques

Démocratie, une anthologie

La démocratie est aussi vieille que la critique de la démocratie... mais, maintenant que la sacro-sainte démocratie s'est muée en religion (avec ses grands prêtres, ses dévots -? souvent bigots ? - et ses missionnaires, voire ses croisés, avec ses dogmes, ses superstitions et son catéchisme, avec ses rituels, ses prêches et ses excommunications), et donc en une redoutable "? machine de guerre ? " mentale à arrêter de penser (résister / rêver / inventer) (pour mieux continuer par ailleurs ses petites affaires sonnantes, trébuchantes et assujettissantes), il est urgent tout d'un coup de rappeler tout ce qui en fait un système politique consternant et une hallucination collective. Car le pire, en effet, serait de laisser le monopole de la critique de la démocratie aux activistes de la bêtise et du ressentiment, aux victimes de la haine de soi et de la peur de l'autre, aux amoureux de la mort et de la laideur volontaire. Car un démocrate qui n'ose pas s'ausculter dans le miroir est un allié objectif des ennemis déclarés de la démocratie. On retrouvera souvent le même type d'arguments, au long de cette petite anthologie. C'est que les défauts, les limites ou les contradictions de la démocratie sont constants, à travers l'Histoire et les continents, des présocratiques à Agamben, de Socrate au Comité invisible, d'Epicure à Sloterdijk, de la Terre de Feu à l'Alaska, du Kamtchatka au Pays de Galle. On lui reprochera toujours de préférer la stupidité des foules à la sagesse des élites, ou l'inverse. On pointera toujours sa corruption, soit par les élites, arrogantes et orgueilleuses, soit par la plèbe ignorante et cupide, guidée par les passions les plus viles, égoïsme, ressentiment, haine ou cupidité. On reprochera toujours aux premières de s'accaparer les richesses, comme l'instruction et la culture, ou de s'arroger l'apanage du savoir et du sensible, qui se partagent pourtant. On se plaindra toujours de l'ignorance et des bas instincts du peuple jaloux, envieux et violent, ou de sa complaisance obséquieuse envers ses propres oppresseurs. Les gens qui ne votent pas comme nous se trompent. Ils sont cons comme un ennemi qui croit que l'ennemi, c'est nous. Ca n'a pas d'importance ? : si la démocratie pouvait changer quelque chose, ça fait longtemps qu'on aurait supprimé les élections. Quand les détenteurs du pouvoir sont mécontents du peuple et de ses choix, il faut changer le peuple. Comme il est d'autant plus crédule et influençable qu'on le maintient dans l'ignorance et qu'on l'abrutit de travail, d'angoisses et de divertissements, c'est parfaitement possible. On aurait pu regrouper les citations par thèmes. On ne l'a pas fait. Dans nombre de ces extraits, on aurait tout aussi bien pu remplacer l'un par l'autre les termes "? peuple ? " et "? élites ? ", "? démocratie ? " et "? dictature ? ", ou n'importe quelle autre forme de gouvernement. On l'a fait, quelquefois, pour le plaisir de la démonstration. S'il est une chose qui nous est apparue nettement, au cours de ce long exercice de lecture et de copiste, c'est que ce qui triomphe sûrement, plèbe, peuple, élites ou bien despotes, intérêt collectif ou individuel, raison ou émotion, c'est la mauvaise foi. Il n'y en a pas moins chez les thuriféraires de la démocratie fétichisée que chez les zélateurs de l'élitisme despotique. Dans un tel contexte, la république et son président souverain apparaît, au mieux, comme un comble d'hypocrisie ? ; au pire, comme un compromis fangeux. Une politique trouve pourtant grâce à nos yeux, qui sait éviter les écueils de tous les systèmes et en conjuguer les vertus ? : la protodémocratie, politique du vide et de l'interruption, qu'on trouvera décrite dans "? Le Manifeste du Dégagisme ? " et "? Le Dégagisme du Manifeste ? ", des mêmes auteurs, aux éditions Maelström.

03/2024